Programme de déjudiciarisation à l’intention des adultes 1997-05 Par Joan Nuffield, Ph.D. Les opinions exprimées sont celles de l’auteur et n’engagent pas le ministère du Solliciteur général du Canada. Le présent document est disponible en anglais sous le titre Diversion Programs for Adults. Il se trouve également au site Internet de Solliciteur général Canada à l’adresse http://www.sgc.gc.ca Travaux publics et Services gouvernementaux Canada No de cat.: JS4-1/1997-5F ISBN : 0-662-82426-1 SOMMAIRE Le présent document passe en revue des programmes évalués mis sur pied pour soustraire les délinquants adultes de la procédure pénale traditionnelle. Structuré en fonction de l’étape du processus pénal à laquelle la mesure de déjudiciarisation est prise, il porte principalement sur les efforts de déjudiciarisation déployés dans le cadre de programmes. Comme les évaluations de la déjudiciarisation des adultes sont rares, nous avons exposé certaines conclusions tirées de documents concernant les jeunes contrevenants. Nous avons par ailleurs examiné certaines idées émanant d’autres instances en vue de leur mise en pratique éventuelle au Canada, lesquelles n’ont pas toujours fait l’objet d’évaluations. Bien que le nombre d’évaluations rigoureuses dans ce domaine soit peu élevé, il en ressort plusieurs constatations, qui corroborent les conclusions de documents portant sur les jeunes. Selon certaines études, il arrive que des délinquants “déjudiciarisés” par l’entremise d’une procédure officielle de la police, bien que n’ayant jamais été arrêtés, en raison de l’existence d’une procédure officialisée, se retrouvent avec un dossier à leur nom faisant état des contacts avec la police, qui les suivra. Les délinquants déjudiciarisés après la mise en accusation ont de meilleures chances de voir leur cas « classé » après avoir suivi avec succès le programme. Toutefois, comme l’indiquent des études faisant appel à un groupe témoin, un nombre important de délinquants déjudiciarisés à cette étape n’auraient pas fait l’objet de poursuites judiciaires, d’une condamnation ou d’une peine importante si leur affaire avait suivi le cours normal de la justice. Il appert plutôt que les tentatives visant à officialiser le pouvoir discrétionnaire en matière de déjudiciarisation ont tendance à “élargir le filet” du contrôle social. La déjudiciarisation donnera souvent lieu à une intervention plus longue et plus intensive auprès du délinquant que la démarche plus traditionnelle. Dans l’ensemble, les programmes de déjudiciarisation sont vus comme une “chance” que l’on offre aux délinquants primaires, aux jeunes, aux personnes soupçonnées ou accusées d’infractions mineures et à ceux qui présentent peu, voire pas de risque ultérieur. Et c’est de cette façon qu’ils sont utilisés. Lorsque l’infraction peut être difficile à prouver devant un tribunal, son auteur semble également avoir plus de chances d’être déjudiciarisé, et il en va de même pour les délinquants atteints de troubles mentaux. La déjudiciarisation semble être moins indiquée pour les délinquants qui n’entrent pas dans ces catégories. À l’étape de la détermination de la peine, les efforts visant à déjudiciariser les délinquants qui, de toute évidence, risquent d’être condamnés à une peine d’emprisonnement, se heurtent également à la difficulté de repérer les délinquants qui vont vraiment être condamnés à l’emprisonnement, d’obtenir pour eux des services qui feront une différence dans la détermination de la peine i et de convaincre les juges que leur infraction, malgré sa gravité, ne devrait pas donner lieu à un emprisonnement. Des délinquants ayant commis une infraction grave dont le projet de sanction communautaire est rejeté par le juge risquent de se voir infliger une peine plus grave que si aucun projet n’avait été présenté. Cependant, certains faits portent à croire que la déjudiciarisation à l’étape de la détermination de la peine pourrait avoir une influence favorable sur les chances de certains délinquants de se voir infliger une sanction communautaire. Nombre de programmes de déjudiciarisation se sont heurtés à des problèmes courants dans toute intervention correctionnelle, en ce sens que la mesure peut ne pas convenir à une proportion importante du groupe de clients, ne pas être mise en oeuvre convenablement et ne pas avoir d’incidence dans les domaines où elle devrait en avoir. Les quelques études qui ont comparé le taux de récidive des délinquants déjudiciarisés avec celui d’un groupe témoin pertinent n’ont généralement relevé aucune différence significative. L’amélioration des connaissances en criminologie en ce qui a trait à l’élaboration de programmes efficaces pourrait accroître l’efficacité ultérieure des programmes de déjudiciarisation. Rien dans les écrits sur la question n’a étayé les attentes selon lesquelles les programmes de déjudiciarisation réduiraient les frais de justice pénale. La plupart des programmes ne touchent qu’un très petit nombre d’affaires criminelles, et certaines études ont démontré que les délinquants déjudiciarisés comparaissaient autant de fois devant un tribunal que les délinquants du groupe témoin. Aucun programme de déjudiciarisation n’a réussi à réduire les dépenses du système de justice. Au contraire, selon certaines études, la déjudiciarisation pourrait même accroître la charge de travail de la justice et être plus coûteuse que la solution traditionnelle. Selon des études sur le recours à l’incarcération dans différents pays, ce ne sont pas les taux de criminalité qui expliquent la différence dans les taux d’incarcération. Bien que certains facteurs comme le chômage et l’opinion publique puissent influer sur les taux d’incarcération, c’est la politique intérieure d’un pays en matière de justice pénale qui constitue le facteur déterminant du recours à l’emprisonnement. Par conséquent, le Canada est en mesure d’influer sur les tendances actuelles du recours à l’incarcération et à d’autres sanctions pénales. ii TABLE DES MATIÈRES SOMMAIRE ..................................................................................................................................................I PARTIE I. INTRODUCTION.................................................................................................................... 1 OBJECTIFS DE LA DÉJUDICIARISATION...................................................................................................... 1 ÉVALUATION DE LA DÉJUDICIARISATION DES ADULTES ........................................................................... 3 PARTIE II. DÉJUDICIARISATION AVANT LA MISE EN ACCUSATION ..................................... 6 MISE EN ACCUSATION ANALYSE ............................................................................................................. 9 DÉJUDICIARISATION DES MALADES MENTAUX........................................................................................ 10 PARTIE III. AJOURNEMENT DE LA POURSUITE .......................................................................... 13 SE PRÉVALOIR DES PROCÉDURES : UN COMPLÉMENT OU UNE ÉTAPE OBLIGATOIRE? .......................... 23 AUTRES FACTEURS À PRENDRE EN CONSIDÉRATION ............................................................................... 25 AJOURNEMENT DE LA POURSUITE : EXAMEN .......................................................................................... 26 PROGRAMMES DE MÉDIATION ET D’ARBITRAGE..................................................................................... 27 TRIBUNAUX AXÉS SUR LE TRAITEMENT DES TOXICOMANES ................................................................... 29 PARTIE IV. DÉJUDICIARISATION AU STADE DE LA DÉTERMINATION DE LA PEINE..... 30 STRATÉGIES DE PLANIFICATION DES SOLUTIONS DE RECHANGE À L’IMPOSITION D’UNE PEINE ........... 30 ORDONNANCES DE SERVICES COMMUNAUTAIRES .................................................................................. 35 CENTRES DE FRÉQUENTATION DE JOUR .................................................................................................. 37 PARTIE V. PROGRAMMES POSTINCARCÉRATION..................................................................... 38 SOLUTIONS DE RECHANGE À L’INCARCÉRATION DES JEUNES AU MASSACHUSETTS ............................. 39 PARTIE VI. IDÉES PROVENANT D’AUTRES PAYS......................................................................... 40 POLITIQUE EN MATIÈRE CRIMINELLE ET POPULATIONS INCARCÉRÉES................................................. 44 PARTIE VII. SOMMAIRE ET CONCLUSION .................................................................................... 46 BIBLIOGRAPHIE...................................................................................................................................... 49 Programmes de déjudiciarisation à l’intention des adultes PARTIE I. Introduction Le présent document porte sur les programmes destinés à soustraire des délinquants adultes de la procédure pénale traditionnelle, qui ont fait l’objet d’une évaluation. Pour les besoins de l’examen, on a défini la “déjudiciarisation” en des termes généraux, soit dans son emploi le plus courant (le recours à un processus de sélection qui a lieu après la mise en accusation afin d’éviter la poursuite de tous les délinquants). La définition englobe aussi toutes les mesures prises avant la mise en accusation et le non-recours à des interventions plus intrusives, comme l’incarcération ou la révocation de la liberté conditionnelle, à la suite d’une condamnation. La déjudiciarisation fait partie depuis toujours du paysage de la justice pénale puisque, à quelques exceptions près, l’exercice du pouvoir discrétionnaire est autorisé, voire même encouragé, à la plupart des étapes de la procédure judiciaire. Toutefois, dans notre étude, nous nous attacherons surtout aux efforts particuliers, ayant fait l’objet d’une évaluation, dont le but était de réduire la prise en charge par la justice d’un groupe ciblé de personnes dont le cas est porté à l’attention du représentant de la justice. Nous avons exclu de notre examen les comptes rendus purement descriptifs de projets de déjudiciarisation des adultes pour nous concentrer sur des initiatives axées sur les programmes. Le rapport porte donc uniquement sur les études de programmes évalués de déjudiciarisation des adultes qui visaient à répondre aux besoins des délinquants et à évaluer les risques qu’ils représentent. Nous n’avons n’a donc pas tenu compte des autres formes de châtiments infligées dans la collectivité (comme l’”incarcération choc” et les camps de type militaire de courte durée) ni des solutions de nature purement restrictive (comme la détention à domicile et la surveillance électronique). Objectifs de la déjudiciarisation Au fil des ans, les initiatives de déjudiciarisation ont été assorties de plusieurs objectifs différents. Selon Palmer (1979, p. 14), en général, la déjudiciarisation vise cinq objectifs : 1) éviter l’ostracisme négatif et la stigmatisation; 2) réduire le contrôle social inutile et la coercition; 3) réduire le taux de récidive; 4) fournir des services (aide); et 5) réduire les coûts du système de justice. D’autres analystes les ont détaillés ou en ont ajouté d’autres comme mettre fin à l’imposition injuste de sanctions graves à des personnes déjà défavorisées sur le plan social, éviter le lourd impact criminogène de la prison en particulier; informer les décideurs et leur proposer une gamme de solutions de rechange parmi lesquelles ils peuvent 1 arrêter leur choix, offrir une justice plus satisfaisante aux victimes et aux collectivités, et s’attaquer aux facteurs sociaux, économiques et personnels associés à la criminalité, au lieu de s’en tenir à des solutions souvent axées sur la punition. Selon Palmer, bien que ces objectifs soient ambitieux, ils ne sont pas nécessairement pertinents. Decker (1985, p. 208) laisse entendre qu’en raison de la multiplicité des objectifs, d’un mauvais classement des priorités et d’objectifs concurrents, de nombreux programmes de déjudiciarisation risquent de produire des résultats allant à l’encontre du but visé. Ces problèmes seront à nouveau soulevés dans les études passées en revue dans le présent examen. Souvent, les objectifs concurrents sont cités comme principal problème. Par exemple, l’objectif visant à fournir une aide aux accusés peut aller directement à l’encontre de l’objectif visant à réduire les coûts du système et l’ostracisme. En outre, les discussions sur l’”élargissement du filet” dans les documents soulignent souvent le besoin d’établir la priorité des divers objectifs. Par exemple, le désir du personnel responsable de la déjudiciarisation et de la justice pénale de voir les délinquants participer à des programmes susceptibles de les aider à ne pas retomber dans la criminalité peut aller à l’encontre de l’objectif visant à réduire l’emprise du contrôle social et des “filets” d’intervention. Il vaut également la peine de préciser que dans les années qui ont suivi l’engouement initial pour la déjudiciarisation comme prévu par Palmer, de nombreuses instances ont observé un changement marqué dans les dimensions du débat sur les “solutions de rechange”. À la fin des années 1960 et au début des années 1970, le bien-fondé de la véritable déjudiciarisation (sélection, sans autres conséquences) par rapport à la déjudiciarisation “conditionnelle” (programme différent du traitement traditionnel) a fait l’objet d’une vive controverse. Par contre, la fin des années 1970 a marqué le retour aux traditionnels cycles innombrables de réformes libérales et conservatrices de la justice pénale. Pendant cette période, la grande question était plutôt de déterminer s’il fallait resserrer et durcir les éléments du système de justice en place ou permettre à un grand nombre de jeunes contrevenants ou délinquants adultes d’y échapper. Actuellement, le débat sur les solutions de rechange aux États-Unis en particulier porte sur la probation intensive, l’”incarcération choc”, la surveillance électronique, la probation à laquelle s’ajoute l’obligation de se présenter quotidiennement à des centres et de se soumettre à un dépistage quotidien de la consommation de drogues, et la libération conditionnelle, sans compter la détention à domicile. Ces formes de châtiments intermédiaires et d’autres réformes ont pratiquement monopolisé le milieu des services correctionnels 2 communautaires américains, au point que la déjudiciarisation et les solutions de rechange sous forme de programmes font l’objet de moins de recherche qu’il y a vingt ans. Évaluation de la déjudiciarisation des adultes Il y a 20 ans, quand l’engouement pour la déjudiciarisation était à son comble en Amérique du Nord et ailleurs, les premiers examens des documents de recherche et d’évaluation déploraient souvent le peu de recherche auprès de groupes témoins dans ce domaine. Mullen (1975, p. 1) déplore le fait que l’enthousiasme pour la déjudiciarisation a pris de l’ampleur sans que cette pratique ait été étayée par des études d’évaluation. Ainsi, selon lui, un examen des études d’évaluation de la déjudiciarisation constitue en grande partie un commentaire dans le vide. Les années ont passé, mais ces propos sont encore valables. On compte sur les doigts de la main le nombre d’évaluations rigoureuses et exhaustives de la déjudiciarisation des adultes (ou même des jeunes) qui analysent les grandes questions qui intéressent les décideurs et les spécialistes des programmes. Cette situation s’explique en partie par la baisse rapide du nombre de projets de déjudiciarisation contrôlée au cours de la deuxième moitié des années 1970 et par le financement accru et l’attention soutenue accordés aux programmes destinés à exercer un plus grand contrôle sur les délinquants. La plupart des “évaluations” se limitent à une simple description du processus et de la charge de travail dans le cadre du programme. Ce genre d’études ne nous permet pas d’évaluer nombre des questions clés que soulève la déjudiciarisation car elles ne font appel à aucun groupe témoin ni à aucune autre méthode permettant de comparer ce qui s’est passé après le recours à un programme de déjudiciarisation avec ce qui se serait passé si on n’y avait pas eu recours. Ainsi, elles ne peuvent répondre à l’une des questions les plus importantes liées à la déjudiciarisation, à savoir : le délinquant qui a été soustrait à la procédure pénale traditionnelle aurait-il connu un sort bien différent si la justice avait suivi son cours? Prenons un autre exemple : le taux de récidive des délinquants déjudiciarisés peut sembler élevé ou non; l’intérêt serait de savoir si un groupe comparable de délinquants ayant suivi la voie traditionnelle s’en est mieux ou moins bien sorti. Certaines évaluations décrivent différentes modalités de traitement et de déjudiciarisation et comparent leur taux de réussite, mais sans apporter non plus de réponse aux questions au coeur du mystère entourant la déjudiciarisation car elles ne se penchent pas sur les décisions ou sur l’issue de cas comparables où la justice a suivi son cours. 