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SPECTRA ANALYSE n° 244 Mai - Juin 2005
TECHNIQUE INSTRUMENTALE
DOSSIER BIOPHOTONIQUE
Imagerie
Gérald Brun, Maxime Jacquot, Isabelle Verrier, Colette Veillas*
LTSI Laboratoire Traitement du Signal et Instrumentation - UMR CNRS 5516 / Université Jean Monnet Saint-Etienne
10, rue Barrouin – 42100 Saint-Etienne - Tél. : 04 77 91 58 17 – Fax : 04 77 91 57 81 – E-Mail : [email protected]
Biophotonique : faisabilité d’un
dispositif de tomographie optique
de cohérence « temps-fréquence »
temps réel
Imagerie
Imagerie
RÉSUMÉ
L’analyse non invasive et optique (1, 2, 3) des tissus vivants en vue du diagnostic médical, du
suivi de traitement thérapeutique in vivo, de l’imagerie fonctionnelle ou structurelle des tissus est
aujourd’hui en grande expansion et pleinement complémentaire en regard d’autres techniques
d’imagerie médicale conventionnelle telles : la radiologie X, l’échographie ultrasonore ou
l’imagerie par Résonance Magnétique Nucléaire (IRMN). Loptique s’avère en eff et moins
traumatisante pour les tissus que les rayonnements X (en raison de l’absence d’ionisation induite
lors de la propagation des ondes lumineuses), plus résolvante que les ondes ultrasonores (en
raison des courtes longueurs d’onde mises en jeu, voisines ou inférieures au micromètre) et elle
s’appuie sur une instrumentation moins onéreuse que les dispositifs d’IRMN. Loptique présente
en outre l’avantage de bénéfi cier de l’évolution rapide des composants optoélectroniques et
d’être compatible avec les technologies d’endoscopie et de fi broscopie, autorisant le déport
de la sonde de mesure par rapport à son instrumentation (source, détecteur, unité de stockage
et de traitement de l’information). Parmi les techniques aujourd’hui largement étudiées et déjà
mises en œuvre par les praticiens, la tomographie optique de cohérence (Optical Coherent
Tomography ou OCT ) permet de réaliser des images hautes résolution dans de faibles
profondeurs de tissus en utilisant le principe d’une échographie optique consistant à sonder
point par point le milieu à analyser et à eff ectuer un balayage pour obtenir une image en coupe,
voire une image tridimensionnelle (4, 5, 6, 7, 8).
Bien qu’ayant conduit à des dispositifs de hautes performances, le principe d’analyse par
sonde locale associée à un balayage mécanique, s’avère préjudiciable au suivi des dynamiques
biologiques et à l’obtention d’une véritable imagerie temps réel. Nous proposons ici de valider
la faisabilité d’un système d’analyse reposant sur le principe de la tomographie optique de
cohérence, mais susceptible de fournir, en temps réel et avec une résolution latérale et axiale de
quelques μm, l’image tridimensionnelle fonctionnelle de tissus biologiques.
MOTS CLÉS
Tomographie optique de cohérence, interférométrie Spectrale, holographie temporelle
I - Position du problème, état de l’art
Les techniques OCT reposent sur une analyse
échographique des tissus biologiques ( gure 1,
page suivante). Une impulsion lumineuse, possé-
dant une extension spatiale de quelques micro-
mètres, est envoyée sur le tissu et les diff érents
échos recueillis en réfl exion sont porteurs d’infor-
mations structurelles sur le milieu de propagation
TECHNIQUE INSTRUMENTALE
36 SPECTRA ANALYSE n° 244 Mai - Juin 2005
DOSSIER BIOPHOTONIQUE
Figure 1
Echographie optique de la rétine réalisée par OCT. (http://eyephoto.ophth.wisc.edu)
τ e0
Signal d'entrée
t
t
e0
Milieu à caractériser
Trace échographique
Signal d'entrée
t
e
0
τ e
0
Milieu à caractériser
Trace échographique
t
τ e
0
Signal d'entrée
t
t
e0
Milieu à caractériser
Trace échographique
Figure 2
A) Echographie optique d’un milieu homogène limité par deux faces. Le signal recueilli présente deux échos séparés d’un délai proportionnel à la
distance séparant les deux faces. B) Echographie optique d’un milieu stratifi é. Le signal recueilli se présente sous la forme d’une distribution d’échos
lumineux plus ou moins retardés et aff aiblis en fonction de la pénétration de l’impulsion initiale dans le milieu. C) Echographie optique d’un milieu
fortement hétérogène.Le milieu est constitué de structures de petites tailles (cellules biologiques par exemple) pouvant induire des déviations
(diff usions) multiples des faisceaux à leur traversée de l’échantillon. Le signal recueilli va être fortement étalé en raison des parcours aléatoires des
faisceaux dans le milieu.
