Regards cr isés La Qualité de vie au travail au service de la performance n°41 J u i L L E T- A O U T 2 0 1 3 n°41 P4 P6 P7 Des RPS à la QVT et au pilotage de la Transformation Arrêtons de focaliser sur les RPS, parlons plutôt de bien-être au travail La qualité managériale est déterminante pour la qualité de vie au travail Henri Lachmann Schneider Electric Mira Le Lay MACIF P9 P 11 P 13 Le Slow Management : Prenez le temps d'aller à la rencontre de vos collaborateurs Créer les conditions d'un débat autour du travail Hubert Jaming BPCE Loïck Roche Grenoble Ecole de Management Catherine Delpirou Jean-Baptiste Obéniche EDF France Télécom : histoire d’un rétablissement Alain André France Télécom P 14 P 16 P 17 Prendre en compte le travail, le vrai ! UNSA : aider chacun à se saisir des outils de la QVT Qualité de vie au travail et modernisation de l'administration Jean Grosset UNSA Dominique Lamiot Ministères économiques et financiers P 19 P 21 P 23 SHARE : une offre de bien être « Occupez-vous de vos collaborateurs, ils s’occuperont de vos clients ! » La Qualité de Vie au Travail en Europe : une approche comparative Henri Savall IAE Lyon, ISEOR Hélène Macaire IDRH P 27 P 28 Nos solutions pour nos clients KALEIDOSCOPE DE NOS OFFRES PHARES EN 2013 CLIENTS IDRH CONTACT Pascale Levet ANACT Franck Fangueiro Econocom P 26 Les 10 marqueurs de la QVT Regards croisés IDRH Frédéric Petitbon, Directeur de la publication Cécile Arnaud, Coordination Nadine Chartier et Hélène Macaire, Conception et réalisation David_Ly, Graphisme JUILLET AOûT 2013 La France est l’un des pays d’Europe disposant de l’arsenal public le plus développé en matière de prévention des risques psychosociaux. Au traditionnel outil législatif s’ajoute une multitude d’initiatives visant à qualifier, encadrer et réduire ces dysfonctionnements : conseils, formations, diffusion de bonnes pratiques, outils de dépistage et d’évaluation… Cette volonté de prévenir le risque, en restant dans une approche « négative », est typique de la culture française. Et si nous arrêtions de parler de risques psychosociaux et de souffrance au travail ? Et si nous prenions le risque de nous engager dans une approche plus positive ? édito La Qualité de Vie au Travail : laissons faire le management ! Certes, il est malheureusement indubitable, dans un contexte économique difficile, à un moment où notre fameux « modèle social » français prend l’eau de toute part, que bon nombre de collaborateurs se trouvent en tension sur le lieu de travail et subissent un stress d’une ampleur inédite. Injonctions contradictoires mettant l’encadrement en porte-à-faux, développement effréné d’un management par indicateurs désincarné induisant une perte de sens, difficulté à concilier vie professionnelle et vie privée dans un univers connecté en permanence… Ces situations existent, et il faut les traiter. Mais, si ce constat est aujourd’hui unanimement partagé, cela signifie-til pour autant que notre appareillage de prévention des RPS constitue la réponse la plus adaptée ? L’intérêt de la démarche « Qualité de Vie au Travail » est qu’il s’agit d’une approche positive, multidimensionnelle et menée par anticipation. à l’inverse de la démarche RPS qui est une approche réactive de gestion du risque pour l’individu ou l’entreprise, la QVT instaure une dynamique de mise en cohérence des systèmes économiques et sociaux au sein des organisations. Il faut sortir de la vieille opposition entre Qualité de Vie au Travail et performance économique. Ces deux dimensions vont de pair et pour parvenir à les allier, le management est le régulateur essentiel ! La Qualité de Vie au Travail passe avant tout par de l’humanisme, du bon sens, de la proximité et de la bienveillance, et non pas par le foisonnement de tribunaux, de réglementations ou de cotations ! Jean-Luc Placet, Président IDRH - Regards croisés n°41 - La Qualité de vie au travail au service de la performance TEMOIGNAGES Des RPS à la QVT et au pilotage de la Transformation Entretien avec Hubert Jaming Responsable de la Qualité de vie au Travail au sein de la DRH Groupe de BPCE (Organe central issu de la fusion de la Caisse nationale des Caisses d'épargne et de la Banque fédérale des Banques populaires) Propos recueillis par Marie-Alexia Labrousse et David Razzano, IDRH Hubert Jaming a démarré sa carrière à la SNCF où il a exercé plusieurs métiers opérationnels, essentiellement dans des fonctions techniques puis commerciales. Après une reconversion en tant que psychologue du travail, il se tourne vers le conseil en management des Ressources Humaines qu’il pratique durant 6 ans chez Orga Consultants. Depuis 2005, il a été successivement en charge de la G.P.E.C. au sein du Groupe Caisse d’Epargne puis de la santé au travail et enfin de la Qualité de Vie au Travail pour l’ensemble du Groupe BPCE. Comment est née la démarche de Qualité de Vie au Travail chez BPCE ? Pour répondre à quels objectifs ? Le secteur bancaire fait face à un marché saturé en France, avec une pression concurrentielle forte et un cadre réglementaire de plus en plus prégnant. Cela implique de trouver de nouveaux relais de croissance, d’innover et d’améliorer sa compétitivité, dans une industrie à coûts fixes importants. Dans ce contexte, la différenciation est une priorité stratégique, mais quels en sont les leviers ? Le Groupe BPCE a eu la conviction que la qualité de service est un levier prioritaire. Or celle-ci dépend du « bien-être » du collaborateur. Car le bien-être au travail est un facteur de motivation, mais plus encore pour nous, un facteur d’engagement donc de différenciation. 4 Dès lors, il ne s’agit plus seulement de promouvoir le bien-être par des actions sur des éléments secondaires au travail. De telles initiatives, comme par exemple la mise en place de services pour les salariés, leur apportent certes des bénéfices - notamment pour un meilleur équilibre entre vie professionnelle et vie personnelle - mais restent des améliorations périphériques, dont le bénéfice perçu disparaîtra peu à peu. Agir sur la Qualité de vie au travail, c’est agir sur des leviers d’un engagement durable, cela revient à s’intéresser au sens donné au travail, à l’accompagnement des transformations, à la qualité du management et des politiques RH… Pour impulser, porter et piloter cette politique, une direction dédiée a été mise en place au moment de la création du Groupe BPCE dès 2009. Elle a IDRH - Regards croisés n°41 - La Qualité de vie au travail au service de la performance été rattachée à la DRH Groupe du fait de son champ très transversal. Dès le départ, l’enjeu était en effet de positionner la santé comme un élément de la performance globale et durable, notamment dans les contextes de changement. La « porte d’entrée » a donc été celle de la santé au travail ? Tout à fait, et avec l’objectif de ne réduire le sujet ni à sa dimension médicale ni à sa dimension juridique. Faire de la santé au travail un sujet uniquement médical revient à la décorréler du business. Le risque est de négliger la dimension collective pour en faire une question de seule responsabilité individuelle. De la même manière, il y a certes un cadre juridique important et incontournable en matière de santé au travail, mais l’enjeu ne se réduit pas à sécuriser juridiquement l’entreprise. Notre ambition a été de faire de la santé au travail un sujet de Direction Générale, car facteur de performance durable. Pour cela, nous nous sommes positionnés en conseil auprès des dirigeants des entreprises du Groupe BPCE. Nous avons travaillé sur la mise en place d’un « processus d’amélioration continue », s’appuyant sur des mé- thodologies rigoureuses telles que des diagnostics portant sur les risques psycho-sociaux. Ces approches visaient notamment à favoriser l’appropriation par les différents acteurs : dirigeants, managers, représentants des salariés, équipes médico-sociales, sous la coordination de chaque DRH au sein de son entreprise. Ce faisant, les diagnostics, et surtout les actions de prévention et de traitement, ont été pilotés et mis en œuvre au plus près du terrain, en cohérence avec les problématiques et les points d’appui spécifiques à chaque contexte local. Comment êtes-vous passés d’une approche par la santé et la prévention des risques psychosociaux à une approche plus en amont autour du pilotage des transformations ? Le retour d’expérience sur les actions engagées pour la prévention des RPS a mis en évidence des facteurs de risque liés au management du changement, ou plus exactement à des insuffisances dans ce management. Mais c’est surtout le contexte d’accélération des évolutions qui nous conduit à mieux prendre en compte l’ensemble des « dimensions humaines » le plus en amont possible dans les projets qui ont des impacts sur le travail et son organisation. Une approche qui passe à nouveau par une collaboration transversale entre les différents acteurs, tant au niveau national qu’au niveau de chaque entreprise du Groupe. Pour la fonction RH, il s’agit de se doter en compétences et en méthodologies pour apporter de la valeur en amont dans les projets. Dès lors que son rôle n’est plus seulement de piloter un calendrier social et des mesures d’accompagnement en aval, il lui faut réin- vestir le champ du travail et de l’organisation : décoder et analyser les impacts d’un projet sur les situations de travail, à la fois en termes de performance (réponse aux objectifs business attendus), de conditions de travail, d’employabilité et d’engagement des salariés. Nous sommes en train de nous outiller pour répondre à ce défi. Mais je veux insister sur la nécessaire association de l’ensemble des parties prenantes : les dirigeants, les métiers qui pilotent les projets, les salariés et leurs représentants, les consultants internes ou externes en organisation, etc., mais surtout l’ensemble de la ligne managériale. Chaque manager, quel que soit son niveau et le nombre de salariés encadrés (collaborateurs ou eux-mêmes managers), doit avoir conscience qu’il a pour mission de manager ses collaborateurs directs en proximité. C’està-dire qu’il est le premier vecteur de cohérence, de cohésion et de sens auprès de ses équipes. Cela nous demande d’être très clairs sur les missions et domaines d’action dont chaque niveau de management est responsable, notamment dans le cadre de processus de transformation. Quels résultats percevez-vous de cette démarche ? C’est un domaine où il convient de rester modeste et de remettre sans cesse l’ouvrage sur le métier. Les réalisations sont cependant tangibles : aujourd’hui, toutes les entreprises du Groupe BPCE pilotent un plan d’actions lié à la Qualité de Vie au Travail. Ce terme est sorti du vocabulaire d’experts pour s’intégrer peu à peu dans la culture managériale. La construction du nouveau plan stratégique du Groupe illustre bien cette évolution. Le plan précédent comprenait un axe à part sur la santé au travail, alors que les travaux en cours intègrent les sujets liés à la Qualité de Vie au Travail à l’ensemble des chantiers. Ils portent un questionnement transverse sur le management, le sens du travail, la cohésion sociale, la reconnaissance, les perspectives professionnelles, … Je dirais que nous sommes à la moitié du chemin. Nos actions passées sur la Qualité de Vie au Travail ont tout leur sens dans cette