3 D’autres évaluations portent sur les questions clés de la déjudiciarisation, mais ne donnent pas une description suffisamment détaillée du programme de déjudiciarisation lui-même qui permettrait de se faire une idée précise de ce qui s’est vraiment passé dans le cadre du programme. Comme certaines études mentionnent qu’un grand nombre de délinquants inscrits à des programmes de traitement n’ont en fait reçu que peu de traitement du type recherché, voire aucun, il importe d’examiner cet aspect également afin de conclure si, d’une part, le traitement a été administré comme prévu mais n’a eu aucun effet ou si, d’autre part, on n’a observé aucune différence car le programme n’a pas administré le traitement. Si les études sur la déjudiciarisation qui évaluent le degré de prestation du traitement sont rares, celles qui mettent en évidence les effets intermédiaires du traitement, à savoir si les délinquants ont amélioré leurs aptitudes cognitives ou ont obtenu un emploi pendant le programme, sont encore plus rares. Nombre d’évaluations ne portent que sur les délinquants ayant mené à bien le programme de déjudiciarisation. Bien que cette information soit utile, il importe également de savoir combien de délinquants retenus pour le programme l’ont en fait mené à bien; avec un taux de 98 %, nos conclusions concernant le programme seront différentes des conclusions que nous pourrions tirer si le taux était de 15 %. De nombreuses évaluations présentent une même lacune, c’est-àdire qu’elles donnent une mauvaise idée du nombre d’affaires criminelles et de cas admissibles acceptés par le programme, et des raisons des rejets de certains. Les évaluations bien articulées sont rares pour plusieurs raisons : il faut posséder des connaissances spécialisées et être très minutieux dans la mise au point des méthodes de comparaison des résultats de l’expérience à ceux qui auraient été obtenus en l’absence du processus expérimental. Souvent, les administrateurs de programme et les travailleurs ne disposent pas de ce genre de connaissances spécialisées (ni du temps requis pour les mettre à profit). Le recours à des évaluateurs de l’extérieur peut être onéreux. Là encore, les employés du programme ont surtout à coeur de faire leur travail et d’offrir le service à autant de clients que leur charge de travail le permet; refuser leurs services à certains clients potentiels pour qu’ils forment un groupe témoin à des fins de recherche est aux antipodes de leur mission. Toutefois, les questions importantes sur la déjudiciarisation auxquelles doivent répondre les décideurs sont les suivantes : • les clients déjudiciarisés auraient-ils pu se voir imposer une sanction grave (p. ex., emprisonnement) si leur cause avait suivi son cours, auraient-ils écopé d’une sanction mineure, ou n’auraient-ils même pas été poursuivis? • quelle proportion d’affaires criminelles a été ou aurait pu être déjudiciarisée, et s’agit-il simplement d’affaires mineures? 4 • les clients qui ont bénéficié d’une mesure de déjudiciarisation ont-ils tiré parti des services (le cas échéant) qui leur ont été offerts? • selon l’issue de la déjudiciarisation, les délinquants déjudiciarisés s’en sont-ils mieux sortis, moins bien sortis ou aussi bien sortis que les délinquants dont le cas comparable a suivi la procédure judiciaire normale? • quelles économies, le cas échéant, le système de justice et le Trésor public ont-ils réalisées grâce à la déjudiciarisation? Il convient de répondre à ces cinq questions clés pour déterminer si une initiative donnée permettra d’atteindre les objectifs de la déjudiciarisation. On a beaucoup débattu de la question de savoir si les solutions de rechange ne bénéficiaient pas d’un préjugé favorable par rapport aux mesures plus courantes du système de justice traditionnelle. Dans une certaine mesure, cette préoccupation est fondée. Même si un programme de rechange donne des résultats qui sont aussi bons (ou qui ne sont pas pires) que ceux produits par la procédure judiciaire normale, les administrateurs du programme sont souvent contraints de se justifier constamment et de lutter pour conserver leur financement, en particulier si le programme est considéré par le système de justice pénale officiel comme accessoire ou comme une expérience à court terme. Néanmoins, cette préoccupation ne dégage pas les décideurs et les chercheurs de l’obligation de poser des questions pertinentes sur l’incidence réelle de la solution de rechange. Bien que ce rapport soit axé sur les études d’évaluation, la rareté des évaluations bien articulées dans le domaine de la déjudiciarisation des adultes nous a amenés à nous pencher sur certaines études portant sur les jeunes, dans la mesure où elles sont pertinentes. Nous nous sommes également intéressés à d’autres idées intéressantes qui n’ont pas fait l’objet d’une analyse rigoureuse. Ainsi, le rapport renferme certaines hypothèses quant aux idées qui pourraient être mises à l’essai ou élargies au Canada. L’analyse qui suit est organisée en fonction de l’étape du système de justice pénale à laquelle la mesure de déjudiciarisation est prise. Il existe certainement d’autres façons d’organiser les matériaux. En fonction du public, ils auraient pu être organisés selon le type d’intervention offerte sous forme de programmes, selon les problèmes, de manière chronologique pour essayer de retracer le développement de la pensée et des programmes dans ce domaine, selon la méthode de recherche, ou de bien d’autres façons. Nous avons choisi cette méthode parce qu’elle donnait une idée des différentes contraintes associées à 5 chaque étape de la procédure judiciaire, et l’orientation vers une étape particulière qui caractérise l’expérience de travail de tant de responsables du système de justice. PARTIE II. Déjudiciarisation avant la mise en accusation Bien que la déjudiciarisation par la police ne s’inscrive généralement pas dans un programme et que la déjudiciarisation officielle par la police privilégie souvent les jeunes par rapport aux adultes, il convient d’en faire état car elle permet de présenter certains des problèmes clés de la déjudiciarisation en général. L’analyse qui suit repose en grande partie sur des études de la déjudiciarisation des jeunes par la police et sur les leçons qu’on peut tirer de ces études. Il est un fait que la déjudiciarisation par la police se produit chaque jour, peut-être même dans des pays comme l’Allemagne où la police a pour mandat d’enquêter sur toutes les infractions au code pénal et d’en rendre compte par écrit au procureur. Toutefois, certaines études laissent entendre que les efforts visant à encourager la déjudiciarisation par la police et à l’officialiser ont eu pour effet inattendu d’accroître le nombre de délinquants ayant officiellement des démêlés avec la justice et d’entraîner l’établissement d’un document d’archives en faisant état. Dans un article intitulé “Police diversion: an illusion?”, Dunford (1977) s’intéresse surtout à la déjudiciarisation des jeunes. Cet article est toutefois utile car l’auteur y préconise la prudence, comme il le fera à nouveau dans son évaluation ultérieure de deux programmes de déjudiciarisation des jeunes en faveur de solutions de rechange prenant la forme de programmes (Dunford et ses collaborateurs, 1982). Dunford donne à penser que plusieurs raisons incitent à examiner avec prudence la déjudiciarisation des jeunes par la police en faveur de programmes visant à leur venir en aide. Tout d’abord, les jeunes dont le cas n’aurait tout simplement pas été transmis à la justice par la police sont inscrits à des programmes car la police est d’avis qu’ils ont besoin d’un traitement correctif. Que le traitement soit souhaitable ou non, Dunford laisse également entendre que de nombreux jeunes ayant bénéficié d’une mesure de déjudiciarisation n’ont accès ensuite à aucun service, même si on a l’intention de leur en fournir. D’autres en reçoivent si peu ou reçoivent des services qui correspondent si peu à leurs besoins qu’ils ne servent à rien. Nombre d’organismes de services aux jeunes sont si soucieux de leur rentabilité qu’ils acceptent quantité de clients alors qu’ils ne possèdent même pas les ressources pour assurer des services à une minorité d’entre eux, ce qui entraîne une dilution du service qu’ils pourraient théoriquement offrir aux jeunes qui en ont vraiment besoin. 6 Selon Dunford, les jeunes déjudiciarisés sont plus susceptibles d’être fichés que si leur cas n’avait pas été choisi pour ce programme. Ils sont arrêtés lorsqu’ils enfreignent les conditions du programme, même s’il s’agit d’un comportement non criminel, et risquent en fait d’être incarcérés encore plus que ceux qui ont suivi la procédure judiciaire normale. Pour Dunford, la principale distinction entre la déjudiciarisation des jeunes et le traitement traditionnel a trait aux différences relatives dans les garanties assurées par l’application régulière de la loi. Enfin, cette évaluation des affectations aléatoires (1982) n’a décelé aucune différence notable entre, d’une part, le nombre de réarrestations de jeunes déjudiciarisés bénéficiant de services et celui de jeunes déjudiciarisés ne bénéficiant d’aucun service (réprimandés et relâchés), et, d’autre part, ceux dont le cas a été soumis à la justice. Le taux de récidive déclaré par l’intéressé suit la même tendance. L’étude a évalué en fait quatre programmes de déjudiciarisation des jeunes fort différents, offrant une gamme de services, soit la défense des intérêts du jeune, l’intervention en situation de crise, l’aiguillage et la fonction de « courtier » de services, et enfin le counseling direct. Dans une étude sur les programmes de déjudiciarisation des jeunes menés en Californie, Lerman (1975, p. 6-7) s’interroge également sur leur incidence sur les solutions de rechange à l’incarcération : Selon un examen des coûts et des avantages sociaux, le traitement dans la collectivité peut également entraîner une certaine perte de liberté. Une présentation détaillée de la preuve... indique que les délinquants placés dans le groupe expérimental du projet de traitement dans la collectivité ont effectué plus de séjours en détention que ceux placés dans le programme de libération conditionnelle de la California Youth Authority (groupe témoin). Les agents de libération conditionnelle du projet étaient plus susceptibles de placer les jeunes qui étaient sous leur tutelle en détention pour des raisons qui n’avaient pas trait à la récidive. Les raisons invoquées étaient, entre autres, la non-réalisation des attentes du traitement, le dépôt de plaintes de la collectivité, le côté pratique sur le plan administratif, les diagnostics et la prévision et la prévention du passage à l’acte. Le caractère général des motifs invoqués, le peu de rigueur des procédures régissant la détention, le fait de ne pas faire de distinction entre la déviance grave et non grave et d’autres pratiques ont donné lieu à une série de décisions discrétionnaires qui semblent arbitraires et injustes. [traduction] Ditchfield (1976) a étudié l’avertissement donné aux délinquants par la police en Angleterre et au pays de Galles. Utilisée principalement pour les jeunes contrevenants, l’avertissement par la police a été officiellement encouragé en 1969 dans la Children and Young Persons Act. Considéré comme une solution de rechange aux poursuites, l’avertissement formel par la police prend presque invariablement la forme d’un avertissement de vive voix par un agent de police supérieur en uniforme. On ne peut y avoir recours que si le délinquant reconnaît 7 sa culpabilité, si la police pense que l’infraction peut être prouvée et que le plaignant n’insiste pas pour qu’il y ait des poursuites. Cette façon de faire est prise en compte dans les statistiques officielles depuis 1954. À l’aide de séries chronologiques visant toute l’Angleterre et le pays de Galles, Ditchfield a découvert qu’entre 1969 et 1974, le recours à l’avertissement avait doublé en nombre absolu et augmenté sensiblement par rapport au nombre total de cas traités visant des jeunes ayant eu des démêlés avec la police (au contraire de la comparution devant un tribunal). Toutefois, le nombre de jeunes reconnus coupables en cour n’a pratiquement pas changé malgré la hausse indubitable de la criminalité chez ces derniers pendant cette période. Ditchfield a donc conclu que le recours aux avertissements avait été en partie une forme de déjudiciarisation. Toutefois, en raison du caractère de plus en plus officiel de la procédure et des méthodes plus systématiques de la police relativement à ses interventions auprès des jeunes contrevenants, Ditchfield (1976) suggère que l’augmentation des avertissements pourrait avoir eu une incidence “inflationniste” sur le nombre de délinquants répertoriés. Les commerçants et les organismes de services sociaux, sachant que l’on encourageait le recours aux avertissements, auront peut-être été plus enclins à appeler la police dans des cas où, auparavant, ils ne l’auraient pas fait. Il est possible par ailleurs que la police ait eu recours à l’avertissement formel dans les cas où, auparavant, elle aurait uniquement procédé à un avertissement informel ou classé l’affaire. Les régions du pays où l’avertissement a été le plus souvent utilisé sont également celles qui ont enregistré les plus fortes hausses du nombre de délinquants répertoriés. Pour ce qui concerne les adultes, Ditchfield a constaté que les avertissements formels s’adressaient surtout aux auteurs de vols à l’étalage et d’autres vols mineurs. Il a également observé une relation inversement proportionnelle entre le taux d’avertissement et le taux de mise en liberté, par le tribunal, de délinquants adultes reconnus coupables. En d’autres termes, la décision visant des cas mineurs impliquant des adultes peut simplement, par suite du recours actif à l’avertissement, être prise plus tôt. Toutefois, Ditchfield se demande si l’avertissement par la police est moins onéreux que la mise en liberté. Dans les régions urbaines, étant donné la proximité des tribunaux, l’avertissement peut prendre plus de temps à la police que la comparution devant le tribunal quand le juge est un magistrat non salarié. Par ailleurs, les amendes acquittées aux tribunaux correctionnels compensent en partie les coûts infligés au système de justice. 8 Sanders (1988) a fait plus tard une étude extrêmement critique de l’avertissement donné par la police aux jeunes et aux adultes en Angleterre et au pays de Galles. L’avertissement informel au poste de police, approuvé dans les directives du ministère de l’Intérieur en 1985, donne lieu à un relevé judiciaire archivé que les plaignants peuvent consulter, bien que les avertissements informels ne soient pas pris en compte dans les statistiques annuelles sur l’avertissement. Un avertissement formel, demandé à un palier supérieur de la police, peut être cité par la partie plaignante lors d’une comparution ultérieure, et un avertissement formel a plus de chances qu’un avertissement informel d’être suivi d’un second avertissement formel. Bien qu’en soi, cette situation ne soit pas source de préoccupation, Sanders laisse entendre que la façon dont la police a recours aux avertissements pose problème. Après avoir lu les rapports sur les avertissements et discuté avec la police et les agents de la Couronne, Sanders (1988) doute que l’élargissement du filet soit une réalité, puisque l’avertissement n’est pas simplement une solution de rechange aux poursuites, mais aussi au classement des affaires. Parfois, la police a recours aux avertissements quand la preuve est fragile et que l’accusé est prêt à accepter un avertissement pour clore l’incident. Sanders observe également une large disparité non justifiée dans l’utilisation des avertissements entre les infractions et au sein des services de police. Les intérêts et les besoins des victimes, selon lui, sont rarement pris en compte. Il se peut que les poursuites puissent être à l’avantage des victimes, par exemple, en permettant la restitution. Non seulement l’avertissement ne donne pas lieu à des aiguillages vers des services du système, mais en plus, rien n’est fait pour fournir à l’accusé l’aide dont il a peut-être besoin. Mise en accusation Analyse Que pouvons-nous déduire de ce bref examen d'une poignée d'études portant sur la déjudiciarisation par la police? D'abord, on a des raisons de penser qu'en officialisant le pouvoir discrétionnaire de la police en matière de déjudiciarisation, on risque en réalité d'accroître l'ostracisme et d'élargir le filet, en créant un dossier officiel qui autrement n'aurait pas existé et qui suivra le délinquant. Éventuellement, ce dossier aura des répercussions inattendues sur des décisions prises ultérieurement. Cela ne veut pas dire que cet effet est nécessairement indésirable, si l'intention est d'étoffer l'information que possède la police sur les délinquants. En revanche, si l'intention est de mettre en oeuvre une véritable déjudiciarisation, l'effet peut être contre-productif. Deuxièmement, la déjudiciarisation en l'absence de programmes ou d'autres formes d'intervention peut empêcher d'atteindre ce que Sanders (1988, p. 528) appelle les buts «explicites» et «utilitaires» de la poursuite, dont la réprobation des infractions et la réconciliation avec les victimes. Ce point de vue découle d'une série d'hypothèses qui s'opposent à l'idée que la prise en charge par le 9 système de justice a dans l'ensemble un effet destructeur. Sanders rejette ce postulat en faisant valoir qu'au mieux, il n'a pas été prouvé, et il revient aux questions ayant trait aux buts fondamentaux de la loi. Naturellement, aucun point de vue théorique ne peut à lui seul embrasser tous les cas de figure qui se présentent quand on parle d'infractions et de délinquants. Par exemple, Sherman et Berk (1984) ont découvert, dans une étude que les chercheurs qui leur ont succédé ont eu de la difficulté à reproduire (Garner, Fagan et Maxwell, 1995), que les auteurs de voies de fait contre un membre de leur famille avaient un taux de récidive moins élevé lorsqu'ils bénéficiaient de counseling (19 %) que lorsqu'ils étaient séparés de leurs victimes (24 %), mais que l'arrestation par les forces de l'ordre était encore plus efficace (10 %). Troisièmement, à la lecture des ouvrages sur les jeunes contrevenants, on n'a guère de preuve que la déjudiciarisation par la police en faveur de solutions de rechange faisant appel à des programmes a eu l'incidence recherchée, à savoir permettre un diagnostic efficace et répondre aux besoins des jeunes. Pour diverses raisons, dont la sélection et la formation du personnel, le volume de travail, les restrictions financières et d'autres difficultés dans la prestation de programmes de traitement efficaces, les incidences espérées ne se sont pas concrétisées (voir, par exemple, Dunford, 1982). À vrai dire, le dépistage des récidivistes est mieux servi par des contacts plus fréquents avec le personnel chargé des programmes, et on observe que les violations des conditions de la déjudiciarisation peuvent entraîner des taux plus élevés de détention et que la non-réalisation des attentes du programme peut accroître les risques pour le délinquant de se voir imposer une sanction sévère si son cas est de nouveau confié au système de justice. Déjudiciarisation des malades mentaux Bien que nous n'ayons trouvé aucune évaluation rigoureuse des programmes de déjudiciarisation des malades mentaux au niveau de la détention avant procès et des poursuites ultérieures, certaines descriptions