Les Monty Python
Les Monty Python, qui s’étaient fait connaître à la vision anglaise grâce à leur émission, The Fying Circus, réalisent
avec SacGraal leur premier long métrage. Le film fut écrit collectivement et les six membres du groupe interprérent
chacun de nombreux personnages1 , mais seuls Terry Jones et Terry Gilliam, intéressés par la mise en scène, le réalisèrent.
Le film a demandé beaucoup de préparation : deux ans d’écriture et de nombreuses répétitions mais le tournage fut, pour
des raisons de budget, très court : à peine cinq semaines.
Pour les deux Terry, Sacré Graal sera une ritable école, ils apprendront le cima « sur le tas ». Terry Gilliam raconte
d’ailleurs qu’ils ne maîtrisaient pas encore tous les outils et que la réalisation manque parfois d’idées2 .
Les Monty Python réalisaient des sketchs pour la télévision ; Sacré Graal reprendra en partie cette structure, le film étant
une succession de sketchs, de chapitres (Robin, Galahad, Lancelot), le fil narratif de la quête du Graal, reliant les épisodes
entre eux.
Malgré tout, le film manquait de fluidité et Terry Gilliam fut chargé de réaliser les séquences anies. Le Livre du film
(typique des films médiévaux, cf. Merlin l’enchanteur), dont une main (puis une patte) tourne les pages, permet de raconter
l’histoire et apporte des respirations bienvenues à l’ensemble du récit. Les animations ne sont toutefois pas seulement des
articulations, et certaines sont même intégrées au film (champ / contrechamp de Dieu et des chevaliers qu’on retrouve à la
fin avec le monstre).
La légende du roi Arthur revisitée
La plupart des films situés au Moyen Age reprennent la quête du Roi Arthur et ses chevaliers de la Table ronde. Sacré
Graal sinscrit ainsi dans une continuité cinématographique tout en détournant consciencieusement les lisses et bien
pensantes représentations hollywoodiennes, principalement Les Chevaliers de la Table ronde de Richard Thorpe (1953)
et Merlin l’enchanteur produit par les studios Disney (1963).
Dans Sacré Graal, Arthur n’est plus le roi respecté etgitime de la légende, il ressemble davantage à un Don Quichotte
poursuivant une quête dérisoire.s la première scène, il n’arrive pas à se faire obéir (les gardes du château qui refusent
dappeler leur maître), il sera retardé par une conversation anachronique et absurde avec des paysans anarcho-
syndicalistes, son père Uther Pendragon et son épée Excalibur sont évoqués mais restent des informations accessoires. Les
1 A l’exception du rôle principal, Graham Chapman, qui interprète Arthur et qu’on ne verra que dans deux autres petits rôles :
une tête du chevalier à trois têtes et le garde qui a le hoquet.
2 Les commentaires des deux réalisateurs et des acteurs sur le DVD de Sacré Graal.
1/4
AU COLLÈGE
Collège au cinéma
Auteur « SACRÉ GRAAL »
DE TERRY JONES ET TERRY GILLIAM
(1975)
Aurore Renaut
Date
2009
Descriptif
Ce document propose une synthèse de la formation organisée dans le cadre de "Collège au cima". Différents thèmes y
sont développés : la légende du Roi Arthur, les mécanismes du rire, les anachronismes et les pastiches, la comédie, le jeu
d'acteur...
Monty Python gardent le personnage d’Arthur mais gomment tout ce qui permettrait de le rattacher à la tradition.
Disparaît aussi de Sacré Graal les personnages féminins et principalement Guenièvre. De cette manière, le film évacue la
querelle entre Arthur et Lancelot, rien ne viendra briser la belle entente des chevaliers. Pas d’opposition non plus entre
Mordred et Arthur, Galahad nest plus le fils de Lancelot. Le film aplanit toutes les relations de manière à assimiler la
communauté fraternelle des Monty Python à celle utopique des Chevaliers de la Table ronde.
Le film reste à un niveau le plus souvent non sexué, lorsqu’il y aura des allusions au sexe, elles feront rérence soit à un
fantasme d’adolescent (le château des pucelles), soit à une caricature de personnages homosexuels (le chevalier à trois
têtes, Herbert).
Toutes les valeurs chevaleresques sont dévalories, tournées en ridicule : le courage (Robin qui s’enfuit, Arthur crie «
Sauve qui peut »), l’honneur (Lancelot qui se transforme en furie meurtrière pour sauver un… Prince), la loyauté (Arthur a
bien du mal à trouver des chevaliers désireux de le suivre).
