Le campus de la faculté des Lettres et Sciences humaines de

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monuments
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objets
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Culture et de la Communication
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Le campus de la faculté des Lettres et Sciences humaines de Montpellier
une création architecturale et artistique des années 196O
monuments historiques et objets d’art du Languedoc-Roussillon
d i r e c t i o n
r é g i o n a l e
d e s
a f fa i r e s
c u lt u r e l l e s
du
patrimoine
xxe s i è c l e
Le Label « Patrimoine du xxe siècle » a été créé en 1999
par le ministère de la culture et de la communication
IIIIIIIIIIIIIII
dans le cadre d’un ensemble d’actions en faveur du
patrimoine architectural et urbain de ce siècle.
Il a pour objectif de signaler et de faire connaître au public les
productions remarquables de cette période qui présentent un
intérêt patrimonial en tant que témoins d’une évolution technique,
économique, sociale, politique et culturelle de notre société.
Sans incidence juridique ni financière, ce label est attribué par le préfet
de région, après examen en Commission régionale du patrimoine et
des sites. Il est matérialisé par une plaque signalétique dont le logo
a été dessiné par Patrick Rubin, Agence Canal. Les immeubles
du xxe siècle protégés au titre des monuments historiques et les
ensembles représentatifs des créations du xxe siècle situés en zone
de protection du patrimoine urbain et paysager (zppaup) bénéficient
également de ce Label «Patrimoine du xxe siècle».
XX
PAT R I M O I N E D U X X e S I È C L E
10
2
Axe principal
9
5
6
3
7
8
4
Plan de masse, 1963.
1-Entrée avec la grille monumentale de V. Vasarely
2-Axe principal avec la galerie couverte
3-Bâtiment administratif avec son jardin-atrium
4-Labyrinthe de méditation et restes de l’ancien parc
5-Bâtiment A de propédeutique
6-Bâtiment d’art et d’archéologie
7-Musée des moulages
8-Mur dit « cyclopéen »
9-Bâtiment B et C des licences
10-Bibliothèque de lettres
1
monuments
Auteurs
Yvon Comte (Y. C.)
Chargé d’études documentaires principal
crmh, drac Languedoc-Roussillon
Hélène Palouzié (H. P.)
Conservateur des antiquités et objets d’art de l’Hérault
crmh, drac Languedoc-Roussillon
duo
objets
Jean-François Pinchon (J.-F. P.)
Professeur d’histoire de l’art contemporain
Université Paul Valéry, Montpellier
Le campus de la faculté des Lettres
et Sciences humaines de Montpellier
une création architecturale et artistique des années 196O
Couverture :
Détail d’un cartouche d’inclusion du
décor mural d’A. Dupin.
e
p a t r i m o i n e xx s i è c l e
du
Page précédente :
Mur dit « cyclopéen » : le relief du
décor d’Albert Dupin joue de l’eau
et du soleil.
Grille d’entrée monumentale
par Victor Vasarely.
Depuis plusieurs années, le ministère de la Culture et de la Communication protège et met en valeur le patrimoine universitaire et hospitalier. Cette volonté de protection concerne à la fois l’architecture et
les objets mobiliers mais relève de procédures différentes. Ainsi, en
Languedoc-Roussillon, après le Jardin des Plantes, étroitement lié
à l’histoire de l’université, ont été classés la faculté de médecine et
son musée d’anatomie. L’institut de botanique, construit pour abriter
l’herbier historique, est indissociable de cette démarche patrimoniale
tout comme l’ensemble de l’hôpital général et des cliniques SaintCharles. Afin de conserver la cohérence des lieux avec le contenu
qui leur donne sens, c’est l’ensemble des œuvres d’art et des collections abrité par ces monuments qui a été protégé au titre des monuments historiques : dessins de la collection Atger, vélins du Jardin
des Plantes, collections anatomiques et tables de dissection, galerie
de portraits de professeurs peints et sculptés, droguier, instruments
d’astronomie, etc…
L’une des vocations de la collection « Duo monuments/objets »
consiste à mettre en évidence cette relation entre patrimoines architectural et mobilier, qu’ils soient traditionnels ou contemporains. Ces
publications sont également destinées à faire connaître l’attribution
du label « Patrimoine du xxe siècle ». La conception et la réalisation
du nouveau campus de la faculté des Lettres et Sciences humaines de
Montpellier des années 1960 constituent un bel exemple magnifiant
l’association des architectes, des artistes plasticiens et des collections
universitaires. Au cœur de celles-ci, la collection des moulages en est le
symbole, parfaitement intégrée dans une remarquable architecture.
Didier Deschamps
Directeur régional des affaires culturelles
C’est un sentiment de satisfaction que l’on ressent à voir son œuvre
« labellisée » au titre du patrimoine du siècle passé qui fut celui de la
modernité triomphante, du moins pour l’architecture des années
fécondes qui ont suivi la reconstruction de l’après-guerre. Maintes
réalisations de cette époque sont ignorées, bafouées, ont parfois déjà
disparu, mais il est rassurant que d’autres reçoivent une reconnaissance qui interroge et ne peut laisser insensible l’homme d’art
qui, pour la jeunesse d’alors, a contribué à la création d’un nouveau
Montpellier.
Lorsque René Egger, le maître d’œuvre marseillais des nouvelles
universités du sud de la France, associe une jeune agence montpelliéraine à la conception du campus de la faculté des Lettres, après
celui des Sciences, lui en laissant, sur son programme de base, pratiquement toute la responsabilité, l’opportunité ainsi offerte d’imaginer
un cadre original et bien adapté tant aux besoins qu’au lieu, implique
un investissement personnel qui marque fortement une carrière.
Le choix laissé aux architectes de lier intimement la création plastique
avec des artistes enracinés dans leur terroir, comme Albert Dupin ou
Fernand Michel, ou des personnalités de renom, comme Vasarely (ou
Pol Bury à la faculté des Sciences), en intégrant étroitement leur
intervention à l’espace bâti, est primordial. L’art « cinétique » se marie
au mieux avec ce dialogue entre l’humain et son environnement, dans
une architecture indissociable du mouvement. Cela s’accorde bien
aussi avec la recherche sur la lumière et l’image animée, mise en
œuvre dans le concept de cinéma total et le panrama, ce procédé de
projection sur écran-coupole hémisphérique.
L’architecte de cet ensemble souhaite que chacun, se déplaçant au
cœur de ce campus, conduit par le jeu de la lumière mouvante et des
formes stables, puisse continuer à percevoir cette architecture telle
qu’il l’a voulue, fonctionnelle mais originale et vivante.
Philippe Jaulmes
Architecte
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Le campus de la faculté des Lettres - Préface
Préface - Le campus de la faculté des Lettres
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Université de culture, de débats et d’ouverture sur le monde, l’Université Paul-Valéry s’inscrit dans l’une des plus anciennes traditions
universitaires d’Europe et bénéficie d’atouts fondamentaux, dont son
environnement : une ville et une région résolument tournées vers la
jeunesse et la culture qui ont construit une économie culturelle des
plus dynamiques et une politique d’attractivité nationale et internationale ambitieuse qui séduit chaque année toujours plus d’étudiants.
Au premier rang des atouts du campus Paul-Valéry, se trouve son
projet architectural original et très réussi, fruit d’une réflexion philosophique basée sur un urbanisme résolument moderne produit par
l’équipe Egger-Jaulmes et Deshons. Depuis le portail monumental,
œuvre de Vasarely, un partage autour d’une allée longée par le Mur
Cyclopéen d’Albert Dupin délimite un espace « culture » bordé par le
musée des moulages, dont l’ensemble des œuvres est classé au titre
des « objets mobiliers monuments historiques » depuis 2009, et un
espace « nature » (parc méditerranéen) qui mène au labyrinthe de
la connaissance face au bâtiment administratif. L’eau, la pierre et la
végétation se mêlent pour servir d’écrin aux œuvres d’art qui embellissent les différents parcs, patios, bâtiments et mettre en valeur des
lieux d’échange, de création et d’expression à l’image de la Bibliothèque de Lettres, du musée des moulages, du Théâtre La Vignette
ou de la Maison des étudiants.
Ces espaces sont des outils d’exception qui renforcent la qualité des
enseignements dispensés et favorisent la recherche ainsi que la
réussite et l’insertion de nos étudiants dans un monde professionnel
qui, contrairement aux idées reçues, s’ouvre toujours plus à nos
disciplines.
Anne Fraïsse
Présidente de l’université Paul Valéry
8
Le campus de la faculté des Lettres - Préface
Préface - Le campus de la faculté des Lettres
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Porte monumentale sud donnant
sur le musée des moulages et le
bâtiment de propédeutique.
Patrimonialisation
de l’architecture scolaire
et universitaire :
protection au titre des monuments historiques
et label « Patrimoine du xxe siècle »
Il importe d’identifier aujourd’hui, comme patrimoine, les
réalisations majeures du xxe siècle pour en faire connaître la
valeur, seul moyen d’en assurer la conservation. On protège
certains édifices au titre des monuments historiques pour
les préserver juridiquement et physiquement, les restaurer
et les mettre en valeur. Tous n’ont pas vocation à ce statut.
Le meilleur outil dont on dispose alors pour assurer la pérennité de ce type de patrimoine est la labellisation « Patrimoine
du xxe siècle ». Il faut penser au devenir de ces bâtiments
dont beaucoup d’entre nous ont été les premiers usagers.
Malgré les nécessaires transformations dues aux impératifs
de réparations et d’adaptation, il importe d’en conserver la
richesse, l’originalité et la diversité pour les traiter comme
un véritable patrimoine.
Historiquement, l’architecture scolaire n’apparaît qu’au xixe
siècle à l’exception de quelques grands collèges ou lycées dont
l’apparence est celle de l’habitat noble, sans caractère fonctionnel, et qui évolue vers le modèle collectif (hospitalier,…)
doté d’une certaine monumentalité d’édifice public. L’architecture scolaire ou universitaire est peu protégée au titre des monuments historiques jusqu’à la dernière décennie du xxe siècle
et rarement en province (écoles et groupes scolaires). L’œuvre
de Le Corbusier constitue un cas particulier dans ce domaine :
ce sont des écoles maternelles dans les unités d’habitation de
Marseille, Firminy, Briey-en-Forêt (1965-1967) et Rézé, ainsi
que les pavillons universitaires de la Cité internationale universitaire de Paris (1957-1958), qui bénéficie la première, moins
de 10 ans après sa réalisation, d’une inscription partielle dès
1965, revue en 1985 avec la Maison du Brésil (sur le projet de
Lucio Costa) et le Pavillon de la Suisse (en collaboration avec
Pierre Jeanneret, 1931-1933, classée en 1986).
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Le campus de la faculté des Lettres
Le campus de la faculté des Lettres
11
D’autres œuvres, dues aux architectes de la modernité, ont
également été protégées mais, excepté l’emblématique
Ecole de plein-air à Suresnes par Marcel Lods et Eugène
Ci-dessus, Lycée Dhuoda à Nîmes Beaudoin (1934-1935, inscrite dès 1965 et classée en
(Inscrit mh), architecture art-déco 2002), il faut attendre les années 1990 pour que d’autres
ensembles soient ainsi reconnus. Parmi les premiers, le Lydes années 1930.
cée Camille Sée à Paris par François Le Cœur (1931-1934,
inscrit 1995), et les groupes scolaires Condorcet par Roger
Hummel et André Dubreuil à Maisons-Alfort (en 1929-1934,
inscrit en 1994), le groupe scolaire Paul Langevin par Maurice Payret-Duportail à Suresnes et le groupe scolaire KarlMarx par André Lurçat à Villejuif (1932-1933), partiellement
inscrit dès 1975 mais classé dans son ensemble seulement
en 1996, l’Institut d’art et d’archéologie par Paul Bigot
(1925-1928, classé en 1996), ainsi que des écoles professionnelles spécialisées (Ecole de céramique de Sèvres par
Michel Roux-Spitz (1929-1931, classée en 1994).
Page précédente, façade de baies
à vitres basculantes protégées de
brise-soleil en avancée de béton.
(Charlotte Périand, Jacqueline Vauthier-Jeanneret,…), en
collaboration avec l’architecte biterrois d’origine catalane
Domenec Escorsa. cet architecte, réfugié en France, était
proche de Lluis Sert particulièrement connu en Catalogne. La
construction date de 1951-1956 (classement en 2002). Ce programme qui comporte un bâtiment de salles de classe, des
ateliers, un internat, des bâtiments administratifs et sportifs
ainsi que des logements de fonction est antérieur à l’adoption par l’administration d’une politique de modèles industrialisés. Il s’agit de la plus importante réalisation de Pierre
Jeanneret en France, durant la période où il a quitté l’agence
de son cousin Le Corbusier. Ce centre scolaire est entièrement conçu par lui à partir de la commande de 1950, juste
avant son départ pour Chandigarh. L’essentiel de la réalisation date des années 1956-1959, bien que le lancement de la
première tranche de travaux remonte à 1951. Pierre Jeanneret se consacre ensuite à son œuvre en Inde mais il suit
la construction et reste en liaison avec les ateliers Prouvé à
Maxeville qui travaillent d’abord sur le projet général puis,
à partir de 1952, plus spécifiquement sur les toitures et les
baies des classes. Ce bâtiment des classes est particulièrement original : une ossature portante en béton armé s’appuie
sur deux files de pilotis dont la forme est celle employée pour
les « cités radieuses ».2
Depuis le début de notre siècle, une quinzaine de nouveaux
édifices se sont ajoutés à cette liste dont, en LanguedocRoussillon, d’importantes constructions jusqu’alors passées
inaperçues du public :
- l’un, d’avant la guerre de 1939-1945, encore « art déco »,
le Lycée technique Dhuoda à Nîmes par Jean Christol et
Léonce Salles (1933-1936, inscrit en 2002)1
- l’autre, des années 1950, œuvre majeure dans l’esprit du
mouvement moderne mais encore méconnue, le Centre
d’apprentissage pour garçons de Béziers (actuel Lycée professionnel Jean-Mermoz), par Pierre Jeanneret et son équipe
Si le nombre de protections est limité par rapport à d’autres
catégories architecturales, la labellisation au titre du « Patrimoine du xxe siècle » permet d’en signaler davantage. C’est
le cas en Provence, où de nombreuses réalisations de René
12
Le campus de la faculté des Lettres
Le campus de la faculté des Lettres
13
Ancien centre d’apprentissage
pour garcons à Béziers (Lycée
professionnel Jean-Mermoz) : bâtiment des salles de classe au toit
d’aluminium en « aile d’avion » et
aux baies basculantes.