méthodologiques jettent quelque lumière sur les approches les plus efficaces. On ne saurait remettre en question l'importance de l'affranchissement des personnes atteintes de troubles mentaux de la tutelle pénale. Mise à part la question de l'atténuation de la responsabilité criminelle, le système de justice est mal équipé pour prendre en charge efficacement ces personnes, car leur présence au sein de la population correctionnelle n'est pas sans poser de problèmes en ce qui a trait au traitement, à la sécurité et au contrôle qu'elles requièrent. Leur placement dans un cadre où leurs besoins peuvent être mieux comblés et où les risques qu'elles présentent pour elles-mêmes et pour autrui peuvent être mieux maîtrisés est par conséquent jugé souhaitable, de façon générale, par les administrateurs de prison et par d'autres porte-parole du système de justice. Malheureusement, avec la désinstitutionnalisation qu'a connue le système de santé mentale, les personnes ayant des troubles mentaux 10 se sont de plus en plus retrouvées sous la tutelle de la justice. Les taux estimatifs de personnes atteintes de graves troubles mentaux se retrouvant de temps à autre dans les prisons locales varient considérablement, de 3 % à 16 %. Le diagnostic rapide de troubles mentaux dès l'arrestation et l'adoption de mesures pertinentes sont essentiels pour permettre une intervention concertée dans ces cas. Steadman et ses collaborateurs (1995) ont observé sur place 12 programmes de déjudiciarisation en milieu carcéral considérés comme extrêmement efficaces et six considérés comme moins efficaces par l'administrateur de la prison locale, le porte-parole du système de santé mentale le plus près du programme et le directeur du programme. À partir de leurs observations, il a mis en évidence six caractéristiques que l'on retrouve dans tous les programmes efficaces. D'abord, l'existence d'une communication et d'une collaboration étroites entre le système de santé mentale, le système de justice et le système de services sociaux à l'échelon local. La moitié des directeurs de programme considéraient d'ailleurs comme «essentielles» les ententes officielles interorganismes. Un programme remarquable faisait appel à une équipe interdisciplinaire de 10 membres qui travaillaient intensément, comptant jusqu'à 100 clients judiciaires à la fois. Des représentants du milieu judiciaire, du bureau du défenseur des droits du citoyen, de la poursuite et de la probation ainsi que le superviseur des services carcéraux participaient également étroitement aux rouages du programme. Deuxièmement, il faut que des réunions soient organisées régulièrement par les représentants des trois systèmes, à la fois au niveau de la prestation de services et au niveau de la politique et de l'administration. Troisièmement, il est utile de disposer d'une personne désignée pour assurer la liaison entre les trois systèmes; cette personne est le «ciment» qui assure la cohésion des divers éléments du programme; quatrièmement, il doit y avoir un puissant leadership pour parvenir à transformer des relations de coopération informelles en méthodes de travail de groupe institutionnalisées. Cinquièmement, les détenus doivent être évalués dès le début du processus — une évaluation médicale initiale dans les 24 heures et un dépistage psychiatrique plus approfondi des troubles mentaux dans les 48 heures sont recommandés. Sixièmement, il faut disposer d'une infrastructure de gestion dynamique des cas à toutes les étapes, y compris à l'admission, assurer la liaison avec les services requis, donner de l'information et des avis aux tribunaux, assurer directement la prestation de services et exercer un contrôle à ce niveau, et disposer de mécanismes de défense des intérêts des clients. Les chercheurs ont découvert (1995, p. 1634) que très peu des progammes qui accordaient l’attention voulue aux liaisons avec les services communautaires «étaient dotés de mécanismes permettant de maintenir la liaison initiale». Or, à leur avis, c’est là une caractéristique absolue de l’efficacité à long terme. McDonald et Teitelbaum (1994) ont évalué un programme de traitement de jour dirigé par le secteur privé à Milwaukee, qui présentait un grand nombre de ces caractéristiques. La participation des délinquants au programme était une condition de leur libération avant le procès, de la probation ou d’une autre 11 ordonnance du tribunal. Le client moyen était un homme qui avait été arrêté à deux reprises auparavant, chez qui l'on avait diagnostiqué des troubles mentaux graves et qui avait passé en moyenne 75 jours dans un établissement psychiatrique au cours des deux années précédentes. La priorité était accordée aux «clients pour lesquels la formule représentait une véritable solution de rechange à l'incarcération». Le programme offrait une gamme de services, y compris la fourniture de médicaments, une psychothérapie individuelle et une thérapie de groupe, et une aide au niveau du logement, de la gestion financière et de l'assistance médicale et sociale. En contrepartie, l'assiduité était obligatoire. Certaines mesures indirectes ont pu être dégagées de la réussite du programme, lequel a permis de déjudiciariser quelque 1 000 personnes souffrant de troubles mentaux arrêtées annuellement (le programme a la capacité de prendre en charge environ 250 clients à la fois, et le séjour moyen dans le cadre du programme est de 18 mois). En 1992, le programme a accepté 67 clients; 30 autres ont été orientés vers d'autres programmes de soutien communautaire, et 40 autres «sont restés en détention jusqu'à la fin de l'année et, par conséquent, n'ont pas pu être admis dans le programme» (1994, p. 5) apparemment en raison de la capacité limitée du programme. Une autre indication de l'efficacité du programme nous est donnée par la situation des 84 personnes ayant quitté le programme en 1992 : 57 % d'entre elles se sont conduites de façon satisfaisante dans le cadre du programme jusqu'à la fin de leur obligation légale (les trois cinquièmes de ces personnes ont refusé l'offre de participation à un autre programme moins structuré, par la suite), 18 % ont été incarcérées à la suite d’une nouvelle infraction ou de la violation des conditions de l'ordonnance du tribunal, 14 % ont été transférées dans un établissement de traitement résidentiel et 11 % sont mortes, ont disparu ou ont déménagé dans un autre État. Un article de source non divulguée intitulé «Diverting the Mentally ill from a County Jail» (1987) décrit un programme mené dans le comté d'Orange, en Californie, l’Alternative Community Treatment Program (ACT). Ce programme était mené en étroite collaboration avec les systèmes de justice, de santé mentale et de services sociaux, et était caractérisé par une «gestion dynamique des cas». Il cherchait à éviter la prison de comté à des délinquants comptant à leur actif trois incarcérations ou plus, pour des «infractions mineures» dans les 12 mois précédents, dont le dossier faisait état d'un diagnostic primaire de grave trouble mental et d'antécédents dûment étayés de dysfonctionnement chronique en raison du trouble mental. Au cours de 1984-1985, 58 détenus ont bénéficié du programme, ce qui a entraîné une réduction nette estimée à 989 jours-prison (on ne précisait pas comment avait été calculé ce chiffre estimatif). Les détenus avaient été répartis entre divers services — établissements hospitaliers, 22; services de santé mentale, 23; maison de transition, 1; service de désintoxication, 1; et refuges temporaires, 4. Ces études portent à croire qu'il est possible d'épargner la détention avant procès à des personnes atteintes de graves troubles mentaux, et de les placer 12 dans des cadres plus appropriés, même si la question de savoir combien de temps certaines d'entre elles échapperont à la prison demeure une inconnue. Parmi les stratégies efficaces, mentionnons l'instauration de relations de travail étroites entre les systèmes de santé mentale, les services sociaux et les administrateurs de la justice, l'existence de mécanismes pour le diagnostic précoce des délinquants ayant des troubles mentaux, une gestion des cas dynamique et un suivi de longue durée concernant la prestation de services répondant aux besoins des délinquants. PARTIE III. Ajournement de la poursuite Plus de recherches évaluatives ont été effectuées dans le domaine de l'ajournement de la poursuite que dans tout autre domaine de la déjudiciarisation. Nul doute que cette profusion s'explique par les espoirs suscités par la viabilité de la déjudiciarisation à cette étape, et par les mécanismes relativement visibles et structurés qui caractérisent cette étape. Un cas type de poursuite ajournée impliquerait une entente entre la partie plaignante et la partie défenderesse, après le dépôt d'accusations, en vue de suspendre la poursuite pour une période où l'accusé subira une forme quelconque d'intervention. Après l'achèvement satisfaisant de ce programme ou de cette procédure, l'affaire est renvoyée à la partie plaignante et une décision est prise quant au non-lieu ou au retrait des accusations. Le principal avantage pour l'accusé est qu'il évite une condamnation au criminel. Parmi les grandes questions que se posent les décideurs dans l'évaluation du fonctionnement et de l'incidence des mécanismes d'ajournement de la poursuite, mentionnons les suivantes : • • • • • • • Comment fait-on la sélection des causes qui donneront lieu à un ajournement éventuel de la poursuite? En particulier, quelles sont les catégories d'infractions visées et quels types de risques l'accusé présente-t-il? Quelle aurait été l'issue vraisemblable de l'affaire si la poursuite n'avait pas été ajournée? Quelle est la proportion d'accusés qui choisissent de ne pas accepter la solution de rechange, et pourquoi? Quelle est la proportion de cas, par rapport au nombre total d'affaires criminelles, qui sont en fin de compte drainés par cette solution de rechange? Quels types d'aide donne-t-on aux accusés, de quelles formes d'intervention font-ils l'objet et dans quelle mesure en bénéficient-ils? Quelle est la proportion d'accusés orientés vers ce programme qui en tirent parti, et pour quelles raisons «certains accusés» échouent-ils? Quelle est l'incidence de cette solution sur les accusés qui donnent satisfaction ou qui échouent, en ce qui a trait au prononcé d'un non-lieu ou à l'issue judiciaire? 13 • • Les accusés dont l'affaire a été ajournée avec une issue favorable sont-ils plus ou moins susceptibles de récidiver que les accusés qui n'ont pas donné satisfaction dans le cadre du programme, ou ceux qui ont été directement traduits en justice? Quel est le coût de fonctionnement de la solution de rechange et quelles sont les économies pour le système de justice? Les réponses à ces questions clés détermineront si la solution de l'ajournement de la poursuite change réellement le cours des choses pour les délinquants, les victimes et le système de justice, et quels sont les différences observées. Dans quels types d'affaires choisit-on les accusés (adultes) pour lesquels il y aura ajournement de la poursuite? Un certain nombre d'études ont décrit les catégories d'affaires où l'accusé bénéficiera d'un ajournement de la poursuite. Dans l'ensemble, les observations confirment les données des études sur la délinquance juvénile : ce sont les cas les moins graves et présentant le moins de risques que l'on choisit le plus souvent pour cette solution de rechange, ce qui inclut une proportion considérable d'affaires qui n'auraient pas donné lieu à des poursuites si le programme de déjudiciarisation n'avait pas existé. Les programmes de déjudiciarisation avant procès ont été inaugurés dans le système de justice applicable aux jeunes délinquants et de nombreux programmes continuent à leur être exclusivement destinés. Les programmes de déjudiciarisation avant procès pour adultes découlent de l'expérience acquise au départ au fil des projets menés avec les jeunes. Encore aujourd'hui, les critères régissant nombre de programmes officiels de déjudiciarisation avant procès excluent de leur clientèle les récidivistes, les drogués et les alcooliques, les auteurs de crimes contre la personne et les auteurs d'infractions majeures. La plupart de ces programmes, toutefois, font à l'occasion des exceptions. La majorité des personnes choisies pour la déjudiciarisation sont accusées la plupart du temps de vol (le vol à l'étalage est l'infraction la plus courante) ou de possession de drogue. Il s'agit souvent de délinquants primaires ou de délinquants qui en sont à leur deuxième infraction. Cependant, pour nombre d'entre eux, la vie de tous les jours présente d'importantes difficultés qui peuvent les amener à se livrer à une activité criminelle, notamment un faible niveau de scolarité, des antécédents de chômage ou de sous-emploi, une médiocre adaptation sociale et autre. En raison des problèmes manifestés par ces clients potentiels, on ne s'étonnera pas de voir que la plupart des procureurs de la poursuite et le personnel responsable de la déjudiciarisation se rallient à l'idée que la solution de l'aide, qui est censée être disponible par l'intermédiaire du programme, est une solution préférable non seulement à la poursuite, mais également à l'absence d'intervention. Lorsque par surcroît les clients potentiels sont jeunes et sans antécédents criminels, il est tout à fait logique que les 14 travailleurs pensent que ce sont pour ces personnes qu'une intervention immédiate pourrait avoir un effet préventif. Quelles que soient les raisons, les évaluations de la déjudiciarisation avant procès font état, dans l'ensemble, d'une grande proportion de cas déjudiciarisés qui n'auraient pas donné lieu à une peine importante, ni même à des poursuites. Cette conclusion est celle que l'on trouve dans les études qui s'appuient ou essaient de s'appuyer sur un groupe de comparaison «apparié» ou, plus rarement, qui déterminent un groupe de délinquants auxquels on pourra appliquer une mesure de déjudiciarisation, et parmi lesquels seront choisis par la suite de façon aléatoire ceux qui bénéficieront réellement de la mesure et ceux dont l'affaire suivra son cours normal. Dans l'évaluation d'un programme de déjudiciarisation avant procès menée à San Pablo, en Californie, qui «ressemblait étroitement à la probation» (22 % des participants étaient astreints en plus à des services communautaires), Austin (1980) a découvert que 90 % des clients déjudiciarisés avaient bénéficié en fin de compte d'un non-lieu et que 3 % avaient été condamnés à une peine de prison. Ces résultats se comparent favorablement à ceux d'un échantillon témoin de cas acceptés choisis de façon aléatoire, dont 7 % ont bénéficié d'un non-lieu, 21 % ont été incarcérés (pour 14 jours en moyenne), 28 % se sont vus imposer une amende et 10 % ont fait l'objet d'une ordonnance de probation d'une durée moyenne de 12 mois. Peu d'évaluations par ailleurs font état d'écarts si exceptionnels dans les taux de non-lieu, même si dans certaines les écarts sont importants. Pryor et ses collaborateurs (1977), dans une étude bien contrôlée, ont fait appel à quatre groupes témoins pour leur évaluation d'un projet mené à Rochester, dans l'État de New York. Ce projet était destiné à améliorer le niveau de scolarité et l'emploi d'accusés. Le premier groupe témoin était individuellement apparié au groupe expérimental, et pratiquement identique quant aux principaux aspects. Le second groupe avait été accepté dans le projet, mais rejeté par les procureurs de la poursuite. Le troisième groupe témoin «n'avait pas besoin de services» selon le personnel du programme et le quatrième était apparié individuellement au groupe n'ayant pas besoin de services. Parmi les groupes expérimentaux (ceux ayant eu une issue favorable et ceux ayant eu une issue défavorable, regroupés), il y a eu 79 % de non-lieux; ces chiffres se comparent aux taux de 36 %, 32 %, 46 % et 41 % respectivement, pour les groupes témoins. La différence pour ce troisième groupe témoin, composé de ceux considérés par le personnel du programme comme n'«ayant pas besoin de services», était particulièrement intéressante dans la mesure où les membres de ce groupe ne recevaient aucun service, mais avaient fait l’objet d’une recommandation favorable au tribunal. On associe souvent les programmes de déjudiciarisation avant procès aux programmes d'emploi des tribunaux parce qu'ils ont pour principale mission de 15 trouver du travail aux accusés. Un programme de ce genre, le Manhattan Court Employment Project (Vera Institute, 1972), était un programme de déjudiciarisation avant procès destiné à des délinquants sans emploi et sous-employés âgés de 16 à 60 ans, n'ayant jamais purgé plus d'un an dans un établissement carcéral et jugés peu susceptibles d'être incarcérés pour l'infraction commise. Une fois acceptés, les clients ont bénéficié de diverses formes d'aide — évaluation du niveau scolaire par une école professionnelle, counseling, enseignement, formation, placement et prêts de secours. Zimring (1974), dans une nouvelle analyse des données à partir de son propre groupe témoin (qui n'était pas complètement comparable), a trouvé que 52 % des accusés qui avaient été acceptés par le programme l’avaient en fin de compte complété avec succès et avaient bénéficié d'un non-lieu. Une proportion pratiquement identique d'accusés (51 %) du groupe de comparaison apparié ont bénéficié en fin de compte d'un non-lieu, n'ont pas été poursuivis ou ont été acquittés. Seulement 7 % des accusés du groupe de comparaison ont été condamnés à une peine de prison. On retrouve des résultats similaires dans le projet comparable Crossroads (mentionné dans Rovner-Pieczenik, 1974). Dans cette évaluation, 54 % des accusés du groupe de comparaison n'ont pas été condamnés et 6 % seulement ont été en fin de compte incarcérés alors que les accusés qui se sont inscrits au programme étaient nettement plus susceptibles (85 %) de le compléter avec succès et de bénéficier d'un non-lieu. De même, l'issue des affaires du groupe de comparaison, dans une évaluation du programme CEP de déjudiciarisation avant procès mené à New Haven (mentionné dans Rovner-Pieczenik, 1974) porte à croire que 30 % des personnes admises par le programme n'auraient pas été condamnées et qu'aucune n'aurait été incarcérée. Toutefois, 73 % de ceux qui ont été admis par le programme ont bénéficié d'un non-lieu. Il est possible qu'en raison des difficultés inhérentes à la structure de l'évaluation, le problème soit sous-estimé. C'est-à-dire que les groupes de comparaison qui ont été appariés par les chercheurs en raison de l'âge, de l'infraction, des antécédents et d'autres aspects pertinents ne permettent pas de contrôler des facteurs moins tangibles qui peuvent avoir une incidence à la fois sur l'admission à un programme de déjudiciarisation et sur les décisions de la justice en aval, de même que sur la récidive. Par conséquent, le personnel chargé du programme de déjudiciarisation applique généralement une série de critères de sélection supplémentaires qui ne seront pas reproduits dans un essai visant à construire rétrospectivement un échantillon témoin fondé sur les variables dont font état les dossiers. On retrouve parmi ces critères supplémentaires toutes sortes d'éléments, depuis l'enthousiasme manifesté pour le programme jusqu'à la consommation de drogue. Comme on le verra plus tard, les taux de cas exclus par le personnel du programme, les procureurs de la poursuite et d'autres sont loin d'être négligeables. Surtout, lorsque le programme de rechange apparaît comme susceptible d'être avantageux pour des clients qui semblent dignes d'intérêt, on observe une tendance naturelle chez le personnel du programme à choisir les clients les plus prometteurs en fonction d'une large variété de facteurs. 