Génétique, Didier DEVYS MEYER Cours du 11.10.2012 de 16h30 à 18h30 Raphaëlle Maladies à polyglutamines : chorée de Huntington et Ataxies dominantes Mécanismes moléculaires des maladies neurodégénératives par expansions de polyglutamines Les maladie neurodégénératives par expansions de polyglutamines sont des pathologies caractérisées par des mutations particulières : des expansions instables de triplets nucléotides On en distingue 2 types : Expansions dans les séquences non codantes : ◦ Syndrome de l’X fragile (retard mental) Expansions de triplets nucléotides CGG dans la région 5’ UTR (région avant le codon initiateur AUG) 5 à 50 répétitions chez l'individu normal Conséquences variables de 50 à 200 répétitions Pathologie pour plus de 200 répétitions Conséquences de la mutation : abolition de la transcription du gène ◦ Ataxie de Friedreich Répétition de GAA dans l’intron d’un gène entraînant une réduction du transcrit et donc perte de fonction partielle du gène portant cette mutation ◦ Dystrophie myotonique ou maladie de Steinert Expansions CTG dans la région 3’ UTR (en aval du codon STOP mais avant en amont terminaison de la traduction (la séquence est transcrite mais pas traduite)) d'où une accumulation des ARNm qui lie des protéines liant ces séquences de la région 3' UTR. Ces protéines liant CUG sont donc « trappées » Répétition de trinucléotides dans la séquence codante Répétition de CAG (triplet qui code pour la glutamine) d'où répétition de glutamine dans la protéine 5 à 35 répétitions chez l'individu normal Page 1 sur 12 En cas de pathologie la taille des expansions reste modérée : classiquement jusqu’à 100 triplets CAG On parle de maladies neurodégénératives par expansion polyglutamines ◦ Maladie de Huntington La plus fréquente maladies neurodégénératives par expansion polyglutamines Expansion dans le gène de la protéine huntingtine Transmission autosomique dominante ◦ Syndrome de Kennedy Transmission récessive liée à l’X ◦ Syndrome DRPLA (extrêmement rare) ◦ Ataxies spin-cérébelleuses dominantes De plusieurs types Pour information : Maladie de Huntington Transmission autosomique dominante Débute chez l’adulte vers 30-40 ans en général. Il existe également des formes juvéniles qui se déclarent avant 20ans, ces formes concernent 10% des patients. Évolution progressive Pas de traitement donc létal à terme Neurodégénérescence dans le striatum cérébral (a la base du cerveau, constitué du noyau caudé et du putamen) qui joue un rôle important dans le contrôle des mouvements volontaires Au début de l’atteinte mort neuronale striatum prédominante Plus tard on voit une expansions à d’autres systèmes neuronaux Symptômes Page 2 sur 12 ◦ Mouvement involontaires spontanés touchant toutes les parties du corps, de plus en plus important en amplitude et en territoires concernés au fur & à mesure de l'évolution de la maladie. Ce sont des mouvements de type choréique, d'où le nom de chorée de Huntington ◦ Troubles psychiatriques : dépression ou apathie sévère ◦ Pertes des fonctions cognitives A terme les patients sont donc déments et grabataires. Arbre généalogique de la famille qui a permis d’identifier le gène, typique d'une transmission autosomique dominante (prévalence équivalente dans les deux sexes, une chance sur deux de transmettre la pathologie à sa descendance) : Maladie à déclaration tardive, le patient a donc souvent déjà eu des enfants lui-même lorsqu'il se découvre malade. Génétique moléculaire Travail de liaison génétique : On s'est demandé quels sont les chromosome et loci affectés, quel est le gène muté et on a cherché à identifier la mutation. Tous les patients ont la même mutation : une expansion instable de triplets CAG dans le gène HTT de la protéine huntingtin. - Individus normaux : < 35 CAG Chez les patients non pathologiques 99% ont 10 à 29 CAG ; 1% ont de grands allèles normaux : 30-35 CAG. Pour ceux-ci il existe un risque d’apparition d’allèle pathologique sur la descendance par