La Qualité de vie au travail au service de la performance

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Regards
cr isés
La Qualité de vie au travail
au service de la performance
n°41
J u i L L E T- A O U T 2 0 1 3
n°41
P4
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Des RPS à la QVT et
au pilotage de la
Transformation
Arrêtons de focaliser
sur les RPS, parlons
plutôt de bien-être
au travail
La qualité managériale
est déterminante pour
la qualité de vie au
travail
Henri Lachmann
Schneider Electric
Mira Le Lay
MACIF
P9
P 11
P 13
Le Slow Management :
Prenez le temps d'aller
à la rencontre de vos
collaborateurs
Créer les conditions
d'un débat autour
du travail
Hubert Jaming
BPCE
Loïck Roche
Grenoble Ecole de Management
Catherine Delpirou
Jean-Baptiste Obéniche
EDF
France Télécom :
histoire d’un
rétablissement
Alain André
France Télécom
P 14
P 16
P 17
Prendre en compte
le travail, le vrai !
UNSA : aider chacun
à se saisir des outils
de la QVT
Qualité de vie au travail
et modernisation de
l'administration
Jean Grosset
UNSA
Dominique Lamiot
Ministères économiques et
financiers
P 19
P 21
P 23
SHARE : une offre de
bien être
« Occupez-vous de vos
collaborateurs, ils
s’occuperont de vos
clients ! »
La Qualité de Vie au
Travail en Europe : une
approche comparative
Henri Savall
IAE Lyon, ISEOR
Hélène Macaire
IDRH
P 27
P 28
Nos solutions
pour nos clients
KALEIDOSCOPE DE NOS
OFFRES PHARES EN 2013
CLIENTS IDRH
CONTACT
Pascale Levet
ANACT
Franck Fangueiro
Econocom
P 26
Les 10 marqueurs
de la QVT
Regards croisés
IDRH
Frédéric Petitbon, Directeur de la publication
Cécile Arnaud, Coordination
Nadine Chartier et Hélène Macaire, Conception et réalisation
David_Ly, Graphisme
JUILLET
AOûT
2013
La France est l’un des pays d’Europe disposant de l’arsenal public le
plus développé en matière de prévention des risques psychosociaux. Au
traditionnel outil législatif s’ajoute une multitude d’initiatives visant à
qualifier, encadrer et réduire ces dysfonctionnements : conseils, formations,
diffusion de bonnes pratiques, outils de dépistage et d’évaluation… Cette
volonté de prévenir le risque, en restant dans une approche « négative », est
typique de la culture française.
Et si nous arrêtions de parler de risques psychosociaux et de souffrance au
travail ? Et si nous prenions le risque de nous engager dans une approche
plus positive ?
édito
La Qualité de Vie au Travail : laissons faire le management !
Certes, il est malheureusement indubitable, dans un contexte économique
difficile, à un moment où notre fameux « modèle social » français prend
l’eau de toute part, que bon nombre de collaborateurs se trouvent en
tension sur le lieu de travail et subissent un stress d’une ampleur inédite.
Injonctions contradictoires mettant l’encadrement en porte-à-faux,
développement effréné d’un management par indicateurs désincarné
induisant une perte de sens, difficulté à concilier vie professionnelle et vie
privée dans un univers connecté en permanence… Ces situations existent,
et il faut les traiter.
Mais, si ce constat est aujourd’hui unanimement partagé, cela signifie-til pour autant que notre appareillage de prévention des RPS constitue la
réponse la plus adaptée ? L’intérêt de la démarche « Qualité de Vie au Travail »
est qu’il s’agit d’une approche positive, multidimensionnelle et menée par
anticipation. à l’inverse de la démarche RPS qui est une approche réactive
de gestion du risque pour l’individu ou l’entreprise, la QVT instaure une
dynamique de mise en cohérence des systèmes économiques et sociaux au
sein des organisations.
Il faut sortir de la vieille opposition entre Qualité de Vie au Travail et
performance économique. Ces deux dimensions vont de pair et pour
parvenir à les allier, le management est le régulateur essentiel ! La Qualité
de Vie au Travail passe avant tout par de l’humanisme, du bon sens, de
la proximité et de la bienveillance, et non pas par le foisonnement de
tribunaux, de réglementations ou de cotations !
Jean-Luc Placet,
Président
IDRH - Regards croisés n°41 - La Qualité de vie au travail au service de la performance
TEMOIGNAGES
Des RPS à la QVT et au pilotage
de la Transformation
Entretien avec Hubert Jaming
Responsable de la Qualité de vie au Travail au sein de
la DRH Groupe de BPCE (Organe central issu de la
fusion de la Caisse nationale des Caisses d'épargne
et de la Banque fédérale des Banques populaires)
Propos recueillis par Marie-Alexia Labrousse et David Razzano, IDRH
Hubert Jaming a démarré sa carrière à la SNCF où il a exercé plusieurs métiers opérationnels, essentiellement dans des
fonctions techniques puis commerciales. Après une reconversion en tant que psychologue du travail, il se tourne vers le
conseil en management des Ressources Humaines qu’il pratique durant 6 ans chez Orga Consultants. Depuis 2005, il a
été successivement en charge de la G.P.E.C. au sein du Groupe
Caisse d’Epargne puis de la santé au travail et enfin de la Qualité de Vie au Travail pour l’ensemble du Groupe BPCE.
Comment est née la démarche
de Qualité de Vie au Travail chez
BPCE ? Pour répondre à quels
objectifs ?
Le secteur bancaire fait face à un
marché saturé en France, avec
une pression concurrentielle
forte et un cadre réglementaire
de plus en plus prégnant. Cela
implique de trouver de nouveaux
relais de croissance, d’innover
et d’améliorer sa compétitivité,
dans une industrie à coûts fixes
importants.
Dans ce contexte, la différenciation est une priorité stratégique,
mais quels en sont les leviers ?
Le Groupe BPCE a eu la conviction que la qualité de service est
un levier prioritaire. Or celle-ci
dépend du « bien-être » du collaborateur. Car le bien-être au
travail est un facteur de motivation, mais plus encore pour
nous, un facteur d’engagement
donc de différenciation.
4
Dès lors, il ne s’agit plus seulement de promouvoir le bien-être
par des actions sur des éléments
secondaires au travail. De telles
initiatives, comme par exemple
la mise en place de services pour
les salariés, leur apportent certes
des bénéfices - notamment pour
un meilleur équilibre entre vie
professionnelle et vie personnelle - mais restent des améliorations périphériques, dont le
bénéfice perçu disparaîtra peu
à peu. Agir sur la Qualité de vie
au travail, c’est agir sur des leviers d’un engagement durable,
cela revient à s’intéresser au sens
donné au travail, à l’accompagnement des transformations, à
la qualité du management et des
politiques RH…
Pour impulser, porter et piloter cette politique, une direction dédiée a été mise en place
au moment de la création du
Groupe BPCE dès 2009. Elle a
IDRH - Regards croisés n°41 - La Qualité de vie au travail au service de la performance
été rattachée à la DRH Groupe
du fait de son champ très transversal. Dès le départ, l’enjeu
était en effet de positionner la
santé comme un élément de la
performance globale et durable,
notamment dans les contextes
de changement.
La « porte d’entrée » a donc été
celle de la santé au travail ?
Tout à fait, et avec l’objectif de
ne réduire le sujet ni à sa dimension médicale ni à sa dimension
juridique. Faire de la santé au
travail un sujet uniquement médical revient à la décorréler du
business. Le risque est de négliger la dimension collective pour
en faire une question de seule
responsabilité individuelle. De la
même manière, il y a certes un cadre juridique important et incontournable en matière de santé au
travail, mais l’enjeu ne se réduit
pas à sécuriser juridiquement
l’entreprise. Notre ambition a été
de faire de la santé au travail un
sujet de Direction Générale, car
facteur de performance durable.
Pour cela, nous nous sommes
positionnés en conseil auprès
des dirigeants des entreprises du
Groupe BPCE. Nous avons travaillé sur la mise en place d’un
« processus d’amélioration continue », s’appuyant sur des mé-
thodologies rigoureuses telles
que des diagnostics portant sur
les risques psycho-sociaux. Ces
approches visaient notamment
à favoriser l’appropriation par
les différents acteurs : dirigeants,
managers, représentants des salariés, équipes médico-sociales,
sous la coordination de chaque
DRH au sein de son entreprise.
Ce faisant, les diagnostics, et
surtout les actions de prévention et de traitement, ont été pilotés et mis en œuvre au plus près
du terrain, en cohérence avec
les problématiques et les points
d’appui spécifiques à chaque
contexte local.
Comment êtes-vous passés
d’une approche par la santé et la
prévention des risques psychosociaux à une approche plus en
amont autour du pilotage des
transformations ?
Le retour d’expérience sur les
actions engagées pour la prévention des RPS a mis en évidence
des facteurs de risque liés au
management du changement,
ou plus exactement à des insuffisances dans ce management.
Mais c’est surtout le contexte
d’accélération des évolutions qui
nous conduit à mieux prendre
en compte l’ensemble des « dimensions humaines » le plus en
amont possible dans les projets
qui ont des impacts sur le travail et son organisation. Une
approche qui passe à nouveau
par une collaboration transversale entre les différents acteurs,
tant au niveau national qu’au
niveau de chaque entreprise du
Groupe.
Pour la fonction RH, il s’agit
de se doter en compétences et
en méthodologies pour apporter de la valeur en amont dans
les projets. Dès lors que son
rôle n’est plus seulement de
piloter un calendrier social et
des mesures d’accompagnement en aval, il lui faut réin-
vestir le champ du travail et de
l’organisation : décoder et analyser les impacts d’un projet sur
les situations de travail, à la fois
en termes de performance (réponse aux objectifs business attendus), de conditions de travail, d’employabilité et d’engagement des salariés.
Nous sommes en train de nous
outiller pour répondre à ce défi.
Mais je veux insister sur la nécessaire association de l’ensemble
des parties prenantes : les dirigeants, les métiers qui pilotent
les projets, les salariés et leurs représentants, les consultants internes ou externes en organisation, etc., mais surtout l’ensemble de la ligne managériale.
Chaque manager, quel que soit
son niveau et le nombre de salariés encadrés (collaborateurs
ou eux-mêmes managers), doit
avoir conscience qu’il a pour mission de manager ses collaborateurs directs en proximité. C’està-dire qu’il est le premier vecteur
de cohérence, de cohésion et
de sens auprès de ses équipes.
Cela nous demande d’être très
clairs sur les missions et domaines d’action dont chaque
niveau de management est responsable, notamment dans le
cadre de processus de transformation.
Quels résultats percevez-vous de
cette démarche ?
C’est un domaine où il convient
de rester modeste et de remettre
sans cesse l’ouvrage sur le métier.
Les réalisations sont cependant
tangibles : aujourd’hui, toutes
les entreprises du Groupe BPCE
pilotent un plan d’actions lié à
la Qualité de Vie au Travail. Ce
terme est sorti du vocabulaire
d’experts pour s’intégrer peu à
peu dans la culture managériale.