Egger et Fernand Pouillon sont labellisées, comme la bibliothèque de la faculté de droit d’Aix-en-Provence* (cf. portraits
architectes pp. 44-45), la bibliothèque universitaire de Marseille
A droite, béton et métal : entre Saint-Charles* et la faculté des Lettres de Nice (Atelier
portique, galerie et escalier de d’études architecturales setap, 1964-1967, actuellement
Campus Carlone de l’Université de Nice Sophia-Antipolis)*.3
secours.
Ci-dessus, résille pare-soleil sur
la façade ouest du bâtiment de
propédeutique.
L’architecture scolaire et universitaire contemporaine, malgré
les remarquables exceptions que l’on vient d’évoquer, reste
bien insuffisamment reconnue du grand public.
(Y. C.)
* Labellisé
« Patrimoine du xxe siècle »
14
Le campus de la faculté des Lettres
Le campus de la faculté des Lettres
15
Contexte général de l’histoire
de l’architecture des campus
L’architecture des universités françaises fait l’objet d’un
intérêt croissant avec de nouveaux « axes de recherches »
universitaires spécifiques (Centre François-Georges Pariset
de Bordeaux 3), études universitaires (S. Delanes à Bordeaux
3) et colloques récents (Paris 13 et Toulouse-Le Mirail). Gérard
Monnier, spécialiste du mouvement moderne et des « Trente
glorieuses », est le précurseur de cette réflexion, fédérant la
communauté scientifique en 1996 autour de l’urgence de protéger l’Université de Paris-Jussieu alors menacée. Les études
françaises emboîtent le pas aux études pionnières du monde
anglo-saxon. D’autres publications récentes (Université de
Premier campus américain : PrinBourgogne, sous la direction de Ph. Poirrier en 2009) et un
ceton University.
numéro sur « Les patrimoines de l’enseignement supérieur »
de la revue In Situ (17/2011) s’attardent sur des aspects spécifiques et majeurs de ces institutions avec, notamment, un
article sur le musée et la collection des moulages de l’Université Paul-Valéry de Montpellier. Cette dernière apparaît
comme un élément patrimonial important des années
soixante. Sa construction est un enjeu urbain essentiel du
développement de Montpellier qui, de ville moyenne, devient
capitale régionale moderne, devant faire face à une mutation
démographique sans précédent. Cette mutation est planifiée
par le gouvernement qui entend alors développer deux « métropoles d’équilibre » (Grenoble et Montpellier) afin de rééquilibrer l’aménagement du territoire et d’éviter l’engorgement
des agglomérations de Lyon et de Toulouse.
A Montpellier, la faculté des Sciences, la faculté des Lettres,
les cités universitaires et les restaurants universitaires dessinent un programme urbain nouvellement apparu en France :
le campus. L’idée est américaine, le premier « parc universitaire »
étant apparu au milieu du xviiie siècle dans le New-Jersey avec
l’université de Princeton. Les membres du Bauhaus, émigrés
aux Etats-Unis après 1933, W. Gropius et L. Mies-Van-der-Rohe,
ont participé à l’élaboration de la typologie du campus fonctionnaliste, notamment à l’Institut de technologie de l’Illinois de
Chicago. L. Mies-Van-der-Rohe y réalise ces bâtiments fonctionnalistes où la forme suit la fonction, devenus des icônes de la
modernité nord-américaine qui complètent le campus ancien.
Un modèle que les architectes français auront à l’esprit. Après
1945, la forme du campus va s’imposer en Europe, avec des
fortunes contrastées. Dans l’idéal, c’est une opération d’urbanisme d’envergure, particulière et maîtrisée, un nouveau système de transmission des savoirs, un mode de vie spécifique et
autarcique, le tout lié à des formes architecturales innovantes.
Le pragmatisme et les contraintes foncières firent diverger
nombre de projets de cet idéal. Parmi les réussites, citons les
campus de Liège et Louvain-La-Neuve ou celui de Lausanne.
Partout en Europe occidentale, à la fin des années cinquante,
on doit faire face à l’explosion démographique. En France, l’ampleur du problème a dépassé les estimations : 410 000 étudiants en 1965, deux fois plus qu’en 1960. Les seules facultés
de Lettres accueillent en 1965 autant d’étudiants que toute
16
Le campus de la faculté des Lettres
Le campus de la faculté des Lettres
17
Plan de masse de l’ensemble des
constructions universitaires nord
de Montpellier, regroupant, dans
un même campus, les deux facultés des Lettres et des Sciences, la
cité universitaire du Triolet et son
restaurant et le crns, 1963.
Illinois Institut of Technology,
Chicago, par L. Mies-Van-derRohe.
l’Université française en 1950. La Ve République a transformé le
paysage universitaire, poussée par l’extraordinaire expansion
des effectifs à partir de 1956. Pour y faire face, deux hypothèses
se présentaient, soit le maintien dans le centre-ville par des
extensions ou de nouvelles constructions, soit la création
d’universités sur de nouveaux sites.
Construire dans le centre des villes pose de multiples problèmes liés au prix du terrain, aux difficultés d’expropriation
et à des intérêts politiques opposés. A Paris, c’est la création
en banlieue du campus de Paris X Nanterre (plus grand campus de France avec celui de Nantes) mais aussi l’implantation
au centre de la capitale de la faculté scientifique de Jussieu.
Les menaces sur ces bâtiments déclenchèrent les premières
recherches d’historiens, initiées par G. Monnier, sur l’architecture des universités françaises. Jussieu est initialement
l’œuvre de quatre architectes réputés : Urbain Cassan, Roger
Seassal, René Coulon et Louis Madeline auxquels André
Malraux adjoint Edouard Albert, un jeune architecte inspiré
qui en reprit les plans. Le nouveau projet fut adopté en 1963 : architecture linéaire de bâtiments à R+5 formant une grille quadrangulaire de 21 cours autour d’une esplanade centrale, soit
une dalle de béton au centre de laquelle trône une haute tour,
représentant 400 000m² de planchers utiles pour une université exemplaire alors qualifiée de « plus moderne d’Europe ».
Mais le rassemblement sur un site unique est souvent bridé
par l’absence de terrains suffisants, ce qui explique l’éclatement de nombre d’universités sur plusieurs sites comme à
Toulouse et surtout à Marseille. Là où les réserves foncières
18
Le campus de la faculté des Lettres
sont disponibles, on préfère le regroupement : les terrains Vue aérienne de l’Université de
agricoles du nord de Montpellier facilitent le projet du nouvel Paris-Jussieu.
ensemble universitaire.
Face aux besoins exponentiels liés au « baby-boom », il faut
construire beaucoup et vite afin d’accueillir les étudiants.
Aucune planification rationnelle de cette politique n’avait été
élaborée. Avant 1963 et la création de la Délégation interministérielle à l’Aménagement du Territoire et à l’Attractivité
Régionale (datar), les chantiers sont ouverts et les bâtiments
sont construits au fur et à mesure des besoins. Le nouveau
campus de Montpellier n’échappe pas à cela. Nonobstant la
haute qualité de la faculté de Lettres et des œuvres d’art qui
décorent les deux « facultés », le manque d’unité des partis architecturaux entre celles-ci, la cohérence relative d’un
vaste campus désastreusement coupé en deux entités par la
route de Mende et l’éloignement des cités universitaires, ne
permettent pas de créer une entité conviviale et synthétique
pour sa gestion. René Egger a répondu à un besoin urgent
sans réelle réflexion sur l’unité urbaine des « facultés » et de
leurs équipements périphériques qui caractérise les campus
américains. Dans son Histoire de Montpellier, G. Cholvy parle
d’un « faux campus universitaire ». Le ministère a pris soin de
réglementer et de normaliser, de calculer au plus juste prix et
les architectes ont dû se plier à ces impératifs.
Dans les facultés de Lettres, les doyens brocardent cette
vision normative, compte tenu des nouvelles vocations des
facultés de Sciences humaines. Notons que la normalisation
Le campus de la faculté des Lettres
19
Les groupes scolaires (écoles, lycées et ces) se sont rationalisés au cours des années 1950 pour faire face à l’importante
demande. Depuis le projet fondateur d’André Lurçat pour le
groupe Karl Marx à Villejuif (1930-1933), l’école est devenue
un bâtiment fonctionnel pourvu de vastes baies vitrées, bien
orienté, accompagné de préaux donnant sur des terrains bordés d’arbres. C’est le modèle qui se développe après la
guerre. Des dizaines d’architectes suivent alors cette voie, par
exemple Pierre Jeanneret à Béziers. Les nouveaux campus
diffèrent des autres typologies de l’Education nationale par
des éléments de programmes spécifiques, comme les laboratoires ou les bibliothèques universitaires. Les amphithéâtres
font l’objet d’un traitement particulier. Le type architectural
des campus tend vers une certaine monumentalité, liée à la
taille des groupes humains (des dizaines de milliers d’étudiants) mais aussi à l’image que veut donner l’institution
d’elle-même. L’Université de Caen est le plus ancien campus : en 1947, le recteur ayant obtenu son transfert à l’extérieur de la ville, le campus est construit par Henri Bernard
avec Edouard Hur (1948-1954) sur les hauteurs de la ville
dévastée. Il préfigure, par son ampleur et sa monumentalité,
les programmes des années soixante. Les bâtiments forment
un ensemble harmonieux organisé selon un plan classique au
milieu d’un grand parc et rythmé par une ossature traitée
dans la tradition de la modernité « classique » inventée par
Auguste Perret et reprise par ses élèves. Certaines universités,
comme celle de Bordeaux-Talence, très précoce, mais
construite progressivement, se développent sur plusieurs
centaines d’hectares. Réalisé de 1951 à 1958 par les architectes Mathieu et Sainsaulieu, le « Domaine universitaire de
Talence » comprend l’éventail complet des facultés de Sciences,
de Droit et de Lettres. L’Université de Lille, réalisée de 1964 à
1973 par Pierre Vago propose une image minérale et urbaine.
Les édifices à R+3 reconstituent le système de rues et de
places débouchant sur des espaces verts, avec un plan de
masse serré. C’est dans les années soixante que l’université de
Grenoble a aménagé le domaine universitaire de Saint-Martin-d’Hères, sous la direction de Georges Bovet. Les circulations y sont soigneusement ordonnées ; implantés dans de
vastes espaces verts, les bâtiments sont assez divers et certains ont une réelle qualité tel l’Institut de chimie par Georges
Bovet et Jean Royer ou la place centrale par Clément Cacoub
20
Le campus de la faculté des Lettres
et les prix plafonds ont permis de construire des universités
moins onéreuses que dans les autres pays européens, l’Allemagne notamment. Apparaissent des « campus à la française », des particularismes analysés par P. Merlin dans
l’urbanisme universitaire à l’étranger et en France. Cet essor
considérable de la construction universitaire aurait pu susciter un effort de recherche architecturale : l’occasion n’a été
que rarement saisie. Les doyens voient à regret les « facultés »
devenir des bâtiments anonymes et sans âme. « Il ne suffit
pas d’apprendre aux étudiants les belles-lettres et les beauxarts. Le goût se forme au contact de la beauté. Les facultés
doivent être des modèles esthétiques » déclare un doyen de
faculté de Lettres à F. Gaussen (fondateur du Monde de l’éducation), auteur d’une série d’articles sur « l’Université hors les
murs » en 1966. Malgré les contraintes financières, il existe
des réussites architecturales qui tranchent avec le conformisme de la plupart des réalisations. Quelques architectes
ont essayé de donner un nouveau visage aux bâtiments où
devait se déployer une activité renouvelée. Dans le domaine de
l’architecture scolaire en France, malgré la relative constance
des programmes (dont le type avait été fixé avant-guerre), les
formes continuent à évoluer grâce au renouvellement permanent des techniques.
Le campus de la faculté des Lettres
21
(1967) où s’impose l’amphithéâtre Louis Weil, à la silhouette
originale marquée par le brutalisme. A Reims, ce sont les
amphithéâtres de droit qui retiennent l’attention par l’originalité de leur parti en forme de coquille où le bois s’associe au
béton. Les projets et les réalisations font débat en 1965. La
revue L’Architecture Française consacre un double numéro
(n°275/276) aux constructions universitaires françaises. On y
dresse un bilan très complet des réalisations récentes et des
projets immédiats, dont Montpellier, tandis que de nombreux
exemples étrangers sont présentés dans le n°123 d’Architecture d’Aujourd’hui.
Pour les historiens de l’architecture, la critique contemporaine et F. Gaussen, la nouvelle faculté des Lettres et
Sciences humaines de Montpellier tranche et constitue
un exemple à suivre. Le journaliste cite les exemples probants du collège scientifique de Mulhouse, de l’Université
de Reims, des amphithéâtres de Grenoble et consacre une
pleine colonne à Montpellier, « l’une des réalisations les
plus convaincantes qu’il nous ait été donné de visiter (…). La
disposition des bâtiments qu’entoure un décor végétal bien
languedocien est suffisamment ramassée pour donner à
l’ensemble une dimension humaine (…). Toutes les circulations extérieures se font sous des portiques. Les bâtiments
sont séparés par de petits patios (…). Cette faculté doit servir de modèle à celles qui seront construites ultérieurement
(…). Mais jusqu’à présent, dans trop de villes, ce n’est pas en
regardant leurs écoles que les étudiants apprendront les possibilités et les beautés de l’architecture moderne ». Dans son
Histoire de l’architecture moderne en France, R. Jullian écrit :
« A Montpellier, dans l’ensemble des facultés des Sciences et
des Lettres réalisé par Egger au cours des années soixante,
l’environnement naturel pénètre l’architecture par les patios,
22
Le campus de la faculté des Lettres
les galeries ouvertes et les jardins ; les bâtiments obéissent
à un parti généralement orthogonal, mais ils sont divers par
leurs volumes ou leurs façades et ils constituent un ensemble
harmonieux ».
(J.-F. P.)
Le campus de la faculté des Lettres
23
Photographie aérienne de la
faculté des Lettres vue du sud
en 1966 (avant l’extension de la
bibliothèque).
