En vous appuyant sur ce texte, vous dégagerez et commenterez l’attitude de Pic vis à vis
de l’histoire de la philosophie
(remarque : il est superflu de chercher des détails sur tous les noms cités par Pic, il suffit de
situer la période et le type de sources ou de références dont il s’agit)
Pic de la Mirandole, Dicours sur la dignité de l’homme, p. 45-51
Il me reste à répondre […] à ceux qui s’offensent de la nombreuse abondance des thèses
proposées, comme si ce fardeau reposait sur leurs épaules, comme si ce n’était pas à moi seul
d’en supporter la peine. […]
Mais c’est inutile et présomptueux, disent mes adversaires. Moi au contraire je soutiens que
j’ai entrepris cela non par vanité, mais par nécessité, et s’ils considéraient avec moi l’essence de
la philosophie, ils avoueraient, fût-ce à contrecœur, que c’est absolument nécessaire. En effet,
ceux qui se sont affiliés à l’une des écoles philosophiques, quelle qu’elle soit, par exemple à
Thomas ou à Scot qui sont actuellement les reçus, ceux-là certes peuvent mettre à l’épreuve leur
doctrine par la discussion d’un petit nombre de questions. Mais, moi, j’ai eu pour principe de ne
jurer sur la parole de personne, de me fonder sur tous les maîtres en philosophie, d’examiner
toutes les positions et de connaître toutes les écoles. C’est pourquoi, devant parler sur toutes
celles-ci, pour en pas sembler attaché à une seule doctrine si je la défendais en abandonnant les
autres, les questions posées en même temps sur toutes ces écoles, même si elles étaient en petit
nombre sur chacune, ne pouvaient pas éviter d’être nombreuses.
Que personne ne me condamne si « partout où il m’emporte, j’arrive en passager du vent ».
Car c’était un principe observé par tous les anciens, qu’examinant chaque sorte d’écrivain ils
n’omettaient de lire aucun commentaire, dans la mesure du possible. […] C’est sans doute le
propre d’un esprit étroit que de rester enformé dans le seul Portique ou dans la seule Académie.
On ne peut bien choisir une voie entre toutes, si l’on n’a pas d’abord acquis de chacune une
connaissance intime.
Ajoutez qu’il y a dans chaque école quelque chose de remarquable qui ne lui est commun
avec aucune autre. Et pour commencer par les nôtres, à qui la philosophie et parvenue en
dernier lieu, il y a chez Jean Duns Scot quelque chose de vigoureux et de tranchant, chez
Thomas de solide et de pondéré, chez Gilles [de Rome] de net et de précis, chez François [de
Meyronnes] de perçant et d’aigu, chez Albert le Grand d'originel, d’ample et de majestueux,
chez Henri [de Gand], à ce qu’il m’a semblé, quelque chose de toujours sublime et de vénérable.
Et parmi les Arabes, il y a quelque chose de ferme et d’inébranlable chez Averroès, de grave et
de médité chez Avempace et Alfarabi, de divin et de platonicien chez Avicenne. Les grecs, dans
leur ensemble ont d’abord une philosophie claire et pure. Elle est chez Simplicius riche et
ample, chez Themistius élégante et brève, chez Alexandre constante et savante, chez
Théophraste gravement élaborée, agile et agréable enfin chez Ammonius.