La construction du nouveau plan
stratégique du Groupe illustre
bien cette évolution. Le plan précédent comprenait un axe à part
sur la santé au travail, alors que
les travaux en cours intègrent les
sujets liés à la Qualité de Vie au
Travail à l’ensemble des chantiers. Ils portent un questionnement transverse sur le management, le sens du travail, la
cohésion sociale, la reconnaissance, les perspectives professionnelles, …
Je dirais que nous sommes à la
moitié du chemin. Nos actions
passées sur la Qualité de Vie au
Travail ont tout leur sens dans
cette période de crise.
Les entreprises qui ont su aborder le sujet comme un investissement économique et social
en font un puissant levier d’engagement de leurs salariés, au
service de leurs clients et de leur
performance.n
« Le Groupe BPCE exerce tous les métiers de la banque et de l’assurance en
s’appuyant sur ses deux grands réseaux coopératifs, Banque Populaire et
Caisse d’Epargne, ainsi que sur ses filiales.
Le Groupe BPCE, 2e groupe bancaire en France, est profondément ancré
dans les territoires. Ses 117 000 collaborateurs sont au service de 36 millions de clients dont 8,6 millions de sociétaires. Les entreprises du groupe
exercent leur métier de banquier et d’assureur au plus près des besoins des
personnes et des territoires.
Avec les 19 Banques Populaires, les 17 Caisses d’Epargne, Natixis, le Crédit
Foncier, la Banque Palatine... le Groupe BPCE propose à ses clients une
offre complète de produits et de services : solutions d’épargne, de placement, de trésorerie, de financement, d’assurance, d’investissement. Fidèle
à son statut coopératif, le groupe les accompagne dans leurs projets et
construit avec eux une relation dans la durée, contribuant ainsi à 20 % du
financement de l’économie française. »
IDRH - Regards croisés n°41 - La Qualité de vie au travail au service de la performance
5
TEMOIGNAGES
Arrêtons de focaliser sur
les RPS, parlons plutôt de
bien-être au travail
Entretien avec Henri Lachmann
Président du Conseil de surveillance de Schneider Electric
Propos recueillis par Nadine Chartier et Hélène Macaire, IDRH
Quelles évolutions percevezvous en France en matière de
« Qualité de Vie au Travail »,
trois ans après la parution du
rapport « Bien-être et efficacité au travail » que vous avez
coécrit avec Christian Larose et
Muriel Pénicaud ?
Je dirais qu’une prise de
conscience s’est opérée : les
dirigeants commencent à acter
qu’il est de leur responsabilité et
de leur intérêt de veiller au bienêtre de leurs collaborateurs. Les
différents acteurs concernés –
dirigeants, managers, syndicats,
pouvoirs publics… – ont acté
que le changement de décor
profond et durable que nous
connaissons génère du stress
et va bien souvent à l’encontre
de la qualité de vie au travail.
Ainsi, les NTIC isolent les individus tout autant qu’elles les
connectent. Cette prédominance de la communication à
distance, qui cannibalise le lien
social, est d’autant plus absurde
qu’on sait que 15% seulement
de la communication porte sur
le fond et 50% sur le langage
non verbal, sur le face-à-face !
Par ailleurs, les réorganisations
qui se succèdent à toute vitesse
complexifient les relations et
déstructurent les modes de
fonctionnement. Les procédures
tendent à enlever toute marge de
manœuvre au manager comme
au collaborateur et réduisent
l’initiative et l’adaptabilité de
chacun. La surcharge d’indi6
cateurs – les fameux « KPI »
– constitue une pollution, il faudrait en réduire le nombre et
surtout ne pas les limiter à des
aspects purement financiers.
Je perçois un intérêt certain
pour l’ensemble de ces problématiques et leurs conséquences
sur le bien-être, de la part des
acteurs publics comme privés :
je reçois d’ailleurs beaucoup
de sollicitations pour intervenir
dans diverses organisations depuis la parution du rapport.
Malheureusement, cette prise
de conscience quant à ces
transformations de fonds et à
leurs impacts humains est encore insuffisante : des mesures
existent, mais les choses ne vont
à mon sens pas assez loin et pas
assez vite.
Comment
qualifieriez-vous
l’état d’esprit français par rapport à la thématique de « Qualité de Vie au Travail » ?
Je trouve que la France se caractérise malheureusement par un
pessimisme marqué : arrêtons
de parler des RPS, positivons et
parlons plutôt de bien-être au
travail ! Cela ne veut pas dire
qu’il faut nier l’existence des
risques psychosociaux, mais
je pense que l’on gagnerait
beaucoup à se situer dans une
démarche positive et pragmatique. Car il y a de fait une vraie
communauté d’intérêt entre
performance économique et
bien-être au travail ! C’est aus-
IDRH - Regards croisés n°41 - La Qualité de vie au travail au service de la performance
si simple que ça : les gens bien
dans leurs baskets sont plus
productifs et plus performants !
Ayons davantage confiance
dans l’homme : exploitons son
intelligence et sa créativité au
lieu de l’étouffer sous des règles !
Arrêtons de vouloir intellectualiser quelque chose qui n’est
finalement qu’une affaire de
bon sens. C’est une attitude très
française : nous nous situons
trop dans le rationnel et pas
assez dans l’émotionnel. D’ailleurs, je pense que notre rapport a eu d’autant plus de portée qu’il formalisait des choses
simples et concrètes.
Que préconisez-vous pour avancer en matière de Qualité de Vie
au Travail ?
Je vois trois axes principaux. Tout
d’abord, l’impulsion doit venir
du haut, du Conseil d’Administration, car comme dit l’adage,
le poisson pourrit toujours par
la tête. Ensuite, comme la mesure induit les comportements,
nous devons mesurer autre
chose que la performance financière à court terme et prendre en
compte des éléments plus qualitatifs, plus humains. Enfin, il
faut amener le manager à intégrer le fait que le bien-être est de
sa responsabilité, car la responsabilité du manager, c’est avant
tout les hommes ! Le DRH est là
pour aider, pour contrôler, mais
in fine, le véritable DRH, c’est le
manager ! n
TEMOIGNAGES
La qualité managériale
est déterminante pour
la qualité de vie au travail
Entretien avec Mira Le Lay
Responsable du Développement RH à la DRH Groupe MACIF
(Mutuelle Assurance des Commerçants et Industriels de France)
Propos recueillis par Nadine Chartier et Christine Petit, IDRH
Mira Le Lay, 39 ans, Responsable Développement RH à la
DRH Groupe Macif depuis 3 ans. Après une expérience de 5
ans en tant que Consultante en stratégie d'entreprise et accompagnement des transformations, elle a rejoint en 2003 le
groupe Macif en tant que Chef de projet puis Responsable
Emploi et Compétences.
En quoi la qualité managériale
influe sur la Qualité de Vie au
Travail ?
La MACIF est une mutuelle d’assurance qui a été créée en 1960.
Elle a connu de profonds changements ces dernières années
et elle constitue aujourd’hui un
Groupe qui s’articule autour
de trois pôles métiers. Parallèlement, le métier RH a lui aussi
beaucoup évolué et est davantage axé sur l’accompagnement
des évolutions organisationnelles et managériales.
Face à ces évolutions, il nous
paraissait important d’apporter
des réponses à la ligne managériale et d’adapter notre système
de ressources humaines pour répondre aux transformations du
Groupe. Nous avons engagé en
2010 un projet de co-construction d’un pacte managérial en
mobilisant nos 1 400 managers.
Nous voulions un cadre de référence commun, disposer de lignes directrices, définir ce qu’est
le management à la MACIF et
faire évoluer les pratiques managériales en conséquence, avec
pour objectif de renforcer la qualité managériale.
Ce travail se poursuit actuellement dans le cadre des ambitions du Groupe à horizon 2015.
L’un des enjeux principaux est de
mobiliser les managers autour
de pratiques managériales communes et cohérentes adaptées à
la stratégie de développement du
Groupe. En d’autres termes, il
s’agit de placer le manager en tant
qu’acteur de la performance individuelle et collective, en privilégiant le « pourquoi et le
comment » et non seulement le
« combien ». Les managers ont
un véritable rôle à jouer pour
donner du sens.
En synthèse, il faut que chacun
puisse clairement identifier ce
en quoi son action, son activité
contribue au bon fonctionnement de l’organisation et à l’atteinte des objectifs collectifs.
Le management joue un rôle
fondamental dans le développe-
ment de la performance. Celle-ci
doit pouvoir conjuguer l’organisation, l’économique et le développement des ressources humaines. La qualité managériale
est un facteur clé de la Qualité
de Vie au Travail et nous avons
mis en œuvre des chantiers qui
nous ont permis de développer
cette qualité managériale.
Qu’est-ce que la Qualité managériale ?
C’est en premier lieu, la responsabilisation managériale, c'està-dire donner les moyens aux managers d’assurer leur rôle, d’être
acteur de la performance, du développement des compétences
des équipes et de la détection et
la mobilisation des talents.
C’est aussi le management solidaire et la possibilité de partager au sein d’une communauté
les expériences, les pratiques.
Nous venons de lancer un réseau social d’entreprise dédié
aux managers pour leur permettre d’échanger entre eux sur
notre projet d’entreprise, nos
résultats économiques et sur
leurs pratiques managériales et
leur métier.
C’est enfin le management équitable. Pour l’ensemble des collaborateurs, nous mettons en
IDRH - Regards croisés n°41 - La Qualité de vie au travail au service de la performance
7
Extrait de :
"Les constructeurs
à l'aloès", 1951,
Fernand Léger.
de façon assez spontanée. Nous
sommes aujourd’hui sollicités
naturellement par les managers
en amont des réorganisations.
Pour moi, c’est un résultat positif qui nous permet de renforcer
la qualité managériale et par
conséquent la qualité de vie au
travail.
place des Comités de Développement Professionnel. C’est un
dispositif qui rassemble le DRH,
le N+2 ainsi que l’ensemble des
N+1 pour une revue de personnel. En toute transparence, les
compétences et les pratiques
métiers des collaborateurs font
l’objet d’un échange collectif.
Ces comités permettent d’apprécier l’employabilité de nos
collaborateurs et d’organiser les
réponses pour maintenir et développer leurs compétences. Ce
qui est important également
dans cette dernière démarche,
c’est que la restitution est organisée vers le collaborateur.
Ainsi, c’est l’occasion de donner un temps supplémentaire
d’échange entre le manager et
son collaborateur et ceci pour
renforcer le dialogue établi
autour du développement des
compétences et du parcours
professionnel de chacun.
Ce dispositif permet également
de professionnaliser les managers dans les pratiques d’appréciation des collaborateurs
8
au travers des échanges et des
regards croisés. L’équité des
appréciations est une condition
essentielle de la qualité managériale.
De fait, vous avez mis en place
des dispositifs RH. En quoi
ceux-ci influent-ils sur la Qualité
de Vie au Travail ?
Pour moi, il ne peut y avoir de
bons process RH sans intégration de la dimension organisation. Ceci est une autre évolution que nous avons constatée
dernièrement.
Nous sommes aux côtés des managers pour anticiper les conséquences humaines de réorganisation. Nous pouvons agir à la
fois sur le collectif et sur l’individuel. Nous pouvons alerter sur
la perte de compétences ou sur
l’absence de compétences, proposer des candidatures, influer
même sur la cible organisationnelle, agir sur le rapport effectifs/compétences…
Ce nouvel accompagnement
s’est mis en place au fil de l’eau,
IDRH - Regards croisés n°41 - La Qualité de vie au travail au service de la performance
Finalement, votre démarche à
destination du management
vous conduit à dire que la dynamique est en marche. N’est-ce
pas une description idyllique de
la situation ?