16 Néanmoins, un certain nombre d'évaluations portent à croire que les programmes d'ajournement de la poursuite sont avantageux pour certains participants dans la mesure où ils augmentent les possibilités de non-lieu. Toutefois, les quelques études disponibles donnent à penser qu'entre un tiers à la moitié des participants auraient vu de toute façon leur affaire classée même selon la procédure normale. Nul doute que, dans la mesure où ces personnes bénéficient de programmes d'intervention parfois prolongés, elles sont exposées à ce qu'Austin et Krisberg (1981) appellent «des filets plus larges, plus puissants et différents». Comme le déclare Hillsman (1982, p. 381) : Les écrits sur la question de la déjudiciarisation ont tendance à donner du tribunal pénal l'image d'un organisme qui poursuit et condamne la plupart des accusés qui comparaissent devant lui, même dans le cas d'infractions mineures. Or, les portraits de ces tribunaux provenant de diverses sources empiriques font une entorse à cette image... La plupart des tribunaux (en particulier les tribunaux inférieurs où l'on retrouve le plus souvent la déjudiciarisation) résolvent de nombreux procès en prononçant la libération de l'accusé, en le condamnant à une amende relativement modeste ou en prononçant d'autres sanctions relativement clémentes, quand ils ne rejettent pas tout simplement les accusations... La déjudiciarisation a tendance à être utilisée dans des contextes où une certaine proportion d'affaires (peut-être même assez grande) sont déjà éliminées ou traitées avec un certain degré de clémence. Quelle est la proportion d'accusés qui choisissent de ne pas accepter la solution de rechange, et pourquoi? Certaines études se sont intéressées aux clients visés par un programme de déjudiciarisation qui n'ont pas accepté la solution de l'ajournement de la poursuite et qui n'ont pas participé au programme, choisissant plutôt de comparaître devant le tribunal. Les pourcentages de clients qui satisfont aux critères de la déjudiciarisation, mais refusent cette solution sont assez élevés. Dans un programme d’emploi du tribunal, Baker-Hillsman et Sadd (1980) indiquent qu'un bon tiers des accusés avaient choisi de ne pas accepter cette solution de rechange. Ce programme existait, sous une forme ou sous une autre, depuis de nombreuses années, et un examen antérieur (Zimring, 1974) donnait à penser que le taux de refus d'accusés se situait probablement plus près de 14 %. Il est possible que les 30 ans d'existence du programme aient permis aux accusés de cette instance de mieux comprendre les avantages comparatifs de la déjudiciarisation. Dans le comté de Dade, selon Rovner-Pieczenik (1974), 48 % des candidats ont refusé de participer, mais ce chiffre a été de toute évidence grossi par le fait que les accusés étaient invités à participer par la poste. Un quart des accusés sélectionnés dans Operation Midway ont refusé de participer (Miller, mentionné par 17 Zimring, 1974), ce qui est similaire au taux de «non-comparution» observé par Austin (1980). Goetz (1978), dans un examen des étapes préliminaires d'un programme de déjudiciarisation pour adultes à Nanaimo (Colombie-Britannique), indique que seulement 4 % des accusés ont refusé cette solution, la plupart, semble-t-il, sur l'avis de leur avocat, qui considérait qu'il valait mieux qu'ils tentent leur chance devant le tribunal. Dans de nombreux cas, les motifs de non-participation ne semblent pas sans rapport avec le caractère relativement intrusif ou avec la durée de l'intervention associée à la solution de rechange, par comparaison avec la décision que l'accusé espère obtenir du tribunal. Habituellement, le programme de déjudiciarisation dure de trois à six mois et les accusés y participent même parfois pendant un an pour respecter les conditions qui leur sont imposées, comme le dédommagement ou le service communautaire. Selon Austin (1980), les décisions prises par le tribunal du groupe témoin étaient clémentes, à la fois dans l'absolu et par rapport au degré de contrainte imposé aux participants du programme de déjudiciarisation. Le régime de déjudiciarisation mobilisait les accusés pendant moins de temps, toutefois, que les peines de probation imposées aux accusés du groupe témoin. Nimmer (1982) cité dans Hillsman (1982) parvient à des conclusions analogues et c'est le cas de la plupart des écrits sur la déjudiciarisation des jeunes délinquants. Bohnstedt (1978), par exemple, dans un examen des programmes de déjudiciarisation des jeunes délinquants, a mis en évidence que la déjudiciarisation signifie un plus grand nombre de contacts, du moins dans la moitié des cas. Quelle est la proportion de cas par rapport au nombre total d'affaires criminelles qui sont en fin de compte drainés par cette solution de rechange? Certaines études ont essayé d'évaluer le pourcentage de toutes les affaires visées par la déjudiciarisation ayant retenu la solution de l'ajournement de la poursuite. D’après Roesch et Corrado (1983, p. 388), la plupart des projets de déjudiciarisation ne touchent qu'un ou deux pour cent du nombre total d'affaires dont sont saisis les tribunaux du système de justice pénale, en grande partie peut-être en raison des «limites visant le nombre d'accusés à qui l'on pourrait assurer des services en même temps». Dans une évaluation d'un CEP à New York, Baker-Hillsman et Sadd (1981) indiquent que 2 % des accusés admissibles ont été touchés. À un stade préliminaire du même projet, on avait découvert que la déjudiciarisation touchait 1,2 % de toutes les personnes accusées d'infractions majeures ou graves (Zimring, 1974). Le programme de New Haven, pour sa part, touchait 2 % des affaires criminelles. L'étude d'Austin (1980) de San Pablo se démarque puisqu'il estimait que 17 % des personnes arrêtées et 25 % des personnes accusées étaient orientées vers le programme. Les raisons de cette différence ne sont pas claires. 18 Certains programmes excluent la majorité des cas qui leur sont confiés au départ. L'étude d'Austin (1980) et l'examen de Zimring (1974) du CEP du Vera Institute mettent en évidence des taux d'élimination à la présélection par le personnel chargé de la déjudiciarisation ou de la justice pénale de 81 % et 85 %, respectivement. Selon Austin, les décisions d'élimination sont fondées sur une notion et des perceptions collectives mal définies de la moralité, de la motivation à changer et de l'intention criminelle. Pryor et ses collaborateurs (1977) parlent d'un taux d'élimination par le personnel de 40 %, fondé principalement sur l'absence de motivation chez les accusés refusés. Il semblerait que la clientèle limitée de la plupart des programmes de déjudiciarisation soit en réalité imputable à au moins trois facteurs : le manque de temps et les limites des budgets du personnel responsable (y compris les limites visant les services accessibles pour aider les personnes accusées qui sont déjudiciarisées); les limites en soi et les limites inhérentes à la réticence des responsables du système de justice à accepter des cas qui semblent «moins dignes d'intérêt»; et l'optimisme de certains accusés qui ont l'impression qu'ils pourront «mieux faire» devant le tribunal. Quels types d'aide donne-t-on aux accusés, de quelles formes d'intervention font-ils l'objet, et dans quelle mesure en bénéficient-ils? Certains chercheurs ont essayé d'évaluer dans quelle mesure les clients de la déjudiciarisation ont bénéficié des programmes, indépendamment de la question de savoir (analysée ci-après) si la participation au programme a une incidence sur les taux de récidive. La plupart des programmes évalués rigoureusement font état au mieux, d'avantages durables modestes chez les clients des services de déjudiciarisation. Dans la plupart des programmes, on n'a même pas essayé de mesurer les «avantages durables», se contentant plutôt de mesurer les effets à la fin du programme (soit seulement trois mois ou six mois au plus après le contact initial avec le client). Non seulement ce type d’évaluation est ponctuel, mais il est en outre particulièrement vulnérable à une «régression vers la moyenne», phénomène statistique qui, par exemple, aurait tendance à indiquer des taux artificiellement élevés d'amélioration chez les accusés alors que ces derniers, au moment de leur arrestation, étaient probablement dans le creux de la vague. Ces accusés ne pouvaient guère que «remonter la pente». Dans une macro-analyse des résultats des neuf projets du CEP de la «deuxième série» financés par le ministère américain du Travail, la firme Abt Associates (1974) compare la situation sur le plan de l'emploi avant le programme et après le programme des «bons éléments» — c’est-à-dire les clients qui ont fait partie avec succès du programme de déjudiciarisation. (Naturellement, cette comparaison ne dit pas grand-chose de la façon dont les clients déjudiciarisés s'en sont sortis dans l'ensemble après le programme, étant donné que certains 19 d'entre eux n'ont pas terminé le programme, parce qu'ils ont récidivé en cours de programme ou n'ont pas coopéré dans le cadre du programme.) Alors que 33 % des «bons éléments» occupaient un emploi à l'admission, 58 % étaient employés à la fin du programme. Au cours de l'année précédant l'admission, si l'on en croit ce que disent les clients eux-mêmes, les «bons éléments» étaient employés pendant 45 % de l'année et, au cours de l'année ayant suivi la fin du programme, le même groupe était employé à raison de 60 % du temps. On observe également que ces «bons éléments» ont eu en moyenne une augmen-tation salariale de 30 cents au cours de la période de deux ans visée par la recherche. Ces différences sont significatives sur le plan statistique, mais elles pourraient s'expliquer également par le phénomène de «régression vers la moyenne» de même que par l’acquisition d’une certaine maturité. Ces personnes, pour la plupart des hommes jeunes, peuvent avoir mûri au cours de la période de plus de deux ans visée la recherche. En outre, selon Rovner-Pieczenik (1974), le marché de l'emploi et le salaire minimum, dans plusieurs régions, se sont améliorés au cours de la période visée, ce qui peut également entrer en ligne de compte dans les différences observées. D'autres études ont fait état de résultats similaires pour les programmes mis en place dans le but d’améliorer le niveau de scolarité et la formation professionnelle. Crossroads, un projet mené à Washington, D.C., faisait état de 44 % des participants employés à l'admission contre 70 % à la fin (bons éléments et moins bons éléments); le programme de New Haven parle de 38 % de participants employés à l'admission contre 68 % à la fin. Dans le cadre du projet Manhattan Court Employment du Vera Institute, on parle de 31 % de participants employés à l'admission sur l'ensemble du groupe, contre 79 % à la fin du projet, uniquement pour les bons éléments du programme. Toutefois, une étude contrôlée ultérieure (Baker-Hillsman et Sadd, 1981) du CEP du Vera Institute à Manhattan et à Brooklyn ne révélait aucune différence entre les groupes expérimentaux et les groupes témoins dans les taux d'emploi ou dans le revenu gagné après quatre et douze mois. Les accusés se voyaient pour la plupart offrir des emplois subalternes, peu rémunérés. On ne mentionnait aucune incidence sur la situation professionnelle ou sur le niveau de scolarité des accusés qui ne travaillaient pas. Dans une étude résumée par Galvin et ses collaborateurs (1977b) de Vera Wildcat, on mentionnait, dans le cadre d'un programme de 6 à 24 mois de travail subventionné s’adressant à des délinquants récidivistes endurcis, ayant des antécédents de consommation de drogues dures, un taux d'emploi de 40 %, deux ans après la période de participation au programme. En outre, il y avait peu de rechutes dans la consommation de drogues dures (même si dans le cadre du programme, aucun effort direct n’avait été fait pour mettre un terme à la toxicomanie des délinquants). En revanche, une étude britannique (Pointing, 1986) portant sur un programme de travail subventionné de trois mois destiné à des probationnaires ayant des antécédents professionnels «de médiocres à nuls», mais non consommateurs de drogues dures, ne faisait état d'aucune incidence sur la vie professionnelle de ces personnes par la suite. 20 Certaines études ont indiqué, d'après des tests psychologiques, que l'estime de soi des participants, leur confiance en soi et leur maîtrise de soi augmentaient au cours de la période du programme. En règle générale, toutefois, peu d'évaluations donnent beaucoup de détails sur la prestation, la qualité et les résultats intermédiaires des services offerts. Quelle est la proportion des réussites et des échecs des participants au programme? On a constaté un écart considérable entre les taux d’échecs des participants aux programmes : de 9 % à 52 % des évaluations qui ont permis de tirer cette conclusion (et bon nombre ne le permettent pas). Il ne semble pas particulièrement facile d’expliquer ces écarts d’après les profils des délinquants qui ont participé aux programmes, sauf dans le cas des délinquants plus prosociaux et ayant commis des crimes moins graves selon Austin (1980), dont seulement 9 % ont enregistré un échec. Les échecs semblaient résulter davantage de la mesure dans laquelle les défendeurs devaient respecter des obligations précises et régulières : ceux qui devaient assister à des séances de formation tous les jours risquaient plus d’«échouer» que ceux qui étaient assujettis à un régime qui ressemblaient davantage à la probation ordinaire, par exemple. Cependant, dans un certain nombre d’études, des auteurs (Abt Associates, 1974; Mullen, 1975) ont préconisé le recours à un pouvoir discrétionnaire plus structuré au moment de décider de mettre fin au programme en faisant ressortir la primauté des raisons liées à la «motivation» dans les dossiers à cet égard. Bien entendu, la «motivation» peut être une explication commode d’une foule de lacunes comportementales perçues dans le rendement. 21 Les délinquants déjudiciarisés qui réussissent le programme risquent-ils plus ou moins de récidiver? On en sait peut-être moins sur cette question que sur toute autre en raison de la difficulté de constituer des groupes témoins qui soient réellement comparables. La majorité des évaluations effectuées à ce sujet au moyen de techniques tenant compte du groupe déjudiciarisé ou comparant les conclusions à ce groupe ont en réalité prêté le flanc à des critiques en raison des faiblesses de la méthodologie (voir p. ex., Hillsman, 1982). L’étude la plus solide de la littérature est l’examen de Pryor et collaborateurs (1977) concernant un programme de trois mois visant surtout à améliorer l’emploi et le niveau d’instruction. Ils ont constaté que 24 % des clients dont le cas avait été déjudiciarisé avant le procès ont été arrêtés de nouveau après un an (19 % des bons éléments et 44 % des moins bons éléments) contre 37 % des délinquants du groupe témoin comparés au groupe expérimental, 35 % des cas acceptés par le personnel du programme, mais éliminés par les procureurs, 9 % des cas jugés comme «n’ayant pas besoin de service» et 19 % des membres du groupe comparés à ces derniers. Bien entendu, un an ne constitue pas une période de suivi idéale; ces écarts dans les résultats du traitement pourraient s’amenuiser ou disparaître après deux ou trois ans. Fait intéressant, il semble que le personnel ait vu juste en ce qui concerne les cas «qui n’avaient pas besoin de service» : ces personnes ont obtenu le meilleur rendement. On n’offre cependant aucune explication concernant les écarts de récidive entre eux et les personnes du groupe témoin comparé au groupe expérimental. Austin (1980) n’a constaté aucun écart statistiquement significatif en matière de récidive entre le groupe expérimental, qui a été soumis à un programme semblable à la probation, et les délinquants du groupe témoin choisis au hasard. Il n’y a aucune autre étude permettant de corroborer la comparaison. BakerHillsman et Sadd (1981) n’ont constaté aucun écart entre leur groupe expérimental et leur groupe témoin en ce qui concerne la probabilité d’une nouvelle arrestation, le nombre de nouvelles arrestations ou la gravité de l’infraction après quatre mois et après douze mois. Quel est le coût de fonctionnement du programme de déjudiciarisation et quelles sont les économies réalisées par le système de justice? On a constaté un écart très important entre le coût par client déclaré pour les programmes, qui variait d’un minimum de 370 $ à un maximum de 1020 $. Certaines études ne font état que des coûts par client qui a réussi; dans d’autres, il est difficile de déterminer en quoi consiste la clientèle ayant servi au calcul. D’autres études ne font état que de chiffres globaux sur les coûts du programme. Dans bien des études, il est suggéré d’établir une comparaison entre le coût du programme de déjudiciarisation et le coût d’incarcération des clients (on emploie habituellement le coût moyen, plutôt que le coût marginal, de l’incarcération). 