Conception du projet
Le campus de la faculté des Lettres et Sciences humaines
est la création la plus aboutie du vaste projet de « nouvel ensemble universitaire du secteur nord » de Montpellier décidé
dès les années cinquante et mis en œuvre dans les années
soixante. Dès 1959, les procédures d’acquisitions de terrains
ont commencé. En 1960, l’avant-projet porte sur les deux
facultés, Sciences et Lettres, avec les bâtiments du cnrs et
les deux cités Universitaires du Triolet et de Vert-Bois. Cet
ambitieux programme est conçu sous la direction de l’architecte en chef marseillais René Egger, coordonnateur, associé
à l’origine au cabinet Jean de Richemond, dans lequel travaille alors Philippe Jaulmes. Ce dernier poursuit plus tard
cette aventure architecturale avec son associé Jean-Claude
Deshons.
Portique de liaison entre bâtiments et galerie : détail des plans
de 1963.
La première pierre de la faculté des Sciences est posée en
1961. Une première phase est terminée dès octobre 1963 et
s’achève à la rentrée de 1964. René Egger est alors très présent et l’influence de Jean de Richemond reste prégnante : on
construit des bâtiments fonctionnels et économiques, constitués de longues barres de salles alignées, à la géométrie
symétrique et uniforme, évoquant l’architecture commune des
grands ensembles qui envahissent alors les grandes agglomérations. Au cœur de ces immeubles, un espace de nature
est préservé et aménagé en arboretum, mais il est devenu
aujourd’hui peu perceptible. Au centre de celui-ci s’élève un
groupe de deux blocs carrés : le bâtiment administratif, avec
son atrium, et la bibliothèque, constituant un cœur plus singulier confié à Philippe Jaulmes. Ce dernier introduit là les
nouveaux concepts esthétiques qu’il développe plus tard.
près de dix hectares dans la continuité spatiale du précédent. Aussi, parallèlement à la construction de la faculté des
Sciences encore en cours, la seconde campagne de travaux
pour la faculté des Lettres est très vite engagée. Le contrat de
construction est passé avec le rectorat dès le mois de décembre
1961 et comprend le plan de masse approuvé par le conseil
des Bâtiments de France.
La faculté des Lettres, à l’étroit dans ses locaux du centre
ville, doit également s’installer sur un spacieux campus de
Dès octobre 1961, les études préliminaires, cosignées Egger/
Jaulmes-Deshons, comportent un très intéressant « rapport
explicatif d’architecte » : le programme comprend des bâtiments pour l’enseignement de propédeutique, d’autres distincts pour les licences, une bibliothèque ainsi que des salles
de travail, le tout « sur un terrain bordé au nord de très belles
zones boisées ». La qualité des plantations et l’intérêt de leur
conservation sont soulignés par les auteurs. La topographie, en
léger dénivelé, est bien prise en compte, de même que l’insertion dans le grand paysage avec notamment les vues lointaines
vers la ville : « Il est intéressant de signaler qu’il est en quelque
24
Le campus de la faculté des Lettres
Le campus de la faculté des Lettres
25
Plan de masse de la faculté des
Sciences : trame orthogonale des
barres de bâtiments rattachés à
l’espace arboré comprenant le
bâtiment administratif et la bibliothèque.
Espace végétal conservé de l’ancien mas.
sorte orienté vers les jardins du Pérou (Place royale du Peyrou,
ndlr) et qu’il bénéficie d’une très belle vue dégagée sur la campagne montpelliéraine ». Cette nouvelle tranche de l’opération,
conçue alors comme une unité, est établie de l’autre côté de la
route de Mende, dans une continuité que ce « chemin départemental » n’est pas censé interrompre (comme cela sera hélas
le cas plus tard). Ce souci de cohérence d’un vaste programme
d’ensemble est majeur pour l’architecte : « Les axes directeurs
principaux de la première faculté ont été respectés dans l’implantation de la seconde. Ce point était essentiel pour aboutir à un
ensemble cohérent de bâtiments de l’Education nationale dans un
même et important quartier. »
La volonté de respecter la nature des lieux est affirmée :
« Enfin des arbres existants, sous forme de massifs ou d’allées,
sont implantés à peu près dans le centre du terrain et ont été
d’ailleurs scrupuleusement respectés dans le parti architectural ». Les plans dessinent des allées courbes entrecroisées
à la mode des parcs à l’anglaise du xixe siècle. Les bosquets
sont répartis dans la grande pelouse. Certains bâtiments devaient être conservés mais seuls les éléments boisés l’ont été.
Le premier plan schématique, donnant « l’esprit général de la
composition », est assez différent des projets suivants. En
effet, l’institut d’art avec ses musées des moulages et d’archéologie n’est pas encore prévu. Par ailleurs, l’esthétique des
bâtiments rappelle plutôt les sobres élévations traditionnelles de F. Pouillon, très éloignée des conceptions du mouvement moderne qui seront adoptées en réalité.
26
Le campus de la faculté des Lettres
Quatre plans de masse sont alors discutés par la commission Vue cavalière antérieure à l’addes travaux de la faculté de Lettres et par la direction générale jonction du programme d’art et
des bibliothèques, avant d’être présentés à l’accord du conseil d’archéologie, 1961.
général des Bâtiments de France. Il est déjà envisagé de faire
des extensions par des surélévations et des constructions
supplémentaires. L’avant-projet définitif accompagné d’un
nouveau plan de masse date d’avril 1962.
Le cahier des charges est imposé par l’architecte en chef qui
indique les cadres généraux du programme avec les impératifs dictés par la capacité d’accueil des étudiants, ainsi que le
nombre et la taille des amphithéâtres et des classes. Dès le
premier rapport du projet, deux principes primordiaux sont mis
en avant. Premièrement, la fonctionnalité reste l’évidence : les
bâtiments doivent répondre aux besoins spécifiques d’une université et comporter des infrastructures appropriées à l’enseignement magistral (salles de cours et amphithéâtres de différentes capacités) et à la pédagogie avec des salles de travaux
pratiques mais aussi des laboratoires, des bibliothèques de
sections, des bureaux de professeurs et d’administration, des
locaux techniques. Par ailleurs le lien entre ces éléments doit
se faire par des galeries de circulation et des lieux d’échanges
comme les atriums et les espaces verts. Cette exigence correspond au souci d’insertion dans l’environnement.
Le campus de la faculté des Lettres
27
Mur cyclopéen : dessin initialement prévu dans les plans de
1963.
Pour ce qui est de la réalisation concrète de cette dernière
opération, à la différence du cas précédent de la faculté des
Sciences, c’est l’agence montpelliéraine qui est le véritable
maître d’œuvre de l’ensemble. L’originalité de celle-ci s’affirme
notamment dans l’intégration de la décoration monumentale.
Déjà Egger avait collaboré en Provence avec des artistes de
l’avant-garde comme Victor Vasarely et l’Op-art. A Montpellier, c’est Philippe Jaulmes qui s’adresse à Vasarely pour la
commande de la grande grille de la faculté des Lettres. Les
artistes locaux prennent aussi une part importante au projet
avec, notamment, le grand mur que l’architecte imagine en
appareil « cyclopéen », évocation archéologique des remparts
de la Grèce mycénienne. En réalité, ce qui est exécuté est
bien inspiré de cette idée mais dans une composition plastique non-figurative, par le sculpteur Albert Dupin, un ami
proche de son associé Jean-Claude Deshons. Cette œuvre
monumentale complètement intégrée au bâti est une véritable muraille dressée en façade ouest devant le groupe des
bâtiments d’art et d’archéologie, abritant le musée des moulages. Un autre des artistes participant à ce groupe d’amis est
une figure locale de l’art brut, Fernand Michel, qui réalise ici
une composition non-figurative sur un panneau de coques de
zinc pour le hall de la bibliothèque universitaire de Lettres.
(cf. Portraits des artistes pp. 64-71)
Le « rapport décoration » de l’avant-projet mérite d’être
analysé. La philosophie de l’ensemble y est détaillée, révélant une intention didactique. Ce texte permet de mesurer
la métamorphose de la sensibilité artistique des maîtres
d’œuvre qui évoluent vers une réflexion et une abstraction
intellectuelle plus avant-gardiste. A l’origine « Les architectes
proposent comme thème général à soumettre aux artistes pressentis « la légende d’Icare » car « ce thème permet des développements plastiques très variés dans l’espace et par son caractère universel souligne la fonction d’échanges culturels d’une
faculté des Lettres. » Les auteurs du rapport précisent même :
« La première tranche destinée à la propédeutique servirait de
cadre à l’illustration de la lente germination de l’esprit dans la
gangue originelle, à la patiente élaboration du « concept » à
partir de la « matière inerte ». » Et c’est là que naît, semblet-il, la première idée de ce qui deviendra la création d’Albert
Dupin. C’est qu’en effet, « pour concrétiser cette idée les architectes envisagent la construction de l’élévation principale du
musée des moulages sous la forme d’un mur en pierre cyclopéenne destiné à créer par son échelle et sa « présence » un
véritable décor d’accueil et d’accompagnement ». Il est étonnant
de constater à quel niveau de détail s’attachent les architectes qui précisent : « Au milieu de cette masse éminemment
physique, seraient enchâssées et judicieusement réparties des
28
Le campus de la faculté des Lettres
Le campus de la faculté des Lettres
29
Façade ouest des bâtiments d’art
et d’archéologie. Le musée des
moulages avec son décor mural
et, au-devant, l’espace vert.
Aménagement bâti sud : emmarchements de l’entrée.
petites surfaces en céramique hautes en couleurs ». On verra
à quelle réussite plastique l’artiste aboutira à partir de ces
orientations (cf. Portraits des artistes p.66).
Dans le même temps, conformément à leur rôle de maîtres
d’œuvre, apparaît la préoccupation des constructeurs et des
gestionnaires : « Dans cette perspective et compte tenu d’un double
rôle fonctionnel et esthétique de cet élément, il apparaît souhaitable
que les crédits alloués au titre du 1% en permettent la réalisation
dans le délai imparti à l’exécution de la première tranche. En effet
le mur en pierre cyclopéenne constituant un élément constitutif du
bâtiment devrait être exécuté en même temps que la 1ère tranche et
le sculpteur chargé de l’étude de ce mur devrait donc être nommé
dès la réalisation des plans d’exécution. » Les auteurs du rapport reprennent leur élan lyrique pour évoquer : « La deuxième
tranche essentiellement vouée à l’enseignement des Licences (qui)
donnerait dans l’atrium créé par le volume du bâtiment des salles
de travail l’occasion de largement traiter l’essor de l’esprit créateur
libéré, l’envol de l’imagination, leur opposition à la force mécanique
de la gravité, de même que les péripéties et la noblesse de la chute
que les artistes pourraient exprimer par des panneaux de céramiques, des sculptures, etc... ». La volonté d’agir par l’architecture et l’aménagement des lieux sur la psychologie, voire l’état
d’âme, de celui qui l’habite est ici brièvement évoquée mais sera
mise en application avec force : « L’ensemble contribuant à l’atmosphère de méditation et de concentration de ce jardin intérieur
lieu de rapprochement et de rencontres. »
Vasarely : « Une annonce et un rappel du thème pourraient éga- Premiers amphithéâtres (disparus).
lement donner lieu à des interprétations originales dans le portail en ferronnerie de l’entrée de la faculté et dans les bas-reliefs
entourant les paliers d’accès aux différents plans de la terrasse. »
Les architectes insistent sur la place essentielle consacrée
au traitement de l’entrée : elle est face à la ville et aux voies
d’accès, majestueuse et accueillante, largement ouverte
par des degrés dégagés et ascendants. Afin de libérer l’espace intérieur du campus de la circulation automobile et de
tenir compte de l’évolution des moyens de déplacements, un
« important parc à voitures qui permettra de décongestionner
complètement l’intérieur des voies et chemins de la faculté » est
réservé dans la partie basse la plus accessible.
Les phases d’exécution du programme se divisent en deux
tranches. Entre 1962 et 1963 le devis descriptif et le plan
de masse de la 1ère tranche précisent le déroulement de la
construction : « Le propédeutique formant un ensemble situé
immédiatement à l’entrée (…) est par conséquent réalisable en
première tranche de travaux sans ne gêner en rien l’occupation
du terrain par les constructions de la 2e tranche. (…) ils constituent en quelque sorte le calage général de l’ensemble (…). »
L’importance donnée à l’entrée du campus est suggérée ici par
la recherche de l’effet monumental d’un élément marquant
comme le deviendra avec tant d’évidence la grande grille de
Alors que les travaux auraient dû débuter dès 1962 (pour une
livraison des premiers bâtiments en 1964), le conseil général des Bâtiments de France demande la révision du projet
dans le sens d’une « expression originale ». Il faut attendre
décembre 1963 pour que le projet d’exécution définitif soit approuvé. Un lieu consacré à l’art et à l’archéologie, qui n’était
pas prévu lors du tout premier programme, est ajouté grâce
30
Le campus de la faculté des Lettres
Le campus de la faculté des Lettres
31
Plan de masse de la faculté des
Lettres, 1963.
notamment au doyen Hubert Gallet de Santerre, professeur
d’archéologie antique. Sa définition évolue vers un véritable
institut d’art et d’archéologie regroupant un bâtiment spécifique destiné à donner à la collection des moulages un cadre
adapté à la mesure de son importance historique et pédagogique, spécifiquement conçu pour elle, auquel on adjoint un
local consacré à l’archéologie avec un musée des antiquités.
Le permis de construire n’est délivré qu’en 1964. Des entreprises d’importance souvent nationale sont retenues, avec,
pour le bureau d’études, la smet, Société méridionale d’études
et de travaux et, pour le gros-œuvre, l’entreprise « Charles
et Samanos » de Cahors ; pour la charpente métallique, la
Société Entrepose de Paris4 ; pour les plantations, les établissements Navellon de Nice, ainsi que, pour la serrurerie,
l’entreprise locale Fages et fils de Salles-du-Gardon. Les surfaces à bâtir sont de près de 4 000m² pour la tranche 1 : pratiquement autant pour les bâtiments du musée des moulages
et d’archéologie que pour l’ensemble de ceux attribués à l’enseignement de propédeutique (amphithéâtres et classes). A
ceux-ci s’ajoutent conciergerie et services communs (avec un
bâtiment existant à conserver).
32
Le campus de la faculté des Lettres
Pour la tranche 2, le devis descriptif s’échelonne de décembre
1963 à juillet 1964, comprenant en particulier la bibliothèque.
Celle-ci fait l’objet d’un projet spécifique qui doit être soumis
pour accord à la direction générale des bibliothèques car le
bâtiment doit être normalisé, de forme carrée, de conception
souple et adaptable aux besoins croissants : « Sensiblement
au centre de la composition, se trouve la bibliothèque qui se
prolonge dans le cœur même de l’ensemble universitaire par
des salles de travail entourant un patio. » Ces dernières font
partie de l’ensemble consacré à l’enseignement des licences.