Enfin, le Moyen Age est aussi caricaturé : images « dégueulasses » d’un temps arriéré (la charrette des morts), intellectuel
aux idées farfelues (la terre n’est pas plate mais a la forme d’une banane), enchanteur au nom ridicule de Tim (pour timide)
qui remplace le bien connu Merlin…
Tout concoure à faire de Sacré Graal un film qui reprend les éléments du cycle arthurien pour mieux les critiquer et les
détourner.
Les mécanismes du rire
Sacré Graal joue sur un effet comique récurrent : la volonté d’afficher le dispositif du film pour secouer le spectateur, qu’il
ne reste pas gentiment et confortablement installé devant la projection et cela avant même que le film ait commencé
(multi-générique du début : imitation des sous-titres à la Bergman, musique mexicaine et flashs lumineux, alternatives
pythonesques aux génériques classiques et cela à peu de frais) mais aussi à la fin (la pellicule s’est-elle cassée ou le film
est-il vraiment fini ?).
De la même manière, les Monty Python brise très souvent, dans le film, la logique narrative, la séparation entre la scène et
la salle qui veut que le spectateur en regardant un film feint d’accepter pour vraie une œuvre construite de toutes pièces :
Patsy est le seul à ne pas être impressionné par Camelot et nous apprend qu’il s’agit d’une maquette, le père d’Herbert
interrompt à plusieurs reprises la musique extra-diégétique qui accompagne la tentation de comédie musicale de la
séquence, Dingo plaide pour que sa scène ne soit pas coupée au montage (l’actrice sort de son personnage et exprime le
désir des acteurs d’être présents dans le montage final).
Dans Sacré Graal, le comique est souvent répétitif, on parle de running gag : c’est bien sûr le gag inaugural des chevaliers
à la noix de coco, convention qu’on accepte facilement mais qui est réactivée à la fin lorsque les chevaliers qui approchent
de l’antre du lapin, « descendent » de leur monture. C’est aussi le cas des français qui reviennent à deux reprises avec le
même humour insultant et régressif.
Le comique des Monty Python s’exprime de manières différentes : on distingue les détails comiques, qui ne sont pas
toujours expliqués (le chat battu sans raison par une vieille femme), des scènes au comique très construit.
Une convention veut que pour une comédie, on filme souvent en plan d’ensemble de manière à voir dans le même cadre
tous les personnages de l’action. D’où une mise en scène simple et théâtrale pour la séquence du garde qui ne comprend
pas l’ordre de son mtre, filmée en un seul plan large (scène qui utilise aussi l’espace comme au théâtre : l’homme, la
main sur la porte, s’apprête constamment à sortir avant d’être rappe, comme dans un vaudeville, par le personnage se
trouvant dans le champ). Cette scène joue sur un gag verbaltitif : la consigne était d’une grande simplicimais les
personnages vont prendre le contre-pied du sujet, du verbe et des compléments de manière à épuiser toutes les
possibilités de la phrase.
Ce qui est drôle, c’est le caractère absurde de l’échange : « normalement » un seigneur ne perdrait jamais autant de temps
à expliquer au garde un ordre aussi simple et pourtant, ici, il conserve son calme.
Le film met en scène un comique de dialogues et d’interptation, comme dans cette scène, mais aussi un comique de
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situation souvent absurde (Concorde, touché par une flèche, informe son maître qu’il a reçu un message), un comique de
mise en scène (comme dans l’arrivée de Lancelot au château : le comique vient du contraste entre les gardes qui attendent
sans bouger et Lancelot qui court de loin, sur fond de roulement de tambour. Plusieurs fois, c’est comme s’il n’avançait pas
et puis tout à coup, il est là et tue ; ce qui brouille les codes de la spatialité qui voudrait qu’on le voit véritablement avancer
dans le plan.)
Pour que les sketchs et les gags fonctionnent, les acteurs doivent croire à leur personnage, c’est pourquoi la plupart des
interprètes jouent très « sérieusement » : c’est le cas de Graham Chapman qui campe un Roi Arthur d’une grande dignité,
s’exprimant dans un anglais shakespearien. Le contraste entre ce jeu sérieux et ce qui se passe en face (confrontation
avec une conversation longue et absurde sur les noix de coco et les hirondelles, par exemple) rend la scène comique.
On trouve aussi dans le film des acteurs au jeu plus souligné, comme Herbert (voix déformée et véritable gestuelle de
mime) et son père (aux yeux roulants et à l’accent du Nord de l’Angleterre très prononcé), Tim l’enchanteur (voix puissante
et « postillonnante »). Chaque acteur au jeu appu travaille un artifice, que ce soit la voix, la gestuelle ou une attitude
particulière.
