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les activités de marché voient leurs volumes artificiellement gonflés grâce aux dépôts de la
clientèle : la garantie implicite de l’Etat permet en effet à la banque universelle d’emprunter
à moindre coût, ce qui conduit à un développement des activités de marché dans des
proportions perdant rapidement tout lien avec les besoins réels de l’économie.
Autrement dit, la séparation effective des activités de crédit et de dépôts d’une part et des activités
de marchés d’autre part est une condition à l’atteinte des objectifs exprimés par le Ministre.
En l’occurrence, Finance Watch est convaincue qu’intituler le texte discuté ici « loi de séparation et
de régulation des activités bancaires » et simultanément affirmer le principe de la non-remise en
cause du modèle de banque universelle constitue une contradiction dans les termes car la banque
universelle est définie précisément comme un type de banque où les activités de crédit et de
dépôts d’une part et les activités de marchés d’autre part ne sont pas séparées.
Le projet de loi entend résoudre cette contradiction en prenant comme critère de séparation
l’utilité des activités, l’utilité étant elle-même définie par le fait qu’une transaction, de quelque
nature qu’elle soit, doit être réalisée avec un client. Ce critère ne saurait constituer le bon critère
pour définir une séparation des activités car la quasi-intégralité des opérations des banques, y
compris les opérations les plus spéculatives ou les plus déconnectées de l’économie réelle, est
réalisée avec des clients.
Ainsi, le montage et la vente à un hedge fund basé aux îles Cayman d’un « credit default swap » sur
dette souveraine, d’un produit de spéculation sur matière première agricole ou d’un « carry trade »
permettant de spéculer sur les devises sont considérés comme utiles au sens du projet de loi. La
raison en est que ce hedge fund est un client de la banque.
Toute l’activité de produits dérivés qui consiste pour les banques à prendre des risques multiples et
complexes (risque sur le niveau du marché, risque de taux d’intérêt, risque de volatilité, risque de
corrélation…) afin de générer un profit du fait de l’évolution des conditions de marché, est
considérée comme utile par le projet de loi du seul fait qu’elle est réalisée avec des contreparties,
baptisées clients.
Le lien « client - utilité - non-séparation » permet donc de garder intactes les activités et la
structure des banques. In fine, cette distinction permet d’affirmer pour la plupart des opérations
bancaires : « puisque la banque l’a fait, c’est utile donc ne séparons pas ».
Le cas des produits dérivés sera d’autant plus important à prendre en compte dans le débat sur la
séparation des activités bancaires que le développement de cette activité se réalise sur un rythme
clairement déconnecté de l’économie réelle.
Le problème principal causé par le surdéveloppement
de l’activité de produits dérivés est double :
tout d’abord les produits dérivés, pour toute leur utilité en tant qu’instruments de
couverture de risque, sont le véhicule préféré de la spéculation du fait de la caractéristique
d’effet de levier qui est la leur. Compte tenu des volumes considérables en cause, ceci
Le volume total de produits dérivés existant (dérivés négociés de gré-à-gré et dérivés côtés) a été multiplié
par sept en douze ans pour atteindre aujourd’hui 700.000 milliards de dollars, soit douze fois le PIB mondial.
Sur la même période, l’économie mondiale – mesurée par son PIB – ne faisait que doubler.