22 Selon une autre étude, la comparaison doit être établie entre le coût du programme et la valeur des salaires touchés par les clients employés! La méthode de comparaison la meilleure et la plus simple est probablement celle d’Austin (1980) qui, après avoir comparé le coût par client des délinquants déjudiciarisés au coût par client d’un groupe témoin, a constaté que le coût de la déjudiciarisation était deux fois plus élevé. Bien entendu, il n’est pas simple d’établir le coût, compte tenu de tous les facteurs susceptibles d’être pris en considération. Parmi ces facteurs figurent les infractions que permet en théorie de prévenir le traitement (ou le fait d’être incarcéré), les coûts des traitements médicaux des victimes, les impôts payés par les délinquants qui sont mis au travail, le nombre relatif de comparutions devant le tribunal (souvent, celui des délinquants déjudiciarisés ne diffère pas beaucoup de celui du groupe témoin), etc. En outre, on ne s’entend généralement pas sur la façon de tenir compte, dans l’établissement de ces coûts, de certains coûts fixes comme l’administration. Dans toutes les études recensées, toutefois, l’essentiel (lorsqu’il était abordé), c’était que le programme de déjudiciarisation n’entraînait aucune économie pour le système de justice si l’on entend par «économie» le fait que la charge de travail des agents de probation ou d’autres représentants était réduite, que des tribunaux étaient fermés ou que les prisons étaient moins surpeuplées. On ne saurait s’attendre à d’autres résultats étant donné que la plupart de programmes ne s’adressent qu’à deux ou trois pour cent des cas. Le budget du programme de déjudiciarisation constituait plutôt un coût supplémentaire, mais qui pourrait procurer des avantages. Touche Ross (1976) a constaté que les coûts de la probation ont plus que doublé après l’introduction d’un programme visant à traiter les auteurs d’infractions en matière de drogue au lieu de les faire comparaître en justice. Ce phénomène tenait en grande partie au fait que les agents de probation ont dû consacrer du temps supplémentaire aux enquêtes, à l’aiguillage, à la surveillance et aux programmes spéciaux de counseling. Se prévaloir des procédures : un complément ou une étape obligatoire? L’une des procédures qui influent considérablement sur le nombre d’accusés pour lesquels le report de la poursuite est envisagé est la façon de se prévaloir des procédures possibles. Certains programmes de déjudiciarisation avant procès relèvent de la poursuite, des tribunaux ou des services de probation. La façon dont se fait la sélection varie fortement d’un programme à l’autre. Le processus peut être déclenché automatiquement selon les caractéristiques du cas ou à la discrétion d’un procureur donné, d’un membre du personnel de déjudiciarisation ou d’un autre fonctionnaire. Cependant d’autres programmes servent de «complément»; ils ne relèvent pas d’un bureau de la poursuite, et les procureurs et d’autres représentants de la 23 justice ne les envisagent pas automatiquement. Un grand nombre des programmes évalués ont été lancés par des organismes privés qui ont dû établir leur crédibilité auprès des principaux représentants de la justice. Après cette période initiale, il arrive que la sélection des «déjudiciarisables» vienne s’ajouter aux décisions que doit prendre la poursuite avant de porter des accusations. Il peut en résulter une collaboration imparfaite entre les procureurs et ceux qui présélectionnent les cas en vue d’un éventuel report de la poursuite. Cela influe sur le succès de l’initiative, mais certains (p. ex. McDonald, 1986) estiment que les programmes privés, dont les cas leur sont acheminés par la défense, ont le plus d’incidence sur le nombre de cas des tribunaux et sur les cas marginaux. Hillsman (1982, p. 376) est d’avis que les procureurs peuvent, dans bien des cas, fonctionner selon un point de vue tout à fait différent de ceux qui auraient inspiré la tendance à déjudiciariser les cas : … Les procureurs ont soustrait à la déjudiciarisation les accusés admissibles qui pouvaient être reconnus coupables et y ont acheminé des cas comportant des problèmes de procédures (concernant la preuve) ou les cas qui auraient normalement été rejetés parce qu’ils étaient trop mineurs… Cette stratégie de prise de décision maximise leurs divers objectifs, soit faire condamner ceux qui peuvent être relativement facilement reconnus coupables et appliquer une certaine forme de surveillance au plus grand nombre possible d’accusés. [traduction] Hillsman va même jusqu’à supposer que les avocats de la défense ne s’opposent pas à cette stratégie parce qu’il est également dans leur intérêt de l’appuyer, car elle permet d’atteindre le but escompté (le non-lieu), et ce, en consacrant un minimum de temps à la négociation et sans avoir à recourir à des «faveurs». Les opinions sont contradictoires, dans les écrits, quant au placement idéal des programmes de sélection avant procès. Selon certains, le personnel de programmes de déjudiciarisation doit être, et donner l’apparence d’être, indépendant de la poursuite et de la défense afin d’atteindre les objectifs et de maintenir la crédibilité du programme auprès des décideurs et d’autres personnes. Nombre de directeurs de programmes estiment qu’idéalement, ces programmes doivent être considérés comme «étant dans le système de justice, mais non une partie de celui-ci». Musheno (1982) est d’avis que les petites organisations communautaires axées sur le développement et ayant des lignes de communication claires risquent peut-être moins d’élargir la portée du programme d’une façon apte à promouvoir l’élargissement du filet. Un examen (Administrative Office of the U.S. Courts, 1979) de dix organismes fédéraux américains de service de mise en liberté avant procès a permis de constater que les cinq programmes structurés indépendamment semblaient produire des taux de mise en liberté initiale plus élevés, un recours moins général aux cautionnements en argent, des taux de 24 détention avant procès plus faibles, un recours moins étendu à la mise en liberté supervisée et des taux de nouvelle arrestation avant procès plus faibles. D’autre part, les programmes gérés par les services de probation semblaient afficher des taux de défaut de comparution légèrement plus bas. Les autres programmes de services avant procès pourraient suivre les mêmes tendances. Dans certains programmes d’ajournement des poursuites, les représentants de la poursuite effectuent une sélection initiale, puis acheminent le cas vers le personnel du programme de déjudiciarisation pour qui applique son propre processus d’évaluation initiale et de sélection. Une collaboration permettant une sélection conjointe des cas par les procureurs et le personnel des programmes serait peut-être l’idéal. Dans les Services de médiation de Winnipeg, le personnel de la poursuite et celui de la déjudiciarisation examinent ensemble les cas dès le début et effectuent ensemble la sélection. Cette collaboration aide également le personnel des deux services à obtenir une meilleure idée des objectifs, des besoins et des activités de l’autre service. De nombreux auteurs (p. ex. Galvin, 1977; Decker, 1985; Moriarty, 1993) ont souligné à maintes reprises la nécessité de faire participer les procureurs et les juges au processus initial d’établissement des objectifs et d’élaboration de mesures de rechange. Moriarty (1993, p. 69) estime que de nombreux agents de la justice pénale ne connaissent pas bien la solution de rechange qu’est la déjudiciarisation. Fait surprenant, il indique que l’expérience vécue au Massachusetts a montré qu’un certain nombre de membres très qualifiés de la défense ne connaissent à peu près rien de la déjudiciarisation avant procès. Autres facteurs à prendre en considération Dans le cas des initiatives d’ajournement de la poursuite, il est essentiel de connaître les autres facteurs touchant le fonctionnement du système de justice, en particulier le processus de négociation du plaidoyer. Comme le report de la poursuite comporte des étapes au cours desquelles il est toujours possible d’entamer la négociation du plaidoyer, de l’accusation et de la peine, il importe de savoir comment la possibilité du recours à la déjudiciarisation influe sur la négociation du plaidoyer et vice versa. Malheureusement, peu d’études se sont vraiment penchées sur cette relation. Galvin (1977, vol. 3, p. 13) signale, sans donner plus de détails, que le report de la poursuite peut rendre le programme de déjudiciarisation davantage dépendant de la négociation du plaidoyer qu’une possibilité en soi. Au cours de l’examen 25 des possibilités de placement organisationnel des programmes de déjudiciarisation, Rovner-Pieczenik (1974, p. 145) a fait état des préoccupations voulant que leur placement dans les bureaux de la poursuite risque de transformer les abus éventuels de la négociation du plaidoyer en négociation de la déjudiciarisation. Surtout dans le cas des délinquants primaires naïfs à la recherche d’un emploi, le manque d’information sur ce qui les attend probablement dans le système traditionnel peut accroître leur désir de participer à la déjudiciarisation avant procès et offrir aux procureurs un autre moyen de faire progresser rapidement leurs causes devant les tribunaux. Ajournement de la poursuite : examen Il y a encore beaucoup de place pour de meilleures études d'évaluation des programmes de déjudiciarisation des adultes. Feeley (1983, p. 12) en a parlé en des termes assez pessimistes : « Il n’y a aucun domaine où les échecs de la déjudiciarisation sont plus évidents que dans celui de l’évaluation ». On ne peut affirmer grand-chose avec certitude au sujet de la plus grande partie de ce qui s’est passé, sauf qu’une proportion importante des cas qui auraient normalement été rejetés, auraient fait l’objet d’une condamnation avec sursis ou auraient été condamnés à l’amende ont plutôt connu une expérience relativement intense. Par ailleurs, il reste à déterminer si cela est inévitable. Roesch et Corrado (1983) estiment que la déjudiciarisation a été détournée de son but et a subi une distorsion par rapport au concept original par suite des pressions exercées pour qu’elle atteigne des objectifs préexistants et corresponde aux points de vue du système de justice traditionnel. Parmi les défis de la déjudiciarisation avant procès soulevés dans la littérature, mentionnons les suivants : Ciblage. Trop de programmes de déjudiciarisation finissent par s’appliquer à des délinquants qui, de toute façon, ne se seraient pas rendus très loin dans le système de justice. Le défi consiste à établir et à appliquer des critères d’admission qui tiennent compte des taux de non-lieu probables et qui mettent à l’épreuve les limites de ce qui peut et de ce qui doit être fait avec ceux qui ne feraient pas l’objet d’un non-lieu. Il n’y a pas grand-chose à faire pour améliorer le rendement des délinquants à faible risque, et les ressources du système peuvent être mieux utilisées à d’autres fins. Place des programmes. Comme il a été mentionné plus haut, il semblerait qu’il y a des écarts considérables en ce qui concerne le nombre et le genre de cas soumis aux programmes, selon la nature de leur «affiliation» et des relations de travail avec les autres parties du système de justice. En particulier, un vif débat est engagé quant à savoir si la poursuite devraient sélectionner les cas à un stade précoce et si le personnel de la déjudiciarisation devrait travailler en 26 collaboration avec les procureurs ou entretenir des relations plus étroites avec la défense. Facteurs relatifs à l’application régulière de la loi. De nombreux critiques s’en sont pris au fait que la déjudiciarisation comporte des «conséquences sans qu’il y ait de condamnation». Ils soutiennent qu’il faudrait au moins informer les accusés à qui l’on offre la possibilité de la déjudiciarisation de ce qui les attend vraiment s’ils choisissent de comparaître devant le tribunal. Il faut également les informer, au moyen d’une formule de «consentement éclairé», qu’ils risquent de subir une peine plus sévère en se prévalant de la déjudiciarisation. Qualité des programmes. On a beaucoup parlé de la pertinence des interventions offertes aux clients qui bénéficient de la déjudiciarisation. Trop souvent, on choisit des clients «sur mesure», c’est-à-dire adaptés aux programmes, et non l’inverse. Les programmes devraient permettre plus de latitude pour l’évaluation des besoins des intéressés et la façon de répondre à ces besoins individuels. Programmes de médiation et d’arbitrage Les programmes de médiation et d’arbitrage dans les conflits victimes/ délinquants dont est saisi le système de justice ont leur place dans la discussion des plans de déjudiciarisation «exécutés au moyen de programmes» même si cette place prête à controverse. Même certains tenants de la «justice réparatrice» en général et de la médiation en particulier se demandent s’il est même raisonnable de parler d’objectifs de réadaptation dans le cas de la médiation victimes/délinquants. Les ouvrages théoriques sur la question, comme sur celle de la déjudiciarisation en général, font ressortir les effets négatifs des systèmes judiciaires accusatoires et des retards qu’ils entraînent, les «cérémonies dégradantes» et les punitions (surtout par l’incarcération), et l’on soutient que dans la mesure où la médiation victimes/délinquants peut atténuer ces effets, l’incidence à long terme sur l’accusé peut être positive. Cependant, certains partisans de la médiation estiment que ce processus peut avoir des effets positifs sur le plan de la réadaptation, car il offre à l’accusé la possibilité de rencontrer la victime, de connaître toutes les répercussions de l’infraction qu’il a commise, d’approfondir la situation, de participer à la décision concernant les conséquences de son comportement et de réparer les dommages causés. En outre, la médiation peut contribuer à réduire la «stigmatisation» des clients. Il semble que nombre des délinquants considèrent davantage le processus de médiation et les résultats obtenus comme plus justes que leurs homologues qui passent par le processus de justice traditionnel (voir p. ex. Davis et ses collaborateurs, 1980). D’autres partisans de la médiation et praticiens ne sont pas de cet avis estimant, comme l’ont écrit Marshall et Merry (1990, p. 193), qu’il y a peu de chances 27 qu’une intervention à court terme comme celle que prévoient ces méthodes modifie les modes de comportement acquis au fil des ans sous l’influence considérable de la collectivité, de la famille et des pairs. Umbreit (1994, p. 117), qui n’a constaté aucun écart important, sur le plan de la récidive, entre le groupe expérimental et le groupe témoin dans quatre programmes de médiation pour jeunes délinquants aux États-Unis, écrit pour sa part : On pourrait soutenir qu’il est naïf de croire qu’une courte intervention comme la médiation (peut-être de quatre à huit heures par cas) est susceptible d’avoir un effet spectaculaire sur la modification du comportement criminel ou délictueux, lorsqu’on sait que de nombreux autres facteurs relatifs à la vie familiale, à l’éducation, à la consommation d’intoxicants et aux possibilités de traitement et de croissance sont des facteurs contributifs importants. [traduction] En fait, le processus de médiation ne cherche pas à aborder directement les facteurs criminogènes, même si ceux-ci peuvent à l’occasion être abordés dans les conditions de l’entente acceptées par la victime et le délinquant. La plupart des ententes, toutefois, se limitent à des conditions comme faire des excuses, dédommager la victime, effectuer des travaux communautaires ou faire des dons de charité, se comporter avec civilité ou une combinaison de ce qui précède (Davis et ses collaborateurs, 1980; Marshall et Merry, 1990; Umbreit et ses collaborateurs, 1994). Dans une évaluation d’un programme d’ajournement de la poursuite et de médiation à Saskatoon, Nuffield (1997) a constaté que seulement 12 % des ententes contenaient une clause exigeant que l’accusé, ou l’accusé et la victime, bénéficient de counseling ou d’une autre thérapie, qu’ils soient évalués en vue d’une thérapie ou qu’ils se prévalent de thérapies disponibles. Il semble que les antécédents plus chargés des membres du groupe expérimental expliquent ses conclusions selon lesquelles les accusés qui se sont prévalus du programme de médiation affichaient un taux de récidive plus élevé que ceux du groupe témoin (qui avaient été sélectionnés, mais qui n’avaient pas donné suite, en raison surtout de la réticence des victimes ou des délinquants). Elle a émis l’hypothèse (1997, p. 46) que s’attendre à ce que la médiation réduise la récidive et prévienne le crime équivaut peut-être à créer plus d’attentes que sa raison d’être ou les fonds qui lui sont affectés peuvent laisser espérer. 