période de crise. Les entreprises qui ont su aborder le sujet comme un investissement économique et social en font un puissant levier d’engagement de leurs salariés, au service de leurs clients et de leur performance.n « Le Groupe BPCE exerce tous les métiers de la banque et de l’assurance en s’appuyant sur ses deux grands réseaux coopératifs, Banque Populaire et Caisse d’Epargne, ainsi que sur ses filiales. Le Groupe BPCE, 2e groupe bancaire en France, est profondément ancré dans les territoires. Ses 117 000 collaborateurs sont au service de 36 millions de clients dont 8,6 millions de sociétaires. Les entreprises du groupe exercent leur métier de banquier et d’assureur au plus près des besoins des personnes et des territoires. Avec les 19 Banques Populaires, les 17 Caisses d’Epargne, Natixis, le Crédit Foncier, la Banque Palatine... le Groupe BPCE propose à ses clients une offre complète de produits et de services : solutions d’épargne, de placement, de trésorerie, de financement, d’assurance, d’investissement. Fidèle à son statut coopératif, le groupe les accompagne dans leurs projets et construit avec eux une relation dans la durée, contribuant ainsi à 20 % du financement de l’économie française. » IDRH - Regards croisés n°41 - La Qualité de vie au travail au service de la performance 5 TEMOIGNAGES Arrêtons de focaliser sur les RPS, parlons plutôt de bien-être au travail Entretien avec Henri Lachmann Président du Conseil de surveillance de Schneider Electric Propos recueillis par Nadine Chartier et Hélène Macaire, IDRH Quelles évolutions percevezvous en France en matière de « Qualité de Vie au Travail », trois ans après la parution du rapport « Bien-être et efficacité au travail » que vous avez coécrit avec Christian Larose et Muriel Pénicaud ? Je dirais qu’une prise de conscience s’est opérée : les dirigeants commencent à acter qu’il est de leur responsabilité et de leur intérêt de veiller au bienêtre de leurs collaborateurs. Les différents acteurs concernés – dirigeants, managers, syndicats, pouvoirs publics… – ont acté que le changement de décor profond et durable que nous connaissons génère du stress et va bien souvent à l’encontre de la qualité de vie au travail. Ainsi, les NTIC isolent les individus tout autant qu’elles les connectent. Cette prédominance de la communication à distance, qui cannibalise le lien social, est d’autant plus absurde qu’on sait que 15% seulement de la communication porte sur le fond et 50% sur le langage non verbal, sur le face-à-face ! Par ailleurs, les réorganisations qui se succèdent à toute vitesse complexifient les relations et déstructurent les modes de fonctionnement. Les procédures tendent à enlever toute marge de manœuvre au manager comme au collaborateur et réduisent l’initiative et l’adaptabilité de chacun. La surcharge d’indi6 cateurs – les fameux « KPI » – constitue une pollution, il faudrait en réduire le nombre et surtout ne pas les limiter à des aspects purement financiers. Je perçois un intérêt certain pour l’ensemble de ces problématiques et leurs conséquences sur le bien-être, de la part des acteurs publics comme privés : je reçois d’ailleurs beaucoup de sollicitations pour intervenir dans diverses organisations depuis la parution du rapport. Malheureusement, cette prise de conscience quant à ces transformations de fonds et à leurs impacts humains est encore insuffisante : des mesures existent, mais les choses ne vont à mon sens pas assez loin et pas assez vite. Comment qualifieriez-vous l’état d’esprit français par rapport à la thématique de « Qualité de Vie au Travail » ? Je trouve que la France se caractérise malheureusement par un pessimisme marqué : arrêtons de parler des RPS, positivons et parlons plutôt de bien-être au travail ! Cela ne veut pas dire qu’il faut nier l’existence des risques psychosociaux, mais je pense que l’on gagnerait beaucoup à se situer dans une démarche positive et pragmatique. Car il y a de fait une vraie communauté d’intérêt entre performance économique et bien-être au travail ! C’est aus- IDRH - Regards croisés n°41 - La Qualité de vie au travail au service de la performance si simple que ça : les gens bien dans leurs baskets sont plus productifs et plus performants ! Ayons davantage confiance dans l’homme : exploitons son intelligence et sa créativité au lieu de l’étouffer sous des règles ! Arrêtons de vouloir intellectualiser quelque chose qui n’est finalement qu’une affaire de bon sens. C’est une attitude très française : nous nous situons trop dans le rationnel et pas assez dans l’émotionnel. D’ailleurs, je pense que notre rapport a eu d’autant plus de portée qu’il formalisait des choses simples et concrètes. Que préconisez-vous pour avancer en matière de Qualité de Vie au Travail ? Je vois trois axes principaux. Tout d’abord, l’impulsion doit venir du haut, du Conseil d’Administration, car comme dit l’adage, le poisson pourrit toujours par la tête. Ensuite, comme la mesure induit les comportements, nous devons mesurer autre chose que la performance financière à court terme et prendre en compte des éléments plus qualitatifs, plus humains. Enfin, il faut amener le manager à intégrer le fait que le bien-être est de sa responsabilité, car la responsabilité du manager, c’est avant tout les hommes ! Le DRH est là pour aider, pour contrôler, mais in fine, le véritable DRH, c’est le manager ! n TEMOIGNAGES La qualité managériale est déterminante pour la qualité de vie au travail Entretien avec Mira Le Lay Responsable du Développement RH à la DRH Groupe MACIF (Mutuelle Assurance des Commerçants et Industriels de France) Propos recueillis par Nadine Chartier et Christine Petit, IDRH Mira Le Lay, 39 ans, Responsable Développement RH à la DRH Groupe Macif depuis 3 ans. Après une expérience de 5 ans en tant que Consultante en stratégie d'entreprise et accompagnement des transformations, elle a rejoint en 2003 le groupe Macif en tant que Chef de projet puis Responsable Emploi et Compétences. En quoi la qualité managériale influe sur la Qualité de Vie au Travail ? La MACIF est une mutuelle d’assurance qui a été créée en 1960. Elle a connu de profonds changements ces dernières années et elle constitue aujourd’hui un Groupe qui s’articule autour de trois pôles métiers. Parallèlement, le métier RH a lui aussi beaucoup évolué et est davantage axé sur l’accompagnement des évolutions organisationnelles et managériales. Face à ces évolutions, il nous paraissait important d’apporter des réponses à la ligne managériale et d’adapter notre système de ressources humaines pour répondre aux transformations du Groupe. Nous avons engagé en 2010 un projet de co-construction d’un pacte managérial en mobilisant nos 1 400 managers. Nous voulions un cadre de référence commun, disposer de lignes directrices, définir ce qu’est le management à la MACIF et faire évoluer les pratiques managériales en conséquence, avec pour objectif de renforcer la qualité managériale. Ce travail se poursuit actuellement dans le cadre des ambitions du Groupe à horizon 2015. L’un des enjeux principaux est de mobiliser les managers autour de pratiques managériales communes et cohérentes adaptées à la stratégie de développement du Groupe. En d’autres termes, il s’agit de placer le manager en tant qu’acteur de la performance individuelle et collective, en privilégiant le « pourquoi et le comment » et non seulement le « combien ». Les managers ont un véritable rôle à jouer pour donner du sens. En synthèse, il faut que chacun puisse clairement identifier ce en quoi son action, son activité contribue au bon fonctionnement de l’organisation et à l’atteinte des objectifs collectifs. Le management joue un rôle fondamental dans le développe- ment de la performance. Celle-ci doit pouvoir conjuguer l’organisation, l’économique et le développement des ressources humaines. La qualité managériale est un facteur clé de la Qualité de Vie au Travail et nous avons mis en œuvre des chantiers qui nous ont permis de développer cette qualité managériale. Qu’est-ce que la Qualité managériale ? C’est en premier lieu, la responsabilisation managériale, c'està-dire donner les moyens aux managers d’assurer leur rôle, d’être acteur de la performance, du développement des compétences des équipes et de la détection et la mobilisation des talents. C’est aussi le management solidaire et la possibilité de partager au sein d’une communauté les expériences, les pratiques. Nous venons de lancer un réseau social d’entreprise dédié aux managers pour leur permettre d’échanger entre eux sur notre projet d’entreprise, nos résultats économiques et sur leurs pratiques managériales et leur métier. C’est enfin le management équitable. Pour l’ensemble des collaborateurs, nous mettons en IDRH - Regards croisés n°41 - La Qualité de vie au travail au service de la performance 7 Extrait de : "Les constructeurs à l'aloès", 1951, Fernand Léger. de façon assez spontanée. Nous sommes aujourd’hui sollicités naturellement par les managers en amont des réorganisations. Pour moi, c’est un résultat positif qui nous permet de renforcer la qualité managériale et par conséquent la qualité de vie au travail. place des Comités de Développement Professionnel. C’est un dispositif qui rassemble le DRH, le N+2 ainsi que l’ensemble des N+1 pour une revue de personnel. En toute transparence, les compétences et les pratiques métiers des collaborateurs font l’objet d’un échange collectif. Ces comités permettent d’apprécier l’employabilité de nos collaborateurs et d’organiser les réponses pour maintenir et développer leurs compétences. Ce qui est important également dans cette dernière démarche, c’est que la restitution est organisée vers le collaborateur. Ainsi, c’est l’occasion de donner un temps supplémentaire d’échange entre le manager et son collaborateur et ceci pour renforcer le dialogue établi autour du développement des compétences et du parcours professionnel de chacun. Ce dispositif permet également de professionnaliser les managers dans les pratiques d’appréciation des collaborateurs 8 au travers des échanges et des regards croisés. L’équité des appréciations est une condition essentielle de la qualité managériale. De fait, vous avez mis en place des dispositifs RH. En quoi ceux-ci influent-ils sur la Qualité de Vie au Travail ? Pour moi, il ne peut y avoir de bons process RH sans intégration de la dimension organisation. Ceci est une autre évolution que nous avons constatée dernièrement. Nous sommes aux côtés des managers pour anticiper les conséquences humaines de réorganisation. Nous pouvons agir à la fois sur le collectif et sur l’individuel. Nous pouvons alerter sur la perte de compétences ou sur l’absence de compétences, proposer des candidatures, influer même sur la cible organisationnelle, agir sur le rapport effectifs/compétences… Ce nouvel accompagnement s’est mis en place au fil de l’eau, IDRH - Regards croisés n°41 - La Qualité de vie au travail au service de la performance Finalement, votre démarche à destination du management vous conduit à dire que la dynamique est en marche. N’est-ce pas une description idyllique de la situation ? Il faut veiller effectivement à ne pas survaloriser nos résultats. Nous sommes satisfaits des évolutions constatées et nous continuons à investir sur le développement du management. Néanmoins, il nous faut