A) B) C)
Figure 3
Dualité entre la largeur spectrale de la source et la durée de la vibration émise.
NOTE
Les auteurs tiennent
à exprimer leur
reconnaissance et
leurs remerciements
à leurs collègues et
amis Luc Froehly
et Patrick Sandoz
du Laboratoire P.M.
Duffi eux, FEMTO-ST
de l’Université de
Franche-Comté pour
leur collaboration
et leurs suggestions
avisées.
dans lequel a voyagé la lumière. La fi gure 2 illustre
le principe de cette échographie optique sur des
exemples de complexité croissante.
Compte tenu de la vitesse de propagation de la lu-
mière voisine de dans le vide, il nest
pas possible de discriminer directement les échos
issus du milieu biologique en restant compatible
avec une exigence de haute résolution spatiale. En
eff et, à titre d’exemple, le délai séparant les échos
réfl échis par deux interfaces distantes de 3 µm est
de 10 fs inaccessible par les détecteurs convention-
nels. Il est alors cessaire de recourir à un dis-
positif permettant d’obtenir indirectement cette
mesure par l’intermédiaire de la fonction d’inter-
corrélation entre une impulsion de référence et le
signal issu de l’échantillon à caractériser.
Cette fonction est obtenue à partir d’un dispositif
interférométrique permettant d’assurer la super-
position cohérente des signaux de référence et de
mesure. Comme le milieu à analyser doit être sondé
par une impulsion lumineuse brève, l’interféromè-
tre est éclairé en lumière large bande spectrale. En
eff et, en vertu des propriétés de la transformation
de Fourier, la durée des impulsions est inverse-
ment proportionnelle à la largeur de la bande
spectrale de la source (voir gure 3). Ce critère est
important puisqu’il conditionne la résolution spa-
tiale et axiale du dispositif. Ainsi pour accéder
à une résolution axiale il est cessaire
d’utiliser des impul- sions de durée
( ) et donc de met-
tre en œuvre une source présentant une largeur
spectrale ou
De telles sources peuvent aujourd’hui être réa-
lisées par génération de supercontinuum de lu-
mière blanche obtenu à l’aide d’eff ets non linéaires
engendrés dans des fi bres optiques à cristal photo-
nique (voir gure 4, page suivante) éclairées par un
laser à impulsions brèves (nano ou pico seconde).
Afi n de réaliser la corrélation des signaux optiques
dans l’interféromètre, il convient de superposer de
manière cohérente les vibrations lumineuses is-
sues respectivement du bras de mesure et du bras
de référence. Deux approches sont utilisées : les
méthodes de type TDOCT (Time Domain Opti-
10
Δz=1 μm
Δν=1/Δτ = 0,3 GHz ou λ2
/Δz = 1000 nm (λ0 m)
0
Δτ = Δz/ c = 3 fs (c=3.10 8 m.s-1)
Δz
Δτ
Δν
Technique Instrumentale
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SPECTRA ANALYSE n° 244 Mai - Juin 2005
Faisabilité d’un dispositif de tomographie optique de cohérence
« temps-fréquence » temps réel
cal Coherent Tomography) et FDOCT (Frequency
Domain Optical Coherent Tomography).
Les techniques TDOCT permettent un enregis-
trement direct de la fonction d’intercorrélation
optique dans le domaine temporel. Il s’agit de réa-
liser la superposition cohérente de la trace écho-
graphie de mesure avec l’impulsion de référence
alors que cette dernière parcourt un trajet optique
variable obtenu en modulant caniquement le
bras de référence de l’interféromètre à l’aide d’un
miroir vibrant monté sur une cale piézoélectrique
(figure 5). La fonction d’intercorrélation issue de
cette mesure est d’autant plus proche du signal
échographique recherc que l’impulsion de dé-
part est temporellement étroite (assimilable à une
distribution de DIRAC). Les techniques FDOCT
permettent d’enregistrer le signal de corrélation
dans le domaine spectral. Le dispositif présenté
sur la figure 6 est la configuration classique de la
tomographie par interférométrie spectrale de type
FDOCT. Il s’agit en fait de réaliser la superposition
cohérente des deux signaux en les étalant spectra-
lement à l’aide d’un élément dispersif (prisme ou
réseau de diffraction). Le signal enregistré corres-
pond à la densité spectrale d’énergie de la fonction
d’intercorrélation de l’impulsion de référence et du
signal échographique de mesure. Une transforma-
tion de Fourier numérique permet de remonter à
la fonction d’intercorrélation.