Ce groupe de bâtiments deviendra en fait le bloc administratif.
Enfin, l’inauguration a lieu pour la rentrée universitaire
d’octobre 1966. La nouvelle faculté alors prévue pour un effectif de 7 200 étudiants doit faire face à plus de 8 800 inscrits5.
Elle regroupe plusieurs disciplines relevant de l’ancienne
faculté des arts et du domaine littéraire : Sciences humaines
et sociales comme lettres classiques et modernes, langues vivantes, histoire, géographie, philosophie, psychologie et sociologie. Ces matières sont dispensées par un corps enseignant
de 146 membres dont 16 professeurs titulaires de chaires. On
sait déjà que l’on sera « bientôt à l’étroit » et qu’il faut « envisager sans tarder une extension rapide » de ces quelques
18 000 m² de planchers consacrés à l’étude. Chacun, depuis
les architectes et les différents responsables administratifs ou
scientifiques, rêvait alors de créer un environnement et une
atmosphère de méditation, comme cela revient souvent dans
les écrits de l’époque célébrant la réussite de cette réalisation
tant espérée.
En 1970, le programme s’achève avec l’extension de la bibliothèque par l’adjonction d’un corps de bâtiment accolé à l’est.
(Y. C.)
Le campus de la faculté des Lettres
33
La collection
du musée des moulages le rôle des monuments historiques
dans sa sauvegarde et sa renaissance
Je n’aime pas trop les musées. Il y en a beaucoup d’admirables, il
n’en est point de délicieux. Les idées de classement, de conservation et d’utilité publique, qui sont justes et claires, ont peu de
rapport avec les délices. […] Ou bien, nous nous faisons érudits.
En matière d’art, l’érudition est une sorte de défaite : elle éclaire
ce qui n’est point le plus délicat, elle approfondit ce qui n’est point
essentiel. Elle substitue ses hypothèses à la sensation, sa mémoire prodigieuse à la présence de la merveille ; et elle annexe
au musée immense une bibliothèque illimitée. Vénus changée en
document. Je sors la tête rompue, les jambes chancelantes, de ce
temple des plus nobles voluptés. Paul Valéry, 19236.
Un bâtiment pour une collection
Outre son intérêt historique, une des raisons essentielles du
classement de la collection de moulages de l’université est son
harmonie avec le bâtiment construit pour la recevoir, l’éclairer. Tout le monde semblait avoir oublié l’intérêt de cette œuvre
monumentale, emblématique d’une architecture rationnelle
inspirée de Le Corbusier et jusqu’à ces dernières années, il
était même impensable qu’elle puisse être auréolée d’un quelconque label. Pourtant la description qu’en donnait Frédéric
Gaussen dans Le Monde du 30 avril 1966 est révélatrice du
Musée des moulages : détail de
soin apporté par les architectes créateurs, à la fois dans les
la salle médiévale.
volumes, le choix des matériaux, le décor. Le premier bâtiment,
sans étage, abrite le musée des moulages et la section d’archéologie. Il offre sur l’extérieur une longue surface de mur aveugle,
travaillée par des incrustations de pierres brutes7.
Comme le souligne Jean-Luc Martinez, directeur du département des antiquités grecques et romaines du Louvre8, alors que
toutes les universités de France ont tendance à se débarrasser
de leurs collections de moulages dans les années 1960-1970, le
musée des moulages s’ajoute au programme du nouveau campus de Montpellier grâce au professeur d’archéologie classique,
34
Le campus de la faculté des Lettres
Hubert Gallet de Santerre. En lui donnant un écrin digne d’elle, Vue extérieure du musée des
il a finalement sauvé la prestigieuse collection : de nombreuses moulages.
collections ont en effet été saccagées dans leurs bâtiments en
mai 1968 comme celles de la Sorbonne et de l’Ecole des BeauxArts de Paris9. Par sa situation centrale et son association à l’Institut d’art et d’archéologie, le musée des moulages devient l’âme
de cette université, le lieu où les regards convergent : rencontre
entre l’art et la nature, entre le passé et le présent, l’humain et
l’architecture. L’atrium central, vaste patio ombragé avec fontaine, conduisait d’un côté à la galerie de moulages, et de l’autre
s’ouvrait sur le hall d’exposition orné des moulages de MichelAnge (espace dévolu initialement au musée des antiquités) donnant aussi sur un patio et desservant la salle de conférence et la
bibliothèque d’art et d’archéologie.
Au sein d’un environnement végétal, fontaines, patios, atrium,
jardins arborés, ce jardin des plâtres se donne à voir grâce à un
mur vitré de 45 m de long, tel une forêt de sculptures qui embrasse d’un seul coup d’œil 800 ans de sculpture grecque et
romaine. Alors qu’aucune réunion des originaux répartis à travers les plus grands musées du monde n’est possible en un
même lieu, est ici rassemblé le bréviaire presque intégral des
Le campus de la faculté des Lettres
35
Musée des moulages avant les
travaux de 2009-2011.
icônes et idoles de l’art occidental. Miracle de l’imagination de
l’architecte où le rêve et la connaissance se mêlent et où l’intensité de la vision l’emporte sur la rigueur de la démonstration. La
conception muséographique évoquée par Philippe Jaulmes est
basée sur le jeu entre lumière mouvante et formes stables. L’éclairage zénithal des collections est fondamental : 36 caissons pyramidaux recouverts de lambris comme le plafond, diffusent la
lumière au travers de lanterneaux ou skydomes (polyester Lanterplex) permettant les variations de lumière. Ce jeu de contrastes
est accentué par l’opposition entre la blancheur des statues
antiques et le sol d’ardoise noir. La muséographie des années 60
est devenue historique. Particulièrement bien pensé et sauvegardé grâce à la pugnacité du professeur d’art antique Christian Llinas, le parcours scandé par les grands piliers métalliques
noirs est composé de petits couloirs et les moulages intégrés à
des barres en métal. Cela rend la collection en partie non déplaçable et la protège en même temps. Les statues sont juchées sur
de petits présentoirs en métal ou sur des sortes de palettes qui
permettent leur déplacement. Les moulages étaient présentés
avec un important appareil pédagogique, constitué de dessins de
restitution et de photographies anciennes conservés aujourd’hui
à la bibliothèque d’art et d’archéologie10.
Musée des moulages pendant les
Le sauvetage des moulages
Il n’y a guère que Montpellier qui ait réussi à sauver son musée travaux de 2009-2011.
des moulages, disait Emmanuel Schwartz, conservateur des collections de l’École des Beaux-Arts de Paris11. Il y aurait pourtant
beaucoup à dire sur l’évolution au fil du temps de ces espaces
du savoir en fonction des contraintes budgétaires universitaires.
Certes, comme le dit Rem Koolhaas dans Le Monde du 4 septembre 2010, « Il faut cesser d’embaumer les villes ». Mais les
transformations du bâtiment d’art et d’archéologie ont bouleversé le cadre d’exposition d’origine, et les moulages de MichelAnge s’adaptaient depuis les années 1990 à l’humidité des caves,
jusqu’à leur inondation en 200912. Le bâtiment du musée des
moulages – il pleuvait sur les plâtres – a été réhabilité sans toujours pouvoir respecter les qualités de l’architecture originelle.
En écho à la passion qui anima Alexandre Lenoir, Prosper
Mérimée et la France toute entière à l’Ecole des Beaux-Arts de
Paris, le classement au titre des monuments historiques de la
collection de moulages de l’Université de Montpellier en 200913
élève le moulage au rang d’œuvres d’art et de Trésor national, dissipe le danger qui pesait sur elle14 et signe la réhabilitation d’une
des plus grandes collections françaises de moulages d’après
l’antique dans son lien avec l’art médiéval. C’est une première
36
Le campus de la faculté des Lettres
Le campus de la faculté des Lettres
37
Moulage de la divine adoratrice
Aménardis, XXVe dynastie – Musée
du Caire – Découverte en 1858
par Mariette à Karnak.
Moulage du Laocoon, copie en
marbre (1er siècle ap. J.–C.) d’un
original grec en bronze du milieu du iie siècle av. J.–C. Rome
– moulage musées nationaux
1890 – Musée du Vatican, trouvé
à Rome autour de 1500.
en France : si on arrive encore à sauver les vieilles pierres, ce
n’est pas toujours évident pour les moulages en plâtre du xixe
siècle15 ! Jouissant pendant des siècles d’une estime incontestée,
le plâtre est depuis longtemps discrédité, peut-être à cause de
la pauvreté du matériau qui n’élève pas le statut social de son
possesseur. Ce sont des œuvres méconnues, censurées, comme
le dit Georges Didi-Uberman16, par une tradition critique inapte
à tirer les conséquences esthétiques du travail formel révélé par
les moulages en plâtre. L’empreinte, la copie est encore disqualifiée : ces objets issus de moulages, eux-mêmes œuvres d’art,
se trouvent souvent rejetés hors du discours des historiens de
l’art. La multiplication et la diffusion des moulages ont occulté la
rareté, la qualité et l’importance de certains d’entre eux.
Pourtant jusqu’au milieu du xxe siècle, le moulage des archétypes antiques est à l’honneur ; il est complémentaire de la
sculpture d’anatomie en cire et des écorchés. C’est le cas
à Paris comme à Montpellier, où la galerie des moulages
d’après l’antique était liée au conservatoire d’anatomie17. En
témoignent les écorchés de Houdon ou de Richer. Collection
scientifique autant pour les historiens que pour les artistes,
temple de la pensée artistique, les plâtres sont rassemblés,
comme Goethe le fit en son temps18, non pour leur valeur matérielle mais pour leur forme, leur autorité. Ils racontent plusieurs siècles « d’anticomanie » académique et permettent
de dégager les grandes étapes de la réception de l’antique :
la grâce de l’Apollon du Belvédère, la douleur du Laocoon, la
pureté austère du Torse archaïque... De Louis XVIII à LouisPhilippe, on assiste à une véritable politique d’acquisition de
centaines de moulages. Il s’agissait de reconstituer par le
moulage les œuvres du musée Napoléon restituées en 1815.
Le musée des plâtres ouvrira dans la cour carrée du Louvre
de 1829 à 1857. Dès 1834, sous l’impulsion d’Ingres, est créé
le Palais des Etudes par Félix Duban à l’Ecole des Beaux-Arts
de Paris, pour accueillir les collections de moulages (le cortile
sera couvert en 1863 : cour vitrée). Les collections universitaires sont pour la plupart fondées à la fin du xixe siècle, parfois issues des collections des Beaux-Arts plus anciennes :
1880 galerie de Bordeaux par Maxime Collignon, 1890 celle de
Montpellier par Ferdinand Castets, 1891-1896 celle de l’Institut d’art et d’archéologie de Paris par Emile Mâle, et 1899
celle de Lyon créée par Henri Lechat19.
Inaugurée lors du vie centenaire de l’Université de Montpellier et installée dans le Palais de l’Université, la galerie de
moulages d’après l’Antique fut complétée en 1904, grâce
notamment à Joseph Berthelet, archiviste de l’Hérault, par
147 moulages de la collection du chanoine Didelot, moulages d’œuvres médiévales réalisés dans la seconde moitié
du xixe siècle, auxquels s’ajoutent 16 reproductions d’œuvres
gothiques provenant d’une collection de Béziers et 7 reproductions d’œuvres de Michel-Ange de la collection Chabert.
En 1931, la collection s’est enrichie à l’occasion de l’exposition
coloniale de Vincennes du don de six pièces du pavillon italien
de l’archéologie lybienne.
38
Le campus de la faculté des Lettres
Le campus de la faculté des Lettres
39
Moulage du Discobole (atelier du
musée de Berlin, 1890) - Copie
romaine d’un original en bronze
du milieu du 5e siècle av. J.C. attribué à Myron - Rome, musée du
Vatican - Trouvé en 1791 dans la
villa d’Hadrien à Tivoli.
Renaissance des collections
Noble ensemble d’antiques célébré dans toute l’Europe, révélateur de l’élaboration de la doctrine du beau et d’une discipline, l’archéologie, le musée des moulages, né de la volonté
de quelques grands archéologues et historiens de l’art d’avoir
sous les yeux une réplique de qualité des grandes œuvres de la
statuaire où désir de savoir se confond avec plaisir esthétique,
devient aujourd’hui témoignage historique. Le classement de
la collection de l’université de Montpellier a permis de mettre
en œuvre le chantier des collections20 : la conservation régionale des monuments historiques a pu définir le protocole de
conservation des moulages qui s’imposait avant les travaux
sur le bâtiment. La fragilité des moulages en plâtre, l’état
général d’empoussièrement des œuvres, les nombreuses
restaurations effectuées, les modes de fixation défectueux
pour l’intégrité de certaines pièces, l’impossibilité de déplacement de certains éléments, l’état particulièrement critique de
quelques moulages altérés par la pluie et les inondations ont
conduit la drac à demander les expertises de Jean-Luc Martinez (musée du Louvre, département des antiquités grecques
et romaines), Roch Payet (Institut national du Patrimoine,
département restauration), Michel Berthelot (crns/Ministère de la culture, numérisation du patrimoine) et de Pascale
Roumegoux21 (restauratrice spécialisée dans la sculpture en
plâtre), avant toute intervention sur les collections. Ainsi ont
pu être réalisées les études préalables sur les collections en
amont du chantier sur le bâtiment : inventaire précis de la
collection22, relevés topographiques et panoramiques pour la
traçabilité23 afin de garder la mémoire de l’emplacement de
chaque objet, bilan sanitaire24 et captation d’images avant le
Le campus de la faculté des Lettres
41
Moulage de la Vénus d’Arles (Atelier du Louvre, 1890 ) - copie romaine de l’Aphrodite de Praxitèle
en marbre, v. 360 av. J.-C. - Paris,
musée du Louvre. Trouvée en 1651
au théâtre d’Arles.
Moulage du Faune Barberini exemple de l’art de Pergame du
début du Ier siècle avant J.-C. Ancienne collection du cardinal
Francesco Barberini - Munich,
Glyptothèque. Découvert à Rome,
château Saint-Ange.