garder à l’esprit que notre management a été fortement sollicité pendant cette démarche et le reste encore à cette heure. Nous sommes vigilants notamment sur leur charge de travail, nous souhaitons disposer d’une vision objective de la situation et nous avons donc lancé un diagnostic sous forme de questionnaire à l’ensemble de nos managers pour que nous puissions à la fois comprendre ce qui pèse sur leur activité et agir pour diminuer cette charge. Il nous faut penser à leur bienêtre également. La réussite de notre politique managériale c’est la redéfinition d’un cadre de référence, un signe de reconnaissance fort adressé à la ligne managériale, la capacité de donner des leviers d’action sur des enjeux à moyen terme et c’est enfin la possibilité d’anticiper les conséquences humaines de réorganisation. n TEMOIGNAGES Le Slow Management : Prenez le temps d'aller à la rencontre de vos collaborateurs Entretien avec Loïck Roche Directeur de Grenoble Ecole de Management, docteur en psychologie, docteur en philosophie, et titulaire d’une habilitation à diriger des recherches en sciences de gestion Propos recueillis par Hélène Macaire, IDRH Loïck Roche est Directeur Général de Grenoble Ecole de Management. Diplômé de l'ESSEC, docteur en psychologie, docteur en philosophie, titulaire d'une HDR en sciences de gestion, auteur ou coauteur d'une trentaine d'ouvrages et essais, spécialiste du management, du bien-être des personnes et de la performance des organisations, il est l'un des initiateurs du concept de Slow management. Quelle est votre définition du Slow Management et quel lien établissez-vous entre ce concept et celui de qualité de vie au travail ? L’idée selon laquelle il faut « remettre les hommes au cœur de l’organisation » est extrêmement présente dans les discours managériaux. Cependant le constat actuel est plutôt celui d’un management à distance, aseptisé — presque « malgré soi » — où les contacts sont rares et se font bien souvent par outils interposés. Les managers relient cet état de fait au manque de temps dont ils disposent. Cette excuse ne tient pas. Il faut y voir un symptôme, un mécanisme de défense. Si on ne prend pas le temps, c’est par crainte de la relation en face-à-face. Le Slow Management — issu du concept anglo-saxon « MBWA » (Management By Walking Around) initialement développé par William Hewlett et David Packard, les deux fondateurs légendaires d’Hewlett-Packard — prend le contrepied de cette tendance. Il s’agit, pour le manager ou le dirigeant, de prendre le temps d’aller à la rencontre de ses collaborateurs, de prendre le temps de donner du temps et de l’attention à ses équipes. Avoir un dirigeant physiquement présent et avec qui dialoguer est rassurant pour les salariés, surtout dans un contexte de turbulences, où le management doit plus que jamais incarner le pilotage et créer de la confiance. Somme toute, le Slow Management est avant tout un principe de bon sens, mais qui a été perdu de vue. Dans les organisations contemporaines, il y a la croyance généralisée selon laquelle tout ou presque peut être traité à distance et dans le cadre de processus formalisés. C’est un faux confort, qui ne peut engendrer une performance qu’à court terme : en tant que manager, il faut être capable de consacrer du temps pour construire et nourrir la relation à l’autre. Le manager ne doit pas seulement se préoccuper de l’atteinte des objectifs posés et du résultat final, il doit également être capable de s’intéresser au chemin parcouru par son collaborateur. A l’image de la citation d’Antoine de Saint-Exupéry – « C’est le temps que tu as perdu pour ta rose, qui fait ta rose si importante » –, c’est le temps que le manager est capable de « perdre » pour ses collaborateurs qui fait que ceux-ci sont importants. IDRH - Regards croisés n°41 - La Qualité de vie au travail au service de la performance 9 A mon sens, le Slow Management est le substrat de la qualité de vie au travail : il permet de travailler sur l’une des causes profondes du bienêtre au travail car il répond aux besoins de sens et de reconnaissance de l’individu. En quoi le slow management estil vecteur de performance pour les organisations ? Si une organisation recherche la performance pour elle-même, elle l’obtiendra, mais ce sera une performance éphémère. Cette stratégie ne sera en aucun cas durable ; plus grave, elle se construit souvent sur la souffrance des hommes et des femmes. Le Slow Management propose un renversement de perspective : il faut d’abord travailler sur le bien-être des collaborateurs pour, de surcroît, atteindre une performance durable. Ainsi, dans une imprimerie située aux alentours de Grenoble, durant la crise, le patron réunissait tous les jours ses équipes pour leur communiquer les derniers évènements et échanger avec eux. Grâce à cet acte managérial fort, transparent, d’un homme debout face à des collaborateurs debout, ils ont gardé confiance et espoir : plus même, ils ont été « galvanisés ». Dans cette entreprise, malgré la dégradation du climat économique, l’emploi a été préservé, on a évité les arrêts maladies à répétition et les départs massifs. In fine, la performance économique se construit avec et non pas pardessus ou contre les hommes. Quelle posture le Slow Management implique-t-il pour le manager ? Tout d’abord, le Slow Management passe par la rencontre physique, dans le profond respect d’autrui et dans la conviction qu’il est por10 teur d’incroyables richesses. En tant que manager, dans ma rencontre à l’autre, je dois faire confiance à mon ressenti, à ma subjectivité. Ensuite, seulement, je peux traduire ce point de vue subjectif en point de vue objectif et proposer des solutions organisationnelles, managériales. La vérité, c’est ce que j’éprouve, seulement après commence la réflexion : comme le dit Gaston Bachelard, « Je suis est plus fort que je pense ». En refusant le contact et cette compréhension physique et émotionnelle, le manager se préserve sur le court-terme mais détruit sur le long-terme une part de l’organisation. A la grande époque de l’atelier, les patrons faisaient du Slow Management sans le savoir : passage authentique et quotidien dans les ateliers, vraies poignées de mains échangées… Ils avaient conscience de l’importance des hommes dans le bon fonctionnement de l’entreprise. Le Slow Management se fonde sur ce sentiment d’authenticité, très certainement le sentiment le plus archaïque parce que premier chez l’être humain. Par ailleurs, le Slow Management implique également la capacité pour le manager à se mettre au service de son équipe, à mettre l’autre en lumière : c’est comme cela que l’ensemble de l’organisation va y gagner. N’oublions pas qu’une des étymologies de « manager » vient du latin managere, qui signifie ménager, prendre soin des ressources humaines et physiques. Comment mettre en place le Slow Management ? L’authenticité dans la rencontre avec l’autre doit partir du haut de l’entreprise. Elle passe par l’exemplarité et la prise de conscience progressive et collective de l’intérêt d’aller dans une telle direction. Mais la mise en place du Slow Ma- IDRH - Regards croisés n°41 - La Qualité de vie au travail au service de la performance nagement doit avant tout avoir une logique inverse à la logique habituelle : la qualité des relations entre les personnes est première, la décision managériale en vue de la performance vient ensuite. De manière très pratique, pour aller à la rencontre des hommes et des femmes qui font l’entreprise, le manager — si cela ne lui est pas naturel — peut commencer par aménager des pauses dans son emploi du temps ou, plus formellement, organiser des rencontres régulières avec l’ensemble des équipes. Le Slow Management constitue-t-il également un levier de la qualité de la transformation ? Tout à fait. Il est illusoire de croire que, dans une organisation, on va réussir à remporter l’adhésion de milliers de personnes d’un coup et les convaincre tout aussi facilement du bien-fondé de la transformation. Il est au contraire nécessaire de prendre le temps d’aller à la rencontre des collaborateurs et d’accepter que ceux-ci puissent avoir de bons arguments. Il faut prendre le risque de la rencontre, même si celle-ci ne génère pas que des sensations agréables. Le Slow Management est une des conditions clés du changement. La réussite de celui-ci passe : par la capacité à expliquer, ré- pondre aux questions, diffuser les valeurs, dessiner un futur désirable ; la capacité à se nourrir des idées, remarques, arguments des collaborateurs ; la capacité à montrer les bénéfices pour l’entreprise mais aussi ce que chacun, individuellement, va y gagner. A ces conditions alors, le changement, désormais porté par les hommes et les femmes, devient possible. n TEMOIGNAGES Créer les conditions d'un débat autour du travail Entretien avec Catherine Delpirou Directrice Reconnaissance et Vie au Travail et Jean-Baptiste Obéniche Directeur du pôle Qualité de Vie au Travail, Groupe EDF Propos recueillis par Nadine Chartier et Marie-Alexia Labrousse, IDRH Catherine Delpirou, Directrice Reconnaissance et Vie au travail EDF DRH Groupe, a commencé sa carrière comme juriste au sein de la production nucléaire, avant d’occuper différents postes de conseiller RH pour les unités opérationnelles. Après 8 ans passés comme Responsable nationale du droit social pour EDF et GDF, elle travaille à partir de 1998 sur la dimension sociale de l’ouverture du marché de l’énergie et participe à la création du secteur du gaz et de l’électricité. Elle a présidé le CCE d’EDF pendant 4 ans. Aujourd’hui Directrice en charge de la définition des politiques de rémunération et d’avantages sociaux, de diversité, de santé et sécurité et de qualité de vie au travail ainsi que de la responsabilité sociale d’entreprise, pour l’ensemble du Groupe EDF. Jean-Baptiste Obéniche, Responsable du pôle Santé et Vie au travail au sein du Groupe EDF, est diplômé de l’ESLSCA Paris, a intégré en 1995 l'Agence nationale pour l’emploi (ANPE) où il a été successivement directeur d’agence locale (1995-1999), conseiller technique à la direction du développement des ressources humaines (20002002) et directeur délégué à Paris (2002-2004). Conseiller technique en charge de l'emploi au cabinet du Premier ministre Dominique de Villepin, (Juillet 2005 - Mai 2007). Conseiller technique en charge de l'insertion professionnelle des jeunes entre 2004 et 2005 successivement aux cabinets du secrétaire d'État à l'insertion professionnelle des jeunes (Laurent Hénart) puis du ministre délégué à l'Emploi, au Travail et à l'Insertion professionnelle des jeunes (Gérard Larcher). De 2007 à 2012, directeur général de l’Agence nationale pour l’amélioration des conditions de travail (Anact). Comment est née la démarche de Qualité de Vie au Travail chez EDF ? A la suite du suicide de plusieurs salariés de la centrale de Chinon en 2007, nous avons lancé une mission d’écoute sur le terrain. Mais très vite, nous nous sommes dits qu'il était nécessaire, au delà du stress et des risques psychosociaux, de regarder ce qui se jouait dans les transformations du travail lui-même. Qu’avez-vous mis en place pour cela ? Dès 2008, nous avons mis en place un Observatoire national de la Qualité de Vie au Travail. Nous avons voulu qu'il soit pluridisciplinaire, c'est-à-dire qu'il associe