28 Tribunaux axés sur le traitement des toxicomanes Les tribunaux spécialisés à l’intention des toxicomanes constituent une innovation dans le traitement des auteurs d’infractions mineures en matière de drogue aux États-Unis depuis la fin des années 80. Même si bon nombre de ces tribunaux ont pour unique but d’accélérer le jugement des auteurs d’infractions en matière de drogue, il y en a plus d’une vingtaine qui visent à les traiter. De nombreux aspects des programmes diffèrent, y compris l’étape où est appliquée la déjudiciarisation (lorsque le report de la poursuite ou une peine sont envisagés). Le programme est fondé sur un certain nombre de prémisses : par ex. l’affranchissement des drogues est un objectif à long terme, le traitement doit commencer par la désintoxication immédiatement après la «crise» occasionnée par la mise en accusation, le juge doit être activement et fréquemment en contact avec le délinquant, le programme doit tenir compte des questions relatives au niveau d’instruction, à l’emploi et à la famille, et des rechutes doivent être prévues et abordées devant le tribunal immédiatement sans qu’on ait recours à une longue incarcération. Il est trop tôt pour prévoir les résultats que pourraient produire les tribunaux axés sur le traitement des toxicomanes, mais leurs défenseurs sont enthousiastes (voir p. ex. Tauber, 1994; Dickey, 1994). Le plus ancien de ces tribunaux (qui existe depuis 1989) dans le comté de Dade en Floride applique un programme d’ajournement de la poursuite qui promet le rejet de la cause si le délinquant a suivi avec succès le programme de traitement d’un an. Il vise les personnes accusées de possession de drogue ayant été reconnues coupables jusqu’à trois fois auparavant de crimes non liés aux drogues et de n’importe quel nombre d’infractions en matière de drogue. Le programme comprend : counseling, acupuncture pour aider à surmonter le syndrome de sevrage, réunions d’entraide, services d’éducation et de formation professionnelle ainsi qu’un contrôle actif au moyen d’analyses d’urine et de comparutions régulières devant le juge afin qu’il puisse se rendre compte des progrès réalisés. Le nombre de cas actifs du programme s’élevait à environ 1 200 en 1993. Pour leur évaluation, Goldkamp et Weiland (1993) ont utilisé un échantillon de référence formé d’auteurs d’infractions en matière de drogue semblables qui avaient été poursuivis avant que soit créé le tribunal spécialisé en matière de drogue. Dix-huit mois après la fin du programme, 28 % des délinquants qui avaient suivi avec succès le programme avaient été arrêtés de nouveau, soit environ la moitié du groupe de référence. De plus, les nouvelles infractions étaient moins graves, en moyenne, que pour le groupe témoin. La période moyenne précédant la nouvelle arrestation était de 235 jours dans le cas des personnes ayant réussi le programme. Les mandats d’arrestation applicables aux clients qui ne s’étaient pas présentés en cour ou qui avaient connu une rechute au moment du traitement étaient fréquents; il y a eu au moins un mandat d’arrestation contre 54 % des clients pendant le programme. En général, il en a résulté un séjour de deux à huit jours en prison, le nombre de jours augmentant 29 avec les violations. Environ la moitié des accusés qui se sont vu offrir la possibilité de participer au programme l’ont refusée et ont décidé de tenter leur chance auprès du tribunal. Même si le programme cherchait à éviter l’«élargissement du filet», on ne sait pas dans quelle mesure il a réussi. Le coût net du programme par cause réglée s’établissait à 800 $ pour un an. La plupart des clients ont cependant participé au paiement de leur traitement, ce qui en a réduit le coût net. PARTIE IV. Déjudiciarisation au stade de la détermination de la peine La déjudiciarisation à l’étape de la détermination de la peine peut revêtir diverses formes : report de la détermination de la peine en attendant une intervention communautaire intensive; et administration de «nouvelles» sanctions comme la médiation victimes/délinquants et les services communautaires. Stratégies de planification des solutions de rechange à l’imposition d’une peine Les programmes de planification des solutions de rechange à l’imposition d’une peine, connus parfois sous le nom de «planification axée sur les clients» (PAC), offrent renseignements et conseils aux procureurs, aux juges qui prononcent la peine et aux accusés. La planification axée sur les clients permet de recommander que des délinquants reconnus coupables et qui seraient autrement incarcérés, vivent dans la collectivité une expérience correctionnelle intensive adaptée aux risques et aux besoins de chaque cas. Pour cette raison, il est probablement plus approprié de parler de stratégie plutôt que de programme de planification des solutions de rechange à l’imposition d’une peine, puisque chaque programme conçu pour un délinquant sera unique. Les stratégies correctionnelles recommandées pour maintenir le délinquant dans la collectivité peuvent comprendre des éléments divers comme la surveillance intensive, y compris la surveillance électronique, l’inscription à des programmes de traitement, d’études ou de formation professionnelle, le dédommagement ou le service communautaire, de nouveaux modes de logement (comme le placement dans les foyers collectifs) ou même la surveillance 24 heures sur 24 par un moniteur résidant. La clé du processus consiste à adapter la peine au délinquant et à l’infraction, et à gérer le risque et les besoins dans la collectivité. Comme la PAC cherche à cibler les auteurs d’infractions graves (p. ex. ceux pour qui une peine d’emprisonnement est recommandée par les procureurs ou ceux qui sont admissibles à une mise en liberté anticipée), le nombre de plans communautaire acceptés par les autorités a tendance à varier. Les taux d’acceptation ont varié d’un quart à trois quarts des cas, les taux d’acceptation de nombreux programmes oscillant autour de 50 % (Yeager, 1995). 30 En ce qui concerne les délinquants adultes, une poignée d’évaluations se sont penchées sur certaines des principales questions de déjudiciarisation qui se rapportent aux programmes de planification des solutions de rechange à l’imposition d’une peine. Il ne fait aucun doute que la plus complète est l’étude de Clements (1989), qui porte sur 117 cas pour lesquels une PAC a été préparée. Le chercheur a comparé les clients de la PAC à 141 cas pour lesquels aucune PAC n’avait été préparée. En dépit des efforts faits pour les faire correspondre le plus possible au groupe de référence, il restait des différences observées dont bon nombre donnaient à penser que les membres du groupe expérimental étaient un groupe plus sérieux. Les clients de la PAC représentaient environ quatre pour cent du nombre total de cas traités par les tribunaux étudiés. Selon les données de Clements, les clients de la PAC avaient en fait été reconnus coupables de crimes graves; 55 % avaient été condamnés pour des crimes contre la personne et dans 33 % des cas, la victime avait subi des blessures. Dans 40 % des cas, une arme (arme de poing) avait été utilisée. En ce qui concerne les antécédents criminels, 64 % des délinquants avaient été reconnus coupables à une ou plusieurs reprises, 47 % avaient été condamnés pour crime grave et 38 % avaient déjà été incarcérés. Bon nombre des sujets du groupe expérimental auraient en fait pu être incarcérés. Clements a fait appel à une méthode statistique, l’analyse de régression, pour déterminer si, compte tenu d’autres facteurs comme la gravité de l’infraction, le fait qu’une PAC ait été présentée au juge qui a prononcé la peine avait influé sur la peine infligée. Il a constaté que tel était le cas, mais seulement pour les cas de PAC dont les plans avaient été entièrement acceptés par le tribunal (le quart du groupe visé par la PAC). Ces 29 délinquants risquaient beaucoup moins d’être emprisonnés que ceux du groupe témoin. Dans 28 % des cas de PAC, le plan n’a été accepté qu’en partie par le juge qui a prononcé la peine, et la proportion d’entre eux qui été incarcérée était la même que pour le groupe témoin. Cependant, dans le cas des autres (47 %) membres du groupe visé par la PAC, pour lesquels aucune des recommandations de la PAC n’a été acceptée, les taux d’incarcération ont été beaucoup plus élevés que dans le cas des membres du groupe témoin. Clements s’est demandé si une «étiquette de dangerosité» n’était pas apposée aux clients de la PAC pour lesquels le juge ne partageait pas le point du vue du plan. Cela peut également se refléter dans le fait que la période de probation des clients de la PAC était en moyenne 17 mois de plus que celle des sujets du groupe témoin et que le nombre de conditions qui leur étaient imposées était plus élevé. Clements indique que ces chiffres correspondent à l’idée qu’on a de la PAC, à savoir que beaucoup des clients que la PAC cherche à garder dans la collectivité doivent en fait faire l’objet d’un contrôle plus serré et ont besoin de plus d’aide que les probationnaires. Cependant, cela n’explique pas les écarts entre les groupes expérimental et témoin à cet égard. La PAC a peut-être servi à mieux cerner les besoins des clients et les risques qu’ils représentent que ne le fait le rapport 31 présentenciel moyen, et, de ce fait, éveille davantage l’attention des juges qui prononcent la peine. Fait important, l’écart général dans l’imposition de la peine s’expliquait presque entièrement par la gravité de l’infraction. C’est également ce que donne à entendre une étude du Restorative Resolutions Program de Winnipeg (Bonta et Gray, 1996). Ce programme visait les cas pour lesquels la Couronne a recommandé au moins neuf mois de prison. Les autres critères du programme étaient des périodes d’incarcération antérieures ou un manquement aux conditions de la probation. Les 63 plans présentés aux tribunaux au cours des 30 premiers mois du programme ont été analysés. Près des deux tiers (64 %) des clients étaient des récidivistes; 76 % avaient des relations familiales ou matrimoniales instables; 51 % éprouvaient des problèmes liés à l’alcool ou aux drogues et 47 % avaient été considérés comme ayant des difficultés psychologiques. Enfin 39 % avaient été reconnus coupables de crimes de violence. Les plans de 86 % des délinquants ont été acceptés en totalité ou en partie, et tous ces délinquants acceptés ont été placés en probation. Les délinquants qui avaient commis un crime de violence, cependant, avaient moins de chances de voir leur plan accepté par le juge. Un autre prédicteur important de l’acceptation du plan était l’appui du plan par la Couronne. Dans 34 cas, la Couronne a appuyé le plan et, dans tous ces cas, le juge l’a accepté. Comme dans beaucoup de ces cas la Couronne aurait recommandé au départ au moins neuf mois d’emprisonnement, la PAC a pu influer sur la perception des solutions de rechange par la Couronne. Bonta et Gray ont utilisé des données sur des probationnaires à risque moyen pour établir des comparaisons au cours d’un suivi d’un an des cas de PAC (considérés comme étant surtout à risque moyen selon l’échelle d’évaluation du risque et des besoins du Manitoba). Les 48 cas de PAC pour lesquels des données de suivi sur un an étaient disponibles ont obtenu un taux de succès de 85 % (aucune nouvelle arrestation) comparativement à 72 % pour les probationnaires à risque moyen. Un certain nombre d’évaluations de stratégies de planification de solutions de rechange à l’imposition d’une peine ont été effectuées en Caroline du Nord (Institute of Government, 1990, 1987, 1986). Malheureusement, la petite taille des échantillons et le rétrécissement au fil du temps de ces échantillons réduisent fortement la possibilité de généraliser à partir de ces études, mais ils indiquent généralement que les programmes ont un effet positif en évitant l’incarcération aux délinquants. Une autre indication évidente est que la PAC s’applique également aux délinquants qui ne seraient peut-être pas incarcérés. Encore une fois, cependant, pour la proportion importante de cas de PAC qui risquaient d’être incarcérés et dont le plan a été rejeté par le juge, il semble que 32 la peine d’incarcération imposée risque d’être beaucoup plus longue que dans le cas du groupe témoin. L’Institute a également effectué une étude (1992) sur la récidive de 37 933 auteurs d’une infraction autre qu’une infraction au Code de la route en Caroline du Nord qui se sont vu infliger diverses peines dans cet État. L’étude a montré que les facteurs décisifs applicables à 313 délinquants condamnés à un «programme de sanctions communautaires» (c’est-à-dire une forme assez intensive de probation après l’acceptation d’une PAC) étaient extrêmement semblables à ceux des 6 514 détenus des prisons de l’État mis en liberté dans le cadre d’une libération conditionnelle ordinaire. Ces facteurs comprenaient l’existence d’un casier judiciaire, le niveau d’instruction, la consommation de drogues et d’alcool et une condamnation pour infraction grave. Il semble que les délinquants ayant bénéficié de la PAC étaient en fait destinés à la prison. Fait intéressant, toutefois, leurs taux de récidive après une moyenne de 26,7 mois s’établissaient à 36 % contre 41 % pour les libérés conditionnels après la même période, et les délinquants ayant bénéficié de la PAC ont été arrêtés de nouveau pour des crimes de violence moins souvent (6 %) que les libérés conditionnels (12 %). Ces écarts demeuraient même après la prise en compte des facteurs de risque. La valeur d’autres études sur les programmes de PAC pour les adultes à Washington (Dash et ses collaborateurs, 1970), à Ottawa (Peters, document non publié, 1983, résumé par Yeager, 1992) et à Boston (Klausner et Smith, 1991) a été réduite à cause de la petite taille des échantillons et des questions concernant la comparabilité des groupes témoins. Ces quelques évaluations de la planification des solutions de rechange pour les délinquants adultes donnent à penser que cette approche pourrait permettre d’éviter la prison à des délinquants et de les soumettre à une intervention assez intensive dans la collectivité. Cependant, plus l’intervention est intensive, plus les délinquants risquent de terminer rapidement le programme, d’être découverts s’ils adoptent des comportements non souhaitables et d’être pénalisés plus durement au cours de procédures ultérieures. Dans le cas des délinquants dont la PAC est rejetée dès le début par le juge qui prononce la peine, la sanction imposée risque d’être plus lourde, peut-être supérieure à ce qu’elle aurait été autrement. La proportion des cas où la PAC est rejetée est considérable dans bien des programmes. Certains des aspects des programmes et des questions soulevées par ces études sont la répétition de ceux qu’on trouve dans des programmes de déjudiciarisation antérieurs à d’autres stades. Ce sont : Ciblage. Cibler les délinquants qui sont réellement destinés à la prison demeure un défi. On peut compléter des critères clairs par des instruments de prévision qui permettent d’estimer la probabilité de l’imposition d’une peine d’emprisonnement et le risque de récidive. Comme il existe certaines indications que la PAC peut être superflue dans le cas des délinquants qui ne sont pas destinés à la 33 prison, il s’agit d’une question d’affectation des ressources et d’efficacité de la déjudiciarisation. Encore une fois, cibler les délinquants qui présentent un risque très élevé de récidive peut être une opération inutile exigeant beaucoup de ressources. Klausner et Smith (1991) ont décrit un programme de PAC pour des femmes auteures d’infractions en général pas extrêmement graves. Cependant, leur style de vie était si dysfonctionnel que 72 % n’ont pas réussi le programme. Toutes celles qui ont échoué et l’une de celles qui ont réussi ont été incarcérées dans l’année qui a suivi; l’on ne sait cependant pas si elles l’ont été parce qu’elles avaient manqué aux conditions de leur peine ou parce qu’elles avaient commis de nouvelles infractions. Moment de l’aiguillage. La planification des solutions de rechange exige beaucoup de temps. Le personnel peut devoir y consacrer 40 heures ou plus sur une période de plusieurs semaines. Il importe donc de commencer le processus le plus tôt possible. Dash et ses collaborateurs (1970) ont constaté que les travailleurs devaient commencer à s’occuper du cas immédiatement après la nomination de l’avocat de la défense. Cela nécessitait l’examen systématique des registres de la cour ainsi que des relations de travail concertées avec les auxiliaires de l'aide juridique. Cette situation ne résultait pas seulement de la nécessité de disposer de temps de préparation (ou du fait que les avocats de la défense avaient tendance à ne pas appeler les travailleurs de la PAC tant qu’ils n’avaient pas élaboré leur propre stratégie), mais de l’inséparabilité du plaidoyer avant procès et des processus de négociation de la peine. Dash et ses collaborateurs ont constaté que même si le programme visait les peines, si les éléments fondamentaux du plan étaient connus au début du processus, ils pouvaient réellement accroître la probabilité de non-lieu. Placement du programme dans la structure. Une question semblable a trait au placement idéal du programme dans l’organisation. Certains programmes sont un complément ou un projet de l’assistance juridique ou du Barreau. Cela semble augmenter le nombre de cas acheminés au programme, en particulier ceux qui le sont tôt dans le processus, empêcher le personnel de «prévoir» indûment les réactions des juges et des procureurs, et améliorer l’échange d’information avec les accusés et leur avocat. D’autres programmes s’éloignent de la défense et visent plutôt à présenter une évaluation impartiale de tous les points de vue. Reste à déterminer où résident les avantages et les inconvénients. 