COMEDIA
Le Festival mondial
du Théâtre de Nancy
Un film réalisé par Jean Grémion et Didier Lannoy
Coproduction : La Sept ARTE - la Compagnie des Phares et Balises - INA Entreprise (1999 – 75 mn)
21.45
Mardi 29 février 2000
Contacts presse : Françoise Lecarpentier – Frédérique Champs – 01.55.00.70.45
«Par nature, un festival de théâtre est une manifestation de l’éphémère. Par
essence, l’acte théâtral ne laisse de trace que dans la mémoire.
D’où la difficulté de réaliser un film sur le Festival Mondial du Théâtre de Nancy.
Il nous a fallu, dans un premier temps, nous livrer à une véritable recherche
« archéologique » dans le monde de tous les documents filmés pendant le
Festival. Puis retrouver, pour les confronter à leur passion théâtrale toujours
aussi dévorante, les principaux acteurs de cet événement unique dans l’histoire
du théâtre du XX° siècle.
Dès ses origines, le Festival est politiquement « engagé » : farouchement anti-
colonialiste, anti-impérialiste , anti-fasciste, anti-bourgeois. Plutôt que de tenir
de grands discours, ou de rappeler par des images d’archives télévisuelles les
grands enjeux politiques de l’époque, nous avons préféré laisser témoigner eux-
mêmes les spectacles de Nancy, qui disent suffisamment combien Nancy , à
l’époque capitale mondiale du théâtre, était aussi la capitale du théâtre du
monde, avec ses enjeux, ses luttes, ses rêves et ses utopies...
C’est à Nancy aussi, parmi les milliers de comédiens, les centaines de metteurs
en scène et de troupes venus confronter leur travail théâtral, qu’ont été
« découverts » quelques-uns des plus grands créateurs de la seconde moitié
de ce siècle : Jerzy Grotowski, Bob Wilson, Tadeusz Kantor, Shuji Terrayama,
Pina Bausch...Bien sûr, nous avons rencontré et interrogé pour notre film ceux
qui sont encore de ce monde, mais, aux paroles teintées de nostalgie- qui sont
souvent celles des premières heures héroïques et de la jeunesse perdue - nous
avons préféré choisir le témoignage incandescent de leur travail de l’époque.»
Jean Grémion
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A propos du
Festival Mondial du Théâtre de Nancy
(1963-1983)
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En Europe, c’est vers la fin des
années 50 et au but des
anes 60 que de nombre u s e s
troupes universitaires
commencent à confronter leur
travail théâtral, principalement
en Allemagne, en Italie, en
Pologne et en URSS.
En France, les échanges se
font essentiellement au sein
de la Fédération des T.U. de
l’U.N.E.F (les Théâtre s
U n i v e r s i t a i res re g roupés au
sein de l’Union Nationale des
Etudiants de France).
Toutes ces rencontres (qui n’échappent que
d i fficilement à l’orbite influente des P.C. de
l’époque, au Mouvement de la Paix, aux Fêtes
de la Jeunesse, orchestrées par Moscou...) ont
toutes pour point commun de s’ancrer dans un
humanisme « de gauche » socialisant.
Elles sont toutes aussi une façon d’exprimer, par
le théâtre, un refus de la guerre : celle, encore
proche, de la Seconde Guerre Mondiale. Mais
aussi celles menées au Vietnam, en Algérie, en
Afrique de l’Ouest..., dans un contexte de
violence impérialiste et colonialiste.
Elles témoignent également d’un goût pour un
internationalisme souvent angélique (en pleine
Guerre Froide Est-Ouest), et se veulent souvent
une contestation de l’ordre établi, du théâtre
traditionnel « bourgeois », ou de l’enseignement
académique du théâtre à l’Université.
C’est dans ce contexte d’une jeunesse étudiante
privilégiée, issue du baby boom de l’après-guerre ,
que le Théâtre Universitaire
de Nancy va créer, en 1963,
du 24 au 30 avril, autour de
son principal animateur, Jack
Lang, les « D i o n y s i e s
I n t e r nationales Théâtre
E t u d i a n t ».