des managers, nos organisations syndicales, des médecins du travail, mais aussi des compétences externes, avec un apport universitaire et scientifique important (convention avec l’EHESS - Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales - et avec l’ANACT). Nous l'avons aussi voulu ouvert aux pratiques d'autres entreprises (Renault, Danone, ...). Au fond, c'est une sorte de "think tank", avec une parole libre sur les transformations du travail, dans un lieu non institutionnel. Ce n'était pas évident au départ, mais ça fonctionne. Un autre pari était de réinvestir l’activité de travail sur le terrain. Nous nous sommes intéressés aux irritants mais aussi aux bonnes pratiques, pour interroger les conditions d’un travail de qualité et d’une organisation performante. L’accord sur la prévention des Risques Psycho-Sociaux et le développement de la QVT, signé en 2010, a acté la création de groupes multidisciplinaires au niveau des établissements, sur le terrain. Plus de 60 groupes existent aujourd’hui, autant de lieux où l’on débat entre médecins, préventeurs, IDRH - Regards croisés n°41 - La Qualité de vie au travail au service de la performance 11 Extrait de : "Les constructeurs à l'aloès", 1951, Fernand Léger. syndicats, managers, … Cela nécessite un vrai changement de posture de la part de tous les acteurs. En ce sens, le processus d’apprentissage ne sera jamais fini. Enfin, notre conviction est que la QVT est un enjeu de performance pour l'entreprise. Nous travaillons en collaboration avec notre Université Groupe du Management qui forme nos 12 000 managers. Nous organisons depuis plusieurs années, sous forme de séminaires d'été, des ateliers d'échanges de pratiques réunissant des managers et des RH de différents métiers ; ce sont des sortes de "peer reviews", à l'occasion desquelles ils partagent leurs 12 expériences, leurs difficultés et leurs réussites. Des "learning expeditions" ont lieu chaque année dans un des pays du groupe, avec des opérationnels qui voient comment, dans d'autres métiers et d'autres contextes, ces questions de Qualité de Vie au Travail sont abordées. Quels progrès notez-vous ? Nous constatons une vraie appropriation par les métiers qui déploient des plans d’actions adaptés à leur contexte. Nous ne croyons pas du tout, dans ce domaine, à une approche prescriptive descendante. Notre rôle est de créer les conditions d’une mise en débat autour du travail et de développer IDRH - Regards croisés n°41 - La Qualité de vie au travail au service de la performance des modes de pensées et de fonctionnement différents. L'innovation se joue sur le terrain, entre les acteurs du travail. Dans une industrie comme la nôtre, cela n'est pas sans interroger les modes de management historiques. Et dans un groupe dont 40% des salariés de 2020 ne sont pas encore recrutés, prendre en compte les transformations du travail et développer une performance durable passe aussi par la reconnaissance de la diversité de chacun tel qu'il est pour réussir ensemble. Les questions de diversité sont en fait très poreuses avec celles de qualité de vie au travail. n TEMOIGNAGES France Télécom : histoire d’un rétablissement Entretien avec Alain André Directeur en charge de la mise en œuvre du Nouveau Contrat Social à France Télécom. Propos recueillis par Alain Reynaud et Hélène Macaire, IDRH Alain André est Directeur en charge de la mise en œuvre du Nouveau Contrat Social à France Telecom. A ce titre, il accompagne depuis 2009 la transformation sociale de l’entreprise, autour d’un travail en profondeur sur les conditions de travail. Comment êtes-vous parvenus aussi rapidement à sortir d’une situation dégradée ? Je vois trois explications à cela. Tout d’abord, le lien très fort qui unit les collaborateurs à France Télécom et l’habitude de relever ensemble des challenges importants sur un temps court ont favorisé la mobilisation du corps social sur ce sujet. Quand l’entreprise a montré son intention de travailler sur la problématique de la Qualité de Vie au Travail et de progresser, tous les acteurs – managers, RH, organisations syndicales – se sont lancés dans le projet. Ensuite, la recomposition de l’équipe dirigeante, avec l’arrivée de Stéphane Richard, puis de Bruno Mettling, a permis de trouver un équilibre entre personnalités externes et internes. En particulier, des responsabilités clés ont été confiées à des personnes très légitimes, connaissant finement le terrain et les spécificités humaines et sociales de l’entreprise. Enfin, nous avons concrétisé notre volonté en matière de QVT par un plan visible – le nouveau contrat social – et nous nous sommes donné les moyens de l’implémenter. D’emblée les preuves ont été four- nies, avec, par exemple, l’arrêt des réorganisations, le positionnement de RH de proximité. Quelles sont à votre sens les actions engagées qui ont produit le plus d’effets ? Il y a bien sûr à l’origine l’important chantier de la refondation de 2009 et 2010. La très large expression des salariés, à travers de multiples enquêtes et groupes d’expression a permis de partager sans fard sur les enjeux, et de permettre à chacun de contribuer à ce nouveau départ. Restait à le concrétiser. Aussi nous avons beaucoup investi dans l’environnement de travail, avec notamment la réfection des locaux et des postes de travail, ainsi que la refonte de certains outils SI, en prenant soin d’inclure les utilisateurs dans la boucle. Ces actions-là concernent tout le monde et leur impact a été rapidement visible. Par ailleurs, nous avons lancé un vaste chantier de transformation RH et de renouvellement du dialogue social, en le mettant au service de la Qualité de Vie au Travail. Nous sommes aujourd’hui dans une dynamique d’ouverture avec les partenaires, les choses sont mises sur la table avec l’intention de progresser, de trouver des solutions. Enfin, nous avons lancé un vaste mouvement de déconcentration des responsabilités, au plus près des territoires et de leurs enjeux. Parmi les éléments clés du Contrat Social figure la restauration de marges de manœuvre ; donner la main aux acteurs pour qu’ils élaborent a été un important levier d’innovation, en totale cohérence avec l’esprit du Contrat. En quoi ces actions QVT ont-elles soutenu la performance de France Télécom ? Evidemment, la rentabilité des investissements sur ce registre n’est jamais simple à prouver. On peut toutefois dire que la qualité de service a été, a minima, maintenue, un constat aujourd’hui largement partagé. D’autre part, et c’est la vertu du contrat social qui nous a fourni des règles explicites sur lesquelles appuyer notre action, nous sommes aujourd’hui à même de repérer vite les tensions et d’y réagir. Nous avons mis en place des boucles de rétroaction qui permettent des réponses rapides sur ces questions. La qualité sociale de l’entreprise y a indéniablement gagné, et chacun d’entre nous, collaborateurs et managers, peut en mesurer les effets au quotidien. n IDRH - Regards croisés n°41 - La Qualité de vie au travail au service de la performance 13 TEMOIGNAGES Prendre en compte le travail, le vrai ! Entretien avec Pascale Levet Agence Nationale pour l’Amélioration des Conditions de Travail (ANACT) Propos recueillis par Nadine Chartier et David Razzano, IDRH Pascale Levet a débuté son parcours à la fin des années 80 comme chercheuse à l'EM Lyon ; elle a ensuite rejoint le Groupe Adecco où elle a fondé et dirigé pendant une dizaine d'années le Lab'HO, un GIE d'études et de recherches sur les hommes et les organisations. En 2009, elle arrive à l'Anact, alors que les questions de Risques Psychosociaux faisaient irruption, ramenant les questions du travail dans le débat public, d'abord exprimées en termes de souffrance pour désormais renvoyer aux enjeux politiques de la Qualité de Vie au Travail... Quel regard portez-vous sur la question de la QVT en relation avec les enjeux de performance ? Un angle de réflexion intéressant est de prendre la logique QVT positivement en se demandant ce qu’on va pouvoir faire avec cette logique qu’on ne pouvait pas faire en traitant la question sous l’angle de la prévention des risques. Parler du lien Qualité de Vie au Travail / performance, c’est admettre que l’engagement des personnes dans leur activité a profondément changé. Il y a quelque chose qui relève de l’énigme dans ce constat. Le système est de plus en plus hétérogène, complexe, exigeant et on s’aperçoit que cela fabrique non seulement des problématiques qui s’expriment en termes de santé mais aussi d’importantes problématiques de performance productive. Le symptôme de la santé qui s’enraye est très souvent le reflet d’un système de production lui 14 aussi enrayé ; cette production est devenue difficile, coûteuse pour tous les individus qui cherchent des solutions productives adaptées et réinventées jour après jour dans les aléas de la vie de l’organisation. Par conséquent, le lien entre la qualité du travail, la qualité de vie au travail, la manière dont on se sent en capacité de faire ce qu’on a à faire, ne peut pas s’envisager sans les questions de performance. Pourquoi parlez-vous d’énigme ? Il y a une énigme parce qu’il y a un problème d’invisibilité de l’activité. Le travail visible est loin des directions. Les marchés se transforment et les choses sont ténues. Comment est-il possible de suivre ce qui « fait performance » si personne ne s’intéresse à ce qu’on fait, à ce qu’on sent, à ce qu’on voit, etc. ? C’est quoi la complétude de l’activité ? Quand s’intéresse-t-on au réel de l’activité, à son coté parfois simple et naïf ? Il y a urgence à remettre IDRH - Regards croisés n°41 - La Qualité de vie au travail au service de la performance ce sens-là en visibilité et en discussion avec des enjeux de rationalité, au risque de prendre de mauvaises décisions. Est-ce qu’un assouplissement des horaires n’est pas de nature à permettre aux personnes de trouver un meilleur équilibre de vie professionnelle / vie personnelle et donc à avoir un meilleur engagement ? Avec l’assouplissement des horaires se pose la question d’un nouveau système d’évaluation de la performance qui pourrait se jouer, par exemple, sur la semaine, et dans lequel vous pouvez, à la fois, articuler les contraintes de la vie personnelle et la réussite de votre activité. Cette souplesse doit illustrer clairement le fait que votre performance productive est soutenue à l’intérieur du cadre de votre activité. Aujourd’hui on peut voir des systèmes dans lesquels on assouplit les horaires mais du coup, pour avoir utilisé votre possibilité d’horaire souple, vous vous retrouvez en débit rouge de votre production… et le lendemain vous avez le taux d’absentéisme qui augmente ! Si l’idée c’est de mettre de la souplesse, il est essentiel d’articuler cela avec une adaptation de l’exigence productive et des conditions d’engagement dans la réussite – remplir ses objectifs, être « Extrait de : "Les constructeurs à l'aloès", 1951, Fernand Léger. quitte » avec ce que l’on a à faire dans son activité. La difficulté de la QVT va se porter sur ces questions d’articulation. Il ne s’agit pas d’être sur des offres « sympas », un peu « cafétéria », où chacun, du point de vue de ses contraintes, peut tirer son épingle du jeu. Or lorsqu’on vient au travail, c’est pour s’engager dans une activité adressée à autrui, dans une relation