Le comique des Monty Python est le plus souvent absurde et dénonce souvent les travers de la société contemporaine,
aussi bien de droite comme de gauche : critique des « jardinets », fierté de la classe moyenne dans la séquence des « Ni »,
critique des militants de gauche exaltés, dans la séquence des paysans anarcho-syndicalistes. Ils critiquent aussi la «
violence propre » des films hollywoodiens dans lesquels on meurt beaucoup sans jamais saigner (et encore moins les
figurants que les personnages). Dans la scène où Lancelot vient délivrer le Prince Herbert, il est littéralement prit d’une folie
meurtrière, comme une sorte dErrol Flynn déchaîné. Avec le chevalier noir, le comique vient non pas de la violence
exagérée mais de l’attitude du personnage : même complètement tronqué, il continue à rester belliqueux. La violence était
déjà contenue dans les textes originaux et les Monty Python ne rajoutent souvent que la dérision.
Anachronismes pythonesques
Tout lunivers des Monty Python se retrouve dans ce premier film : leur esprit de transgression, leur iconoclasme, leur
comique nonsensique, leurs pliques absurdes. De plus, en faisant le choix de placer leur intrigue au Moyen Age, ils
peuvent utiliser quantité de gags anachroniques.
Déjà dans Merlin l’enchanteur des studios Disney, le comique venait en partie des pliques de Merlin qui, grâce à ses
pouvoirs magiques pouvait se déplacer dans le temps et ramenait de ses voyages vers le futur quantité de savoir et
d’expressions anachroniques : « Quelle pagaille dans ce Moyen Age ! », « Quelle crasse médiévale ! », il évoquait le Times
deux cent ans avant sa création et même la locomotive à vapeur.
Terry Jones et Terry Gilliam étaient tous deux férus dhistoire médvale et on retrouve dans Sacré Graal des traces de
leurs recherches, le film partant souvent d’un fait authentique tiré ensuite vers l’anachronique et le traitement comique.
On sait, par exemple, que les romains projetaient des animaux infectés dans les forteresses pour propager les maladies,
même si le « lancer de vache » en est, lui, une adaptation pythonesque. On sait aussi que durant les sièges, des soldats
étaient placés aux avant-postes pour insulter lennemi et en cas de défaite, ces hommes étaient particulièrement
recherchés. Pourtant, les insultes des français sont, elles aussi, typiquement pythonesques.
Les anachronismes dans Sacré Graal sont multiples : ils se logent dans les différents temps historiques mis en scène : la
légende arthurienne fait rence au VIe scle bien que les récits furent consigs au XIIe. Les Monty Python rajoutent
par-dessus cet anachronisme originel leur propre lecture anachronique et absurde : le film seroule l’an 93². Mais si le
film se passe principalement au Moyen Age, le présent fait irruption à plusieurs reprises3 , lors notamment de l’intervention
de l’historien. Le film fera des allers-retours du passé au présent jusqu’à ce que les deux temporalités se rejoignent après
que les chevaliers aient passé le pont de la mort (un plan montre les policiers entendant la détonation de la sainte grenade,
preuve que dans l’antre du « lapin qui tue », les chevaliers se rapprochent déjà du présent).
3 Le contraire des Visiteurs de Jean-Marie Poiré, où ce sont des personnages du Moyen Age qui débarquent à lépoque
contemporaine et créent un effet comique en utilisant des expressions moyenâgeuses.
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Il serait trop simple de penser que les chevaliers ne seraient que des fous échappés d’un asile où ils seraient reconduits à
la fin. Il est plus inressant d’imaginer que le film construit une temporalité fictive où l’histoire s’étendrait sur une frise
chronologique et que les personnages avançant dessus pourraient se rapprocher du présent, jusqu’à le rejoindre.
Sac Graal recourt enfin constamment à l’anachronisme par contraste : placer en champ / contrechamp le passé et le
présent : le roi face aux paysans anarcho-syndicalistes ; le passé de la légende arthurienne et celui d’un passé plus proche
(c’est le cas de la querelle franco-anglaise, référence évidente à la Guerre de Cent ans qui s’est déroulée du XIVe au XVe
siècle) ; c’est encore l’emploi des références culturelles inadéquats au Moyen Age (les heaumes des chevaliers servant de
xylophones, les chevaliers dansant le cancan ou encore le quiz final qui fait férence aussi bien au Sphinx antique quà
une émission télévisée).
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