instabilité. Ce risque est accru sur une transmission paternelle. - Patients : 36-100 CAG (exceptionnellement plus) 36-39 CAG : pénétrance incomplète, âge de déclaration plus tardif Corrélation entre la sévérité de la maladie et la taille de l’expansion CAG Courbe de corrélation entre le nombre Page 3 sur 12 de triplets CAG & l'âge d’apparition de la maladie La majorité des patients ont des expansions de petite taille Au delà de 60 triplets : formes graves juvéniles de la pathologie Expansion instable lors de la transmission = possibilité de modification de la taille de l’expansion lors des transmissions Le plus souvent ces instabilité mènent à une augmentation du nombre de répétitions, une diminution étant beaucoup plus rare Biais paternel : augmentation de l’instabilité sur les cellules germinales mâles. De la l'instabilité est surtout importante sur la transmission paternelle Cause inconnue de l’instabilité, probablement phénomènes lors de la spermatogenèse Expérience : comparaison de la taille de la répétition dans les leucocytes (référence) & dans le sperme. Selon les individus, hétérogénéité importante dans le nombre de CAG dans les cellules germinales. Phénomène d’anticipation : la sévérité de la maladie a tendance à augmenter au fur & à mesure des générations successives (encore une fois instabilité +++ sur transmission paternelle) Diagnostic direct : amplification de la répétition CAG par PCR fluorescence On désigne des amorces de part et d’autre de la répétition. Mesure de la taille des répétitions par un séquenceur d’ADN = analyseur de fragments Pas de mutation : exclusion de la suspicion de Huntington Utilisation : ◦ Diagnostic de validation dans une famille à risque ◦ Diagnostic pré-natal (DPN) : recherche de la mutation sur les villosités choriales ou les amiocytes. Lorsque un parent est malade ou diagnostiqué en analyse pré-symptomatique ◦ Diagnostic pré-implantatoire (DPI) : pour un couple à risque, analyse sur une cellule d'embryon obtenu par FIV, avant implantation dans l'utérus de la mère MAIS le plus souvent réalisé par diagnostic indirect d'exclusion ◦ Diagnostic pré-symptomatique : uniquement chez les personnes majeures, sous conditions : rencontre avec un psychiatre, un généticien et un neurologue. La majorité du temps ce diagnostic est réalisé sur une personne à risque qui souhaite avoir des enfants dans l'optique d'un DPN ou d'un DPI. Comme il n'existe pas de traitement le diagnostic en dehors de ces conditions n'a pas vraiment d’intérêt. Diagnostic indirect d’exclusion Par des marqueurs polymorphiques situés à proximité du gène HTT Réalisé dans le cadre d'un DPI pour des couples avec un arbre généalogique à risque, pour être sûr que l'enfant soit normal sans pour autant connaître le statut du parent qui Page 4 sur 12 pourrait être en phase pré-symptomatique (car si on analyse par PCR et que l'on a un diagnostic positif sur le fœtus, on sait que le parent est nécessairement atteint, alors qu'il ne veut pas forcément avoir cette information). Partons d'un exemple où l'on connaît le statut génétique des membres de la famille Femme vectrice, sœur atteinte, transmission par le père. On utilise des marqueurs informatifs On voit que le chromosome avec l'allèle à l’état 2 porte la mutation pathologiques L'étude et réalisée jusqu'au niveau des grands parents de l'embryon à implanter Mise en pratique : On ne connaît pas le statut de la mère On repère les marqueurs informatifs du chromosome responsable de la transmission (grand père des embryons) Le chromosome qui vient de la grand-mère n’est pas malade, donc implantation uniquement des embryons qui porte le chromosome d’origine grand-maternelle, le grandpaternel ayant un risque de Huntington. Principes de base du diagnostic indirect d’exclusion : Basé sur l’identification des allèles du grand-parent atteint Élimination des embryons possédant un des allèles du grand-parent atteint Page 5 sur 12 Mécanismes moléculaires des maladies à