de subordination où bien des choses se jouent. Toute démarche de Qualité de Vie au Travail qui serait très généreuse sur tout ce qui touche la périphérie du travail – les possibilités d’aménagement, le télétravail,… – mais qui ne porterait pas une attention soutenue aux enjeux de qualité du travail – du sentiment du travail bien fait à la hauteur des performances attendues – ne marchera pas. Finalement, ce qui fait peur aujourd’hui sur ce sujet c’est la question de la productivité, de la performance. Est-ce qu’on sait aborder ces questions-là aujourd’hui et trouver les solutions adéquates ? Si on ne part pas du point de vue des professionnels, de ce qui fait sens pour eux en termes de convention, de jugement partagé sur « c’est quoi pour nous la performance ? », et s’il n’y a pas une mise en débat sur « c’est quoi pour nous cette performance ? Comment se traduit-elle dans les objectifs d’une organisation, dans des exigences productives, dans un système qui soutient du reporting ? », on va se retrouver avec des organisations qui feront toujours plus de la même chose mais qui ne parviendront pas à revenir sur cet enjeu où la création de valeur est dans la maîtrise que chaque professionnel a de son activité jour après jour. Ce qui « fait performance » deviendra une énigme de plus en plus opaque et on fera de « l’habillage » en guise de QVT ! Qu’y a-t-il de nouveau dans tout ça ? C’est le fait que les individus au travail se sont parfaitement appropriés cette histoire de « je suis un individu hyper moderne, je suis autonome, responsable, et en tant que tel, moi, j’ai envie de m’engager. Par contre, si on me met des bâtons dans les roues jour après jour ça ne marche pas ! » Ce qui peut être nouveau c’est une promesse dans la relation d’emploi, promesse de soutien dans l’activité de l’individu ; on est dans une ambition où, si on s’intéresse aux questions du travail, alors on a une opportunité de réarticuler les questions économiques et sociales. Mais c’est un sacré chantier ! n IDRH - Regards croisés n°41 - La Qualité de vie au travail au service de la performance 15 TEMOIGNAGES UNSA : aider chacun à se saisir des outils de la QVT Entretien avec Jean Grosset Secrétaire Général Adjoint de l’Union Nationale des Syndicats Autonomes (UNSA), membre du CESE (section travail-emploi) Propos recueillis par Nadine Chartier et Hélène Macaire, IDRH Secrétaire général adjoint de l’UNSA. Suit plus particulièrement l’action revendicative et juridique de son organisation. A représenté l’UNSA dans toutes les intersyndicales nationales, depuis les mouvements concernant le CPE. Membre du Conseil Économique, Social et Environnemental dans la section du travail. Intervenant dans la formation RH au Celsa sur les thèmes : de la Théorie de la négociation ; du Paysage syndical français actuel et son histoire et des nouvelles règles de représentativité. Il intervient aussi dans la formation continue de Paris-Dauphine concernant la négociation (Master dirigé par Gérard Tapenat). Comment décririez-vous le positionnement de l’UNSA par rapport à la problématique de la Qualité de Vie au Travail ? Tout d’abord, je tiens à rappeler que la QVT n’est pas un sujet récent, même si sa formalisation dans le code du travail l’est relativement. Il s’agit d’une demande ancienne de la part du salarié qui a été d’ailleurs entendue depuis longtemps par le monde syndical. Dès 1906, la Charte d’Amiens mentionnait le fait que « le syndicalisme poursuit […] l'accroissement du mieuxêtre des travailleurs par la réalisation d'améliorations immédiates, telles que la diminution des heures de travail, l'augmentation des salaires, etc. Quand on parle de Qualité de Vie au Travail, on pense tout d’abord à la santé au travail, à la qualité de l’environnement physique de travail et à la pénibilité. Cependant, au-delà de ces questionnements, il y a une vraie demande de réalisation personnelle au travail de la part des individus, une attente de considération à laquelle nous nous intéressons également en tant que syndicat. Par exemple, nous avons mené toute une réflexion sur le métier de gardiens de prison et sur la façon de prendre en compte les questions de bien-être et de dignité dans cet univers 16 professionnel spécifique. L’enjeu est bel et bien d’aller au-delà des questions d’indices pour s’interroger sur l’intérêt du métier, son rôle dans la société, la qualité du service rendu... En résumé, en tant que syndicat, nous nous positionnons de manière ouverte et pragmatique sur la question de la QVT : nous nous intéressons à la fois à un socle « dur » – l’emploi et le salaire – mais également à des questions plus larges, ayant trait notamment à la qualité des relations interpersonnelles ou à la dignité au travail. Comment accompagner en tant que syndicat le déploiement de politiques QVT au sein des entreprises ? Je vois deux conditions nécessaires préalables : d’une part, le syndicalisme doit considérer qu’il s’agit d’un enjeu important ; d’autre part, il doit y avoir une volonté tangible d’établir des compromis réels avec le patronat. L’UNSA est d’ailleurs convaincue de l’intérêt de construire une position commune avec les instances patronales sur le sujet de la QVT. Par ailleurs, je tiens à rappeler que nous disposons en France d’un ensemble d’outils, notamment dans le code du travail, pour encadrer cette thématique. En outre, la QVT est un sujet qui IDRH - Regards croisés n°41 - La Qualité de vie au travail au service de la performance recueille une écoute favorable auprès de la population française. C’est désormais aux différents acteurs au sein des organisations – qu’elles soient publiques ou privées – de se saisir de ces dispositifs et de ces réflexions. Nous considérons, à l’UNSA, que les questions relatives à la QVT peuvent être traitées loyalement, de manière décentralisée, entre employeurs et syndicats. Comment faites-vous pour sensibiliser les représentants de l’UNSA à la QVT ? D’une part, nous collaborons avec l’Orseu (Office européen de Recherches sociales), dont les recherches sur la qualité du travail et de l’emploi alimentent notre réflexion. D’autre part, nous nous appuyons sur la formation, qui permet de sensibiliser nos représentants aux problématiques de santé et bien-être au travail et qui leur donne les moyens d’agir de manière autonome. Nous disposons d’un centre de formation, qui est agréé pour la fonction publique et le privé et qui forme chaque année 2 000 à 3 000 stagiaires sur la GPEC (Gestion Prévisionnelle de l'Emploi et des Compétences). Nous avons créé « CE service », une structure agréée qui forme chaque année 700 à 800 élus de Comités d’Entreprise et CHSCT (Comité d’Hygiène, de Sécurité et des Conditions de Travail). Nous avons également créé avec l’ANDRH (Association Nationale des Directeurs des Ressources Humaines) un master en théorie de la négociation à l’Université de Dauphine, à destination des responsables syndicaux et RH. n TEMOIGNAGES Qualité de vie au travail Et modernisation de l 'administration Entretien avec Dominique Lamiot Secrétaire général des ministères économiques et financiers Propos recueillis par Frédéric Petitbon et Nadine Chartier, IDRH Dominique Lamiot rejoint le Ministère des Finances à sa sortie de l'ENA en 1987. Conseiller Financier à Moscou en 1991. Responsable de départements, Service des Affaires Internationales de la Direction du Trésor (1993). En 1998, il devient Sous-Directeur à la Direction Générale de la Comptabilité Publique (Trésor Public) puis Chef de Service en 2003 et Directeur Général de la Comptabilité Publique en 2005. Depuis 2008, il est Secrétaire général des ministères économiques et financiers. Qu’est ce qui rend aujourd’hui nécessaire une approche Qualité de Vie au Travail dans votre organisation? Depuis une dizaine d’années, les ministères économiques et financiers se sont transformés en profondeur. Ce mouvement a concerné les organisations (fusion des Impôts et du Trésor public, meilleure distinction des front-offices et des back offices, resserrement des réseaux...), mais également les procédures avec l’idée maîtresse de les organiser « du point de vue de l’usager » et non plus en fonction des logiques métiers ou des contraintes informatiques. Cette période a été également celle d’une première révolution en matière de dématérialisation, notamment dans la relation en-tre l’administration fiscale et les contribuables (cf. le formidable succès de la télédéclaration), mais aussi celle d’un changement d’état d’esprit vis-à-vis de l’ensemble de nos publics, qu’ils soient particuliers, contribuables, entreprises ou organismes publics. Nous avons fait le choix de privilégier une approche fondée sur la qualité de service rendu à ces publics : désormais le contribuable est un usager que l’on traite comme un client. Et c’est une réelle satisfaction de constater que les administrations économiques et financières sont régulièrement plébiscitées par les usagers dans les sondages externes qui sont réalisés dans la sphère publique. Ce mouvement d’amélioration continue de la qualité de service rendu, contemporain d’une réduction régulière du nombre d’emplois mobilisés (-25 000 sur la période 2002-2012) est à mettre au crédit du savoir-faire et du professionnalisme des 150 000 collaborateurs de nos ministères. Cette démarche de modernisation a nécessité une réflexion sur la qualité de vie au travail qui a abouti à un ensemble de mesures. Comment parvenez-vous à cet équilibre ? Nous exerçons une vigilance permanente autour de la prévention des risques grâce à un dispositif d’envergure déployé dans tous les ministères de Bercy, associant aussi bien l’ensemble des directions et services du ministère que les organisations syndicales à travers un plan ministériel pluriannuel santé, sécurité et conditions de travail. L’objectif de ce plan est de mobiliser l’ensemble des acteurs et des moyens pour garantir aux agents un environnement professionnel favorable à leur bien-être physique et psychique au travers de l’amélioration des conditions de travail, enjeu essentiel de la politique ressources humaines et du dialogue social des ministères économiques et financiers. En ce qui concerne l’organisation du travail, chaque direction a mis en place un correspondant Qualité de Vie au Travail, positionné à haut niveau, permettant de porter le sujet. Nous animons un réseau d’acteurs professionnels, médecins, assistants de service social, ergonomes, inspecteurs santé et sécurité au travail, réseau piloté par le Secrétariat Général des ministères économiques et financiers, puissant outil de veille et d’alerte. Nous allons également déployer un outil de veille permettant de détecter les signaux faibles révélateurs de problèmes afin de mettre en place des plans d’actions appropriés, sous forme d’un tableau de bord social. Nous disposons par ailleurs depuis 2002 d’une enquête semestrielle sur l’état IDRH - Regards croisés n°41 - La Qualité de vie au travail au service de la performance 17 d’esprit de nos collaborateurs : nous possédons ainsi un historique important nous permettant d’apprécier les évolutions. Nous avons ajouté récemment des questions sur les conditions de travail, sur le stress. Les agents peuvent s’exprimer sur la qualité des ressources dont ils disposent (outils, soutien,…). Et les résultats sont diffusés de manière