34 Résistance de la part des intérêts connexes. De nombreux chercheurs (p. ex. Yeager, 1995) ont fait remarquer que les programmes de PAC relevant du secteur privé rencontrent généralement, du moins au début, l’opposition de groupes professionnels, d’agents de probation en particulier, qui peuvent voir dans le programme une usurpation de leurs fonctions. La PAC peut représenter une charge de travail supplémentaire pour les agents de probation et mener à l’imposition de conditions qu’ils doivent faire respecter même s’ils ne souscrivent pas à leur application. Cela peut rendre plus difficile le travail des préposés à la PAC. Yeager note (1995, p. 26) qu’en Caroline du Nord, l’Office of the State Auditor a critiqué les efforts du bureau de probation pour «déstabiliser» le Programme de sanctions communautaires. Coût. La planification des solutions de rechange est coûteuse; elle coûte parfois plus de 2 000 $ par plan. Les délinquants qui peuvent payer ce service ne représentent pas la majorité, et le coût à assumer pour les autres risque toujours d’être comparé au coût des rapports présentenciels des agents de probation même s’ils ne constituent peut-être pas un service comparable. Comme la PAC ne remplace pas normalement les rapports présentenciels, s’ils sont subventionnés pour les délinquants dans le besoin, ils constituent un coût supplémentaire pour le système. Les services sont-ils fournis? Nombre de programmes de PAC cherchent à «modifier» des éléments importants de la vie d’un délinquant avant la date de l’imposition de la peine, et même à obtenir la confirmation d’un placement avant le temps. Il ne fait aucun doute que cela peut avoir un effet important sur la détermination de la peine, mais selon le délinquant, il peut s’agir d’une tâche énorme. Clements (1987) a souligné que les tentatives pour obtenir un emploi pour le délinquant et le placer dans un centre de traitement résidentiel avant la détermination de la peine étaient souvent vouées à l’échec. En ce qui concerne les programmes qui ont moins recours à cette intervention précoce, il reste à déterminer la capacité et la pertinence des services communautaires, surtout dans le cas des clients qui pourraient autrement être incarcérés. Ordonnances de services communautaires Certains se demandent si un examen des ordonnances de services communautaires (OSC) doit faire partie d’une analyse des programmes de rechange à l’incarcération. De toute évidence, la plupart des exemples de services communautaires comportent très peu des éléments traditionnels du traitement correctionnel même si les défenseurs de cette approche font ressortir les effets bénéfiques que peut avoir, pour un délinquant, le fait de se rendre régulièrement au travail (même si ce n’est que pour de brèves périodes ou par intermittence), d’être exposé à des milieux prosociaux, et d’autres avantages semblables. Pease et McWilliams (1980) estiment, en fait, que les services communautaires ont «servi à toutes les sauces» et qu’il s’agit là d’une partie du problème. Si les 35 services communautaires sont une forme de punition, cela n’est pas toujours évident comme en témoignent parfois le manque de conséquences en cas de non-participation ou la nature de certains travaux qui sont assignés. Par ailleurs, si les services communautaires doivent être considérés comme une mesure de réadaptation, on éprouve souvent des difficultés à trouver un travail valable (ou du moins qui ne soit pas un travail artificiel ennuyant) et à établir des contacts avec les personnes qui pourraient offrir au délinquant quelque chose ayant une valeur durable. Flegg et ses collaborateurs (1976), par exemple, ont constaté que les délinquants assujettis à une OSC ont mentionné l’importance des relations avec leur surveillant sur les lieux de travail. Le surveillant compétent peut encourager le délinquant à se réévaluer ainsi que les autres, offre un modèle de comportement et aide le délinquant à avoir confiance en lui-même. Cependant, pour la plupart des délinquants assujettis à une ordonnance de services communautaires, celle-ci constitue une corvée jusqu’à la fin, qui comporte peut-être quelques légers avantages (selon un organisateur d’OSC cité dans Pease et ses collaborateurs, 1977a). Néanmoins, d’après quelques études, les OSC peuvent en fait détourner de l’incarcération un grand nombre de délinquants. Il s’agit des cas où l’infraction est considérée comme justifiant une mesure punitive en plus de la probation et où le délinquant n’est pas considéré comme un risque pour la sécurité du public. Pease et ses collaborateurs (1977b) ont estimé au moyen de mesures indirectes que de 46 à 50 % des OSC imposées en Angleterre au cours des premières années de la mise en œuvre du programme l’étaient à l’égard de délinquants qui auraient autrement été incarcérés. Spaans (1995) en est arrivé à la même estimation au moyen d’une comparaison plus complexe des délinquants assujettis à une OSC et des délinquants qui se sont vu infliger une brève peine d’incarcération aux Pays-Bas. McDonald (1986) fait état d’une lutte longue mais fructueuse visant à accroître la durée des ordonnances de services communautaires imposées dans la ville de New York à des délinquants qui, autrement, se seraient retrouvés en prison. En fin de compte, après divers ajustements aux programmes, on a estimé à l’aide de modèles statistiques que 52 % des délinquants assujettis à une ordonnance de services communautaires avaient été soustraits de la population des délinquants destinés à la prison. Comment les délinquants assujettis à une OSC se comparent-ils, sur le plan de la récidive, à des délinquants semblables incarcérés ou bénéficiant d’une option communautaire, est une question qui n’a pas été examinée à fond. Pease et ses collaborateurs (1977b) ont observé chez les délinquants assujettis à une OSC des taux de récidive supérieurs à ceux de groupes de référence qui ne correspondaient pas parfaitement à eux et formés de délinquants condamnés à des peines d’incarcération ou à d’autres genres de peine. McDonald (1986) a 36 constaté des taux de récidive plus élevés chez le groupe assujetti à une OSC dans deux quartiers de la ville de New York, mais moins élevés dans un troisième. Centres de fréquentation de jour Les centres de fréquentation de jour (CFJ) sont largement utilisés en Angleterre depuis quelques décennies, et leur nombre croît rapidement aux États-Unis. Selon l’enquête de Parent (1995), il y avait 13 centres de fréquentation de jour en 1990 aux États-Unis et 114 en 1994. Parent fait remarquer qu’il n’y a pas encore de recherche systématique expérimentale ou quasi expérimentale sur les CFJ aux États-Unis et que cela tient peut-être en partie aux différences importantes dans leur utilisation. Selon la loi et la politique de l’État, ils peuvent être accessibles à presque toutes les étapes du processus de justice, et leurs profils divers se reflètent dans l’écart énorme entre le coût quotidien moyen par client et les taux de cessation très différents déclarés dans l’enquête (de 14 à 86 %). Parent note que nombre de CFJ visent les auteurs d’infractions mineures qui consomment drogues ou alcool et qui n’ont pas besoin de traitement en milieu fermé (1995, p. 23). Il mentionne cependant qu’on a tendance, depuis quelque temps, à mettre l’accent au moins autant sur la surveillance que sur le traitement. La norme est une participation de cinq à six mois au programme. En Angleterre, les «centres de probation de jour» répondent aux besoins de deux groupes distincts : les clients volontaires (délinquants ou non) et les délinquants qui sont obligés, en vertu d’une ordonnance de probation, de se présenter à un centre de jour pendant une période pouvant aller jusqu’à 60 jours. Ces délinquants désignés sous le nom de «4B» (d’après l’article de la Powers of Criminal Courts Act de 1973 qui s’applique à eux) sont des personnes qui seraient autrement incarcérées, mais pendant des périodes relativement brèves. Les centres de jour britanniques se préoccupent moins des objectifs de surveillance ou de contrôle. Ils se concentrent plutôt sur un programme intensif de dynamique de la vie, de développement des aptitudes cognitives, de counseling, de formation professionnelle, d’alphabétisation et d’apprentissage du calcul, d’introduction à l’utilisation d’un ordinateur, etc. L’accent varie d’un centre à l’autre. Pour les clients, il s’agit d’une expérience intensive, qui oblige les clients employés à être présents à temps plein ou partiel presque tous les jours. Selon les chiffres de Vass et Weston concernant les aiguillages vers le Cedar Hill Day Centre, 10 % des clients ont rejeté l’option parce qu’ils ne pouvaient pas participer à ces activités ou parce que l’incarcération semblait être une solution de rechange plus facile et souvent plus rapide (1990, p. 197). Vanstone (1986, p. 101-102) cite un client qui a trouvé le régime trop rigide : 37 Je ne recommanderais pas cet endroit. Il m’a traumatisé. J’ai vu beaucoup d’établissements, mais je ne voudrais pas revenir dans celui-ci, sauf pour éviter la prison. Il y a trop de discussions personnelles et beaucoup de méfiance. C’est très strict– il faut s’efforcer de contrôler son comportement. Je suis contre l’autorité de cet endroit. Je ne peux pas la tolérer. Je suis contre l’autorité. Elle n’est pas très rigide, mais on la sent. [traduction] Il n’existe pas d’études expérimentales ou quasi expérimentales indiquant avec précision le nombre de «4B» qui ont évité la prison, mais d’après quelques études, un important nombre de cas ont été déjudiciarisés. Dans l’étude la plus poussée réalisée sur les centres, Mair (1988) a examiné un échantillon de 867 clients (des deux types). Il a constaté que leur profil correspond à celui de récidivistes inadaptés socialement et que 60 % de l’échantillon est formé de «4B». De ce nombre, 88 % avaient moins de 30 ans, 87 % étaient chômeurs, 67 % avaient été reconnus coupables de cambriolage ou de vol, 11 %, d’un crime de violence, 51 % avaient déjà été incarcérés et 43 % avaient déjà été reconnus coupables six fois ou plus. Mair conclut (1988, p. 17) que les centres de probation de jour jouent peut-être un rôle comme solution de rechange à l’incarcération dans le cas de ceux qui font l’objet d’une ordonnance en vertu de l’article 4B. Vass et Weston (1990) et Vanstone (1986) souscrivent à ce point de vue, mais ils se fondent aussi sur des données non expérimentales. Vanstone fait état de données indiquant la ressemblance entre les populations carcérales et la population d’un centre de jour d’Angleterre en ce qui concerne le profil des infractions, le nombre de condamnations antérieures et le nombre d’incarcérations précédentes. Selon un échantillon de rapports d’enquêtes sociales (rapports présentenciels) du même centre, dans 79 % des rapports, les agents de probation ont soulevé la possibilité d’une incarcération. Dans 83 % des cas où la recommandation d’une formation de jour n’a pas été suivie, une peine d’incarcération a été imposée. Vanstone fait aussi remarquer que les taux de récidive des clients du centre de jour un an après la fin du programme sont comparables à ceux des détenus mis en liberté. Les entrevues de Vanstone avec les clients du Pontypridd Day Centre ont révélé un âge moyen de 13 ans lors de la première peine, une moyenne de 13 condamnations antérieures et, parmi 91 % des membres du groupe, une moyenne de quatre peines d’emprisonnement. Vass et Weston (1990) ont examiné les résultats de 79 recommandations d’aiguillage vers le Cedar Hill Day Centre que les tribunaux ont rejetées. De ce nombre, 56 % des délinquants se sont vu infliger des peines d’incarcération. PARTIE V. Programmes postincarcération Un programme décrit par Fairhead (1981) à l’intention des récidivistes qui commettent des infractions mineures constitue un écart intéressant par rapport à 38 la norme. Conscientes de la proportion importante des récidivistes auteurs de crimes contre la propriété dans la population carcérale, les autorités ont offert à un échantillon de 125 de ces délinquants une assistance intensive dans quatre domaines : logement, emploi, lutte contre la toxicomanie et contacts prosociaux. Ces délinquants étaient plus âgés (la moitié avait plus de 40 ans), avaient un casier judiciaire chargé (la moitié avaient au moins 25 condamnations à leur actif), avaient généralement peu ou pas d’amis intimes, avaient tendance à abuser de l’alcool et dormaient dehors ou n’avaient pas de domicile fixe. Le personnel du programme a cherché, pour chacun d’eux, des installations sûres et stables, car à son avis il était prioritaire d’améliorer les conditions de logement de ces délinquants mis en liberté. En outre, avant leur mise en liberté, on a cherché pour chaque délinquant un bénévole qui l’accompagnerait à son nouveau logement à sa sortie de prison et qui continuerait de lui venir en aide en collaboration avec le personnel correctionnel. L’intervention a porté sur un groupe de 125 récidivistes auteurs d’infractions mineures. Il convient de noter que sur n’importe quelle échelle de prévision, ces délinquants seraient classés «à risque élevé de récidive». En plus de leur casier chargé, la plupart étaient aux prises avec de «graves» problèmes dans les quatre principales catégories de besoins. Un seul des 125 délinquants a accepté l’aide d’un bénévole, et tous sauf huit ont refusé le logement, n’ont pu être placés, ne se sont pas présentés ou sont restés moins d’un mois. Pendant le suivi de neuf mois, on n’a constaté aucune différence importante dans le taux de nouvelles condamnations ou de réincarcération entre ceux qui avaient bénéficié d’un logement (même brièvement). Toutefois, il y avait une différence dans le nombre de nouvelles condamnations et de périodes de réincarcération par délinquant. Six des huit délinquants qui avaient occupé le logement trouvé pendant au moins un mois n’ont pas été condamnés de nouveau pendant la période de suivi de neuf mois. Aucune donnée n’existe sur les autres tentatives qui peuvent avoir été faites pour aider le groupe sur le plan de la lutte contre la drogue et l’alcool, les contacts prosociaux et l’emploi. Solutions de rechange à l’incarcération des jeunes au Massachusetts et dans d’autres États américains La documentation sur la déjudiciarisation des jeunes présente des exemples dignes de mention en matière de solution de rechange à l’incarcération. L’exemple le mieux connu est la désinstitutionnalisation spectaculaire effectuée par le système de justice pour les jeunes du Massachusetts au début des années 70 par Jerome Miller, qui était alors commissaire des Services pour les jeunes. Assisté de l’autorité chargée des Services pour les jeunes qui l’a aidé à confier les délinquants aux installations ou aux programmes considérés comme les plus appropriés, Miller a transféré d’un seul coup presque tous les jeunes détenus des établissements de l’État et a conclu des contrats avec les fournisseurs de services communautaires en vue d’obtenir une grande variété de 39 solutions de rechange en matière de placement et de programmes, y compris les foyers collectifs et les programmes non résidentiels (Miller, 1994). En 1968, un an avant le début du mandat de Miller, les Services pour les jeunes avaient la charge de 2 443 jeunes, dont 833 résidaient en établissement et 1 610 étaient en liberté conditionnelle après une période d’incarcération. En 1974, un an après le départ de Miller, les Services pour les jeunes s’occupaient de 2 367 jeunes, dont 132 se trouvaient dans des établissements de l’État, 941 étaient en liberté conditionnelle, 399 résidaient dans des établissements collectifs privés, 171 étaient en famille d’accueil et 724 participaient à d’autres programmes non résidentiels (Bullington et ses collaborateurs, 1986, p. 513). Même si l’on a cessé d’appliquer intégralement l’approche originale de Miller, l’État affiche l’un des taux de criminalité et d’incarcération des jeunes les plus faibles des États-Unis. Le nombre de mises en accusation de jeunes a diminué de 46 % de 1974 à 1984 en dépit d’une hausse de 25 % du nombre de jeunes dans l’État (Bullington et ses collaborateurs, 1986, p. 517). Selon une étude de 800 clients mis en liberté par les Services pour les jeunes en 1984-1985, le taux de nouvelles mises en accusation est inférieur après 12 et 24 mois à ce qu’il était quand existait l’ancien système d’école de formation (Krisberg et ses collaborateurs, 1989). Cependant, selon certaines données, les taux de détention temporaire des jeunes pourraient avoir augmenté à mesure que les séjours de longue durée ont diminué (Massachusetts Advocacy Center, 1980). De toute évidence, le succès de ce genre de réforme dépend d’un certain nombre de facteurs critiques, dont une autorité chargée de la détermination de la peine et de la prise en charge, le soutien politique, la capacité de réunir un nombre suffisant de programmes communautaires de rechange efficaces et la compétence nécessaire pour faire face à l’opposition des employés de l’État déplacés, à l’opposition politique et aux préoccupations du public. Ces facteurs existent dans peu d’États, et presque aucun ne s’applique à la population correctionnelle adulte. Les fonds consacrés auparavant aux établissements doivent être affectés aux solutions de rechange communautaires sans que l’on cherche à faire réaliser des économies aux établissements dès le début. En fait, Miller n’a pu répéter dans la même mesure son expérience du Massachusetts en Pennsylvanie et en Illinois. Cependant, il y a eu un certain nombre de fermetures d’établissements pour les jeunes dans divers États, dont l’Utah, le Maryland et le Missouri (voir Krisberg et Austin, 1993). Des conclusions semblables concernant des jeunes désinstitutionnalisés ont été tirées dans d’autres études (p. ex. Lerner, 1990; McGillis et Spangenberg, 1976). PARTIE VI. Idées provenant d’autres pays La présente section formule quelques idées sur les systèmes d’autres pays qui pourraient être ajoutées aux possibilités de déjudiciarisation des délinquants. Malheureusement, il y a peu d’études sur l’incidence de leur mise en œuvre. 40 Jours-amendes Bien des pays d’Europe ont recours aux jours-amendes depuis des décennies. Le principe consiste à rendre les amendes plus justes en adaptant le montant de l’amende à la capacité de payer du délinquant, d’où la gamme variée d’amendes; cependant celles-ci ont une incidence à peu près égale sur les délinquants ayant des revenus différents. L’amende totale doit être acquittée en un seul versement sauf si des versements périodiques sont autorisés. Selon certains (p. ex. McDonald et ses collaborateurs, 1992), l’introduction des jours-amendes pourrait accroître le recours aux amendes par rapport à d’autres formes de peine, car en théorie le système des jours-amendes met le pauvre sur un pied d’égalité avec le riche. Cette mesure pourrait «faire mal» aux délinquants mieux nantis, tout en étant adaptée aux moyens des plus pauvres. Les jours-amendes reposent, peut-être plus que les amendes traditionnelles, sur l’hypothèse que l’amende sera payée. Par conséquent, on estime que cette mesure a une incidence éventuelle sur l’incarcération pour défaut de paiement de l’amende dans le cas des délinquants à faible revenu. Comme les amendes sont les sanctions les plus courantes dans bien des systèmes de justice, même pour certains crimes graves, leur incidence éventuelle est énorme. Une étude du British Home Office examinée dans Morgan et Bowles (1981) attribue le degré de défaut de paiement à des difficultés financières réelles. Bien entendu, il faut calculer avec précision le montant des jours-amendes et les niveaux des amendes. Fogel (1988) fait état d’une étude qui a montré que les taux de non-paiement des jours-amendes imposés au cours de la première année d’application du programme en Allemagne étaient identiques à ceux des trois années précédentes obtenus en vertu de l’ancien système. En Finlande, les modifications apportées en 1976 à la méthode de calcul des jours-amendes et du nombre de jours-amendes par infraction ont réduit le nombre de nonpaiements. Une expérience du Vera Institute concernant l’application de jours-amendes à Staten Island (McDonald et ses collaborateurs, 1992) a montré que les amendes moyennes imposées étaient plus lourdes et les périodes de perception plus longues. Cependant les jours-amendes étaient perçus en entier aussi souvent que les amendes fixes moins élevées. Nombre de jours-amendes imposés à des délinquants mieux nantis auraient pu être plus élevés si le plafond prévu par loi l’avait permis. Dans cette expérience, les juges avaient la possibilité de recourir aux jours-amendes ou aux amendes fixes plus traditionnelles. Au cours de la première année, les juges ont décidé de recourir aux jours-amendes dans 70 % des cas. Cette innovation n’a cependant eu aucun effet sur le recours relatif aux amendes comparativement aux autres formes de peine. 