Le dispositif dont nous présentons la faisabilité se
distingue des autres technologies d’OCT qui vien-
nent d’être crites par le fait qu’il est susceptible
de donner accès, en temps réel (traitement tout
optique), à une imagerie tridimensionnelle et à
l’information spectroscopique locale (x,y,z) à l’in-
térieur des tissus.
Figure 4
A) Exemple de fibre à cristal photonique.
B) Exemple de sources de lumière blanche par génération de
supercontinuum.
Figure 5
Montage classique d’imagerie par tomographie optique cohérente dans le domaine temporel.
Figure 6
Montage classique d’imagerie par tomographie optique cohérente dans le domaine spectral.
A)
B)
TECHNIQUE INSTRUMENTALE
38 SPECTRA ANALYSE n° 244 Mai - Juin 2005
DOSSIER BIOPHOTONIQUE
II - Objectif de l’étude et principe de
la mesure
La méthode que nous proposons, relève de con-
cepts similaires à ceux que nous venons d’exposer
et repose sur l’analyse de la réponse impulsionnelle
temporelle du milieu sondé. Cette dernière traduit
en eff et, en amplitude et en phase, la signature du
milieu et permet de remonter à des informations
structurelles sur ce dernier. Le dispositif de cor-
rélation est un interféromètre de Mach-Zehnder
dont la partie terminale assure la recombinaison
des faisceaux par l’intermédiaire de deux réseaux
de diff raction ( gure 7). Cest ce procéoriginal
de recombinaison, qui permet de réaliser la cor-
rélation des champs de référence et de mesure en
s’aff ranchissant de toute modulation mécanique
(9, 10, 11).
Le signal mesuré se présente sous la forme d’un
train d’impulsions exprimant en amplitude et en
phase les variations de chemins optiques ren-
contrées par l’onde lumineuse à sa traversée de
l’échantillon. Linformation obtenue décrit ainsi la
structure longitudinale (dans la direction de pro-
pagation du faisceau) de l’échantillon testé et ne
nécessite aucun mouvement mécanique dans le
dispositif expérimental.
Chaque bras de l’interféromè-
tre véhicule une onde de la forme :
caractérisée par une amplitude et une
phase , les indices et désignent res-
pectivement les phénomènes induits sur le bras de
référence ou sur le bras de mesure.
En sortie de l’interféromètre, chaque réseau diff rac-
te le faisceau lumineux qu’il reçoit selon un angle
régi par la relation de dispersion des réseaux :
, expression dans
laquelle désigne l’angle d’incidence sur chaque
réseau, la fréquence spatiale de chaque réseau
et la longueur d’onde de travail. Ainsi pour une
fréquence de la plage spectrale explorée, le
système recombine les ondes et véhicu-
lées par chacun des deux bras de l’interféromètre
en induisant un déphasage supplémentaire
aux réseaux de diff raction. Lintensité lumineuse,
mesurée à la fréquence , peut alors être expri-
mée par la relation suivante :
Expression dans laquelle et désignent
respectivement la partie réelle et le complexe con-
jugué de la quantité complexe .
Le déphasage induit par les réseaux
prend en compte l’an-
gle de diff raction obtenu pour la fréquence
de travail , ainsi que l’angle obtenu pour
la fréquence qui correspond à la confi gura-
tion du montage pour laquelle les deux faisceaux
émergeants sont confondus (teinte plate exempte
de franges d’interférences). L’intensité lumineuse
produit ainsi, pour chaque fréquence de la ban-
de spectrale explorée, un système de franges d’in-
terférences dont la périodicité dépend des valeurs
respectives des angles et , c’est-à-dire des
valeurs respectives des fréquences et .
Léclairement nal recueilli par le système d’ac-
quisition, constitué d’une caméra CCD reliée à un
système informatique, provient de la superposi-
tion cohérente des diff érents systèmes de franges
par sommation sur l’ensemble des fréquences de
la plage spectrale , des intensités lumineuses
précédemment calculées. Cet éclairement, obtenu
instantanément lorsque la source est à large spec-
tre, peut être exprimé sous la forme :
Cette relation peut encore être formulée de la maniè-
re suivante, en projetant dans un férentiel de coor-
données carsiennes l au détecteur :
Expression dans laquelle
représente un fond lumineux homo-
gène ; et
Figure 7
Corrélateur de champ.