transparente. Mais ces dispositifs ne sont pas suffisants si nous n’envisageons pas la dimension individuelle. Aussi, nous portons une attention particulière à l’encadrement de proximité en organisant des formations autour de la prévention des risques et de la Qualité de Vie au Travail. Une réflexion sur la conciliation entre vie privée et vie professionnelle d’une part et sur le télétravail d’autre part est engagée. Un plan d’action en faveur de l’égalité professionnelle entre les hommes et les femmes a été signé avec les organisations syndicales. Toutes ces actions convergent pour améliorer la Qualité de Vie au Travail. Nous avons déjà beaucoup œuvré, la volonté est forte, les outils sont là. Il faut aussi que les mentalités évoluent et, pour ce faire, le management a un rôle-clé à jouer. n Un plan d’action en faveur de l’égalité professionnelle entre les hommes et les femmes 2011 – 2013 Respecter l’égalité professionnelle, c’est comprendre que la mise en œuvre de ce principe peut renforcer la cohésion des relations sociales, améliorer les conditions de travail, contribuer à l’efficacité de l’action administrative et favoriser l’équilibre entre vie professionnelle et via familiale. C’est pourquoi un plan d’actions en faveur de l’égalité professionnelle a été mis en place. Ce plan d’action conduit à l’examen approfondi de thématiques comme l’analyse de l’évolution des parcours professionnels, l’influence des charges familiales sur la vie professionnelle et particulièrement de la parentalité sur les évolutions de carrière. Très concrètement, des principes forts de gestion et des dispositifs ont été mis en place : éviter que les absences liées à la maternité et au congé d’adoption aient un impact négatif, améliorer les conditions du retour des agents sur leur poste de travail après un congé de maternité ou d’adoption, adopter des chartes de gestion du temps, assurer l’équilibre pour les promotions au choix entre le taux des femmes proposées et le taux des femmes promues, renforcer le nombre de places en crèches. Des solutions assez variées qui outre le fait de favoriser l’égalité professionnelle entre hommes et femmes concourent à la Qualité de Vie au Travail pour tous. 18 IDRH - Regards croisés n°41 - La Qualité de vie au travail au service de la performance TEMOIGNAGES SHARE : une offre de bien être Entretien avec Franck Fangueiro DRH chez Econocom Propos recueillis par Nadine Chartier, IDRH Franck Fanguerio, 38 ans, de formation DEA droit social (1998). Une première expérience en cabinet d'avocat puis responsable des affaires sociales pour la firme de distribution sélective Armand Thiery. DRH pour le groupe Dekra (2003) puis Directeur Général Adjoint de Dekra Automotive. En 2008, il devient DRH d'Econocom. Est Administrateur de l'UNEDIC depuis 2013. Qu’est-ce que le programme Share, en quoi contribue-t-il à la qualité de Vie au travail dans votre entreprise ? Nous avons créé ce programme pour appuyer le déploiement d’une culture commune après notre fusion avec ECS en 2010. Force a été de constater que cette fusion a révélé un choc de culture important entre les deux sociétés avec des postures différentes, voire opposées dans les modes de travail : les uns issus de modèles où le process conditionne l’action, les autres possédant un esprit d’aventurier où l’action l’emporte sur la réflexion. Une fois la nouvelle organisation posée et les cartes redistribuées, nous avons ressenti le besoin d’engager une réflexion qui nous amène à repenser notre modèle social. Il nous semblait indispensable de nous engager sur un modèle partagé par tous. Nous avons appelé cette démarche Share car elle correspond à une de nos 5 valeurs, le savoir- partager. Dans les 15 filiales, nous avons organisé des groupes de réflexion où chacun a pu s’exprimer librement sur le nouveau modèle avec pour enjeu de trouver du plaisir au travail en supportant le moins de contraintes possibles. Nous avons retenu la majorité des idées exprimées, puis décliné ces propositions en plusieurs dispositifs avec des mesures correspondant à l’attente des salariés. Nous avons ensuite négocié ce programme avec les partenaires sociaux et obtenu la signature de l’accord. Aujourd’hui, ce programme comporte 3 types de dispositifs qui concourent à la Qualité de Vie au Travail, qui permettent d’améliorer la performance des équipes et qui surtout cimentent le corps social. Le premier dispositif concerne la modernisation de l’organisation du travail avec différentes mesures : le passage d’horaires fixes à des horaires variables, la mise en place du télétravail avec la possibilité de 2 jours par semaine à distance, l’assouplissement de la prise du congé de paternité. Avec ces nouvelles dispositions, nous avons fait bouger les lignes en matière de reconnaissance, de responsabilisation et de qualité d’engagement de nos salariés. Comment mesurez-vous les résultats ? Avec les horaires variables, nous souhaitions déplacer le curseur d’une culture de présentéisme vers une culture de résultat. Aujourd’hui, sans exagération aucune de la part des salariés, nous observons des aménagements de plages horaires qui ne nuisent pas à l’efficacité individuelle et collective. Concernant le télétravail, nous avons aujourd’hui 200 personnes dans le dispositif sans constat d’échec avéré. C’est une preuve de réussite. Nous apportons le matériel nécessaire, en expliquant toutefois que ce n’est pas un mode de travail permanent, mais conjoncturel permettant aux salariés de mieux gérer les aléas de leur vie personnelle. C’est une forme de reconnaissance, une IDRH - Regards croisés n°41 - La Qualité de vie au travail au service de la performance 19 "Les constructeurs à l'aloès", 1951, Fernand Léger. Huile sur toile, 165 x 200 cm. Musée National Fernand Leger, Biot (06) expression de la confiance du management. Pour que cette démarche réussisse, nous avons d’ailleurs formé nos encadrants au management à distance et à la confiance. Le deuxième dispositif concerne un volet de services à la personne : conciergerie, réalisation de repas, garde d’enfant, prestations de service, co-voiturage, … Le co-voiturage par exemple, semble être un échec, en revanche, la conciergerie est plutôt un succès. Ce deuxième axe de services à la personne nécessite une forte communication de notre part, certaines catégories de personnes étant moins sensibilisées aux avantages proposés. Nous avons fait en sorte que les services soient avantageux sur le plan économique pour nos salariés. Le troisième dispositif concerne quant à lui des mesures liées à des aides sociales et financières. C’est un volet que nous conduisons avec prudence et distance. 20 Nous ne voulons pas verser dans le paternalisme ni nous ingérer dans la vie privée des personnes. Nous proposons par exemple, des consultations auprès de psychologues, des aides au logement en complément du 1% et des prêts financiers pour les personnes en situation difficile passagère. A terme, nous souhaiterions étendre ce programme Share en le complétant d’un dispositif autour de l’épargne salariale. Dans une logique d’amélioration continue, pourquoi en effet ne pas l’enrichir par des mesures autour de la diversité, du handicap, de l’égalité Hommes/femmes, de l’inter-génération, …? Est-ce que l’on ne pourrait pas vous reprocher une approche « gadget » de la Qualité de Vie au Travail ? Les chiffres le démontrent, nous délivrons 1 300 prestations par mois. Ce sont les salariés qui portent le programme. Travailler à domicile ponctuellement n’est IDRH - Regards croisés n°41 - La Qualité de vie au travail au service de la performance pas complètement gratuit pour les personnes qui le mettent en œuvre. Si nous mettons à disposition le matériel, nous ne couvrons pas l’ensemble des frais de connexion, d’abonnement, etc… Nous souhaitons développer la responsabilisation des personnes dans une logique de gagnantgagnant et chacun doit y trouver son compte. Par ailleurs, nous avons mis en place une école de management pour soutenir le développement d’une nouvelle posture managériale. Nous voulons des managers à l’écoute de leurs collaborateurs, comprenant bien les enjeux de ce programme Share, sachant exprimer tout à la fois des signes de reconnaissance et l’exigence de résultat attendu. Aujourd’hui nous souhaiterions l’étendre à d’autres pays, tout en respectant chaque culture. C’est dire que nous sommes convaincus de l’importance de ce programme social qui repose sur un esprit Share.n TEMOIGNAGES « Occupez-vous de vos collaborateurs, ils s’occuperont de vos clients ! » Les apports du management socio-économique à la performance des organisations Entretien avec Henri Savall Professeur émérite de sciences de gestion à l’IAE Lyon, Président fondateur de l’ISEOR (Institut de socioéconomie des entreprises et des organisations) Propos recueillis par Hélène Macaire, IDRH Président de l’Association François Perroux, Directeur de la Revue Recherches en Sciences de gestion-Management Sciences-Ciencias de Gestión, membre du Conseil d’Administration de l’ADERSE. Lauréat, avec Véronique ZARDET, de l’Académie des Sciences Morales et Politiques (Institut de France) - Médaille du Prix Rossi - pour leurs travaux sur l’intégration des variables sociales dans les stratégies d’entreprises. Recherches sur la théorie socio-économique des entreprises et des organisations, la tétranormalisation, le comportement humain dans les processus de changement, la méthodologie en sciences sociales, économiques et de gestion et l’épistémologie. Il a publié de nombreux ouvrages et articles sur les sciences économiques et la gestion. Coordinateur d’une trentaine d’ouvrages collectifs. Comment définissez-vous l’approche socio-économique des entreprises et quelle articulation établissez-vous avec la notion de Qualité de Vie au Travail ? Traditionnellement, la théorie économique présente la performance comme étant issue de deux facteurs : le capital et le travail. Or les analyses montrent que 50% de la valeur créée ne peut s’expliquer par la quantité mobilisée de ces deux facteurs. J’ai donc décidé de travailler sur l’analyse de ces 50% inexpliqués. À mon sens, il n’y a pas une mais deux notions de performance qui sont de fait étroitement liées : d’une part, la performance économique, généralement appréhendée via les concepts de bénéfices ou d’équilibre budgétaire, dans les organisations à but non lucratif ; d’autre part, la performance sociale, c’est-à-dire le degré de satisfaction des acteurs au travail. Une performance durable ne peut exister sans la présence de ces deux dimensions. Si, dans une organisation, on a la performance sociale sans la performance économique, on entre dans une logique de déficit. À l’inverse, si on obtient la performance économique sans la performance sociale, l’organisation subit ce que j’appelle des coûts cachés, c’est-à-dire des coûts non quantifiés et non suivis par les outils de comptabilité classique, car la non-satisfaction au travail génère des déperditions de ressources. Selon la façon dont on traite et dont on considère l’humain au sein d’une organisation, on observera des variations dans la production. L’élasticité de la productivité humaine est considérable et dépend de la qualité du management. J’ai l’habi- IDRH - Regards croisés n°41 - La Qualité de vie au travail au service de la performance 