41 La même étude a également fait état de l’expérience menée à Milwaukee, où les jours-amendes ont été imposés à raison de périodes de deux semaines sur quatre en alternance avec les amendes traditionnelles. Le jour-amende moyen était inférieur à l’amende traditionnelle moyenne, mais encore une fois, pour 22 % des délinquants mieux nantis, les jours-amendes auraient pu être plus élevés si la limite prévue par la loi l’avait permis. Les deux programmes ont produit le même taux de non-paiement (61 % pour les jours-amendes et 59 % dans le cas des amendes traditionnelles), mais les délinquants qui se sont vu imposer des jours-amendes étaient plus susceptibles de payer la totalité de leur amende (37 % contre 25 %). Chez les délinquants à faible revenu, 33 % ont payé la totalité des jours-amendes comparativement à 14 % qui se sont vu infliger une amende traditionnelle. Il n’y avait pas d’écart important dans les taux de nouvelles arrestations sur une période de suivi de neuf mois. Amendes de la poursuite Les amendes de la poursuite existent en Écosse («fiscal fines»), en Belgique, en Suède et en Allemagne, et elles existent sans aucun doute ailleurs. Dans ces pays, le procureur a le pouvoir d’imposer une amende aux délinquants consentants qui n’ont pas été reconnus coupables en échange du rejet des accusations. Le procureur doit pouvoir démontrer sa capacité de condamner le délinquant au moyen des preuves dont il dispose. Renonciation judiciaire à la poursuite Certains pays européens accordent aux procureurs le pouvoir explicite de renoncer à la poursuite dans l’intérêt public, même lorsque existent des preuves permettant de condamner l’accusé et que le plaignant souhaite poursuivre. Un tel pouvoir explicite pourrait accorder à la Couronne la «latitude» dont elle a besoin pour retirer ou rejeter des accusations même dans les cas où il n’y a pas de programme de déjudiciarisation dont l’accusé peut se prévaloir. Subventions à la probation Les résultats des subventions à la probation aux États-Unis ont généralement été décevants. La Californie, le Minnesota et le Kansas, entre autres, ont mis ce concept à l’essai en vertu duquel l’État (dont relèvent les prisons où sont purgées les peines d’un an ou plus) encourage, chez les autorités locales des comtés, la planification intégrale de la justice, le développement communautaire et la réduction de la durée des peines. Le comté assume la responsabilité des prisons locales (où sont purgées les peines de moins d’un an), de nombreux services communautaires et des services de probation relevant des tribunaux locaux. L’État accorde des subventions aux comtés qui adhèrent au programme afin d’encourager les peines réduites ou communautaires. Des frais sont impo-sés au comté participant chaque fois qu’un délinquant est envoyé dans une prison de l’État. 42 Jones (1990) a constaté, d’après une prévision statistique indirecte des peines, que les subventions à la probation ont peut-être eu un peu d’effet (neuf pour cent) sur le nombre de cas maintenus dans la collectivité, même s’ils étaient assujettis à des conditions plus rigoureuses que les probationnaires ordinaires. Dans une étude poussée réalisée au Minnesota, Strathman et ses collaborateurs (1981) ont observé des effets mineurs dans le sens prévu en ce qui concerne les jeunes, mais non les adultes. En fait, ils ont remarqué un accroissement de la sévérité des sanctions communautaires à l’endroit des adultes. Cependant selon l’étude menée au Minnesota, le programme a été mis en œuvre sans planification appropriée, sans critères de mise en œuvre au niveau local, sans lignes directrices ou sans définition des rôles et responsabilités des représentants locaux. Il est théoriquement possible de mettre en œuvre plus efficacement de tels programmes grâce aux progrès réalisés depuis lors dans l’obtention de données statistiques permettant de prévoir les peines, les besoins des délinquants et le risque qu’ils représentent, et grâce à notre connaissance de la planification des solutions de rechange à l’imposition d’une peine et d’autres méthodes qui font appel à des critères stricts d’utilisation. La question la plus pertinente qu’on peut se poser est peut-être la suivante : la répartition des compétences au Canada permet-elle d’appliquer cette idée? Au Canada, l’équivalent des subventions à la probation qui existent aux États-Unis serait le versement, par le gouvernement fédéral, de subventions aux provinces pour qu’elles améliorent leur capacité en matière de services correctionnels communautaires offerts aux délinquants qui, autrement, seraient condamnés à une peine d’incarcération de deux ans ou plus – et le point de démarcation des frais imputés serait probablement deux ans ou une autre base. Il peut être doublement difficile d’apporter des changements dans ce contexte en raison de la signification accordée maintenant à la répartition des compétences par les juges qui imposent la peine, lesquels peuvent considérer les délinquants qu’ils envoient dans les pénitenciers comme différents, sur le plan qualitatif, des détenus sous responsabilité provinciale. 43 Peines minimales d’emprisonnement Plusieurs pays d’Europe, comme l’Allemagne et les pays scandinaves ont établi un «plancher» d’un mois en ce qui concerne la durée des peines d’emprisonnement. Cette mesure vise à réduire le recours aux très courtes peines d’incarcération imposées en première instance (c.-à-d. par opposition à l’emprisonnement pour non-paiement d’une amende). Il serait probablement inefficace d’introduire un tel «plancher» au Canada s’il ne s’accompagnait pas de l’élargissement des possibilités, pour les juges, d’imposer d’autres punitions relativement mineures. Sinon, il pourrait en résulter simplement un accroissement du recours aux peines d’emprisonnement de plus d’un mois. Politique en matière criminelle et populations incarcérées Des criminologues ont examiné les taux d’emprisonnement de différents pays afin de déterminer pourquoi certains pays ont des taux très élevés et d’autres, des taux bas. Dans deux exemples récents, des auteurs (Snacken et ses collaborateurs, 1995 et Junger-Tas, 1994) ont, comme beaucoup d’autres avant eux, conclu que ce sont les politiques de justice pénale d’un pays qui sont probablement le facteur le plus déterminant des taux d’incarcération. Les écarts des taux de criminalité entre les pays et au fil du temps n’expliquent pas la différence des taux d’incarcération. Alors qu’on a établi des liens entre des «facteurs externes» comme la répartition par âges, le taux de chômage et les disparités de revenu dans une société d’une part, et les populations carcé-rales, d’autre part, et que des «facteurs perturbateurs» comme les craintes et l’opinion du public peuvent influer sur les populations carcérales, ce sont les «facteurs internes» de la politique en matière de justice pénale qui ont le plus d’incidence (Snacken et ses collaborateurs, 1995, p. 40). En outre, ces politi-ques peuvent changer et en venir à modifier les modes d’emprisonnement et d’autres sanctions dans un pays. La Finlande et l’Allemagne de l’Ouest sont deux pays occidentaux qui, au cours des dernières décennies, se sont attachés à réduire le recours à l’incarcération. La Finlande a toujours eu un taux d’emprisonnement plus élevé que les autres pays scandinaves, mais les chercheurs et les universitaires ont pu démontrer que cette situation était attribuable, non pas à des taux de criminalité plus élevés, mais au fait que les peines moyennes d’emprisonnement étaient plus longues. Le pays a procédé à des modifications législatives et offert des cours et des séminaires intensifs au personnel judiciaire afin d’en arriver à un consensus sur les changements à apporter et de les promulguer. Il semble que les Finlan-dais ont pu parvenir à un consensus sur la valeur limitée des punitions comme mesure dissuasive et sur l’impossibilité d’utiliser des sanctions carcérales comme moyen de neutralisation ou de traitement généralisé. L’ivresse publique a été décriminalisée, et les peines maximales pour crimes contre la propriété ont été 44 réduites. La population carcérale est passée de 5 600 en 1976 à 3 500 en 1992. Le recours aux amendes s’est considérablement accru. En Allemagne de l’Ouest après 1983, on a commencé à reconnaître qu’il serait souhaitable de réduire le nombre de poursuites, de renvois et de peines d’incarcération de courte durée pour les jeunes adultes et les jeunes. Cela semble avoir eu de légères retombées sur le traitement des adultes plus âgés (Graham, 1990). Le nombre total de personnes en détention provisoire a diminué de près de 30 % entre 1982 et 1988. Le nombre de détenus adultes est passé de 38 500 à 35 600 de 1983 à 1986. Pendant la même période, le pourcentage de jeunes adultes poursuivis a diminué de 17 % et celui des adultes plus âgés de 1 %; de plus la proportion des condamnations qui ont abouti à l’emprisonnement a régressé de 19 %. Pour les adultes, la réduction du taux d’emprisonnement semblait résulter d’une baisse des courtes peines d’emprisonnement; cette incidence n’a pas été entièrement compensée par une augmentation des peines plus longues. Les Allemands n’ont procédé à aucune modification législative pendant cette période même si durant les années précédentes, ils ont apporté certains changements qui peuvent avoir contribué au climat de réforme. En 1969, les peines d’incarcération d’un mois ou moins ont été abolies, et des restrictions ont été appliquées au recours à des peines d’un à six mois. En 1974, l’Allemagne a facilité le recours aux condamnations avec sursis et a introduit le service communautaire comme solution de rechange à l’emprisonnement en cas de nonpaiement d’une amende. Cependant Rutherford (1988) estime que la princi-pale raison des changements dans les années 80 a été une importante confé-rence de 200 représentants et décideurs du domaine de la justice, qui a servi à catalyser la perte croissante de foi dans la capacité de l’emprisonnement de servir de moyen de dissuasion et de réadaptation. Snacken et ses collaborateurs (1995, p. 42) ont conclu ainsi : …Même si le système de justice pénale ne peut influer sur tous les éléments qui déterminent son fonctionnement, il a suffisamment de latitude pour réfuter l’argument selon lequel les populations carcérales en évolution sont un pur produit de facteurs externes sur lesquels il n’a pas de prise. Le sort est, au moins en partie, une question de politique. [traduction] 45 PARTIE VII. Sommaire et conclusion Même s’il y a très peu d’évaluations solides de la déjudiciarisation des adultes dans les documents de criminologie, elles font ressortir un certain nombre de conclusions provisoires, qui sont étayées par la documentation plus volumineuse sur les jeunes dans ce domaine. Fait très important, les programmes de déjudiciarisation doivent toujours relever un défi de taille : identifier les clients qui, sans l’existence de la «solution de rechange», auraient été pris en charge par le système de justice et travailler avec ceux-ci. Il semble plutôt qu’un nombre important de clients déjudiciarisés auraient pu ne jamais être arrêtés, être poursuivis ou se voir infliger une lourde peine. Par conséquent, les préoccupations voulant que la déjudiciarisation «élargisse le filet» du contrôle social à un groupe plus vaste de délinquants sont justifiées. Les initiatives visant à officialiser le pouvoir discrétionnaire de la police de recourir à la déjudiciarisation des délinquants peuvent prêter le flanc à cette critique. Les programmes de déjudiciarisation sont généralement utilisés dans le cas des délinquants primaires, des jeunes, des auteurs d’infractions mineures et des clients qui présentent des risques moins élevés. On estime que ces cas méritent davantage la «chance» que la déjudiciarisation est censée représenter. La déjudiciarisation des personnes souffrant de troubles mentaux est également considérée comme pertinente étant donné la capacité limitée du système de justice de faire face aux problèmes que peuvent représenter ces personnes sur le plan du traitement, du contrôle et de la sécurité. Les délinquants plus âgés qui présentent moins de problèmes de santé mentale et qui constituent un défi plus important du point de vue des infractions qu’ils commettent et de leurs antécédents criminels sont moins susceptibles d’être considérés comme «déjudiciarisables» aux stades précédant la condamnation. Pour ces délinquants, les solutions de rechange à l’imposition d’une peine après la condamnation sont susceptibles d’être la ligne de conduite la plus productive. Les programmes de déjudiciarisation doivent être conçus pour tenir compte de l’orientation professionnelle et des exigences imposées aux travailleurs du système de justice qui entretiennent les liens les plus étroits avec eux. Les procureurs, par exemple, peuvent d’instinct éliminer les cas où une condamnation est moins vraisemblable et la sentence probable insignifiante, tout en souhaitant s’occuper d’autres cas qui peuvent se prêter davantage à la déjudiciarisation. Il est hautement souhaitable que toutes les parties en cause s’entendent sur les objectifs et établissent des relations de travail productives. Il n’est pas prouvé que les programmes de déjudiciarisation réduiront les coûts du système de justice et seront plus économiques que la procédure traditionnelle. Il s’agit en partie d’une conséquence de la faible portée de la plupart des programmes de déjudiciarisation. Dans le domaine de l’ajournement des pour- 46 suites, la plupart des programmes ne s’adressent qu’à deux ou trois pour cent des personnes accusées. De plus, les programmes de déjudiciarisation représentent souvent une plus grande intervention dans la vie des clients que les mesures judiciaires qu’ils remplacent, et l’on manque de données sur les programmes de déjudiciarisation qui entraînent une réduction réelle des dépenses du système de justice. Le coût de fonctionnement des programmes de déjudiciarisation qui ont une incidence importante sur les clients peut être considérable. Bien des programmes de déjudiciarisation souffrent des mêmes problèmes que les services correctionnels. Il se peut que les interventions qu’ils prévoient ne conviennent pas à la plus grande partie de la clientèle visée, qu’ils n’offrent pas les services nécessaires et qu’il soit difficile de démontrer qu’ils ont un effet sur la récidive. Cependant, cela ne veut pas dire que des mesures de déjudiciari-sation mieux conçues et mieux exécutées que celles qui ont été évaluées jusqu’à maintenant ne donneraient pas de meilleurs résultats. Même si la «véritable déjudiciarisation», selon la terminologie employée à l’origine, visait à tenir le plus possible les délinquants à l’écart du système de justice et à réduire, voire même à éliminer, toute intervention auprès d’eux, les bouleversements du système de justice au cours des trois dernières décennies ont montré que la déjudiciarisation s’est caractérisée et continuera de se caractériser par des tentatives visant à répondre d’une manière ou d’une autre aux besoins des clients et aux risques qu’ils présentent. En outre, plus le délinquant s’enfoncera dans le système, plus la «solution de rechange» sera en fait une tentative de consolidation pour offrir plus de traitements et pour rendre plus rigoureuses les réponses communautaires actuelles. Dans cette optique, une stratégie de déjudiciarisation plus efficace doit s’inspirer des approches qu’on préconise actuellement pour améliorer les interventions correctionnelles en général. Ces approches comprendront donc des stratégies de gestion des cas plus sélectives et mieux éclairées, assorties d’objectifs précis concernant les délinquants (voir p. ex. Andrews, 1996; Austin et Baird, 1990), et une application sélective d’approches structurées de changement des délinquants (Palmer, 1995; Robinson, 1995; Antonowicz et Ross, 1994; Anglin et Speckart, 1988; Gendreau et Ross, 1987). En outre, l’enrichissement continu de nos connaissances dans le domaine de la prévision tant du risque criminel que des résultats du système de justice pourra aider la déjudiciarisation. En effet, on pourra utiliser ces nouvelles connaissances pour améliorer les techniques de sélection des cas ainsi que les programmes de déjudiciarisation. 47 En outre, il importe de faire remarquer que les pays sont plus en mesure d’influer sur leurs propres politiques en matière criminelle qu’on ne le suppose parfois. Les facteurs qui déterminent le taux d’emprisonnement dans un pays et le recours à des «solutions de rechange» ne se résument pas à une simple addition des taux de criminalité et des pressions du public. Les pays européens et certains États américains qui ont cherché à réduire le recours à l’emprisonnement et aux autres moyens habituels ont constaté qu’il est possible d’en arriver à un consensus et d’établir des stratégies pour réussir à apporter des changements. Compte tenu des préoccupations qui ont cours actuellement au Canada au sujet des coûts considérables et croissants du système de justice en général et de l’incarcération en particulier, nous sommes encore une fois à un point tournant où les décideurs pourraient décider d’adopter une stratégie globale pour influer sur les tendances actuelles au lieu de se laisser guider par celles-ci. 48 BIBLIOGRAPHIE Abt Associates, Inc. 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