Il faut veiller effectivement à ne
pas survaloriser nos résultats.
Nous sommes satisfaits des évolutions constatées et nous continuons à investir sur le développement du management.
Néanmoins, il nous faut garder
à l’esprit que notre management
a été fortement sollicité pendant
cette démarche et le reste encore
à cette heure. Nous sommes vigilants notamment sur leur charge
de travail, nous souhaitons disposer d’une vision objective de
la situation et nous avons donc
lancé un diagnostic sous forme
de questionnaire à l’ensemble
de nos managers pour que nous
puissions à la fois comprendre
ce qui pèse sur leur activité et
agir pour diminuer cette charge.
Il nous faut penser à leur bienêtre également.
La réussite de notre politique
managériale c’est la redéfinition
d’un cadre de référence, un signe
de reconnaissance fort adressé à
la ligne managériale, la capacité
de donner des leviers d’action
sur des enjeux à moyen terme et
c’est enfin la possibilité d’anticiper les conséquences humaines
de réorganisation. n
TEMOIGNAGES
Le Slow Management :
Prenez le temps d'aller
à la rencontre de
vos collaborateurs
Entretien avec Loïck Roche
Directeur de Grenoble Ecole de Management,
docteur en psychologie, docteur en philosophie,
et titulaire d’une habilitation à diriger des recherches
en sciences de gestion
Propos recueillis par Hélène Macaire, IDRH
Loïck Roche est Directeur Général de Grenoble Ecole de Management. Diplômé de l'ESSEC, docteur en psychologie, docteur en philosophie, titulaire d'une HDR en sciences de gestion, auteur ou coauteur d'une trentaine d'ouvrages et essais,
spécialiste du management, du bien-être des personnes et de
la performance des organisations, il est l'un des initiateurs du
concept de Slow management.
Quelle est votre définition du
Slow Management et quel lien
établissez-vous entre ce concept
et celui de qualité de vie au travail ?
L’idée selon laquelle il faut « remettre les hommes au cœur de
l’organisation » est extrêmement
présente dans les discours managériaux. Cependant le constat
actuel est plutôt celui d’un management à distance, aseptisé
— presque « malgré soi » — où
les contacts sont rares et se font
bien souvent par outils interposés. Les managers relient cet
état de fait au manque de temps
dont ils disposent.
Cette excuse ne tient pas. Il faut
y voir un symptôme, un mécanisme de défense. Si on ne prend
pas le temps, c’est par crainte de
la relation en face-à-face.
Le Slow Management — issu du
concept anglo-saxon « MBWA »
(Management By Walking Around)
initialement développé par William Hewlett et David Packard,
les deux fondateurs légendaires
d’Hewlett-Packard — prend le
contrepied de cette tendance. Il
s’agit, pour le manager ou le
dirigeant, de prendre le temps
d’aller à la rencontre de ses collaborateurs, de prendre le temps
de donner du temps et de l’attention à ses équipes. Avoir un dirigeant physiquement présent et
avec qui dialoguer est rassurant
pour les salariés, surtout dans
un contexte de turbulences, où
le management doit plus que jamais incarner le pilotage et créer
de la confiance.
Somme toute, le Slow Management est avant tout un principe de bon sens, mais qui a été
perdu de vue. Dans les organisations contemporaines, il y a
la croyance généralisée selon laquelle tout ou presque peut être
traité à distance et dans le cadre
de processus formalisés. C’est
un faux confort, qui ne peut engendrer une performance qu’à
court terme : en tant que manager, il faut être capable de consacrer du temps pour construire et
nourrir la relation à l’autre.
Le manager ne doit pas seulement se préoccuper de l’atteinte
des objectifs posés et du résultat
final, il doit également être capable de s’intéresser au chemin
parcouru par son collaborateur.
A l’image de la citation d’Antoine de Saint-Exupéry – « C’est
le temps que tu as perdu pour
ta rose, qui fait ta rose si importante » –, c’est le temps
que le manager est capable de
« perdre » pour ses collaborateurs qui fait que ceux-ci sont
importants.
IDRH - Regards croisés n°41 - La Qualité de vie au travail au service de la performance
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A mon sens, le Slow Management
est le substrat de la qualité de vie
au travail : il permet de travailler sur
l’une des causes profondes du bienêtre au travail car il répond aux besoins de sens et de reconnaissance
de l’individu.
En quoi le slow management estil vecteur de performance pour les
organisations ?
Si une organisation recherche la
performance pour elle-même,
elle l’obtiendra, mais ce sera une
performance éphémère. Cette
stratégie ne sera en aucun cas
durable ; plus grave, elle se construit souvent sur la souffrance des
hommes et des femmes.
Le Slow Management propose un
renversement de perspective : il faut
d’abord travailler sur le bien-être
des collaborateurs pour, de surcroît, atteindre une performance
durable.
Ainsi, dans une imprimerie située
aux alentours de Grenoble, durant
la crise, le patron réunissait tous les
jours ses équipes pour leur communiquer les derniers évènements et
échanger avec eux. Grâce à cet acte
managérial fort, transparent, d’un
homme debout face à des collaborateurs debout, ils ont gardé confiance et espoir : plus même, ils
ont été « galvanisés ». Dans cette
entreprise, malgré la dégradation
du climat économique, l’emploi a
été préservé, on a évité les arrêts
maladies à répétition et les départs
massifs.
In fine, la performance économique
se construit avec et non pas pardessus ou contre les hommes.
Quelle posture le Slow Management
implique-t-il pour le manager ?
Tout d’abord, le Slow Management
passe par la rencontre physique,
dans le profond respect d’autrui
et dans la conviction qu’il est por10
teur d’incroyables richesses. En tant
que manager, dans ma rencontre
à l’autre, je dois faire confiance à
mon ressenti, à ma subjectivité. Ensuite, seulement, je peux traduire
ce point de vue subjectif en point
de vue objectif et proposer des
solutions organisationnelles, managériales. La vérité, c’est ce que
j’éprouve, seulement après commence la réflexion : comme le dit
Gaston Bachelard, « Je suis est plus
fort que je pense ».
En refusant le contact et cette
compréhension physique et émotionnelle, le manager se préserve
sur le court-terme mais détruit
sur le long-terme une part de l’organisation. A la grande époque
de l’atelier, les patrons faisaient
du Slow Management sans le savoir : passage authentique et quotidien dans les ateliers, vraies
poignées de mains échangées…
Ils avaient conscience de l’importance des hommes dans le
bon fonctionnement de l’entreprise. Le Slow Management se
fonde sur ce sentiment d’authenticité, très certainement le sentiment le plus archaïque parce que
premier chez l’être humain.
Par ailleurs, le Slow Management
implique également la capacité
pour le manager à se mettre au service de son équipe, à mettre l’autre
en lumière : c’est comme cela que
l’ensemble de l’organisation va y
gagner. N’oublions pas qu’une des
étymologies de « manager » vient
du latin managere, qui signifie ménager, prendre soin des ressources
humaines et physiques.
Comment mettre en place le Slow
Management ?
L’authenticité dans la rencontre
avec l’autre doit partir du haut de
l’entreprise. Elle passe par l’exemplarité et la prise de conscience
progressive et collective de l’intérêt d’aller dans une telle direction.
Mais la mise en place du Slow Ma-
IDRH - Regards croisés n°41 - La Qualité de vie au travail au service de la performance
nagement doit avant tout avoir une
logique inverse à la logique habituelle : la qualité des relations entre
les personnes est première, la décision managériale en vue de la performance vient ensuite.
De manière très pratique, pour aller
à la rencontre des hommes et des
femmes qui font l’entreprise, le manager — si cela ne lui est pas naturel — peut commencer par aménager des pauses dans son emploi du
temps ou, plus formellement, organiser des rencontres régulières avec
l’ensemble des équipes.
Le Slow Management constitue-t-il
également un levier de la qualité de
la transformation ?
Tout à fait. Il est illusoire de croire
que, dans une organisation, on
va réussir à remporter l’adhésion de milliers de personnes
d’un coup et les convaincre tout
aussi facilement du bien-fondé
de la transformation. Il est au
contraire nécessaire de prendre
le temps d’aller à la rencontre
des collaborateurs et d’accepter
que ceux-ci puissent avoir de bons
arguments. Il faut prendre le risque
de la rencontre, même si celle-ci
ne génère pas que des sensations
agréables.
Le Slow Management est une des
conditions clés du changement. La
réussite de celui-ci passe :
Œ par la capacité à expliquer, ré-
pondre aux questions, diffuser les
valeurs, dessiner un futur désirable ;
 la capacité à se nourrir des idées,
remarques, arguments des collaborateurs ;
Ž la capacité à montrer les bénéfices pour l’entreprise mais aussi
ce que chacun, individuellement, va
y gagner.
A ces conditions alors, le changement, désormais porté par les
hommes et les femmes, devient possible. n
TEMOIGNAGES
Créer les conditions d'un
débat autour du travail
Entretien avec
Catherine Delpirou
Directrice Reconnaissance et Vie au Travail
et Jean-Baptiste Obéniche
Directeur du pôle Qualité de Vie au Travail,
Groupe EDF
Propos recueillis par Nadine Chartier et
Marie-Alexia Labrousse, IDRH
Catherine Delpirou, Directrice Reconnaissance et Vie au travail EDF
DRH Groupe, a commencé sa carrière comme juriste au sein de la
production nucléaire, avant d’occuper différents postes de conseiller
RH pour les unités opérationnelles. Après 8 ans passés comme Responsable nationale du droit social pour EDF et GDF, elle travaille à
partir de 1998 sur la dimension sociale de l’ouverture du marché de
l’énergie et participe à la création du secteur du gaz et de l’électricité.
Elle a présidé le CCE d’EDF pendant 4 ans. Aujourd’hui Directrice en
charge de la définition des politiques de rémunération et d’avantages
sociaux, de diversité, de santé et sécurité et de qualité de vie au travail
ainsi que de la responsabilité sociale d’entreprise, pour l’ensemble du
Groupe EDF.
Jean-Baptiste Obéniche, Responsable du pôle Santé et Vie au travail
au sein du Groupe EDF, est diplômé de l’ESLSCA Paris, a intégré en
1995 l'Agence nationale pour l’emploi (ANPE) où il a été successivement directeur d’agence locale (1995-1999), conseiller technique
à la direction du développement des ressources humaines (20002002) et directeur délégué à Paris (2002-2004). Conseiller technique
en charge de l'emploi au cabinet du Premier ministre Dominique de
Villepin, (Juillet 2005 - Mai 2007). Conseiller technique en charge de
l'insertion professionnelle des jeunes entre 2004 et 2005 successivement aux cabinets du secrétaire d'État à l'insertion professionnelle
des jeunes (Laurent Hénart) puis du ministre délégué à l'Emploi, au
Travail et à l'Insertion professionnelle des jeunes (Gérard Larcher).
De 2007 à 2012, directeur général de l’Agence nationale pour l’amélioration des conditions de travail (Anact).
Comment est née la démarche de
Qualité de Vie au Travail chez EDF ?