21 tude de dire : « Occupez-vous de vos collaborateurs, ils s’occuperont de vos clients et de vos machines ». Pour atteindre la satisfaction client finale, il faut s’adresser en premier lieu à vos collaborateurs, par un souci constant porté à la qualité de l’animation, de la formation, de l’accompagnement… Comment procédez-vous de manière concrète pour évaluer ces coûts cachés et travailler sur le binôme performance économique-performance sociale ? L’évaluation des coûts cachés passe par une première étape de diagnostic des conditions de travail et des dysfonctionnements qui y sont liés. Au cours de nos recherches, nous avons répertorié près de 4 000 types de dysfonctionnements que nous avons classés dans six domaines de conditions de vie au travail : la qualité des conditions physiques de travail, de l’organisation du travail, de la gestion du temps ; la qualité de la coordination et de la concertation ; l’existence de formations intégrées (c’està-dire l’implantation effective de compétences adaptées aux besoins de l’organisation) ; les modalités de mise en œuvre de la stratégie et notamment la participation de l’ensemble des acteurs à celle-ci. Nous identifions la nature de ces dysfonctionnements par des entretiens semi-directifs avec les différents acteurs de l’organisation, puis dans un second temps nous restituons à l’ensemble des collaborateurs les résultats de notre diagnostic. Cet « effet miroir » – par la prise de conscience qu’il génère – va impulser une dynamique au sein 22 de l’organisation et donner aux acteurs l’envie de changer. Dans une troisième étape, nous chiffrons les coûts de ces dysfonctionnements avec l’encadrement, en nous intéressant notamment aux surtemps nécessaires pour mener à bien les différentes activités au sein de l’organisation et à la non-production. Les coûts tels que nous les évaluons comprennent donc à la fois des charges et des coûts d’opportunité. A l’issue de ce calcul, qui conduit à la découverte d’une déperdition de ressources insoupçonnée par l’organisation, nous allons œuvrer à la récupération de ces coûts en agissant sur les six leviers des conditions de vie au travail identifiés lors de la première phase : par exemple, développer la polyvalence dans l’organisation du travail, instaurer une concertation entre les différentes fonctions de l’entreprise avant de lancer une production pour limiter la non-qualité et les réclamation clients ; impliquer les collaborateurs dans la définition de la stratégie… Vous disposez d’une expérience de terrain conséquente depuis de nombreuses années sur les coûts cachés et les effets d’un management socio-économique: quels résultats majeurs tirezvous de votre analyse ? Nos travaux, qui ont permis la construction d’une base de données de plus de 2 000 diagnostics dans 72 secteurs ont montré que toute organisation génère des coûts cachés oscillant entre 15 000 et 60 000 euros par personne et par an, et ce quelle que soit sa taille. Nous observons deux grands types de cas : les organisations dont les IDRH - Regards croisés n°41 - La Qualité de vie au travail au service de la performance coûts cachés sont liés à un turnover et un absentéisme élevés et les organisations présentant des coûts de non-production exorbitants de par leur forte intensité capitalistique. Grâce à notre méthode d’accompagnement du changement permettant de travailler sur les conditions de vie au travail, nous permettons à l’organisation de recycler 35% à 55% des coûts cachés dans 75% des cas. C’est bien la preuve que l’amélioration des conditions de vie au travail agit positivement et directement sur la performance économique. In fine, la rentabilité de cette méthode, intégrant notre intervention et le temps passé par les collaborateurs de l’entreprise dans le projet, oscille entre 200% et 4 000%. Quelle est votre méthode d’accompagnement du changement ? La conduite du changement s’appuie en premier lieu sur le manager et sur la transformation de sa posture. Nous sommes convaincus que le rôle du manager est avant tout d’arriver à créer des consensus et de l’adhésion dans des groupes d’individus autonomes. Pour accompagner le changement vers un management socio-économique, nous constituons un groupe de projet composé de managers et formons des groupes de travail pilotés par des membres du groupe de projet. Ces groupes de travail sont chargés de réfléchir sur des « paniers de dysfonctionnements » et sur les moyens de les traiter. À l’issue de l’accompagnement, une évaluation des résultats obtenus permet de mesurer l’ampleur des progrès. n REFLEXIONS La Qualité de Vie au Travail en Europe : une approche comparative Par Hélène Macaire, IDRH Une Qualité de Vie au Travail inégale en Europe Si l’on se réfère à l’étude de l’Eurofound « Trends in job quality in Europe » parue en 2012 et proposant une analyse comparative de 34 pays européens, l’Europe du Nord truste les premières places du classement en matière de QVT, et ce pour l’ensemble des indicateurs considérés : salaires, équilibre vie privée-vie professionnelle, qualité intrinsèque du travail (macro-indicateur regroupant notamment l’autonomie des salariés, l’environnement social et physique de travail ainsi que l’intensité du travail) et perspectives en termes d’employabilité et de sécurité. Les pays d’Europe de l’Ouest se trouvent dans la moyenne du classement, tandis que l’Europe de l’Est se situe plutôt dans le peloton. A la lecture de ce classement, on s’aperçoit par ailleurs qu’il peut exister une grande variation des performances nationales selon l’indicateur considéré. Le cas de la France est probant : si elle s’avère relativement bien située – entre la 7e et la 11e place – en matière de salaire, d’équilibre vie privée-vie professionnelle et de perspectives professionnelles, la France se trouve à l’avant-dernière place (33e) pour la qualité intrinsèque du travail, juste avant la Turquie ! Comment expliquer de telles différences en matière de QVT en Europe ? La QVT s’inscrit au sein d’écosystèmes nationaux spécifiques, qui présentent des différences en matière de culture, de marché du travail, de politiques publiques ainsi que de formes d’organisation des entreprises. •Des différences socioculturelles La place du travail et l’affect qui y est lié varient en fonction des cultures nationales. En effet, la place du travail est traditionnellement plus forte dans les pays d’Europe continentale que dans les pays nordiques et anglo-saxons. Par ailleurs, en France, une importance toute particulière est donnée à l’intérêt intrinsèque du travail, qui est vu comme une source d’épanouissement nécessaire. Outre ces différents niveaux d’exigences et d’attentes concernant le travail, d’autres aspects socioculturels sont à prendre en compte pour appréhender la relation au travail et son organisation au sein des différents pays européens. Par exemple, les pays nordiques se caractérisent par une culture de coopération et de consensus tandis que la France se distingue par une culture à la fois hiérarchique, individualiste et averse au risque. •Des marchés du travail plus ou moins dynamiques et protecteurs Le taux de chômage, l’existence de revenus minimum ou encore la fréquence de l’octroi de bénéfices et avantages sociaux pour les employés (mutuelles complémentaires, restaurant d’ entreprise…) influent sur le niveau de qualité de vie au travail. Par ailleurs, dans les pays où le marché du travail est rigide ou clivé – cas de l’Italie, de la France ou de l’Allemagne – les actions QVT des entreprises se concentrent sur les "insiders" (salariés avec un contrat stable) et revêtent des formes individuelles ou collectives. Dans les pays se caractérisant au contraire par des marchés du travail fluides (le Royaume-Uni par exemple), les initiatives QVT des entreprises sont essentiellement individuelles, dans un objectif d’attraction et de rétention des talents. •Des politiques publiques inégalement développées En matière de prévention des risques psychosociaux (RPS), la Belgique, la France et le Royaume-Uni sont les pays qui disposent de l’action publique la plus élaborée. L’approche QVT stricto sensu est relativement émergente mais se structure peu à peu dans certains pays, comme en témoignent la IDRH - Regards croisés n°41 - La Qualité de vie au travail au service de la performance 23 négociation en cours sur la qualité de vie au travail en France ou la « National working life development strategy to 2020 » finlandaise ayant pour objectif de faire de la Finlande le pays avec la plus haute QVT en Europe afin notamment de « doper » la compétitivité et l’innovation au sein des entreprises. •Des formes d’organisation plus ou moins favorables Les «organisations apprenantes», privilégiant l’apprentissage, l’autonomie, de moindres contraintes de rythme et une moindre répétitivité des tâches, sont les plus favorables à la QVT et s’avèrent être surreprésentées en Europe du Nord. A l’inverse les «organisations tayloriennes», qui sont les plus défavorables à la QVT, sont surtout présentes en Europe de l’Est. L’organisation de type «Lean», surreprésentée dans les pays anglo-saxons, se situe dans une configuration intermédiaire. Quelles stratégies des entreprises en matière de QVT ? L’analyse de 5 pays européens Italie : L’approche par la « Qualité de la Vie ». Les entreprises italiennes, notamment en réponse à la faiblesse de politiques publiques en matière de QVT et à l’orientation individualiste de la culture italienne qui privilégie la famille au groupe élargi, ont concentré leur action sur deux volets : les revenus et avantages sociaux d’une part, la conciliation entre vie privée et vie professionnelle d’autre part. Sont ainsi mises en place des actions en faveur de la fa- 24 mille (soutien financier et services relatifs aux dépenses liées aux enfants ; bonus accordé en cas de mariage ou à la naissance des enfants…), favorisant le bien-être (visites médicales préventives, sport…), aidant les salariés à gagner du temps (conciergerie, billetteries…) ou encore visant à augmenter leur pouvoir d’achat (négociation de réduction pour certains biens et services). Allemagne : L’approche « Santé et Sécurité » est privilégiée par les entreprises, qui concentrent leur action sur la régulation de la charge de travail et la présence d’un environnement physique de travail adapté. Ainsi, ont été mises en place des démarches systématiques de prévention des troubles musculo-squelettiques et des RPS : souci porté à l’ergonomie des postes, campagnes de prévention, développement d’activités sportives sur le lieu de travail, examens médicaux préventifs… Par ailleurs, une attention particulière est portée à l’adaptation des parcours de carrières aux cycles de vie personnel et professionnel : dispositifs adaptés aux seniors pour maintenir leur niveau d’engagement, mise en place de systèmes de networking, mentoring et supervision pour les femmes, formes flexibles de travail et mise en place de comptes épargne-temps avec possibilité de convertir ce temps en congés sabbatiques ou en période de transition avant la retraite, dispositifs d’accompagnement des salariés ayant un proche vieillissant ou handicapé à sa charge… IDRH - Regards croisés n°41 - La Qualité de vie au travail au service de la performance Royaume-Uni : Une approche couplée « Santé et Sécurité – Qualité de la Vie », soit une approche complémentaire et portant essentiellement sur l’individu et non sur le collectif. Ces stratégies d’entreprise sont à relier aux politiques publiques en vigueur – « Health Safety Executive » (2004), « Health, work and well-being » (2006) –, à un marché du travail fluide dans lequel les entreprises cherchent à attirer et à retenir des talents et à une culture nationale individualiste. Les initiatives développées par les entreprises se concentrent sur le bienêtre physique et mental : outils d’évaluation de la santé et du stress, formation des managers à la gestion du stress des collaborateurs, promotion d’un mode de vie sain, accompagnement à la reprise du travail après un congé maladie de longue durée… Les entreprises mettent également en place des initiatives visant à développer la flexibilité du travail ("flexible work models" : télétravail, job sharing, local working…), dans un souci d’allier performance et équilibre vie privéevie professionnelle. France : L’approche « managériale », soit une focalisation sur le management, l’organisation du travail et le développement professionnel. Cette orientation s’explique entre autres par la faiblesse de la qualité intrinsèque du travail, des relations très hiérarchiques et une relative mauvaise qualité perçue des relations managériales et entre pairs. ZOOM Le management se situe de fait au cœur de ces enjeux, dans la mesure où l’évolution des pratiques managériales réinterroge les identités professionnelles et les collectifs de travail. Les entreprises focalisent donc leurs initiatives sur les aspects managériaux de la QVT : définition des valeurs du manager, groupes de paroles animés par les managers afin de faire l’état des lieux du climat social, importance de la gestion des carrières (entretiens d’évaluation, formations…), octroi de marges de manœuvre pour pallier les effets du management par indicateurs… Finlande : L’approche « climat social », à relier à une culture nationale privilégiant la coopération et le consensus. L’accent est ici porté sur la culture d’entreprise, la cohésion et les relations humaines, par la mise en place de démarches collaboratives, par l’implication des collaborateurs dans les décisions et la stratégie, et par la recherche d’une convivialité sur le lieu de travail. Le sens du travail constitue le deuxième volet d’action privilégié par les entreprises : fonctionnement en équipes autonomes, allègement des règles et des processus pour favoriser l’initiative. In fine, la compréhension des contextes nationaux et de leur spécificité permet d’identifier les leviers adéquats en matière de QVT.n La QVT au Royaume-Uni : le point de vue de Karine Mangion, consultante, fondatrice de Culture in Business Ltd (UK) Diplômée du CNAM-Paris et de l’Institute of Leadership and ManagementUK, Karine Mangion se spécialise dans le développement du leadership dans les organisations internationales. Elle intervient en coaching de dirigeants dans des banques telles que Citigroup et Bank of America. Elle enseigne le management, les ressources humaines et le commerce international à Regent’s University London. Contrairement à la France qui s’interroge encore sur la validité scientifique du lien entre QVT et performance, la relation de causalité entre ces deux concepts ne fait pas débat au RoyaumeUni. Les organisations, qu’elles soient publiques ou privées, ont compris l’intérêt qu’elles pouvaient retirer d’une telle démarche, notamment pour diminuer l’absentéisme et le turn-over ou encore pour motiver et retenir les salariés. L’approche anglophone de la QVT – appelée "well-being" ou "quality of working life" – est essentiellement individuelle et préventive. De fait, les initiatives portées par les entreprises concernent surtout les questions de santé (mentale et physique) et de sécurité, l’attractivité et la rétention des talents par la présence de services et d’avantages sociaux (inscription à un club de sport, mutuelle…), et enfin le fameux "work-life balance" permis notamment par des modèles de travail flexibles. Ces initiatives privées sont soutenues par des actions publiques innovantes comme la mise en place en 2013 d’un crédit d’impôt bénéficiant aux entreprises mettant en place des plans d’actions visant à faciliter le retour à l’emploi après un congé maladie de longue durée ou comme la mise à disposition des entreprises d’un outil permettant d’évaluer les coûts liés à un faible niveau de bien-être et de santé au travail et de calculer les bénéfices liés à l’implémentation d’actions visant à les réduire. IDRH - Regards croisés n°41 - La Qualité de vie au travail au service de la performance 25 FOCUS LES 10 MARQUEURS DE LA QVT IDRH a identifié 10 marqueurs de la Qualité de Vie au Travail. Agir sur ces 10 marqueurs favorise l'engagement des collaborateurs et la réduction de dysfonctionnements coûteux pour l'organisation. 1 2 Qualité du travail Charge de travail Demande physique et psychique Autonomie au travail, degré de responsabilité et marges de manœuvre Locaux / Matériel et outils Environnement physique Matériel et outils de travail, nouvelles technologies 3 Sens du travail 4 Relations Qualité du collectif 5 6 7 Qualité des politiques RH 8 9 Qualité de la transformation 26 10 Intérêt du travail, sens de l’action Identité professionnelle Système de valeurs de l’entreprise Relations interpersonnelles (collègues, managers, clients, IRP) / climat social interne Soutien et reconnaissance du travail par les pairs Management Qualité de la prescription et du pilotage de l’action individuelle Reconnaissance au travail et système d’appréciation Management à distance Organisation du travail Structures et systèmes constitutifs de l’entreprise Organisation des tâches Appui dans la résolution des dysfonctionnements Développement professionnel Formation, acquis de l’expérience, développement des compétences Gestion de carrière, mobilité et employabilité Conciliation vie privée vie professionnelle Information / Communication Accompagnement au changement IDRH - Regards croisés n°41 - La Qualité de vie au travail au service de la performance Rythmes et horaires de travail Accès aux services, transports, gardes d’enfants, … Explicitation de la raison d’être du changement Capacités de débat, participation aux décisions Transparence et discours de vérité Anticipation des impacts du changement sur l’organisation, le métier, les outils, la culture interne, … Accompagnement au changement : adaptation de l’organisation du travail, des process RH, … IDRH VIE Nos solutions pour nos clients Notre constat : Le coût moyen annuel de l’absentéisme est évalué à 25 milliards d’euros. Le taux national est estimé à 4,85% pour une moyenne de 17,8 jours d’absence par salarié. L’absence de qualité de vie au travail se révèle dans une proportion importante d’absences de courte durée. Par ailleurs, un fort taux d’absentéisme rejaillit sur le collectif et désorganise la production. 1 Réduire l’absentéisme Nos propositions d’action : Nous déterminons tout d’abord la proportion d’absentéisme de courte durée dans l’absentéisme global. Nous repérons et analysons les facteurs de rupture : déséquilibre vie professionnelle-vie personnelle, dysfonctionnement du management, évolutions de métier non accompagnées, charge de travail excessive, moyens inadaptés… Une fois ce diagnostic établi, la priorité est d’agir rapidement sur les causes de l’absentéisme de courte durée : instauration d’une plus grande flexibilité des horaires, conduite d’entretiens de retour, réduction des irritants quotidiens… Notre constat : Dans un univers où le management est de plus en plus désincarné du fait de la prédominance des indicateurs et des processus par rapport à la proximité, le manager est devenu malgré lui une courroie de transmission de la logique du « toujours plus avec toujours moins » 2 Rendre le manager attentionné 3 Optimiser la charge de travail 4 Faire vivre un Observatoire de la QVT Nos propositions d’action : Nous avons développé un outil permettant de poser rapidement un diagnostic sur les leviers managériaux de la QVT. Il constitue un support de réflexion à l’usage des managers pour leur permettre de prendre du recul sur leurs pratiques managériales et de les mettre en perspective à l’aune des marges de manœuvres existantes. Notre diagnostic s’accompagne d’une formation au management attentionné Notre constat : Les collaborateurs sont bien souvent dans l’urgence, du fait d’une charge de travail trop importante. Plusieurs raisons à cela: des équipes en surcharge du fait de départs non remplacés ; des processus contraignants et inadaptés ; des activités qui n’ont pas évolué malgré des changements stratégiques; une mauvaise répartition des tâches entre les équipes… Nos propositions d’action : Nous réalisons dans un premier temps un diagnostic de la charge de travail. A la lumière de ce diagnostic, nous redéfinissons une réallocation de ressources et /ou de moyens ainsi qu’une ingénierie de processus visant à mutualiser, simplifier ou automatiser. Notre constat : Une démarche pérenne de Qualité de Vie au Travail allant au-delà du diagnostic suppose d’être en mesure d’agir de façon cohérente et concertée. Comment instaurer une dynamique réunissant les différentes parties prenantes (management, santé au travail, Organisation Syndicale, filière RH, médecins du travail, préventeurs…)? Nos propositions d’action : Nous accompagnons la mise en place d’Observatoire de la QVT, qui fonctionne comme un espace de partage, de dialogue et de débat autour du travail. Il héberge une réflexion sur les évolutions d’organisation du travail et suscite des initiatives en matière de QVT par le biais d’appels à projet et d’identification de bonnes pratiques. CLIENTS IDRH IDRH - Regards croisés n°41 - La Qualité de vie au travail au service de la performance 27 KALEIDOSCOPE DE NOS OFFRES PHARES EN 2013 IDRH accompagne ses clients dans le développement de leur compétitivité, sur leurs problématiques à forts enjeux humains. Notre ambition est de créer de la valeur durable, en embarquant toutes les parties prenantes. Nos interventions sont orientées résultats. Elles s'appuient sur des solutions soigneusement adaptées aux spécificités culturelles et stratégiques de nos clients. FONCTIONS TRANSVERSES « Optimiser valeur ajoutée et coûts de structure » « Réussir votre stratégie en Ressources Humaines » COMPETITIVITE « Rendre l’organisation plus flexible et dynamique » FONCTION RH « Positionner la Fonction RH comme Business Partner » AGENDA RH DIAGNOSTIC DE TRANSFORMATION « Mobiliser le potentiel de transformation d’une organisation et de ses acteurs » DIAGNOSTIC DES SYSTEMES DE MANAGEMENT « Mettre les managers en situation de jouer leur rôle » Consultez notre blog www.leblogidrh.fr IDRH 124/126, rue de Provence 75008 PARIS QUALITE DE VIE AU TRAVAIL « Utiliser les leviers de performance humains » FUSION / INTEGRATION ON BOARDING « Réussir le pari humain de l’intégration » « Accompagner la prise de poste d’un dirigeant en mettant en place son projet pour l’entreprise » GESTION SOCIALE DE LA TRANSFORMATION « Mobiliser les collaborateurs au-delà des réorganisations » Tél.: 33 (0) 1 56 69 79 00 Fax.: 33 (0) 1 56 69 79 01 e-mail: [email protected] S.A. au capital de 206 416 euros RCS Paris B 388 964 579 Certifié ISO 9001 version 2008