Moulage avant traitement, après
passage du gel et après retouche.
déménagement et interview des professeurs liés à l’histoire
de la collection25. Avant l’intervention sur l’architecture, 228
œuvres qui ne pouvaient être déplacées ont été coffrées ;
274 œuvres destinées à être conservées in situ, ont bénéficié
d’une structure à rayonnage coffrée permettant la réalisation
d’une plate-forme de travail aérienne et 216 autres, scellées
aux murs qui ne pouvaient être stockées sur place, ont été
déposées, emballées et transportées dans un lieu de stockage
extérieur, à l’entrepôt Gaby de Nîmes, servant aussi d’atelier
de restauration. Ainsi 163 bas-reliefs ont été restaurés dans
cet atelier pendant les travaux sur le bâtiment grâce à un partenariat financier entre la drac et l’Université26.
La restauration des œuvres en plâtre, qui exige une grande
technicité, a été confiée à Pascale Roumegoux et son équipe27.
Sa méthode est à la fois rigoureusement scientifique et empirique. En effet, pour ces œuvres antiques non patinées, les
tests à la gomme n’étant pas satisfaisants, elle a utilisé un gel
« pelable », technique couramment employée en restauration
des plâtres. Ce gel, composé d’argile (attapulgite), de pulpe
de cellulose et d’un adhésif léger (carboxyméthylcellulose)
dilué dans l’eau, est appliqué au pinceau, après dépoussiérage. Le principe qui a fait ses preuves depuis une vingtaine
d’années est simple : il permet un apport contrôlé d’humidité
en surface afin de dissoudre la crasse, et l’argile, grâce à son
pouvoir de rétention, limite la pénétration d’humidité dans le
plâtre. La pulpe de cellulose et l’adhésif permettent d’obtenir
après séchage une pellicule facilement pelable. De plus, le
gel se rétracte au séchage et emprisonne mécaniquement les
poussières en surface. Dans le cas précis des moulages de
fine épaisseur, armés de toile de jute, le risque de provoquer
des remontées orange, dues aux colorants contenus dans la
toile, a incité les restaurateurs à modifier la recette initiale
du gel et son principe d’application. La quantité d’eau a été Restauration des moulages – Ateréduite afin de limiter la pénétration d’humidité et donc les lier-entrepôt Gaby, Nîmes.
risques de remontées des colorants, et le séchage a été accéléré par une chaleur plus intensive (réduction de la durée de
chauffage à 40 minutes au lieu de 6 à 8 heures). Cette accélération du séchage permet de dissoudre les dépôts orange en
surface des reliefs altérés et de les capter rapidement dans
le gel sans leur laisser le temps de pénétrer à nouveau dans
le plâtre. Pour ce faire, a été installée une salle de séchage
accéléré où la température oscille entre 28° et 30°C, avec
installation de ventilateurs. Parmi les autres traitements
effectués, citons la stabilisation des structures par changement des armatures, les goujons en fibre de verre remplaçant
les armatures métalliques ou en bois, le comblement des
fractures et fissures avec des injections d’adhésifs, d’acétate
de polyvinyle ou de résine époxydique, selon les cas. Enfin,
des retouches ont été réalisées avec de l’aquarelle ou du pastel afin d’uniformiser la présentation.
Cette phase du chantier programmée en 2009, comprenant
la conservation préventive, le déménagement et le stockage
ainsi que la restauration des pièces les plus altérées, s’est
achevée en juin 2010. L’Université fait aujourd’hui du musée
des moulages l’un de ses premiers objectifs de développement culturel28.
(H. P.)
42
Le campus de la faculté des Lettres
Le campus de la faculté des Lettres
43
René EGGER
Marseille 1915
« Architecte en chef des bâtiments civils et
palais nationaux », il est l’architecte conseil
technique de l’Education nationale de 1942
à 1968. D’abord associé à Fernand Pouillon
entre 1944 et 1953, avec lequel, tout en gardant l’essentiel de la commande publique et
notamment scolaire, il réalise d’importants
programmes de construction. Il est remarqué pour sa conduite exemplaire du chantier
des usines Nestlé à Marseille (1949-1952)*.
A Aix-en-Provence, les deux architectes
construisent ensemble le gymnase du creps
(1948-1951, en collaboration avec Jean
Prouvé)* et la bibliothèque de la faculté de
droit (1950-1954)*. A Marseille, on leur doit la
Station sanitaire (1947-1948, en collaboration
avec A. Champollion, menacée de démolition
puis réhabilitée)* et l’ensemble La Tourettegroupe VIII (1948-1953, architecte en chef
André Lecomte)*
René Egger est l’architecte du Marseille de
l’après-guerre, en participant avec Pouillon
à la reconstruction du quartier du Vieux Port
puis seul, surtout à partir de 1953. Il forme
avec Gaston Defferre un « couple » de bâtisseurs de 1955 à 1985, modelant la ville et son
paysage urbain (aménagement des plages
du Prado, associé à la conception du métro,
etc.). Egger écrit le récit de cette étroite et
fructueuse collaboration, intitulé « Avec Gaston Deferre ». Il travaille avec une centaine
d’architectes (comme, par exemple, Pierre
Vago en 1961 pour le Lycée technique de
Marseille-Malpassé).
Devant l’urgence de répondre à la poussée
démographique, il bâtit vite, partout et avec
peu de moyens. En moins de dix ans, il édifie
à Marseille 150 « écoles Egger », des
constructions standardisées et, en l’absence
de normes, il crée des modèles de groupes
scolaires, écoles maternelles, primaires,
collèges et lycées comme l’école primaire
publique Abbé de l’Epée et l’école élémentaire Saint-André, rue Condorcet (avec
F. Pouillon, 1952-1953)* ainsi que quatre
lycées, dont le Lycée Colbert au quartier des
Catalans (1952-1954)* et le Lycée Nord (1957,
aujourd’hui « Saint-Exupéry »), considéré
alors comme « un établissement modèle ».
Il est également l’auteur de grands ensembles
universitaires, principalement à Marseille,
mais aussi à Nice et Toulouse-Rangueil. Il
réalise l’Ecole des Beaux-arts et d’architecture de Marseille (1968, inaugurée en 1969)*
où, dans le cadre du vaste paysage des collines de Luminy, il s’inspire des campus américains. Non moins novatrice est la faculté de
44
PORTRAIT - Les architectes
Médecine (1955-1958 en collaboration avec Y.
Boudard) où il utilise les brise-soleil de façon
systématique et répétitive, préfabriqués industriellement, afin de donner aux façades
un aspect homogène à des bâtiments d’usages
différents. A ce programme universitaire est
liée la construction des grands hôpitaux.
Ainsi l’Hôpital Nord (1953, en collaboration
avec J. Crozet), qualifié alors de « plus bel
hôpital d’Europe », s’élève sur les hauteurs de
Saint-Antoine. L’œuvre majeure dans ce
domaine est le projet expérimental et novateur d’envergure de l’hôpital-université de la
Timone (projet de 1952-1958, puis extensions
de 1962-1972, en collaboration avec A. Devin
et Y. Janovitz). Enfin, il construit l’Ecole de
pharmacie, la faculté des Sciences et Techniques Saint-Jérome (projets 1961-1964, 1968)
et l’extension de la faculté des Sciences
Saint-Charles.
A Montpellier, c’est le vaste programme du
campus au nord de la ville qui comprend la
faculté des Sciences (en collaboration avec
J. de Richemond et Ph. Jaulmes) puis la faculté des Lettres (en collaboration avec Ph.
Jaulmes et J.-C. Deshons), et enfin, en 1972,
des aménagements sportifs à la faculté des
Sciences. Le programme inclut aussi les
deux résidences et restaurants universitaires
du Triolet et de Vert-Bois. Ici on note un souci
d’intégration dans l’environnement et la topographie de ce secteur encore champêtre des
faubourgs nord de la ville et la volonté des
architectes de mettre l’accent sur le lien qui
unit la création architecturale et artistique
grâce à la politique du 1% culturel. Egger
travaille déjà en Provence avec les grands
noms de l’art contemporain comme Picasso
Les architectes - PORTRAIT
à Marseilleveyre, Vasarely à la faculté des
Sciences Saint-Jérôme, César au Lycée Est,
Amado, Pignon et Zadkine. Son architecture
monumentale reste sobre, inspirée des principes du mouvement moderne, privilégiant le
béton armé mais dans un esprit méditerranéen, faisant la part belle aux espaces d’agoras, de patios et utilisant la végétation locale
et l’eau. Dix des grandes réalisations de René
Egger sont labellisées « Patrimoine du xxe
siècle ».
(Y. C.)
* Labellisé « Patrimoine du xxe siècle »
Portrait de René Egger.
Vue panoramique sur le campus
de Luminy à Marseille.
45
Philippe Jaulmes - Agence Jaulmes et Deshons
Page de gauche, portrait de Philippe
Jaulmes.
Montpellier 1927
Ci-dessous, ancien hôtel de ville du
Polygone à Montpellier.
des techniques et de l’informatique permet
aujourd’hui d’aller encore plus loin dans
cette voie (cf. présentation au 32e festival
du cinéma méditerranéen à Montpellier en
2010). Cette recherche sur le mouvement
le rapproche des artistes de l’avant-garde
comme Vasarely et Yvaral ou Yaacob Agam et
Pol Bury, à qui il commande des œuvres pour
les deux facultés de Montpellier.
Inscrit à l’Ecole Nationale Supérieure des
Beaux-Arts de Paris, il se forme à l’architecture. Il travaille sur un nouveau concept
associant architecture et cinéma dans une
démarche complémentaire pour appréhender l’espace non seulement fixe mais aussi
dans sa mobilité. En 1954, son diplôme porte
sur le projet d’une salle hémisphérique pour
projections avec objectif « fish-eye » à 360° ;
en 1958, il brevète le procédé « Panrama, cinéma, temps, espace » qu’il met en œuvre
dans le bâtiment expérimental qu’il construit
à Clapiers, près de Montpellier, abritant une
vaste coupole inclinée de 12 m de diamètre
(menacé de démolition). En 1981, le procédé
est présenté dans de plus amples proportions avec une coupole de 18 m de diamètre,
à l’Espace Gaité à Paris, quatre ans avant la
géode de la Villette. En 1963, il fonde la société
« les ateliers du cinéma total ». L’évolution
46
Inspiré par les monuments de Montpellier,
comme le château d’eau du Peyrou (œuvre
majeure de l’architecte du xviiie siècle JeanAntoine Giral), il réfléchit sur les modules de
l’hexagone et du trigone. Il travaille d’abord
pour Jean de Richemond, architecte du rectorat dans les années 1950 qui est, à ce titre,
l’auteur de l’Institut de Botanique conçu pour
abriter l’exceptionnel herbier de la faculté de
Pharmacie. J. de Richemond étant l’architecte d’opération du projet d’ensemble universitaire nord de Montpellier, Ph. Jaulmes
est associé à la maîtrise d’œuvre de la faculté
des Sciences dont il réalise notamment le
bâtiment administratif conçu autour d’un
atrium et la bibliothèque des Sciences. Ph.
Jaulmes s’échappe de l’architecture encore
traditionnelle de J. de Richemond : il est, par
exemple, un des premiers à rejeter les toitures de tuiles pour des formes plus contemporaines de toits-terrasses. En réaction
avec les modes de construction de l’époque,
il veut s’en distancier en adoptant une démarche esthétique, héritée de sa formation
des Beaux-Arts. Il insiste sur son goût pour
la nouvelle tendance artistique de l’époque
qui lui permet de travailler avec des artistes
du courant de l’art cinétique conduit par
Vasarely. Ses influences assumées sont le
PORTRAIT - Les architectes
Les architectes - PORTRAIT
47
Jean-Claude Deshons - Agence Jaulmes et Deshons
Montpellier 1930-2010
Architecte depuis 1958, membre du jury de
l’Académie de France à Rome, il collabore activement à la revue internationale d’architecture
« Carré Bleu » dont il est membre du comité
de rédaction29. En 1977, il participe à l’aventure
des radios libres avec l’éphémère « Radio fil
bleu » aux côtés de François Delmas, ancien
maire de Montpellier. Dans le cadre de son
association « 19/20 », il milite pour préserver le
patrimoine architectural des xixe et xxe siècles.
A ce titre il intervient pour la protection des cliniques Saint-Charles (remarquable bâtiment
art-déco de Paul Pelletier et Arthur Teisseire,
conçu dans les années 1930, et menacé de
démolition dans les années 1990, depuis inscrit
au titre des monuments historiques). Au sein
de son cabinet commun avec Philippe Jaulmes,
mouvement moderne et les principes de Le
Corbusier mais aussi Jean Prouvé pour son
utilisation de l’aluminium industriel dans les
extérieurs de ses constructions. Il considère
comme essentiel que le « 1% artistique » des
constructions publiques permette au maître
d’œuvre de choisir les artistes avec qui il peut
collaborer, intégrant la création plastique à
l’architecture dans un dialogue dynamique.
François Delmas (immeuble aux façades de
verre construit dans le quartier alors nouveau
de la zac du Polygone, enjambant la voie ferrée
et permettant l’extension de la ville vers l’est) ;
la Direction régionale des Télécommunications en 1978 ; le réaménagement de l’Hôpital
Saint Eloi en 1992 ainsi que des commandes
privées (cf. maison Colombier, 1968, …).
(Y. C.)
Il réalise avec son associé Jean-Claude
Deshons, les principaux immeubles publics
de Montpellier dans les années 1960 à 1980.
L’agence travaille sur le programme universitaire des deux facultés avec les cités et
les restaurants universitaires (Vert-Bois, Le
Triolet) entre 1963 et 1966 ; l’usine modèle ibm
en 1964, le cnrs, l’Hôtel de ville de Montpellier en 1973-1975 décidé en 1969 par le maire
Coupe d’une salle sous coupoleécran d’un Panrama.
48
PORTRAIT - Les architectes
Les architectes - PORTRAIT
il participe pleinement aux grandes constructions publiques du Montpellier des années
1960 et 1970.
Personnage original et amateur d’art brut, il
est le grand ami de l’artiste Fernand Michel
et réunit une importante collection d’œuvres
de ce créateur hors-normes. Egalement ami
du sculpteur Albert Dupin, il propose à plusieurs reprises ces artistes dans le cadre du
« 1% artistique », pour les commandes publiques de l’agence.
(Y. C.)
Portraits de J.-C. Deshons et A. Dupin
en conversation.
49
L’architecture et son décor
Pour la faculté des Lettres, les architectes, renonçant
à la monotonie de la faculté des Sciences, évoluent vers
des solutions formelles plus originales, sans pour autant
négliger le souci du confort et de la fonctionnalité. Cette
nouvelle recherche vaut, tant dans la distribution harmonieuse des masses et des vides, l’organisation des axes de
circulation et des perspectives, que dans la mise en œuvre
systématique et monumentale de la politique d’intégration
de la création artistique plastique contemporaine, dite du
« 1% artistique » mettant l’accent sur le lien qui unit l’architecte et les artistes.