A la suite du suicide de plusieurs
salariés de la centrale de Chinon en
2007, nous avons lancé une mission
d’écoute sur le terrain. Mais très
vite, nous nous sommes dits qu'il
était nécessaire, au delà du stress et
des risques psychosociaux, de regarder ce qui se jouait dans les transformations du travail lui-même.
Qu’avez-vous mis en place pour cela ?
Dès 2008, nous avons mis en place
un Observatoire national de la
Qualité de Vie au Travail. Nous
avons voulu qu'il soit pluridisciplinaire, c'est-à-dire qu'il associe des
managers, nos organisations syndicales, des médecins du travail, mais
aussi des compétences externes,
avec un apport universitaire et
scientifique important (convention
avec l’EHESS - Ecole des Hautes
Etudes en Sciences Sociales - et
avec l’ANACT). Nous l'avons aussi
voulu ouvert aux pratiques d'autres
entreprises (Renault, Danone, ...).
Au fond, c'est une sorte de "think
tank", avec une parole libre sur les
transformations du travail, dans un
lieu non institutionnel. Ce n'était
pas évident au départ, mais ça
fonctionne.
Un autre pari était de réinvestir
l’activité de travail sur le terrain.
Nous nous sommes intéressés aux
irritants mais aussi aux bonnes pratiques, pour interroger les conditions d’un travail de qualité et d’une
organisation performante. L’accord
sur la prévention des Risques Psycho-Sociaux et le développement de
la QVT, signé en 2010, a acté la création de groupes multidisciplinaires
au niveau des établissements, sur le
terrain. Plus de 60 groupes existent
aujourd’hui, autant de lieux où l’on
débat entre médecins, préventeurs,
IDRH - Regards croisés n°41 - La Qualité de vie au travail au service de la performance
11
Extrait de : "Les constructeurs à l'aloès", 1951, Fernand Léger.
syndicats, managers, … Cela nécessite un vrai changement de posture
de la part de tous les acteurs. En ce
sens, le processus d’apprentissage
ne sera jamais fini.
Enfin, notre conviction est que la
QVT est un enjeu de performance
pour l'entreprise. Nous travaillons
en collaboration avec notre Université Groupe du Management qui
forme nos 12 000 managers. Nous
organisons depuis plusieurs années,
sous forme de séminaires d'été, des
ateliers d'échanges de pratiques
réunissant des managers et des RH
de différents métiers ; ce sont des
sortes de "peer reviews", à l'occasion desquelles ils partagent leurs
12
expériences, leurs difficultés et
leurs réussites. Des "learning expeditions" ont lieu chaque année dans
un des pays du groupe, avec des
opérationnels qui voient comment,
dans d'autres métiers et d'autres
contextes, ces questions de Qualité
de Vie au Travail sont abordées.
Quels progrès notez-vous ?
Nous constatons une vraie appropriation par les métiers qui déploient des plans d’actions adaptés
à leur contexte. Nous ne croyons
pas du tout, dans ce domaine, à
une approche prescriptive descendante. Notre rôle est de créer les
conditions d’une mise en débat
autour du travail et de développer
IDRH - Regards croisés n°41 - La Qualité de vie au travail au service de la performance
des modes de pensées et de fonctionnement différents. L'innovation se joue sur le terrain, entre les
acteurs du travail. Dans une industrie comme la nôtre, cela n'est pas
sans interroger les modes de management historiques.
Et dans un groupe dont 40% des salariés de 2020 ne sont pas encore recrutés, prendre en compte les transformations du travail et développer
une performance durable passe
aussi par la reconnaissance de la
diversité de chacun tel qu'il est
pour réussir ensemble. Les questions de diversité sont en fait très
poreuses avec celles de qualité de
vie au travail. n
TEMOIGNAGES
France Télécom :
histoire d’un rétablissement
Entretien avec Alain André
Directeur en charge de la mise en œuvre du Nouveau
Contrat Social à France Télécom.
Propos recueillis par Alain Reynaud et Hélène Macaire, IDRH
Alain André est Directeur en charge de la mise en œuvre du Nouveau
Contrat Social à France Telecom. A ce titre, il accompagne depuis
2009 la transformation sociale de l’entreprise, autour d’un travail
en profondeur sur les conditions de travail.
Comment êtes-vous parvenus aussi
rapidement à sortir d’une situation
dégradée ?
Je vois trois explications à cela.
Tout d’abord, le lien très fort qui
unit les collaborateurs à France
Télécom et l’habitude de relever ensemble des challenges importants
sur un temps court ont favorisé la
mobilisation du corps social sur ce
sujet. Quand l’entreprise a montré son intention de travailler sur
la problématique de la Qualité de
Vie au Travail et de progresser, tous
les acteurs – managers, RH, organisations syndicales – se sont lancés
dans le projet.
Ensuite, la recomposition de l’équipe dirigeante, avec l’arrivée de Stéphane Richard, puis de Bruno Mettling, a permis de trouver un équilibre entre personnalités externes
et internes. En particulier, des responsabilités clés ont été confiées
à des personnes très légitimes,
connaissant finement le terrain et
les spécificités humaines et sociales
de l’entreprise.
Enfin, nous avons concrétisé notre
volonté en matière de QVT par un
plan visible – le nouveau contrat
social – et nous nous sommes donné les moyens de l’implémenter.
D’emblée les preuves ont été four-
nies, avec, par exemple, l’arrêt des
réorganisations, le positionnement
de RH de proximité.
Quelles sont à votre sens les actions
engagées qui ont produit le plus
d’effets ?
Il y a bien sûr à l’origine l’important
chantier de la refondation de 2009
et 2010. La très large expression
des salariés, à travers de multiples
enquêtes et groupes d’expression
a permis de partager sans fard sur
les enjeux, et de permettre à chacun
de contribuer à ce nouveau départ.
Restait à le concrétiser.
Aussi nous avons beaucoup investi
dans l’environnement de travail,
avec notamment la réfection des
locaux et des postes de travail, ainsi
que la refonte de certains outils SI,
en prenant soin d’inclure les utilisateurs dans la boucle. Ces actions-là
concernent tout le monde et leur
impact a été rapidement visible.
Par ailleurs, nous avons lancé un
vaste chantier de transformation
RH et de renouvellement du dialogue social, en le mettant au service de la Qualité de Vie au Travail.
Nous sommes aujourd’hui dans
une dynamique d’ouverture avec les
partenaires, les choses sont mises
sur la table avec l’intention de progresser, de trouver des solutions.
Enfin, nous avons lancé un vaste
mouvement de déconcentration des
responsabilités, au plus près des
territoires et de leurs enjeux. Parmi
les éléments clés du Contrat Social
figure la restauration de marges
de manœuvre ; donner la main aux
acteurs pour qu’ils élaborent a été
un important levier d’innovation,
en totale cohérence avec l’esprit du
Contrat.
En quoi ces actions QVT ont-elles
soutenu la performance de France
Télécom ?
Evidemment, la rentabilité des investissements sur ce registre n’est
jamais simple à prouver. On peut
toutefois dire que la qualité de
service a été, a minima, maintenue,
un constat aujourd’hui largement
partagé. D’autre part, et c’est la
vertu du contrat social qui nous a
fourni des règles explicites sur lesquelles appuyer notre action, nous
sommes aujourd’hui à même de
repérer vite les tensions et d’y réagir. Nous avons mis en place des
boucles de rétroaction qui permettent des réponses rapides sur
ces questions. La qualité sociale
de l’entreprise y a indéniablement
gagné, et chacun d’entre nous, collaborateurs et managers, peut en
mesurer les effets au quotidien. n
IDRH - Regards croisés n°41 - La Qualité de vie au travail au service de la performance
13
TEMOIGNAGES
Prendre en compte
le travail, le vrai !
Entretien avec Pascale Levet
Agence Nationale pour l’Amélioration des Conditions
de Travail (ANACT)
Propos recueillis par Nadine Chartier et David Razzano, IDRH
Pascale Levet a débuté son parcours à la fin des années 80 comme
chercheuse à l'EM Lyon ; elle a ensuite rejoint le Groupe Adecco où
elle a fondé et dirigé pendant une dizaine d'années le Lab'HO, un
GIE d'études et de recherches sur les hommes et les organisations.
En 2009, elle arrive à l'Anact, alors que les questions de Risques
Psychosociaux faisaient irruption, ramenant les questions du travail
dans le débat public, d'abord exprimées en termes de souffrance
pour désormais renvoyer aux enjeux politiques de la Qualité de Vie
au Travail...
Quel regard portez-vous sur la
question de la QVT en relation avec
les enjeux de performance ?
Un angle de réflexion intéressant
est de prendre la logique QVT positivement en se demandant ce qu’on
va pouvoir faire avec cette logique
qu’on ne pouvait pas faire en traitant la question sous l’angle de la
prévention des risques.
Parler du lien Qualité de Vie au Travail / performance, c’est admettre
que l’engagement des personnes
dans leur activité a profondément
changé. Il y a quelque chose qui
relève de l’énigme dans ce constat.
Le système est de plus en plus hétérogène, complexe, exigeant et on
s’aperçoit que cela fabrique non
seulement des problématiques qui
s’expriment en termes de santé
mais aussi d’importantes problématiques de performance productive. Le symptôme de la santé qui
s’enraye est très souvent le reflet
d’un système de production lui
14
aussi enrayé ; cette production est
devenue difficile, coûteuse pour
tous les individus qui cherchent des
solutions productives adaptées et
réinventées jour après jour dans les
aléas de la vie de l’organisation. Par
conséquent, le lien entre la qualité
du travail, la qualité de vie au travail, la manière dont on se sent en
capacité de faire ce qu’on a à faire,
ne peut pas s’envisager sans les
questions de performance.
Pourquoi parlez-vous d’énigme ?
Il y a une énigme parce qu’il y a un
problème d’invisibilité de l’activité.
Le travail visible est loin des directions. Les marchés se transforment
et les choses sont ténues. Comment
est-il possible de suivre ce qui « fait
performance » si personne ne s’intéresse à ce qu’on fait, à ce qu’on
sent, à ce qu’on voit, etc. ? C’est
quoi la complétude de l’activité ?
Quand s’intéresse-t-on au réel de
l’activité, à son coté parfois simple
et naïf ? Il y a urgence à remettre
IDRH - Regards croisés n°41 - La Qualité de vie au travail au service de la performance
ce sens-là en visibilité et en discussion avec des enjeux de rationalité,
au risque de prendre de mauvaises
décisions.
Est-ce qu’un assouplissement des
horaires n’est pas de nature à permettre aux personnes de trouver
un meilleur équilibre de vie professionnelle / vie personnelle et donc à
avoir un meilleur engagement ?
Avec l’assouplissement des horaires se pose la question d’un
nouveau système d’évaluation de
la performance qui pourrait se
jouer, par exemple, sur la semaine,
et dans lequel vous pouvez, à la
fois, articuler les contraintes de
la vie personnelle et la réussite de
votre activité. Cette souplesse doit
illustrer clairement le fait que votre
performance productive est soutenue à l’intérieur du cadre de votre
activité. Aujourd’hui on peut voir
des systèmes dans lesquels on assouplit les horaires mais du coup,
pour avoir utilisé votre possibilité
d’horaire souple, vous vous retrouvez en débit rouge de votre production… et le lendemain vous avez le
taux d’absentéisme qui augmente !