Technique Instrumentale
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SPECTRA ANALYSE n° 244 Mai - Juin 2005
Faisabilité d’un dispositif de tomographie optique de cohérence
« temps-fréquence » temps réel
désignent respec-
tivement les enveloppes temporelles des ondes
et obtenues par transformation
de Fourier de ces deux fonctions; le symbole
représente l’opérateur de convolution sur la va-
riable le terme désigne un coefficient
issu de la configuration géométrique du montage
dépendant notamment de l’angle défini précé-
demment et de l’angle correspondant à la fré-
quence centrale de la plage spectrale explorée.
Ainsi, comme nous venons de le montrer, le dis-
positif permet de recueillir directement la trace de
corrélation, en amplitude et en phase, des deux si-
gnaux issus de l’interféromètre.
Cette formulation est semblable à celle obtenue
lors de la restitution d’un hologramme dans le ca-
dre de l’holographie spatiale conventionnelle
l’information de profondeur est codée dans la pha-
se dont l’obtention nécessite, pendant l’enregistre-
ment, la superposition du signal issu de l’objet avec
un signal de référence. Lors de la restitution, alors
que l’hologramme est éclairé par le signal de réfé-
rence, l’information issue de l’objet et enregistrée
dans l’hologramme, est corrélée avec le faisceau de
référence. Dans l’application que nous présentons
ici, nous travaillons sur une dimension temporelle
et non spatiale, mais nous avons conserl’ana-
logie avec l’holographie conventionnelle, en dési-
gnant la technique présentée sous le vocable d’ho-
lographie temporelle. Une première originalité de
cette méthode réside donc dans la recombinaison
des faisceaux à l’issue de l’interféromètre qui per-
met de s’affranchir de toute modulation sur le bras
de référence et donc d’accéder à une mesure dy-
namique en temps réel d’une trace similaire à celle
fournie par la tomographie optique de cohérence
dans le domaine temporel (TDOCT). Par ailleurs,
l’étude de faisabilité, réalisée avec un laser à colo-
rant accordable en longueur d’onde, a aussi permis
d’enregistrer les informations spectrales, et a ainsi
permis de comparer les possibilités offertes par le
dispositif sous l’aspect temporel et sous l’aspect
spectral. Cette étude a été réalisée à partir de piles
d’interférogrammes ouvrant de nombreux degrés
de liberté dans le traitement des informations re-
cueillies (figure 8).
Lacquisition, pour chaque longueur d’onde de la
plage spectrale explorée, de systèmes de franges
spatiales conduit à la constitution de piles d’inter-
férogrammes intégrant deux dimensions spatiales
et une dimension spectrale comme l’illustre la fi-
gure 8. Lobjectif étant d’obtenir une image tridi-
mensionnelle de la surface d’onde après traversée
du milieu sondé, divers modes opératoires sont
possibles pour recueillir l’information pertinente.
En premier lieu, il est possible d’utiliser le dispositif
d’une manière totalement conforme au fonction-
nement de la tomographie optique de cohérence
dans le domaine temporel. Selon cette méthode,
l’échantillon peut être éclairé soit ponctuellement
(imposant alors un double balayage transversal de
la cellule de mesure) soit selon une ligne (permet-
tant alors de profiter pleinement du caractère bidi-
mensionnel de la matrice CCD et évitant ainsi une
direction de balayage transversal). Les différents
systèmes de franges spatiales sont sommés pour
reconstruire les zones de corrélation qui compor-
tent les informations structurelles sur la dimension
longitudinale de l’échantillon. Il est ainsi possible
de reconstruire une coupe longitudinale de l’objet
(voir figure 9 A).
Le deuxième mode opératoire consiste à utiliser le
champ de la caméra pour enregistrer directement
une image bidimensionnelle spatiale et transversa-
le de la cellule de mesure et, pour chaque pixel de
la caméra, recueillir un interférogramme spectral
fournissant l’information de profondeur au point
considéré (localisé par le pixel de la caméra dans
le champ de l’image bidimensionnelle) (voir. figure
9 B). Ces deux approches (que nous nommerons
protocoles 1 et 2 respectivement) consistent donc
à traiter de manière différentes les mêmes piles
d’interférogrammes. Dans les deux cas, et pour
cette étape de faisabilité, il est nécessaire de pro-
Figure 8
Piles d’interférogrammes
Figure 9 A
Premier protocole
opératoire
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