Composition
Conformément au projet, les axes de composition sont en correspondance avec la trame de la faculté des Sciences. La ligne
principale d’implantation est orientée nord-sud et les axes secondaires est-ouest. Mais, ici, afin d’éviter l’effet de « grand
ensemble » des barres d’immeubles de Sciences, le projet met
en cohérence l’esthétique architecturale avec les espaces naturels, considérés comme une priorité. On accède à la faculté
de Lettres par la place de la Voie-Domitienne au sud-ouest, en
une lente montée par l’escalier d’entrée, large et accueillant.
Galerie couverte (disparue).
Décor du béton banché, brut de
décoffrage avec les empreintes
des veines du bois des planches
et liteaux.
La galerie couverte
Le plan de masse est organisé autour de lignes de circulation piétonnière dont la colonne vertébrale est l’axe principal nord-sud. Ce dernier était fortement marqué à l’origine
par la longue galerie couverte assurant une déambulation
à l’abri de la pluie et du soleil. Son système de toiture
assemblait adroitement des plaques de fibrociment ondulées et recourbées en chenille (« élément Mansard normal
en fibrociment Poissy » de récupération de couverture de
hangars ; galerie supprimée car comportant de l’amiante).
50
Le campus de la faculté des Lettres
Cette structure était montée sur poteaux de tubes métal- Portique de liaison en béton.
liques, incluant un système d’évacuation des eaux pluviales.
En dessous, un tunnel dissimule la galerie technique. Des
auvents, portiques ou bretelles de liaison, faits de dalles de
béton armé sur poteaux à la base mince, relient ces circulations aux principaux bâtiments.
La construction
Une attention particulière est accordée à la qualité de la
construction par une recherche d’ordonnance des bâtiments
qui, malgré des partis pris d’unité architecturale et d’homogénéité, présentent un aspect extérieur varié par le traitement
différencié des façades. Plusieurs des principes constructifs
issus du mouvement moderne et du « style international »,
plus ou moins ouvertement inspirés par Le Corbusier, sont utilisés. La base du gros-œuvre est constituée de murs périmétriques en béton banché (coulé entre banches verticales) brut
de décoffrage. Le relief de la surface est cannelé selon un
calepinage décoratif rigoureux (dessin de la disposition d’éléments composant un assemblage pour couvrir une surface),
portant profondément imprimé le négatif des tasseaux de
bois judicieusement disposés et révélant la trace des veines
du bois, véritable composition graphique.30 Le résultat esthétique sur les parois traitées ainsi est particulièrement perceptible sur certaines façades quasiment aveugles, exposées au
nord, dont il constitue la seule animation.
Un autre de ces effets décoratifs est produit par le principe du
brise-soleil qui agrémente et donne une unité aux façades exposées au soleil, mais qui est aussi fonctionnel en tamisant et
Le campus de la faculté des Lettres
51
Façade nord du bâtiment des
licences : linéaire des ouvertures
en bandeaux continus.
diffusant la lumière du soleil direct de l’été tout en magnifiant
la lumière hivernale. Ce réseau est fait de panneaux d’aluminium préfabriqués en nids d’abeille hexagonaux disposés
en écrans. Ceux-ci sont posés en avancée sur un pare-soleil
en béton horizontal bâti au-devant des façades sud et ouest
notamment. Les baies ainsi protégées sont à allèges basses,
et un système de stores ou, dans certains cas, de rideaux
d’obscurcissement sur rails intérieurs, est programmé pour
assurer la plus grande commodité des enseignements utilisant des projections. D’autres salles sont éclairées de baies
à ouvrants basculants selon la géométrie d’un module général de menuiserie en bois appliqué tant dans les corridors
intérieurs qu’à l’extérieur. On trouve également, surtout au
nord et à l’est, des fenêtres bandeaux à allèges hautes. Ces
dispositifs répondent à des considérations d’isolation climatique déjà expressément formulées. Des voligeages en lames
de pin des Landes ignifugé forment lambris et sous-faces de
plafond (ces dernières ont dû être supprimées pour raison de
sécurité contre l’incendie).
métallique est un bandeau de rive continu, en bardage métal- Façade ouest des bâtiments d’art
lique masquant les chéneaux, sur le débord de la toiture-para- et archéologie avec la frise d’aluminium en couronnement.
pluie qui protège le bâtiment et abrite le cheminement.
Moins spectaculaire, mais très présent, est l’impact esthétique rendu par le traitement des surfaces en parement,
mignonnette (agrégat de petit gravillon roulé lavé, de granulométrie très précise mis au jour par lavage au jet), ou de mosaïque de petits carrés de faïence bleu-vert ou grise. Couronnant l’ensemble formé par les bâtiments bas, un élément fort
et original de décor moderniste est introduit par une large frise
en aluminium au relief de triangles alternés, vers le haut et
vers le bas, tant creux que saillants. Cette longue ceinture
La recherche de qualité et de variété des matériaux traditionnels de sols donne une grande richesse décorative et
contribue à l’homogénéisation de l’ensemble. Ce procédé, s’il
est moins directement perceptible, joue pourtant pleinement
son office lors du parcours du visiteur. La pierre naturelle est
privilégiée pour les sols extérieurs en dalles de calcaire en
opus incertum (assemblage de blocs irréguliers), ou de pavés
de basalte, mais aussi, par exemple, des nez d’emmarchement
en briques posées de chant. A l’intérieur, le dallage d’ardoise
est présent dans tous les rez-de-chaussée et les circulations.
Dans le projet, les salles, en revanche, doivent bénéficier de
sols minces collés plus silencieux (caoutchouc) ; des escaliers
de secours hélicoïdaux métalliques flanquent les petites façades
d’élégantes spirales.
52
Le campus de la faculté des Lettres
Le campus de la faculté des Lettres
53
Le bâtiment administratif
Ce grand immeuble de trois niveaux forme un carré évidé
constitué de quatre corps relativement étroits, simple en profondeur (les salles donnant sur l’atrium sont desservies par
un couloir périphérique), encadrant un vaste atrium aménagé
en jardin. Initialement destiné aux salles de travail pour les
licences, il est conçu comme complémentaire à la bibliothèque
dont le volume cubique plein pourrait presque s’insérer dans
son propre quadrilatère creux. Il regroupe en fait plus largement
les salles et bureaux pour Assemblée et Conseil, secrétaire et
Doyen, centre audio-visuel, salles de travail, etc… On y pénètre
par le hall d’accueil en rez-de-jardin qui conduit, franchissant
le dénivelé, jusqu’au niveau supérieur du campus. Un des deux
panneaux de verre coloré, œuvre de R. Pillods, assure la transition entre ces deux espaces (cf. Portraits des artistes pp. 68- 69).
Cet espace fermé, enserré par les étages des bâtiments qui
le ceinturent, abrite un lieu intime. Cette composition repose
sur la diagonale structurante qui permet au regard de s’élever le long de la pente d’une passerelle à laquelle on accède
par un jeu de quelques marches irrégulières en béton de gravillons. Ce plan incliné ajouré, fait de lames de bois, est lancé
au-dessus d’un aménagement aquatique composé d’un petit
bassin (comblé) relié à un point humide planté de roseaux.
Ce dernier est alimenté par une fontaine où l’eau coule d’une
gargouille dans une vasque ronde très évasée. D’autres
escaliers, placés de part et d’autre, relient les deux étages du
jardin. Ici, le jeu des matériaux est particulièrement travaillé,
mêlant brique de chant ou à plat, dalle, mosaïque, faïence,etc.,
avec une partie de sol minéral en graviers blancs, dans une
composition de jardin moderne planté de palmiers, jouant de
la dynamique créée par le dénivelé.
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Le campus de la faculté des Lettres
Le campus de la faculté des Lettres
55
A gauche, atrium du bâtiment
administratif.
Aménagement bâti avec emmarchements, passerelle, bassin (comblé postérieurement) et fontaine.
Ci-dessus, « Labyrinthe de méditation ».
A droite, fontaine.
Le « Labyrinthe de méditation »
Répondant aux vestiges du labyrinthe végétal du mas Darasse, un nouvel aménagement minéral, appelé « labyrinthe
de méditation », s’insère entre les bosquets et le bâtiment
administratif. Il est constitué de murets de différentes tailles
et de banquettes s’entrecroisant à angles droits, peints ou
non. Ce havre de tranquillité est ponctué d’une fontaine de
cylindres verticaux, au milieu d’une végétation d’arbustes à
fleurs méditerranéens : lauriers-roses, mimosas, pittosporums… Le jeu de l’eau est un symbole de la nature reposante
dans cet univers de travail intellectuel : plusieurs petits bassins rectangulaires, reliés par de courtes canalisations et
quelques fontaines, animent discrètement ce secteur, depuis
le grand atrium jusqu’au promenoir longeant le fameux mur
dit « cyclopéen », en façade ouest de l’ensemble d’art et d’archéologie (œuvre d’A. Dupin, cf. Portraits des artistes). La base
de celui-ci est baignée par un canalet scandé de quelques
cascatelles avec gargouilles, recueillant l’eau pluviale dirigée
par des chaînes verticales tendues (procédé privilégié dans
certaines constructions du mouvement moderne). Le soleil se
reflétant sur le mur détaille puissamment les secrets motifs
de l’œuvre, révélant sa richesse décorative.
Bâtiments d’art et d’archéologie
Occupant une position centrale, implanté sur l’axe directeur, entre le parc à l’ouest et le bâtiment de propédeutique
qui le domine à l’est de ses 3 niveaux, ce long ensemble de
56
Le campus de la faculté des Lettres
Le campus de la faculté des Lettres
57
Patios des bâtiments d’histoire de
l’art et d’archéologie. A gauche,
passage-patio à la fontaine et
portail monumental à linteau
monolithique ; à droite, patio
intérieur du bâtiment d’histoire
de l’art (à l’origine « musée des
antiquités »).
100 m de long est composé de deux bâtiments bas séparés
en leur milieu par un large passage faisant communiquer le
parc avec l’allée axiale. Cet espace de circulation est conçu
comme un véritable patio végétalisé avec bassin et fontainevasque à gargouille. Un autre patio plus petit est ménagé à
l’intérieur de la partie nord, dite à l’origine « musée des antiquités ». Cette construction épouse la dénivellation du sol
qui monte ici vers le nord, légèrement, mais suffisamment
pour permettre l’entresolement d’une partie de la moitié nord
avec, en hauteur, la bibliothèque de section et les bureaux. A
l’intérieur, des cloisons modulables sur rails permettaient à
l’origine d’isoler le hall d’exposition, le laboratoire d’archéologie et une salle de colloques. La toiture-terrasse donne une
grande cohérence à cet ensemble grâce à son horizontalité
uniforme. Les murs en béton banché sont couronnés de la
frise d’aluminium.
Les parois vitrées est et sud du musée des moulages permettent l’installation des statues. L’absence de cloison et de
pilier massif dans ce large espace d’exposition (45 m x 25 m)
permet au regard de passer de l’une à l’autre de ces œuvres
disposées sur deux niveaux de sols grâce au profond décaissement central. Des caissons formant ébrasement pour
chaque ouverture zénithale sont aménagés dans le plafond
aux lambris clairs. Ceux-ci sont destinés à diffuser la lumière,
protégés par des lanterneaux pyramidaux en plastique translucide (polyester Lanterplex), certains incluant un dispositif d’obscurcissement. Ce dispositif est particulièrement
développé pour la salle du musée des moulages sous forme Fontaine du patio du bâtiment
d’une grille de trente-six ouvertures (remplacées lors des d’histoire de l’art et d’archéologie
récents travaux de rénovation). L’ossature métallique est en
partie apparente selon un parti pris avant-gardiste. Sont mis
en évidence, même en extérieur, les noirs piliers de tubulures
en V soutenant les charpentes des couvertures plates en bacs
autoportants en acier (support nervuré en tôle d’acier galvanisé). Ce procédé permet de donner un maximum de liberté
visuelle et de déplacement dans les espaces d’exposition et
de colloques.
Le mur sud-ouest aveugle porte le décor de Dupin, plaqué en
parement extérieur (cf. Portraits des artistes p. 64). Il est prolongé au nord par un retour qui entoure l’enclos du monument
aux morts de la faculté commémorant les deux guerres mondiales, avec une citation de Cicéron en latin (« La vie est brève
mais la gloire est éternelle… »).
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Le campus de la faculté des Lettres
Le campus de la faculté des Lettres
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Le bâtiment de recherche / licences
La masse des quatre étages de ce bâtiment à deux corps, articulés en baïonnette, ferme la composition architecturale. Il
est prévu pour abriter les bureaux des professeurs, les bibliothèques de sections et des salles de cours. A chaque étage,
un corridor central distribue les salles de part et d’autre. Pour
éviter l’alignement excessif d’une architecture de casernement, un escalier interrompt la linéarité par un habile décrochage des blocs, formant chicane. La section de géographie
est installée en rez-de-chaussée en raison du poids de ses
collections. Un second groupe d’amphithéâtres réservés aux
cours de licences, est implanté à l’arrière de cette barre. Sa
faible élévation est voulue pour ne pas masquer les vues sur
la campagne au nord. On y accède par un passage largement
ouvert en rez-de-chaussée sous le grand bâtiment. C’est en
ponctuation de l’axe principal, au milieu de cet espace qu’a
été placé l’un des deux panneaux de verre coloré de Robert
Pillods (cf. Portraits des artistes pp. 68-69).
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Le campus de la faculté des Lettres
Le campus de la faculté des Lettres
61
Elévations des bâtiments de
classes. En haut, plans de 1963 ;
en bas, bâtiments B et C en
construction.
Hall d’entrée : panneau décoratif
de coques de zinc par F. Michel.
La bibliothèque
Le programme fonctionnel des bibliothèques universitaires
est arrêté par une commission spéciale et imposé à l’architecte. Dans ce grand cube, dont le volume apparemment
plein répond au vide de l’atrium du bâtiment voisin, il fallait
créer une impression d’espace de lumière naturelle. Ph.