Si l’idée c’est de mettre de la souplesse, il est essentiel d’articuler
cela avec une adaptation de l’exigence productive et des conditions d’engagement dans la réussite – remplir ses objectifs, être «
Extrait de : "Les constructeurs à l'aloès", 1951, Fernand Léger.
quitte » avec ce que l’on a à faire
dans son activité. La difficulté de la
QVT va se porter sur ces questions
d’articulation. Il ne s’agit pas d’être
sur des offres « sympas », un peu
« cafétéria », où chacun, du point
de vue de ses contraintes, peut tirer
son épingle du jeu.
Or lorsqu’on vient au travail, c’est
pour s’engager dans une activité adressée à autrui, dans une
relation de subordination où bien
des choses se jouent.
Toute démarche de Qualité de Vie
au Travail qui serait très généreuse
sur tout ce qui touche la périphérie
du travail – les possibilités d’aménagement, le télétravail,… – mais qui
ne porterait pas une attention soutenue aux enjeux de qualité du travail – du sentiment du travail bien
fait à la hauteur des performances
attendues – ne marchera pas.
Finalement, ce qui fait peur aujourd’hui sur ce sujet c’est la
question de la productivité, de la
performance. Est-ce qu’on sait
aborder ces questions-là aujourd’hui et trouver les solutions
adéquates ?
Si on ne part pas du point de
vue des professionnels, de ce qui
fait sens pour eux en termes de
convention, de jugement partagé sur « c’est quoi pour nous la performance ? », et s’il n’y a pas une
mise en débat sur « c’est quoi pour
nous cette performance ? Comment
se traduit-elle dans les objectifs d’une
organisation, dans des exigences productives, dans un système qui soutient du reporting ? », on va se retrouver avec
des organisations qui feront toujours plus de la même chose mais
qui ne parviendront pas à revenir sur
cet enjeu où la création de valeur est
dans la maîtrise que chaque professionnel a de son activité jour après
jour. Ce qui « fait performance »
deviendra une énigme de plus
en plus opaque et on fera de
« l’habillage » en guise de QVT !
Qu’y a-t-il de nouveau dans tout ça ?
C’est le fait que les individus au
travail se sont parfaitement appropriés cette histoire de « je suis
un individu hyper moderne, je suis
autonome, responsable, et en tant que tel,
moi, j’ai envie de m’engager. Par contre,
si on me met des bâtons dans les roues
jour après jour ça ne marche pas ! »
Ce qui peut être nouveau c’est une
promesse dans la relation d’emploi, promesse de soutien dans
l’activité de l’individu ; on est dans
une ambition où, si on s’intéresse
aux questions du travail, alors on a
une opportunité de réarticuler les
questions économiques et sociales.
Mais c’est un sacré chantier ! n
IDRH - Regards croisés n°41 - La Qualité de vie au travail au service de la performance
15
TEMOIGNAGES
UNSA : aider chacun à se saisir
des outils de la QVT
Entretien avec Jean Grosset
Secrétaire Général Adjoint de l’Union Nationale des
Syndicats Autonomes (UNSA), membre du CESE
(section travail-emploi)
Propos recueillis par Nadine Chartier et Hélène Macaire, IDRH
Secrétaire général adjoint de l’UNSA. Suit plus particulièrement l’action
revendicative et juridique de son organisation. A représenté l’UNSA dans
toutes les intersyndicales nationales, depuis les mouvements concernant
le CPE. Membre du Conseil Économique, Social et Environnemental dans
la section du travail. Intervenant dans la formation RH au Celsa sur les
thèmes : de la Théorie de la négociation ; du Paysage syndical français
actuel et son histoire et des nouvelles règles de représentativité. Il intervient aussi dans la formation continue de Paris-Dauphine concernant la
négociation (Master dirigé par Gérard Tapenat).
Comment décririez-vous le positionnement de l’UNSA par rapport à la
problématique de la Qualité de Vie au
Travail ?
Tout d’abord, je tiens à rappeler que la
QVT n’est pas un sujet récent, même si
sa formalisation dans le code du travail l’est relativement. Il s’agit d’une
demande ancienne de la part du salarié qui a été d’ailleurs entendue depuis
longtemps par le monde syndical.
Dès 1906, la Charte d’Amiens mentionnait le fait que « le syndicalisme
poursuit […] l'accroissement du mieuxêtre des travailleurs par la réalisation
d'améliorations immédiates, telles
que la diminution des heures de travail, l'augmentation des salaires, etc.
Quand on parle de Qualité de Vie au
Travail, on pense tout d’abord à la
santé au travail, à la qualité de l’environnement physique de travail et à la
pénibilité. Cependant, au-delà de ces
questionnements, il y a une vraie demande de réalisation personnelle au
travail de la part des individus, une attente de considération à laquelle nous
nous intéressons également en tant
que syndicat. Par exemple, nous avons
mené toute une réflexion sur le métier
de gardiens de prison et sur la façon
de prendre en compte les questions de
bien-être et de dignité dans cet univers
16
professionnel spécifique. L’enjeu est
bel et bien d’aller au-delà des questions d’indices pour s’interroger sur
l’intérêt du métier, son rôle dans la
société, la qualité du service rendu...
En résumé, en tant que syndicat, nous
nous positionnons de manière ouverte
et pragmatique sur la question de la
QVT : nous nous intéressons à la fois
à un socle « dur » – l’emploi et le salaire – mais également à des questions
plus larges, ayant trait notamment à la
qualité des relations interpersonnelles
ou à la dignité au travail.
Comment accompagner en tant que
syndicat le déploiement de politiques
QVT au sein des entreprises ?
Je vois deux conditions nécessaires
préalables : d’une part, le syndicalisme doit considérer qu’il s’agit d’un enjeu important ; d’autre part, il doit y
avoir une volonté tangible d’établir
des compromis réels avec le patronat. L’UNSA est d’ailleurs convaincue
de l’intérêt de construire une position
commune avec les instances patronales sur le sujet de la QVT.
Par ailleurs, je tiens à rappeler que nous
disposons en France d’un ensemble
d’outils, notamment dans le code du
travail, pour encadrer cette thématique. En outre, la QVT est un sujet qui
IDRH - Regards croisés n°41 - La Qualité de vie au travail au service de la performance
recueille une écoute favorable auprès
de la population française.
C’est désormais aux différents acteurs
au sein des organisations – qu’elles
soient publiques ou privées – de se
saisir de ces dispositifs et de ces réflexions. Nous considérons, à l’UNSA,
que les questions relatives à la QVT
peuvent être traitées loyalement, de
manière décentralisée, entre employeurs et syndicats.
Comment faites-vous pour sensibiliser les représentants de l’UNSA à la
QVT ?
D’une part, nous collaborons avec
l’Orseu (Office européen de Recherches sociales), dont les recherches sur
la qualité du travail et de l’emploi alimentent notre réflexion.
D’autre part, nous nous appuyons
sur la formation, qui permet de sensibiliser nos représentants aux problématiques de santé et bien-être au travail et qui leur donne les moyens d’agir
de manière autonome. Nous disposons d’un centre de formation, qui est
agréé pour la fonction publique et le
privé et qui forme chaque année 2 000
à 3 000 stagiaires sur la GPEC (Gestion
Prévisionnelle de l'Emploi et des Compétences). Nous avons créé « CE service », une structure agréée qui forme
chaque année 700 à 800 élus de Comités d’Entreprise et CHSCT (Comité
d’Hygiène, de Sécurité et des Conditions de Travail). Nous avons également
créé avec l’ANDRH (Association Nationale des Directeurs des Ressources
Humaines) un master en théorie de
la négociation à l’Université de Dauphine, à destination des responsables
syndicaux et RH. n
TEMOIGNAGES
Qualité de vie au travail
Et modernisation
de l 'administration
Entretien avec Dominique Lamiot
Secrétaire général des ministères économiques
et financiers
Propos recueillis par Frédéric Petitbon et Nadine Chartier, IDRH
Dominique Lamiot rejoint le Ministère des Finances à sa sortie de l'ENA
en 1987. Conseiller Financier à Moscou en 1991. Responsable de départements, Service des Affaires Internationales de la Direction du Trésor
(1993). En 1998, il devient Sous-Directeur à la Direction Générale de la
Comptabilité Publique (Trésor Public) puis Chef de Service en 2003 et Directeur Général de la Comptabilité Publique en 2005.
Depuis 2008, il est Secrétaire général des ministères économiques et financiers.
Qu’est ce qui rend aujourd’hui nécessaire une approche Qualité de Vie au
Travail dans votre organisation?
Depuis une dizaine d’années, les ministères économiques et financiers se sont
transformés en profondeur. Ce mouvement a concerné les organisations (fusion des Impôts et du Trésor public,
meilleure distinction des front-offices
et des back offices, resserrement des
réseaux...), mais également les procédures avec l’idée maîtresse de les organiser « du point de vue de l’usager »
et non plus en fonction des logiques
métiers ou des contraintes informatiques.
Cette période a été également celle
d’une première révolution en matière
de dématérialisation, notamment
dans la relation en-tre l’administration fiscale et les contribuables (cf.
le formidable succès de la télédéclaration), mais aussi celle d’un changement d’état d’esprit vis-à-vis de
l’ensemble de nos publics, qu’ils
soient particuliers, contribuables, entreprises ou organismes publics.
Nous avons fait le choix de privilégier une approche fondée sur
la qualité de service rendu à ces
publics : désormais le contribuable est un usager que l’on traite comme
un client.
Et c’est une réelle satisfaction de
constater que les administrations
économiques et financières sont
régulièrement plébiscitées par les
usagers dans les sondages externes qui sont réalisés dans la sphère publique.
Ce mouvement d’amélioration continue de la qualité de service rendu,
contemporain d’une réduction régulière du nombre d’emplois mobilisés
(-25 000 sur la période 2002-2012) est
à mettre au crédit du savoir-faire et du
professionnalisme des 150 000 collaborateurs de nos ministères.
Cette démarche de modernisation a nécessité une réflexion sur
la qualité de vie au travail qui a abouti
à un ensemble de mesures.
Comment parvenez-vous à cet équilibre ?
Nous exerçons une vigilance permanente autour de la prévention
des risques grâce à un dispositif d’envergure déployé dans tous
les ministères de Bercy, associant
aussi bien l’ensemble des directions et services du ministère que
les organisations syndicales à
travers un plan ministériel pluriannuel santé, sécurité et conditions
de travail.
L’objectif de ce plan est de mobiliser l’ensemble des acteurs et
des moyens pour garantir aux
agents un environnement professionnel favorable à leur bien-être physique et psychique au travers de l’amélioration des conditions de travail, enjeu essentiel de la politique ressources
humaines et du dialogue social des
ministères économiques et financiers.
En ce qui concerne l’organisation du
travail, chaque direction a mis en place
un correspondant Qualité de Vie au
Travail, positionné à haut niveau, permettant de porter le sujet. Nous animons un réseau d’acteurs professionnels, médecins, assistants de
service social,
ergonomes, inspecteurs santé et sécurité au travail,
réseau piloté par le Secrétariat Général
des ministères économiques et financiers, puissant outil de veille et d’alerte.