polyglutamines Mutation gain de fonction L'expansion de polyglutamines est une mutation de type gain de fonction → Arguments en faveur de ce type de mutation : Arguments génétiques : ◦ Mutation unique, toujours de même type (dans le cas d'une mutation perte de fonction plusieurs mutations (différents types ou différents loci) peuvent aboutir au même résultat) ;transmission dominante ◦ Comparaison SBMA et Syndrome du testicule féminisant : ▪ SBMA : expansion polyQ sur le gène du récepteur aux androgènes ; dégénérescence des motoneurones ; amyotrophie spino-bulbaire (surtout sur les ceintures) ▪ Syndrome du testicule féminisant : mutation perte de fonction sur le récepteur aux androgènes ; individus 46XY de phénotype féminin → Deux types de mutation sur un même gène, effets totalement différents Arguments biochimiques : Souris knock-out (KO) sur le gène HTT : mort embryonnaire Expression normale du gène HTT rétabli la viabilité, tout comme l'expression gène HTT polyQ → maintien de la fonction initiale par les gènes mutés en gain de fonction Invalidation d’un gène chez la souris par recombinaison homologue Page 6 sur 12 Prélèvement de cellules souches embryonnaires de souris : sur des blastocystes de souris, cellules de la masse cellulaire interne Isolement d’un fragment de gène qui nous intéresse Introduction d’une cassette qui code pour la résistance à la néomycine Construction interrompant le gène d’intérêt pour empêcher son expression Pénétration pas électrophorèse dans les cellules ES Recombinaison homologue entre le gène normal et la construction dans les cellules ES → cellules génétiquement modifiées Peu de cellules ES recombinent → sélection par la néomycine, les clones résistant à la néomycine sont ceux pour lesquelles il y a eu recombinaison homologue Cellules ES injectées dans des blastocystes, implantation chez une mère porteuse (souris pseudogestante ayant été stimulée par la copulation avec un mâle vasectomisé) Souris chimère de première portée Souris hétérozygotes qu’on croise avec des souris normales → Souris homozygotes, invalidées pour le gène d’intérêt Spécificité de dégénérescence neuronale Symptômes variés dans le cadre des pathologies à chaînes polyQ → Pourquoi telle ou telle structure est atteinte ? Il existe une spécificité de dégénérescence ! Hypothèses : Gènes ubiquitaires (dans le cerveau & dans d’autres tissus) mais dégénérescence Page 7 sur 12 uniquement neuronale → Pas d’explications par le profil d’expression Différence de la taille de répétition dans les différentes populations neuronales mais ses variations sont identiques quelque soit la pathologie considérée Modification d’une interaction spécifique : cette interaction serait perdue de par la chaîne polyQ ou alors il y aurait création de cette interaction dans les cellules cibles pas d’explications au profil de dégénérescence neuronale Remarque : Pour des expansions de grande taille il y a perte du profil de dégénérescence, Particularités des mutations dans les maladies à polyglutamines Plus de 35-40 triplets CAG → toujours pathologique (sauf exception) Corrélation gravité – expansion toujours présente (selon les pathologie proportionnalité ou proportionnalité inverse) Variabilité de sévérité toujours présente Dans toutes ces pathologies le problème est la chaîne polyQ mais suivant la protéine l’effet va être variable Gènes affectés avec des fonctions très différentes les unes des autres Ex : HTT → protéine cytoplasmique ; SBMA → récepteurs aux androgènes, Page 8 sur 12 nucléaires Clivage des protéines à expansions polyglutamines Expérimentations : Caractérisation de souris modèles de la maladie de Huntington On a essayé de modéliser la maladie de Huntington par recombinaison en intégrant une expansion CAG (souris knock in), sans effets. Comme nous sommes dans le cas d'une maladie dominante par gain de fonction on a produit des souris transgéniques de modèle Réalisation de souris transgéniques A un stade précoce de développement (où pronucléus mâle et femelle sont encore séparé) on réalise une micro injection de l'ADN à intégrer et on introduit de cette façon une construction dans le génome. Construction : promoteur, séquence codante de gène avec séquence polyglutamines (cette séquence est obtenue à partir d'un ARNm, reverse transcription, introduction dans un oligoDT, amplification par PCR → uniquement la séquence codante de gène) On a réalisé ces souris transgénique avec des constructions intégrant un promoteur fort, des expansions longues mais on voit que cela ne fonctionne toujours pas bien pour modéliser la maladie de Huntington. On a alors découvert (par accident) que si on veut augmenter le toxicité des protéines à Page 9 sur 12 polyglutamines il faut : Le plus de protéines possible La plus longue chaîne polyG La protéine la plus petite possible (or HTT est une grande protéine ) Explication : Chez les protéines à polyQ il y a un clivage de cette protéine qui libère un fragment contenant la chaîne poly-Q et c'est uniquement ce fragment qui est toxique pour les neurones Agrégation des expansions polyglutamines et inclusion nucléaire On réalise un marquage par immunohistochimie contre le fragment contenant l'expansion polyQ de le huntingtin : inclusion nucléaire de ce fragment. Il vient s’accumuler en agrégat dans le noyau de la cellule → Inclusions nucléaires dans les cerveaux des patients Les agrégats protéiques nucléaires (même phénomènes pour la maladie de Parkinson) entraînent la dégénérescences des neurones. NB : Dans la maladie d'Alzheimer c'est le même type de phénomène mais les agrégats de bêta-amyloïdes se font dans le cytoplasme On observe la formation de fibrilles par les protéines recombinantes polyQ. On parle d’inclusions fibrillaires amyloïde-like : accumulation de protéines formant des feuillets bêta (oligomères non covalents) liés entre eux par des liaisons hydrogènes, qui ont un profil de diffraction caractéristique aux rayons X et qui sont colorée par le rouge Congo et la Thioflavine. Pourtant le rôle des inclusions visibles dans la toxicité est remis en question par des expériences (pas de proportionnalité toxicité – degré d'inclusions visibles évidente). On pense que la toxicité vient probablement de structures intermédiaires dans le processus de fibrillation : oligomères et protofibrilles. Il existe aussi possiblement un rôle protecteur possible des inclusions microscopiques. Recrutement des systèmes de contrôle des protéines Recrutement des protéines chaperons Système ATP-dépendant, Dirigent le repliement des protéines de manière importante Système ubiquitine-protéasome ◦ Ubiquitine : polypetide de 76 aa, liaison covalente aux protéines (sur lysine) Système enzymatique : E1 : activation ; E2 : conjugaison ; E3 = ubiquitine ligase ◦ La polyubiquitinilation est signal reconnu par le protéasome, sur sa région Page 10 sur 12 régulatrice 19S. Passage dans un canal du protéasome où différents types de protéases qui clivent la protéine ◦ → Destruction ciblée d’une protéine particulière ◦ Couples E2-E3 qui reconnaissent spécifiquement certains substrats ◦ Rôle dans : le cycle cellulaire, le contrôle de qualité des protéines Marquage par polyubiquitinilation des agrégats polyQ entraîne un adressage au protéasome. Mais les expansions polyQ ne peuvent pas être dégradé par le protéasome. Les protéine polyQ sont donc reconnues comme anormales par les système de contrôle de qualité. Les protéines chaperons interviennent pour tenter de donner une conformation normale à ces protéines (refolding des protéines) et il y a tentative de dégradation par le protéasome Ces mécanismes sont inefficaces sur ces protéines particulières, d'où l’accumulation et l’agrégation dans les noyaux. La surexpression des protéines chaperonnes permet de supprimer les formations d’agrégats, avec donc une diminution de la toxicité des polyQ. Pour conclure : les différents effets des expansions polyglutamines Page 11 sur 12 Page 12 sur 12