Jaulmes lui donne une monumentalité intérieure en créant
un vaste espace central, traité comme un atrium sous verrière, où s’élève en spirale un spectaculaire escalier de
tubulures d’acier, qui est comme une sculpture où l’effet
ascendant donne l’illusion du mouvement (identique à celui
de la bibliothèque de la faculté des Sciences également par
Ph. Jaulmes). Cet ouvrage rappelle, par son matériau et
ses modules, le graphisme des piliers du musée. Les salles
62
Le campus de la faculté des Lettres
de lecture sont libres de cloisonnement, séparées par des Spirale du grand escalier en tubumurs-bahuts bas et des parois vitrées. Les magasins com- lures métalliques par Ph. Jaulmes.
pacts de rayonnages sont rejetés à l’arrière sur plusieurs
niveaux. C’est dans l’entrée de ce bâtiment qu’a été installé
le grand panneau de coques de zinc de Fernand Michel (cf.
Portraits des artistes p. 66).
Les premiers amphithéâtres au sud ont été détruits par un
incendie et reconstruits sur des proportions beaucoup plus
importantes.
(Y. C.)
Le campus de la faculté des Lettres
63
Albert Dupin
Toulouse 1910 - Octon 2005
« Le paysan Dupin, acharné à pousser son
sillon, modeleur de sites, créateur d’espaces… » (Jean-Claude Deshons)
Albert Dupin passe son enfance à Lodève,
suit les cours des Beaux-Arts à Toulouse de
1926 à 1928, se forme à la lithographie puis
travaille pour un atelier d’ébénisterie. A partir de 1931, il s’installe à Lodève, sculpte le
bois, s’essaie à la céramique comme beaucoup d’artistes de son temps et, en 1944, il
réalise sa première sculpture en taille directe. Bien qu’essentiellement sculpteur, il
peint et dessine. Le geste du dessinateur a
pour lui une importance primordiale même
s’il s’en libère à l’exécution. A partir de
1937-1938, il expose à Paris et, en 1945, il
présente ses compositions sculpturales au
Salon d’Automne dont il devient sociétaire.
En 1950 et 1951, il est au premier Salon de
la jeune sculpture au musée Rodin et, en
1954 au Salon de Mai. Dès 1942, il avait côtoyé certains peintres du « groupe Frédéric
Bazille » comme Gabriel Couderc, Camille
Descossy, Georges Dezeuze, Jean Milhau,
mais aussi Gérard Calvet, Pierre Fournel,
Jean-Raymond Bessil. Il est invité ensuite
aux manifestations du groupe « MontpellierSète », rassemblé en 1964 autour de François
Desnoyer et Camille Descossy, associant
d’autres participants comme Maurice-Elie
Sarthou. Ces artistes ont pour point commun
leur enracinement dans la terre méridionale
bien qu’ils ne soient pas de la même famille
esthétique.
A partir de 1962, l’artiste s’intéresse à l’intégration de la sculpture à l’architecture.
Il s’oriente sur des compositions murales
et bas-reliefs non-figuratifs. La grande
muraille dite « cyclopéenne » de l’institut
d’histoire de l’art et d’archéologie, commande publique pour le « 1% artistique »
en 1964, est une de ses œuvres majeures :
composition monumentale de 120 m de long,
non-figurative. Mais celle-ci n’est rien moins
qu’abstraite puisque volontairement faite de
matériaux bruts, terres, pierres volcaniques
et graviers de la région du Salagou. Ces éléments hétérogènes de différentes natures
présentent des aspects irréguliers, incertains, souvent indéterminés : terre cuite,
fragments de minéraux, éclats de céramique émaillée. Ils sont mêlés, noyés dans
le béton par panneaux réalisés en atelier par
l’artiste aidé de son fils Jean-Pierre, pour
être assemblés ensuite par des maçons et
composer une longue façade face à l’espace
naturel préservé avec ses pins et sa pelouse,
le long du bâtiment, protégé par un débord
généreux de toiture et éclairé par les reflets
d’un petit canal.
Il réalise aussi, dès 1964, à la cité Universitaire du Triolet, un mur-sculpture en terre
cuite rythmé de motifs en relief accrochant la
lumière, pour la façade extérieure courbe de la
salle des rencontres (aujourd’hui « Trioletto »).
Autres murs décoratifs et sculptures réalisés
pour le « 1% artistique » :
• Mutuelle du bâtiment à Paris 1966
• Lycée technique Saint-Dié : mur de soutènement (projet 1965, réalisation 1969) en terre
cuite
• Lycée Mermoz à Montpellier (1971, détruit)
• ceg de Port-Vendres (projet 1968, réalisation 1974) en béton
• cet Saint-Jean-de-Védas (1976)
• Lycée mixte de Lodève : fontaine (1973)
• Cité scolaire de Bastia (1975)
• ces Jean Moulin à Sète : sculpture « née de
l’Etang » (1980)
Il crée aussi un ensemble de sculptures pour
l’atrium du bâtiment administratif de la faculté des Sciences, les « Sept signes de vie »
(plots de béton), en 1970.
Albert Dupin s’installe à Octon dès 1957 et
bâtit son atelier où il passe la dernière partie
de sa vie.
64
PORTRAIT - Les artistes
Les artistes - PORTRAIT
Plusieurs de ses œuvres sont conservées dans
les musées de l’Hérault : musée Fleury de Lodève, musée Fabre de Montpellier (qui possède
quelques archives de l’artiste), musée régional
d’art contemporain de Sérignan, Musée PaulValéry à Sète, Fondation Desnoyer à Saint-Cyprien… Plusieurs études universitaires lui sont
consacrées (cf. bibliographie).
(Y. C.)
A gauche, dessin sur calque : études préparatoires pour le décor du mur par A. Dupin.
Ci-desssus, décor mural de terre-cuite de la
résidence universitaire du Triolet par A. Dupin.
Portrait d'Albert Dupin en 1963.
65
Fernand Michel
Le « 1% artistique »
Neuviller-les-Badonviller 1913 - Montpellier 1999
Il commence à travailler dans une usine de
poterie puis devient relieur d’art (« meilleur
ouvrier de France »). Cette activité lui permet
de rencontrer écrivains, poètes et leurs éditeurs et d’illustrer de gravures des recueils
de poésie surréaliste comme Les variations
typographiques de Jean Vodaine sur deux
poèmes de Raymond Queneau. Il entre alors
dans le monde de l’art brut avec Jean Dubuffet et Alphonse Chave ainsi que de nombreux
autres créateurs. La gravure préfigure sa découverte du zinc pour lequel il se passionne.
Il raconte comment, vers 1962, cherchant
des fragments d’objets chargés de pouvoir
évocateur sur une décharge à Palavas-lesFlots, il trouve une plaque de zinc dont les
oxydations lui rappellent certaines de ses
gravures. A partir de là, il réalise des « zingueries », assemblages, souvent de grande
dimension.
Son travail se présente sous deux aspects
très différents. Les paysages sont constitués de plaques de zinc découpées et passées sous la presse du relieur, telles quelles
sans autre intervention, ou bien juxtaposées
pour composer un panorama poétique. Fernand Michel n’utilise aucun oxydant ni colorant car le zinc est « un matériau relativement
poreux qui se chargeait de toutes les oxydations des autres métaux à son contact ainsi
que du calcaire et des macérations du bois
ou des déchets organiques ». Les « pièces
ludiques » sont érotiques, humoristiques et
surréalistes. Elles sont composées à partir d’objets de métal récupérés, détournés,
fragmentés comme ces globes de protection électrique des toitures d’Alsace que
l’artiste utilise pour la représentation de ses
66
baigneuses plantureuses, Vénus callipyges
ou bonnes sœurs… Poète, il accompagne
souvent sa création d’un vers de René Char
ou de Saint-John Perse… Il crée également
un bestiaire inspiré du « Voyage en Grande
Garabagne » en hommage à Henri Michaux.
Ses œuvres sont exposées à la galerie des
Mages d’Alphonse Chave à Vence (haut lieu
de l’art brut dans les années 1960 et 1970), et
au Petit Musée du Bizarre de Candide (alias
Serge Tekielski) à Lavilledieu en Ardèche. Il
participe aux expositions Les Indomptables
de l’art à Besançon en 1986, et Art Brut et
Cie à la Halle Saint-Pierre en 1995-1996.
Son amitié avec l’architecte Jean-Claude
Deshons, président de l’association des
« Amis de Fernand Michel », lui permet d’obtenir la commande, pour le hall d’entrée de
la bibliothèque universitaire de Lettres, d’un
grand panneau mural en coques ou coudes
de zinc ouverts de 5,4 x 3,5 m. Son œuvre
est aussi présente à l’Hôtel de Région, à l’iut
de Montpellier (panneaux muraux d’aluminium, 4 x 3 m, zinc cuivré 2 x 3,5 m) et dans
la collection de La Fabuloserie à Dicy (en
Bourgogne, collection d’Alain Bourbonnais,
œuvres d’autodidactes, « art singulier »
ou « hors-les-normes »). Elle fait l’objet
d’expositions régulières à Castelnau-le-Lez
(arpac, Association Régionale pour la Promotion de L’ Art Contemporain) depuis 1979.
(Y. C.)
PORTRAIT - Les artistes
Portrait de Fernand Michel.
« Paysage » en plaques de zinc compressées, collection particulière.
Les artistes - PORTRAIT
Dès 1951, la volonté politique est de soutenir la création et de sensibiliser le public à
l’art contemporain. Toute nouvelle construction publique doit s’accompagner d’une
commande d’œuvres d’art originales à des
artistes vivants. La règle impose de consacrer un pour cent du coût à des œuvres spécialement conçues pour être intégrées aux
bâtiments ou à leurs abords. Ce dispositif,
limité à l’origine aux bâtiments scolaires
et universitaires, s’applique aujourd’hui à
la plupart des constructions publiques, y
compris des collectivités territoriales. Ainsi,
depuis soixante ans, cette démarche permet
d’ouvrir au public la création artistique dans
son rapport avec l’architecture, en dehors
des institutions réservées.
A Montpellier, le campus de la faculté des
Lettres est conçu comme un véritable objet
architectural et artistique à part entière,
intégrant complètement la création plastique à la construction et à l’aménagement
de l’espace. La commande au titre du « 1%
artistique » fait appel à des noms célèbres
(Victor Vasarely) ou moins connus (Robert
Pillods) ou plus locaux (Fernand Michel ou
Albert Dupin). Ces créations de 1964 à 1966
précèdent celles de la faculté des Sciences,
entre 1969 et 1970 (Albert Dupin, Yaacov
Agam), puis de 1972 à 1974 (tenture de
François Desnoyer, décors muraux d’Yvaral
et colonnes de Pol Bury ; le cadran solaire
de la cour d’honneur, dû à François Rouan
et Pierre Parsus, a malheureusement disparu). Elles sont complétées lors des extensions postérieures à notre programme, dans
les années 1990, à l’Université Paul-Valéry,
par des commandes à Daniel Dezeuze, Rémi
Ucheda, Stephen Marsden et Bertrand Vivin.
67
Robert Pillods
Hérimoncourt 1908 - 1990
Robert Pillods est né rue des usines Peugeot,
où il travaille tout jeune, comme dessinateur
industriel. Adulte, il découvre la peinture régionaliste et fonde une Société des artistes
peintres du pays de Montbéliard où il expose
d’abord ses paysages et portraits, avant de
s’installer comme artiste à Paris en 1951. Il
est présent au Salon des indépendants, au
Salon d’automne, et dans plusieurs galeries
à Paris, Bâle, Casablanca, Barcelone… Evoluant alors vers un dessin plus stylisé, il se
fait connaître pour ses illustrations au fusain
de la Bible (« Images de l’Ancien Testament »
et « Images de l’Evangile ») et d’autres ouvrages. Toujours à la recherche de nouveaux
moyens expressifs, il s’intéresse à Cézanne,
au cubisme et se dirige assez vite vers une
abstraction colorée évoquant le vitrail par la
fragmentation des plans et de la lumière.
La problématique de l’intégration à l’architecture publique, présente dans la technique du
vitrail, le préoccupe et il se consacre ensuite
à des décors monumentaux avec différentes
techniques. C’est principalement dans les
temples ou églises de l’est de la France qu’il
a le plus les moyens de s’exprimer, comme
avec ses dalles de verre, pour l’église protestante d’Ostheim. Celle-ci est reconstruite de
1958 à 1960 par Georges Hirlemann et René
Schmitt. Ce dernier qui le conseille est, par
ailleurs, architecte des bâtiments de France
en Lozère, d’où est originaire l’épouse de l’artiste. Ainsi, nous pouvons admirer dans notre
région quelques œuvres de Pillods comme à
l’oratoire de la maison protestante du Lazaret
à Sète (mur de verre) et à Vialas en Lozère.
Là, en 1960 et 1967, il crée les vitraux des
baies du temple (ancienne église médiévale).
68
Il reçoit une dizaine de commandes publiques
au titre du « 1% artistique », ce qui lui permet
de toucher à d’autres formes d’art comme,
par exemple, à l’école élémentaire Crusem
à Saint-Avold (Moselle), où il conçoit, en
1966, une sculpture en blocs de béton, servant à séparer la cour des garçons de celle
des filles, notamment grâce à son beau-frère,
l’architecte Jean-Louis Rauzier. Ce dernier
est un ami et collègue de Philippe Jaulmes
qui s’adresse à Pillods pour créer un décor
intégré à la faculté des Lettres de Montpellier.
Robert Pillods lui propose alors deux grands
panneaux qu’il désigne sous le terme de
« tapisseries de résine et de dalles de
verre » (il ne souhaite pas les réduire à
l’appellation de vitrail). En effet, le verre est
inséré dans un support de résine polyester
coulée artisanalement par l’artiste. Le relief
et la matière opaque présentent aussi pour
lui un sens graphique. Aussi conçoit-il ses
œuvres également comme des sculptures
en traitant les deux faces de façon complémentaire mais différente, variant l’aspect
des formes et des lumières selon que le
spectateur passe d’un côté ou de l’autre. Ces
panneaux rectangulaires de 2,5 x 3,7 m sont
constitués de neuf modules, incrustés de pavés translucides, dessinant une composition
abstraite indépendante du cloisonnement.
L’un, installé dans le grand hall fermé du
bâtiment administratif, est dans les dominantes rouges ; l’autre, dans les dominantes
bleues, formait un mur-écran dans le passage ouvert sous le bâtiment des licences
(bâtiments B et C) dans l’axe principal de la
faculté. Ce dernier a été déplacé et abrité
à l’étage d’un des nouveaux bâtiments (D).