Nous allons également déployer un
outil de veille permettant de détecter
les signaux faibles révélateurs de problèmes afin de mettre en place des
plans d’actions appropriés, sous forme
d’un tableau de bord social. Nous
disposons par ailleurs depuis 2002
d’une enquête semestrielle sur l’état
IDRH - Regards croisés n°41 - La Qualité de vie au travail au service de la performance
17
d’esprit de nos collaborateurs :
nous possédons ainsi un historique important nous permettant d’apprécier les évolutions.
Nous avons ajouté récemment
des questions sur les conditions
de travail, sur le stress. Les agents
peuvent s’exprimer sur la qualité
des ressources dont ils disposent
(outils, soutien,…). Et les résultats sont diffusés de manière
transparente.
Mais ces dispositifs ne sont pas
suffisants si nous n’envisageons
pas la dimension individuelle.
Aussi, nous portons une attention particulière à l’encadrement
de proximité en organisant des
formations autour de la prévention des risques et de la Qualité
de Vie au Travail. Une réflexion
sur la conciliation entre vie privée et vie professionnelle d’une
part et sur le télétravail d’autre
part est engagée. Un plan d’action en faveur de l’égalité professionnelle entre les hommes et
les femmes a été signé avec les
organisations syndicales.
Toutes ces actions convergent
pour améliorer la Qualité de
Vie au Travail. Nous avons déjà
beaucoup œuvré, la volonté est
forte, les outils sont là.
Il faut aussi que les mentalités
évoluent et, pour ce faire, le management a un rôle-clé à jouer. n
Un plan d’action en faveur
de l’égalité professionnelle
entre les hommes et les femmes
2011 – 2013
Respecter l’égalité professionnelle, c’est comprendre que la mise en œuvre
de ce principe peut renforcer la cohésion des relations sociales, améliorer les
conditions de travail, contribuer à l’efficacité de l’action administrative et favoriser l’équilibre entre vie professionnelle et via familiale.
C’est pourquoi un plan d’actions en faveur de l’égalité professionnelle a été
mis en place.
Ce plan d’action conduit à l’examen approfondi de thématiques comme l’analyse de l’évolution des parcours professionnels, l’influence des charges familiales sur la vie professionnelle et particulièrement de la parentalité sur les évolutions de carrière.
Très concrètement, des principes forts de gestion et des dispositifs ont été
mis en place : éviter que les absences liées à la maternité et au congé d’adoption aient un impact négatif, améliorer les conditions du retour des agents sur
leur poste de travail après un congé de maternité ou d’adoption, adopter des
chartes de gestion du temps, assurer l’équilibre pour les promotions au choix
entre le taux des femmes proposées et le taux des femmes promues, renforcer
le nombre de places en crèches. Des solutions assez variées qui outre le fait
de favoriser l’égalité professionnelle entre hommes et femmes concourent à la
Qualité de Vie au Travail pour tous.
18
IDRH - Regards croisés n°41 - La Qualité de vie au travail au service de la performance
TEMOIGNAGES
SHARE :
une offre de bien être
Entretien avec Franck Fangueiro
DRH chez Econocom
Propos recueillis par Nadine Chartier, IDRH
Franck Fanguerio, 38 ans, de formation DEA droit social
(1998). Une première expérience en cabinet d'avocat puis
responsable des affaires sociales pour la firme de distribution sélective Armand Thiery. DRH pour le groupe Dekra
(2003) puis Directeur Général Adjoint de Dekra Automotive.
En 2008, il devient DRH d'Econocom. Est Administrateur de
l'UNEDIC depuis 2013.
Qu’est-ce que le programme
Share, en quoi contribue-t-il à
la qualité de Vie au travail dans
votre entreprise ?
Nous avons créé ce programme
pour appuyer le déploiement
d’une culture commune après notre fusion avec ECS en 2010.
Force a été de constater que
cette fusion a révélé un choc de
culture important entre les deux
sociétés avec des postures différentes, voire opposées dans les
modes de travail : les uns issus
de modèles où le process conditionne l’action, les autres possédant un esprit d’aventurier
où l’action l’emporte sur la réflexion. Une fois la nouvelle organisation posée et les cartes redistribuées, nous avons ressenti
le besoin d’engager une réflexion
qui nous amène à repenser notre
modèle social. Il nous semblait
indispensable de nous engager
sur un modèle partagé par tous.
Nous avons appelé cette démarche Share car elle correspond à
une de nos 5 valeurs, le savoir-
partager. Dans les 15 filiales,
nous avons organisé des groupes
de réflexion où chacun a pu s’exprimer librement sur le nouveau
modèle avec pour enjeu de trouver du plaisir au travail en supportant le moins de contraintes
possibles.
Nous avons retenu la majorité
des idées exprimées, puis décliné ces propositions en plusieurs
dispositifs avec des mesures correspondant à l’attente des salariés. Nous avons ensuite négocié
ce programme avec les partenaires sociaux et obtenu la signature de l’accord.
Aujourd’hui, ce programme
comporte 3 types de dispositifs
qui concourent à la Qualité de
Vie au Travail, qui permettent
d’améliorer la performance des
équipes et qui surtout cimentent le corps social.
Le premier dispositif concerne
la modernisation de l’organisation du travail avec différentes
mesures : le passage d’horaires
fixes à des horaires variables, la
mise en place du télétravail avec
la possibilité de 2 jours par semaine à distance, l’assouplissement de la prise du congé de
paternité. Avec ces nouvelles dispositions, nous avons fait bouger les lignes en matière de reconnaissance, de responsabilisation et de qualité d’engagement
de nos salariés.
Comment mesurez-vous les résultats ?
Avec les horaires variables, nous
souhaitions déplacer le curseur
d’une culture de présentéisme
vers une culture de résultat.
Aujourd’hui, sans exagération
aucune de la part des salariés,
nous observons des aménagements de plages horaires qui ne
nuisent pas à l’efficacité individuelle et collective. Concernant
le télétravail, nous avons aujourd’hui 200 personnes dans le
dispositif sans constat d’échec
avéré. C’est une preuve de réussite. Nous apportons le matériel
nécessaire, en expliquant toutefois que ce n’est pas un mode
de travail permanent, mais
conjoncturel permettant aux
salariés de mieux gérer les aléas
de leur vie personnelle. C’est une
forme de reconnaissance, une
IDRH - Regards croisés n°41 - La Qualité de vie au travail au service de la performance
19
"Les constructeurs
à l'aloès",
1951,
Fernand Léger.
Huile sur toile,
165 x 200 cm.
Musée National
Fernand Leger,
Biot (06)
expression de la confiance du
management.
Pour que cette démarche réussisse, nous avons d’ailleurs
formé nos encadrants au management à distance et à la
confiance.
Le deuxième dispositif concerne
un volet de services à la personne : conciergerie, réalisation
de repas, garde d’enfant, prestations de service, co-voiturage, …
Le co-voiturage par exemple,
semble être un échec, en revanche, la conciergerie est plutôt un
succès. Ce deuxième axe de services à la personne nécessite une
forte communication de notre part, certaines catégories de
personnes étant moins sensibilisées aux avantages proposés.
Nous avons fait en sorte que les
services soient avantageux sur le
plan économique pour nos salariés.
Le troisième dispositif concerne
quant à lui des mesures liées à
des aides sociales et financières.
C’est un volet que nous conduisons avec prudence et distance.
20
Nous ne voulons pas verser dans
le paternalisme ni nous ingérer
dans la vie privée des personnes.
Nous proposons par exemple,
des consultations auprès de psychologues, des aides au logement en complément du 1%
et des prêts financiers pour les
personnes en situation difficile
passagère.
A terme, nous souhaiterions
étendre ce programme Share en
le complétant d’un dispositif autour de l’épargne salariale. Dans
une logique d’amélioration continue, pourquoi en effet ne pas
l’enrichir par des mesures autour
de la diversité, du handicap, de
l’égalité Hommes/femmes, de
l’inter-génération, …?
Est-ce que l’on ne pourrait pas
vous reprocher une approche
« gadget » de la Qualité de Vie
au Travail ?
Les chiffres le démontrent, nous
délivrons 1 300 prestations par
mois. Ce sont les salariés qui portent le programme. Travailler à
domicile ponctuellement n’est
IDRH - Regards croisés n°41 - La Qualité de vie au travail au service de la performance
pas complètement gratuit pour
les personnes qui le mettent en
œuvre. Si nous mettons à disposition le matériel, nous ne couvrons pas l’ensemble des frais de
connexion, d’abonnement, etc…
Nous souhaitons développer la
responsabilisation des personnes dans une logique de gagnantgagnant et chacun doit y trouver
son compte.
Par ailleurs, nous avons mis en
place une école de management
pour soutenir le développement
d’une nouvelle posture managériale. Nous voulons des managers à l’écoute de leurs collaborateurs, comprenant bien les
enjeux de ce programme Share,
sachant exprimer tout à la fois
des signes de reconnaissance et
l’exigence de résultat attendu.
Aujourd’hui nous souhaiterions
l’étendre à d’autres pays, tout
en respectant chaque culture.
C’est dire que nous sommes
convaincus de l’importance de
ce programme social qui repose
sur un esprit Share.n
TEMOIGNAGES
« Occupez-vous
de vos collaborateurs,
ils s’occuperont
de vos clients ! »
Les apports du management socio-économique
à la performance des organisations
Entretien avec Henri Savall
Professeur émérite de sciences de gestion à l’IAE Lyon,
Président fondateur de l’ISEOR (Institut de socioéconomie des entreprises et des organisations)
Propos recueillis par Hélène Macaire, IDRH
Président de l’Association François Perroux, Directeur de
la Revue Recherches en Sciences de gestion-Management
Sciences-Ciencias de Gestión, membre du Conseil d’Administration de l’ADERSE. Lauréat, avec Véronique ZARDET,
de l’Académie des Sciences Morales et Politiques (Institut de
France) - Médaille du Prix Rossi - pour leurs travaux sur l’intégration des variables sociales dans les stratégies d’entreprises.
Recherches sur la théorie socio-économique des entreprises
et des organisations, la tétranormalisation, le comportement
humain dans les processus de changement, la méthodologie
en sciences sociales, économiques et de gestion et l’épistémologie. Il a publié de nombreux ouvrages et articles sur les
sciences économiques et la gestion. Coordinateur d’une trentaine d’ouvrages collectifs.
Comment définissez-vous l’approche socio-économique des
entreprises et quelle articulation
établissez-vous avec la notion de
Qualité de Vie au Travail ?
Traditionnellement, la théorie
économique présente la performance comme étant issue de
deux facteurs : le capital et le
travail. Or les analyses montrent
que 50% de la valeur créée ne
peut s’expliquer par la quantité
mobilisée de ces deux facteurs.
J’ai donc décidé de travailler sur
l’analyse de ces 50% inexpliqués.
À mon sens, il n’y a pas une mais
deux notions de performance
qui sont de fait étroitement liées :
d’une part, la performance économique, généralement appréhendée via les concepts de bénéfices ou d’équilibre budgétaire,
dans les organisations à but non
lucratif ; d’autre part, la performance sociale, c’est-à-dire le
degré de satisfaction des acteurs
au travail.