La R.F.A. est représentée par
le Studiobühne de
l’Université de Hambourg qui
joue Une journée de Wu le
Sage de Bertold Brecht.
Le travail théâtral
u n i v e r s i t a i re de la France
regroupe l’Association Théâtrale des Etudiants
de Paris (Les esprits de Pierre de Larivey, 16ème
siècle), la Comédie Moderne de la Sorbonne (Le
Ciel et l’enfer de Prosper Mérimée), et le Théâtre
Universitaire de Nancy (Caligula, d’après Albert
Camus).
Les autres troupes viennent de Belgique, d’Italie,
des Pays-Bas, de Pologne, de Suède et de
Turquie. Tous les spectacles sont présentés au
Grand Théâtre de Nancy, et un grand bal de
clôture est organisé dans les salons de l’Hôtel
de Ville. Le premier Festival connaît un tel
succès dans la ville de Nancy que l’expérience
est reconduite l’année suivante.
En 1964, les « D i o n y s i e s » changent
d’appellation pour devenir le « Festival Mondial
du Théâtre Universitaire ».
L’Autriche, le Cameroun, le Canada, le Danemark,
l’Espagne, la Grande-Bretagne, Israël, le
Mexique, le Sénégal, la Tchécoslovaquie et la
Yougoslavie se
joignent aux pays de
l’année précédente.
Roland Grünberg, qui
vit et travaille en
Pologne, invite un
inconnu (même dans
son pro p re pays),
J e rzy Gro t o w s k i .
C’est à Nancy que
naîtra le « m y t h e
Grotowski », l’un des hommes les plus influents
dans la formation de l’acteur dans la seconde
moitié du XX° siècle.
A partir de 1965, jusqu’en 1968, le Festival
soulève de plus en plus d’enthousiasme auprès
du public de Nancy. Robert Abirached, à l’époque
critique de théâtre dans le Nouvel Observ a t e u r,
écrit en 1965 : « Vingt-cinq troupes venues de
vingt et un pays diff é rents, un public d’une
e x t r a o rd i n a i r e ferv e u r, et dans l’air, une fièvre
c roissante, communicative, autour du même objet
: le théâtre . »
En 1967, le Président du Jury est Paolo Grassi,
le Directeur du Piccolo Te a t ro de Milan. Il
n’hésite pas à écrire : « Je pense que nous
devons considérer le travail des théâtre s
universitaires amicalement réunis à Nancy, non
pas comme une opposition de forces jeunes et
neuves en face de celles qui sont déjà en place,
mais comme un complément nécessaire à la vie
du Théâtre dans le monde qui a besoin d’une
recherche et d’une contestation permanentes ».
En 1968, quelques semaines avant les
événements de Mai, le Festival achève sa mue
et s’intitule désormais « Le Festival Mondial du
Théâtre ».
Les troupes ne sont plus invitées sur dossiers ou
par recommandations, mais par un réseau de
prospecteurs bénévoles qui sillonnent le monde
pour aller à la re n c o n t re de la re c h e rc h e
théâtrale la plus
exigeante.
C’est ainsi que sera
invité à Nancy le
« Bread and Puppet»
de New York, avec
ses mystères «laïcs »
, animés par le jeune
allemand Peter
Schumann.
En 1969, la Municipalité de Nancy envisage de
m e t t re fin au Festival qu’elle peoit comme une
re n c o n t re d’ « e n r a g é s » et de dangere u x
r é v o l u t i o n n a i res. Jack Lang parvient à maintenir
lexistence du Festival.
A Laxou, dans la proche banlieue de Nancy,
c’est le triomphe du Teatro Campesino, animé
par Luis Valdez, un théâtre de lutte de la minorité
des chicanos en Californie.
D’année en année, le Festival s’impose
rapidement comme le premier festival de théâtre
du monde. Avec, pour chaque rencontre, des
centaines de comédiens, des dizaines de
troupes venues de tous les pays du monde.
En 1971, c’est la consécration de Bob Wilson,
encore totalement inconnu en Europe et aux
USA, avec Le Regard du Sourd, des sud-
américains Augusto Boal et Enrique
Buenaventura, du groupe anglais Pip Simmons
Theatre Group, du Japonais Shuji Terayama, du
polonais Tadeusz Kantor...