Une performance durable ne
peut exister sans la présence de
ces deux dimensions. Si, dans
une organisation, on a la performance sociale sans la performance économique, on entre
dans une logique de déficit. À
l’inverse, si on obtient la performance économique sans la performance sociale, l’organisation
subit ce que j’appelle des coûts
cachés, c’est-à-dire des coûts
non quantifiés et non suivis par
les outils de comptabilité classique, car la non-satisfaction au
travail génère des déperditions
de ressources.
Selon la façon dont on traite
et dont on considère l’humain
au sein d’une organisation, on
observera des variations dans
la production. L’élasticité de la
productivité humaine est considérable et dépend de la qualité du management. J’ai l’habi-
IDRH - Regards croisés n°41 - La Qualité de vie au travail au service de la performance
21
tude de dire : « Occupez-vous
de vos collaborateurs, ils s’occuperont de vos clients et de vos
machines ».
Pour atteindre la satisfaction
client finale, il faut s’adresser
en premier lieu à vos collaborateurs, par un souci constant
porté à la qualité de l’animation, de la formation, de l’accompagnement…
Comment procédez-vous de manière concrète pour évaluer ces
coûts cachés et travailler sur le
binôme performance économique-performance sociale ?
L’évaluation des coûts cachés
passe par une première étape
de diagnostic des conditions
de travail et des dysfonctionnements qui y sont liés.
Au cours de nos recherches,
nous avons répertorié près de
4 000 types de dysfonctionnements que nous avons classés
dans six domaines de conditions de vie au travail : la qualité des conditions physiques
de travail, de l’organisation du
travail, de la gestion du temps ;
la qualité de la coordination et
de la concertation ; l’existence
de formations intégrées (c’està-dire l’implantation effective
de compétences adaptées aux
besoins de l’organisation) ; les
modalités de mise en œuvre de
la stratégie et notamment la
participation de l’ensemble des
acteurs à celle-ci.
Nous identifions la nature de
ces dysfonctionnements par des
entretiens semi-directifs avec
les différents acteurs de l’organisation, puis dans un second
temps nous restituons à l’ensemble des collaborateurs les
résultats de notre diagnostic.
Cet « effet miroir » – par la prise
de conscience qu’il génère – va
impulser une dynamique au sein
22
de l’organisation et donner aux
acteurs l’envie de changer.
Dans une troisième étape, nous
chiffrons les coûts de ces dysfonctionnements avec l’encadrement, en nous intéressant notamment aux surtemps nécessaires pour mener à bien les
différentes activités au sein de
l’organisation et à la non-production. Les coûts tels que nous
les évaluons comprennent donc
à la fois des charges et des coûts
d’opportunité.
A l’issue de ce calcul, qui conduit
à la découverte d’une déperdition de ressources insoupçonnée par l’organisation, nous allons œuvrer à la récupération de
ces coûts en agissant sur les six
leviers des conditions de vie au
travail identifiés lors de la première phase : par exemple, développer la polyvalence dans l’organisation du travail, instaurer
une concertation entre les différentes fonctions de l’entreprise
avant de lancer une production
pour limiter la non-qualité et les
réclamation clients ; impliquer
les collaborateurs dans la définition de la stratégie…
Vous disposez d’une expérience
de terrain conséquente depuis
de nombreuses années sur les
coûts cachés et les effets d’un
management socio-économique:
quels résultats majeurs tirezvous de votre analyse ?
Nos travaux, qui ont permis
la construction d’une base de
données de plus de 2 000 diagnostics dans 72 secteurs ont
montré que toute organisation génère des coûts cachés
oscillant entre 15 000 et 60 000
euros par personne et par an, et
ce quelle que soit sa taille. Nous
observons deux grands types de
cas : les organisations dont les
IDRH - Regards croisés n°41 - La Qualité de vie au travail au service de la performance
coûts cachés sont liés à un turnover et un absentéisme élevés et
les organisations présentant des
coûts de non-production exorbitants de par leur forte intensité capitalistique.
Grâce à notre méthode d’accompagnement du changement
permettant de travailler sur les
conditions de vie au travail,
nous permettons à l’organisation de recycler 35% à 55% des
coûts cachés dans 75% des cas.
C’est bien la preuve que l’amélioration des conditions de vie
au travail agit positivement et directement sur la performance
économique.
In fine, la rentabilité de cette méthode, intégrant notre intervention et le temps passé par les collaborateurs de l’entreprise dans
le projet, oscille entre 200% et
4 000%.
Quelle est votre méthode d’accompagnement du changement ?
La conduite du changement
s’appuie en premier lieu sur le
manager et sur la transformation de sa posture. Nous sommes convaincus que le rôle du
manager est avant tout d’arriver
à créer des consensus et de l’adhésion dans des groupes d’individus autonomes.
Pour accompagner le changement vers un management socio-économique, nous constituons un groupe de projet composé de managers et formons
des groupes de travail pilotés
par des membres du groupe de
projet. Ces groupes de travail
sont chargés de réfléchir sur
des « paniers de dysfonctionnements » et sur les moyens de les
traiter.
À l’issue de l’accompagnement,
une évaluation des résultats obtenus permet de mesurer l’ampleur des progrès. n
REFLEXIONS
La Qualité de Vie au Travail
en Europe : une approche
comparative
Par Hélène Macaire, IDRH
Une Qualité de Vie au Travail
inégale en Europe
Si l’on se réfère à l’étude de l’Eurofound « Trends in job quality in
Europe » parue en 2012 et proposant une analyse comparative
de 34 pays européens, l’Europe
du Nord truste les premières
places du classement en matière
de QVT, et ce pour l’ensemble
des indicateurs considérés :
salaires, équilibre vie privée-vie
professionnelle, qualité intrinsèque du travail (macro-indicateur regroupant notamment
l’autonomie des salariés, l’environnement social et physique de
travail ainsi que l’intensité du
travail) et perspectives en termes
d’employabilité et de sécurité.
Les pays d’Europe de l’Ouest se
trouvent dans la moyenne du
classement, tandis que l’Europe
de l’Est se situe plutôt dans le
peloton.
A la lecture de ce classement, on
s’aperçoit par ailleurs qu’il peut
exister une grande variation des
performances nationales selon
l’indicateur considéré.
Le cas de la France est probant :
si elle s’avère relativement bien
située – entre la 7e et la 11e
place – en matière de salaire,
d’équilibre vie privée-vie professionnelle et de perspectives professionnelles, la France se trouve
à l’avant-dernière place (33e)
pour la qualité intrinsèque du
travail, juste avant la Turquie !
Comment expliquer de telles différences en matière de QVT en
Europe ?
La QVT s’inscrit au sein d’écosystèmes nationaux spécifiques,
qui présentent des différences
en matière de culture, de marché
du travail, de politiques publiques ainsi que de formes d’organisation des entreprises.
•Des différences socioculturelles
La place du travail et l’affect qui
y est lié varient en fonction des
cultures nationales.
En effet, la place du travail est
traditionnellement plus forte
dans les pays d’Europe continentale que dans les pays nordiques et anglo-saxons.
Par ailleurs, en France, une importance toute particulière est
donnée à l’intérêt intrinsèque du
travail, qui est vu comme une
source d’épanouissement nécessaire.
Outre ces différents niveaux
d’exigences et d’attentes concernant le travail, d’autres aspects
socioculturels sont à prendre en
compte pour appréhender la relation au travail et son organisation au sein des différents pays
européens. Par exemple, les pays
nordiques se caractérisent par
une culture de coopération et de
consensus tandis que la France
se distingue par une culture à la
fois hiérarchique, individualiste
et averse au risque.
•Des marchés du travail plus
ou moins dynamiques et protecteurs
Le taux de chômage, l’existence de revenus minimum ou encore la fréquence de l’octroi de
bénéfices et avantages sociaux
pour les employés (mutuelles
complémentaires, restaurant d’
entreprise…) influent sur le niveau de qualité de vie au travail.
Par ailleurs, dans les pays où
le marché du travail est rigide
ou clivé – cas de l’Italie, de la
France ou de l’Allemagne – les
actions QVT des entreprises se
concentrent sur les "insiders"
(salariés avec un contrat stable)
et revêtent des formes individuelles ou collectives. Dans les
pays se caractérisant au contraire par des marchés du travail fluides (le Royaume-Uni par
exemple), les initiatives QVT des
entreprises sont essentiellement
individuelles, dans un objectif
d’attraction et de rétention des
talents.
•Des politiques publiques inégalement développées
En matière de prévention des
risques psychosociaux (RPS),
la Belgique, la France et le
Royaume-Uni sont les pays qui
disposent de l’action publique
la plus élaborée.
L’approche QVT stricto sensu est
relativement émergente mais se
structure peu à peu dans certains
pays, comme en témoignent la
IDRH - Regards croisés n°41 - La Qualité de vie au travail au service de la performance
23
négociation en cours sur la qualité de vie au travail en France
ou la « National working life development strategy to 2020 » finlandaise ayant pour objectif de faire
de la Finlande le pays avec la
plus haute QVT en Europe afin
notamment de « doper » la compétitivité et l’innovation au sein
des entreprises.
•Des formes d’organisation
plus ou moins favorables
Les «organisations apprenantes»,
privilégiant l’apprentissage, l’autonomie, de moindres contraintes de rythme et une moindre répétitivité des tâches, sont les plus
favorables à la QVT et s’avèrent
être surreprésentées en Europe
du Nord.
A l’inverse les «organisations tayloriennes», qui sont les plus défavorables à la QVT, sont surtout
présentes en Europe de l’Est.
L’organisation de type «Lean»,
surreprésentée dans les pays
anglo-saxons, se situe dans une
configuration intermédiaire.
Quelles stratégies des entreprises en matière de QVT ?
L’analyse de 5 pays européens
Italie :
L’approche par la « Qualité de
la Vie ». Les entreprises italiennes, notamment en réponse
à la faiblesse de politiques
publiques en matière de QVT
et à l’orientation individualiste de la culture italienne
qui privilégie la famille au groupe
élargi, ont concentré leur action
sur deux volets : les revenus et
avantages sociaux d’une part,
la conciliation entre vie privée
et vie professionnelle d’autre
part. Sont ainsi mises en place
des actions en faveur de la fa-
24
mille (soutien financier et services relatifs aux dépenses liées
aux enfants ; bonus accordé
en cas de mariage ou à la naissance des enfants…), favorisant
le bien-être (visites médicales
préventives, sport…), aidant les
salariés à gagner du temps (conciergerie, billetteries…) ou encore
visant à augmenter leur pouvoir
d’achat (négociation de réduction pour certains biens et services).
Allemagne :
L’approche « Santé et Sécurité »
est privilégiée par les entreprises, qui concentrent leur action
sur la régulation de la charge de
travail et la présence d’un environnement physique de travail
adapté.
Ainsi, ont été mises en place des
démarches systématiques de
prévention des troubles musculo-squelettiques et des RPS :
souci porté à l’ergonomie des
postes, campagnes de prévention, développement d’activités
sportives sur le lieu de travail,
examens médicaux préventifs…
Par ailleurs, une attention particulière est portée à l’adaptation
des parcours de carrières aux
cycles de vie personnel et professionnel : dispositifs adaptés
aux seniors pour maintenir leur
niveau d’engagement, mise en
place de systèmes de networking, mentoring et supervision
pour les femmes, formes flexibles
de travail et mise en place de
comptes épargne-temps avec
possibilité de convertir ce temps
en congés sabbatiques ou en
période de transition avant la
retraite, dispositifs d’accompagnement des salariés ayant un
proche vieillissant ou handicapé
à sa charge…
IDRH - Regards croisés n°41 - La Qualité de vie au travail au service de la performance
Royaume-Uni :
Une approche couplée « Santé
et Sécurité – Qualité de la Vie »,
soit une approche complémentaire et portant essentiellement
sur l’individu et non sur le collectif.
Ces stratégies d’entreprise sont
à relier aux politiques publiques en vigueur – « Health Safety Executive » (2004), « Health,
work and well-being » (2006) –,
à un marché du travail fluide
dans lequel les entreprises
cherchent à attirer et à retenir
des talents et à une culture nationale individualiste. Les initiatives développées par les entreprises se concentrent sur le bienêtre physique et mental : outils
d’évaluation de la santé et du
stress, formation des managers à
la gestion du stress des collaborateurs, promotion d’un mode
de vie sain, accompagnement
à la reprise du travail après un
congé maladie de longue durée…
Les entreprises mettent également en place des initiatives
visant à développer la flexibilité
du travail ("flexible work models" :
télétravail, job sharing, local working…), dans un souci d’allier performance et équilibre vie privéevie professionnelle.
France :
L’approche « managériale », soit
une focalisation sur le management, l’organisation du travail
et le développement professionnel. Cette orientation s’explique
entre autres par la faiblesse de
la qualité intrinsèque du travail,
des relations très hiérarchiques
et une relative mauvaise qualité
perçue des relations managériales et entre pairs.
ZOOM
Le management se situe de fait
au cœur de ces enjeux, dans la
mesure où l’évolution des pratiques managériales réinterroge
les identités professionnelles et
les collectifs de travail.
Les entreprises focalisent donc
leurs initiatives sur les aspects
managériaux de la QVT : définition des valeurs du manager,
groupes de paroles animés par
les managers afin de faire l’état
des lieux du climat social, importance de la gestion des carrières (entretiens d’évaluation,
formations…), octroi de marges
de manœuvre pour pallier les
effets du management par indicateurs…
Finlande :
L’approche « climat social », à
relier à une culture nationale privilégiant la coopération et le consensus. L’accent est ici porté sur
la culture d’entreprise, la cohésion et les relations humaines,
par la mise en place de démarches collaboratives, par l’implication des collaborateurs dans
les décisions et la stratégie, et
par la recherche d’une convivialité sur le lieu de travail.
Le sens du travail constitue le
deuxième volet d’action privilégié par les entreprises : fonctionnement en équipes autonomes,
allègement des règles et des processus pour favoriser l’initiative.
In fine, la compréhension des
contextes nationaux et de leur
spécificité permet d’identifier
les leviers adéquats en matière
de QVT.n
La QVT au Royaume-Uni :
le point de vue de Karine Mangion, consultante,
fondatrice de Culture in Business Ltd (UK)
Diplômée du CNAM-Paris et de l’Institute of Leadership and ManagementUK, Karine Mangion se spécialise dans le développement du leadership dans les
organisations internationales. Elle intervient en coaching de dirigeants dans des
banques telles que Citigroup et Bank of America.
Elle enseigne le management, les ressources humaines et le commerce international
à Regent’s University London.
Contrairement à la France qui s’interroge encore sur la validité scientifique du lien entre QVT
et performance, la relation de causalité entre ces deux concepts ne fait pas débat au RoyaumeUni. Les organisations, qu’elles soient publiques ou privées, ont compris l’intérêt qu’elles pouvaient retirer d’une telle démarche, notamment pour diminuer l’absentéisme et le turn-over ou
encore pour motiver et retenir les salariés.
L’approche anglophone de la QVT – appelée "well-being" ou "quality of working life" – est essentiellement individuelle et préventive.
De fait, les initiatives portées par les entreprises concernent surtout les questions de santé
(mentale et physique) et de sécurité, l’attractivité et la rétention des talents par la présence de
services et d’avantages sociaux (inscription à un club de sport, mutuelle…), et enfin le fameux
"work-life balance" permis notamment par des modèles de travail flexibles.
Ces initiatives privées sont soutenues par des actions publiques innovantes comme la mise en
place en 2013 d’un crédit d’impôt bénéficiant aux entreprises mettant en place des plans d’actions visant à faciliter le retour à l’emploi après un congé maladie de longue durée ou comme
la mise à disposition des entreprises d’un outil permettant d’évaluer les coûts liés à un faible
niveau de bien-être et de santé au travail et de calculer les bénéfices liés à l’implémentation
d’actions visant à les réduire.
IDRH - Regards croisés n°41 - La Qualité de vie au travail au service de la performance
25
FOCUS
LES 10 MARQUEURS DE LA QVT
IDRH a identifié 10 marqueurs de la Qualité de Vie au Travail. Agir sur ces 10 marqueurs favorise
l'engagement des collaborateurs et la réduction de dysfonctionnements coûteux pour l'organisation.
1
2
Qualité du travail
Charge de travail
Demande physique et psychique
Autonomie au travail, degré de responsabilité et
marges de manœuvre
Locaux /
Matériel et outils
Environnement physique
Matériel et outils de travail, nouvelles technologies
3
Sens du travail
4
Relations
Qualité du collectif
5
6
7
Qualité des
politiques RH
8
9
Qualité de la
transformation
26
10
Intérêt du travail, sens de l’action
Identité professionnelle
Système de valeurs de l’entreprise
Relations interpersonnelles (collègues, managers,
clients, IRP) / climat social interne
Soutien et reconnaissance du travail par les pairs
Management
Qualité de la prescription et du pilotage de l’action
individuelle
Reconnaissance au travail et système d’appréciation
Management à distance
Organisation
du travail
Structures et systèmes constitutifs de l’entreprise
Organisation des tâches
Appui dans la résolution des dysfonctionnements
Développement
professionnel
Formation, acquis de l’expérience, développement
des compétences
Gestion de carrière, mobilité et employabilité
Conciliation
vie privée vie professionnelle
Information /
Communication
Accompagnement
au changement
IDRH - Regards croisés n°41 - La Qualité de vie au travail au service de la performance
Rythmes et horaires de travail
Accès aux services, transports, gardes d’enfants, …
Explicitation de la raison d’être du changement
Capacités de débat, participation aux décisions
Transparence et discours de vérité
Anticipation des impacts du changement sur l’organisation, le métier, les outils, la culture interne, …
Accompagnement au changement : adaptation de
l’organisation du travail, des process RH, …
IDRH VIE
Nos solutions pour nos clients
Notre constat :
Le coût moyen annuel de l’absentéisme est évalué à 25 milliards d’euros. Le taux national est
estimé à 4,85% pour une moyenne de 17,8 jours d’absence par salarié.
L’absence de qualité de vie au travail se révèle dans une proportion importante d’absences
de courte durée. Par ailleurs, un fort taux d’absentéisme rejaillit sur le collectif et désorganise la
production.
1
Réduire
l’absentéisme
Nos propositions d’action :
Nous déterminons tout d’abord la proportion d’absentéisme de courte durée dans
l’absentéisme global. Nous repérons et analysons les facteurs de rupture : déséquilibre vie
professionnelle-vie personnelle, dysfonctionnement du management, évolutions de métier non
accompagnées, charge de travail excessive, moyens inadaptés… Une fois ce diagnostic établi, la
priorité est d’agir rapidement sur les causes de l’absentéisme de courte durée : instauration
d’une plus grande flexibilité des horaires, conduite d’entretiens de retour, réduction des irritants
quotidiens…
Notre constat :
Dans un univers où le management est de plus en plus désincarné du fait de la prédominance
des indicateurs et des processus par rapport à la proximité, le manager est devenu malgré lui
une courroie de transmission de la logique du « toujours plus avec toujours moins »
2
Rendre le
manager
attentionné
3
Optimiser
la charge
de travail
4
Faire vivre un
Observatoire
de la QVT
Nos propositions d’action :
Nous avons développé un outil permettant de poser rapidement un diagnostic sur les leviers
managériaux de la QVT. Il constitue un support de réflexion à l’usage des managers pour leur
permettre de prendre du recul sur leurs pratiques managériales et de les mettre en perspective à
l’aune des marges de manœuvres existantes. Notre diagnostic s’accompagne d’une formation
au management attentionné
Notre constat :
Les collaborateurs sont bien souvent dans l’urgence, du fait d’une charge de travail trop
importante. Plusieurs raisons à cela: des équipes en surcharge du fait de départs non remplacés ;
des processus contraignants et inadaptés ; des activités qui n’ont pas évolué malgré des changements stratégiques; une mauvaise répartition des tâches entre les équipes…
Nos propositions d’action :
Nous réalisons dans un premier temps un diagnostic de la charge de travail. A la lumière de ce
diagnostic, nous redéfinissons une réallocation de ressources et /ou de moyens ainsi qu’une
ingénierie de processus visant à mutualiser, simplifier ou automatiser.
Notre constat :
Une démarche pérenne de Qualité de Vie au Travail allant au-delà du diagnostic suppose d’être
en mesure d’agir de façon cohérente et concertée. Comment instaurer une dynamique réunissant les différentes parties prenantes (management, santé au travail, Organisation Syndicale,
filière RH, médecins du travail, préventeurs…)?
Nos propositions d’action :
Nous accompagnons la mise en place d’Observatoire de la QVT, qui fonctionne comme un
espace de partage, de dialogue et de débat autour du travail. Il héberge une réflexion sur les
évolutions d’organisation du travail et suscite des initiatives en matière de QVT par le biais
d’appels à projet et d’identification de bonnes pratiques.
CLIENTS IDRH
IDRH - Regards croisés n°41 - La Qualité de vie au travail au service de la performance
27
KALEIDOSCOPE
DE NOS OFFRES PHARES EN 2013
IDRH accompagne ses clients dans le développement de leur compétitivité, sur leurs problématiques à forts enjeux humains.
Notre ambition est de créer de la valeur durable, en embarquant toutes les parties prenantes.
Nos interventions sont orientées résultats. Elles s'appuient sur des solutions soigneusement
adaptées aux spécificités culturelles et stratégiques de nos clients.
FONCTIONS
TRANSVERSES
« Optimiser valeur
ajoutée et coûts
de structure »
« Réussir votre
stratégie
en Ressources
Humaines »
COMPETITIVITE
« Rendre
l’organisation
plus flexible
et dynamique »
FONCTION
RH
« Positionner
la Fonction RH
comme Business
Partner »
AGENDA
RH
DIAGNOSTIC
DE
TRANSFORMATION
« Mobiliser le potentiel de
transformation d’une
organisation et de
ses acteurs »
DIAGNOSTIC
DES SYSTEMES
DE MANAGEMENT
« Mettre les
managers en
situation de jouer
leur rôle »
Consultez notre blog
www.leblogidrh.fr
IDRH
124/126, rue de Provence
75008 PARIS
QUALITE
DE VIE
AU TRAVAIL
« Utiliser les
leviers de
performance
humains »
FUSION /
INTEGRATION
ON
BOARDING
« Réussir
le pari humain
de l’intégration »
« Accompagner la prise
de poste d’un dirigeant
en mettant en place
son projet pour
l’entreprise »
GESTION
SOCIALE DE LA
TRANSFORMATION
« Mobiliser les
collaborateurs
au-delà des
réorganisations »
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