En 1972, Jack Lang quitte le Festival pour
prendre la direction du Théâtre National de
Chaillot, à Paris. Lew Bogdan Jesdrzejowski lui
succède à la tête du Festival.
Avec Bogdan, le Festival va conntre ses
grandes années.
En 1973, 52 troupes sont invitées. Avec en
parallèle des conférences, des colloques, des
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expositions, des concert s ,
des projections, des feux
d ’ a rtifice, des animations de
rue... Regroupant plus de
deux cent mille spectateurs,
des femmes et des hommes
de théâtre de toutes
nationalités, le Festival devient
une ritable Babel théâtrale.
Un phénomène événementiel
unique, comparable à ce que
fut, par exemple, Wo o d s t o c k ,
pour la musique.
En 1973, le Schauspielhaus
de Bochum présente le Salomé d’Oscar Wilde,
mis en scène par Werner Schroeter. Dans un
contexte de terreur fasciste, le théâtre de lutte
Teatro A Communa, de Lisbonne, répond à celle
du Grupo Aleph, du Chili.
Cette année-là, le travail de re c h e r che sur le corps
du RAT (Grande Bretagne) trouve ses
c o rrespondances dans celui de L’Iowa Theatre Lab.
Le festival témoigne d’un formidable esprit de
révolte, de jouissance, et de désir de justice
sociale. Cinq ans après Mai 68, les CRS
chargent les festivaliers sur la Place Stanislas et
dans le Grand Théâtre de Nancy....
En 1975,An die Musik (mis en scène par Pip
Simmons sur une idée de Rudi Engelander) fait
l’événement. Tout comme Exodus, le sublime
oratorio des polonais du STU. Ou le théâtre de
marionnettes de Robert Anton. Hans-Peter Cloos
et le Kollectiv Rote Rübe (Munich) marquent le
festival avec Terror (un spectacle audacieux
faisant le lien entre la terreur fasciste sous le
Troisième Reich en Allemagne, et celle de
Pinochet au Chili). Peter Zadek impose son Roi
Lear (Bochum).
En 1977, Michèle Kokosowski , une amie de
Jack Lang et habituée du Festival, pre n d
brièvement la direction artistique du Festival.
Mais cette année là, c’est à
Bogdan que l’on doit le grand
choc du Festival, avec
l’invitation faite à Pina Bausch
(Opéra de Wu p p e rtal) de
présenter son théâtre-danse à
N a n c y. Ignorée et méprisée en
R FA, Pina Bausch re n c o n t re à
Nancy son vrai public et une
consécration intern a t i o n a l e .
Une dette artistique qu’elle n’a
jamais oubliée.
De 1979 à 1983, les
d e rn i è res années de son
existence, Lew Bogdan, Françoise Kourilsky,
Adrien Duprez, Mira Trailovic feront tout pour
réanimer la flamme du Festival. Mais ce dernier
n’échappera pas à sa lente agonie.
Vingt ans plus tard, que reste-t-il du Festival
Mondial de Théâtre de Nancy?
Le souvenir d’un lieu où tous les allumés, tous les
c l o c h a rds célestes, tous les enfants du Che, tous
les fils d’Artaud, tous les utopistes du monde
e n t i e r...se re t ro u v è rent pendant vingt ans pour
c é l é b rer les noces de la vie et de la jouissance,
de la justice et de la fraternité. Avec un même
sentiment partagé d’innocence et de révolte.
Une aventure de théâtre formidable, qui, pour un
vaste public, donnera naissance aux grands
créateurs de cette fin de siècle : Grotowski, Bob
Wilson, Kantor, Terayama, Pina Bausch...
Une étape essentielle de l’histoire théâtrale de
ce siècle. Où tous les langages théâtraux, toutes
les techniques de l’acteur, tous les rapports aux
spectateurs auront sû se confronter pour se
remettre en question.
Un souvenir, surtout, des grandes heures où la
jeunesse voulait changer le monde...
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