PORTRAIT - Les artistes
Le panneau intérieur est signé « Pillods » et
porte la marque des Ateliers parisiens Barillet, célèbres depuis les années 1920 (avec
Louis Barillet qui commande la construction
de son immeuble à Robert Mallet-Stevens
et signe entre autres les vitraux art-déco de
la Piscine Molitor à Paris, …). Il s’agit là, en
1966, du successeur, Jean Barillet qui a travaillé avec les plus grands plasticiens du xxe
siècle (Fernand Léger, Le Moal et Bazaine à
Audincourt, Braque à Varengeville-sur-Mer,
Manessier à Hem ou Moutier en Suisse…)31.
Robert Pillods était si attaché à cette œuvre
qu’il s’est montré très affecté par sa dégradation, se proposant même, avant son décès,
de venir la restaurer. Pour lui, l’installation
de l’œuvre n’est pas anodine car il s’intéresse à la perception que le public peut en
avoir selon son mouvement et celui de la
lumière. C’est ce que souligne d’ailleurs
Philippe Jaulmes dans sa recherche du dynamisme de l’art.
(Y. C.)
Grand hall du bâtiment administratif : panneau de pavés de verre coloré de tonalité
chaude.
Portrait de Robert Pillods.
Les artistes - PORTRAIT
69
Victor Vasarely
Pécs (Hongrie) 1906 - Paris 1997
Après s’être intéressé dès 1929 au courant
du Bauhaus ainsi qu’au Muhëly de Budapest,
Vasarely se rapproche du constructivisme.
Réfugié à Paris en 1930, il entame une carrière de graphiste publicitaire. Durant sa
période graphique, le répertoire de base du
cinétisme abstrait est posé, associant les
jeux d’ombre et de lumière avec ceux de la
perspective et des déformations optiques.
En 1940, son œuvre Zebra en fait le père de
l’Op’art (art optique), art abstrait qui lui est
propre, utilisant un vocabulaire restreint de
couleurs et de formes. Il collabore avec son
fils Yvaral (Jean-Pierre Vasarely) et travaille
pour des entreprises comme Renault (dont il
révolutionne le logo en 1972).
Dans le domaine de l’intégration architecturale, il travaille dès 1954 avec l’architecte
Carlos Villanueva à la Cité universitaire de
Caracas au Venezuela puis crée de nombreuses autres œuvres monumentales.
Dans ses réflexions sur les bases fondamentales de l’architecture, il prend en
compte non seulement l’espace mais aussi
les structures et les matériaux, notamment
industriels, réalisant une symbiose entre
l’art et la technique de construction. Il veut
appliquer organiquement l’art à l’architecture,
avec des œuvres réalisées directement dans
le corps de l’édifice. Ses recherches sur le
mouvement se formalisent dans le « Manifeste jaune » : c’est le regard seul qui est
créateur et non la composition. Il y développe aussi le thème de la démocratisation
d’un art social accessible à tous.
Portrait de Victor Vasarely.
Détail de la grille monumentale
de la faculté des Lettres.
Le dessin du sir-ris.
En Languedoc-Roussillon, son œuvre majeure est la grande grille du portail d’entrée
Grille monumentale en 1970.
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PORTRAIT - Les artistes
Le campus de la faculté
PORTRAIT
des Lettres
- Les
Les artistes - PORTRAIT
Le
Les campus
- PORTRAIT
de la faculté des Lettres
de la faculté des Lettres et Sciences humaines de Montpellier. Celle-ci est le résultat
d’une longue maturation de ses expériences,
nourries par ailleurs de l’usage d’éléments
préfabriqués issus de procédés industriels,
permettant la création monumentale. On y
lit sa volonté de suggérer en trompe-l’œil
un relief mouvant, tantôt concave, tantôt convexe, provoquant la participation du
spectateur qui imagine jusqu’au gonflement
induit par la déformation des lignes, créant
des images qui s’échappent du plan pour
suggérer des volumes. Il s’agit d’une longue
structure pivotante en tubulure métallique à
effet cinétique reprenant le thème du sir-ris,
présent de façon récurrente dans de nombreuses œuvres de l’artiste (ce nom fait référence à la brillante Sirius, chère à Vasarely
pour son symbolisme d’étoile double). Ce
motif associe aux cercles des croix et des losanges dans une distorsion des lignes et des
ombres créant une illusion d’optique. Traités
sur un plan en 2 D, les cercles apparaissent
bombés et sont perçus comme tridimensionnels selon le mouvement du spectateur
et les jeux d’éclairage. Cet effet est donné ici
par des barreaux métalliques tordus, plus ou
moins rapprochés, avec une courbure plus
ou moins accentuée. Il faut noter le remarquable travail du ferronnier qui a concrétisé
la vision de Vasarely. Cette œuvre est publiée
dans le catalogue de l’exposition triennale de
Milan en 2007 (« Un plasticien al servizio della
Città ») en parallèle avec la grille-sculpture
cinétique de lames d’aluminium du musée
de Jérusalem exécutée la même année, et
publiée dans la monographie Vasarely (Editions du Griffon).
(Y. C.)
71
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71
Le caractère patrimonial de cette réalisation des années 1960
n’est pas toujours estimé à sa juste valeur, comme la plupart
des constructions de cette époque trop proche encore de ses
premiers usagers. On ignore souvent la qualité de ce cadre
de vie qu’on ne regarde plus, certainement par habitude mais
surtout à cause des nouveaux bâtiments, certes indispensables, mais qui dénaturent la conception architecturale initiale. La densification des espaces et la nécessité de mise aux
normes de sécurité et d’adaptation menacent la pérennité
de cet héritage du siècle dernier. Il importe surtout de faire
changer le regard sur ce passé récent par une valorisation et
une diffusion de la dimension culturelle de ce que l’on peut
qualifier de monument d’art et d’architecture au même titre
que ceux des siècles précédents. Après la labellisation des
cités balnéaires de la Mission Racine sur le littoral languedocien, au titre du « patrimoine du xxe siècle », l’attribution
de cette distinction nationale a été accordée par la commission régionale du patrimoine et des sites (crps) en 2011 à
l’ensemble du programme d’origine de la faculté des Lettres
de Montpellier.
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Le campus de la faculté des Lettres
Le campus de la faculté des Lettres
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Détail du panneau de pavés de
verre coloré de tonalité froide (initialement en mur-écran extérieur
sous les bâtiments B et C, actuellement déposé dans le hall de
l’étage du nouveau bâtiment D).
Notes
1-cf. base Mérimée
http://www.culture.gouv.fr/public/mistral/merimee_fr
Notice n° PA30000041
2-http://www.culture.gouv.fr/public/
mistral/merimee_fr
Notice n° PA34000026
3-http://www.paca.culture.gouv.fr/dossiers/xxeme_label/label.htm
4-Regroupement de métallurgistes français en 1935 l’« entreprise de pose de
tous produits tubulaires », d’abord connue
pour ses échafaudages, dopée par la
reconstruction, connaît un développement
international dans les années 1960.
5-Gérard Cholvy –De la faculté des arts
à l’upv, 1994.
En 2000, le nombre des inscriptions
dépasse les 20 000.
6-Valéry (Paul), « Le problème des musées » (1923), Œuvres, tome II, Pièces
sur l’art, nrf Gallimard, la Pléiade, 1960.
7-Cité p. 12. Servière (Jean-Baptiste),
2009, p.26.
8-Martinez (Jean-Luc). « Les moulages
en plâtre d’après l’antique au musée
du Louvre : une utopie du xixe siècle ».
Les antiques du musée Napoléon. Paris,
rmn, 2004, p 78-82. Jean-Luc Martinez
qui a sauvé avec Emmanuel Schwartz,
conservateur des collections de l’école
des Beaux-Arts de Paris, les moulages
d’après l’antique de Paris (conservés
aujourd’hui aux petites Ecuries de Versailles) a été un ardent défenseur de la
collection de Montpellier en démontrant
avec Lorenz Baumer, professeur d’histoire de l’art antique de l’université de
Berne, son intérêt national et international devant la commission nationale
chargée de statuer sur son classement
au titre des monuments historiques en
2008. La collaboration d’Annick Peyron,
d’Eugénie Tryphonia et de Françoise
Llinas a été très précieuse.
9-Certaines sculptures seront d’ailleurs mises à l’abri pendant la période
tourmentée de mai 68 au musée Fabre
et au musée du Louvre. Archives upv
fond ancien 9fA.
10-Cf. Rapport de la cnmh du 25 novembre 2008. crmh, Drac LanguedocRoussillon.
11-Schwartz (Emmanuel). Montpellier,
1999. Schwartz (Emmanuel). Les sculptures de l’Ecole des Beaux-Arts de Paris.
Histoire, doctrines, catalogue. Paris,
ensba, 2003.
12- Ces moulages sont actuellement en
cours de restauration dans les ateliers
Jean-Loup Bouvier, Les Angles (30).
13-La collection a été classée le 15 janvier 2009. Palouzié (Hélène). Dossier
de protection, crmh, drac LanguedocRoussillon.
14-Des menaces de dispersion ont pesé
sur les moulages à partir de 1985, un
projet élaboré en 2002 proposa le transfert de la collection dans la chapelle de
l’hôpital Saint-Charles.
15-Lorenz Baumer souligne que les collections étrangères comme celles d’Oxford,
Copenhague, Munich, Berlin et Madrid par
exemple sont beaucoup mieux conservées.
16-Didi-Huberman (Georges). L’empreinte. Catalogue d’exposition. Paris,
Centre Georges Pompidou, 1997.
17-Palouzié (Hélène). Monumental, 2011,
p. 24-26. Palouzié (Hélène). Felice Fontana et l’aventure des cires anatomiques
de Florence à Montpellier. Collection
Duo, drac Languedoc-Roussillon, 2010.
Comar (Philippe). Figures du corps. Une
leçon d’anatomie à l’Ecole des Beaux-Arts.
Paris, les éditions des Beaux-Arts, 2008.
18-Goethe (Johann Wolfgang von). Italienische Reise, 1829. Voyage en Italie.
Paris, Bartillat, 2003.
19-Palouzié (Hélène). In Situ 2011
http://insitu.revues.org/940.
20-Ce programme a été engagé par Didier Deschamps, directeur régional des
affaires culturelles et Robert Jourdan,
conservateur régional des monuments
historiques avec Anne Fraïsse, présidente de l’université Montpellier III.
21-Je remercie Pascale Roumegoux ;
le texte qui suit sur les techniques de
restauration des plâtres est extrait de
son rapport de restauration.
22-Inventaire informatisé réalisé par
la crmh en collaboration avec l’équipe
universitaire sur la Base-Objet de la
drac, réunissant les données historiques, sanitaires, techniques et photographiques des œuvres.
23-Les plans de situation des œuvres et
relevés topographiques ont été réalisés
par l’Ecole d’Architecture de Montpellier ; des panoramiques et « fresques
murales » ont été effectués par Denis
Gliksman, collaborateur de Michel Berthelot-umr cnrs/mcc 694 map.
24-Il a été réalisé en 2008-2009 par
Anthony Quatreveau et Pascale Roumegoux sur l’ensemble de la collection.
Il comprend, pour chacun des 718 éléments, un descriptif technique, l’état
sanitaire (constat d’état avec photos des
altérations particulières), et prend en
compte les contraintes liées à la manipulation, la dépose, le stockage et la
repose. Sont aussi mentionnées les restaurations des moulages le nécessitant.
25-Ce film en cours de montage
Christian Llinas retrace l’histoire
musée est réalisé par Luc Bazin
partenariat avec le Conseil général
l’Hérault.
où
du
en
de
26-Je rends ici hommage au dévouement de François Pelissier de l’Université qui a pris en charge de façon exemplaire l’aspect administratif et financier
du dossier de restauration. Le coût de
restauration des sculptures s’est élevé
à 84 162, 52 euros, financé à hauteur de
40 000 euros par la drac.
27-Composition de l’équipe de restaurateurs : Anthony Quatreveau, Hélène
Gruau, Hélène Bluzat, Jeanne Thibau-
deau, Emmanuel Sédille, Delphine
Bienvenut, Laure Chavanne, Rodolphe
Lambert et Anna Kisselinskaïa. Cf. Le
plâtre l’art et la matière. Colloque octobre 2000,Cergy-Pontoise. Paris, 2001.
28-Rosa Plana, professeur Art et Archéologie classique en charge du musée,
résume dans la revue In situ les actions de
valorisation de cette collection d’exception
réalisées en collaboration avec différentes
institutions : musée Fabre, musée Lattara,
drac, frac, etc.
In Situ 2011 http://insitu.revues.org/880.
29-Revue « Carré Bleu », créée en
1958 par le groupe ciam de Helsinki
(congrès internationaux d’architecture
moderne).
30-Issu du modernisme, le brutalisme
des années 1950-1970 est inspiré de Le
Corbusier qui emploie le terme «brut»,
pour son matériau préféré le béton brut
de décoffrage, gris et homogène, ni
poli, peint, enduit ou décoré autrement
que par les empreintes des veines du
bois des planches de coffrage où il a
été coulé. Les formes des éléments
constructifs sont géométriques, droites
et répétitives.
31-Véronique David Paris-Sorbonne ;
Jean-françois Archieri et Claire Nebout
- Atelier Louis Barillet, maître verrier.
Editions alternatives, Paris 2005.
Bibliographie et sources
Architecture du xxe siècle
Sur le musée des moulages
Jullian (René), Histoire de l’architecture moderne en France de 1889 à
nos jours : un siècle de modernité, Philippe Sers, Paris, 1984.
Castets (Ferdinand), Catalogue du musée des moulages. Montpellier, 1890.
Monnier (Gérard) (dir.) et Abram (Joseph), L’architecture moderne en
France, du chaos à la croissance 1940-1966, Picard, Paris, 1999.
Fliche (Augustin). « La collection Didelot au musée de sculpture
comparée de la faculté des Lettres de Montpellier », Congrés
archéologique de France, CVIII session, Montpellier, 1950.
Toulier (Bernard), Architecture et patrimoine du xxe siècle en France,
Editions du Patrimoine, Paris, 1999.
Ministère de la culture et de la communication :
http://www.patrimoine-xx.culture.gouv.fr/
Architecture scolaire et universitaire
Châtelet (Anne-Marie) et Le Cœur (Marc) (dir.), « L’architecture
scolaire, essai d’historiographie internationale », Service d’histoire de
l’éducation, Revue d’histoire de l’éducation, 102, mai 2004 ; Institut
national de recherche pédagogique, Lyon, 2004.
Delanes (Sabine), L’architecture universitaire en France, des années de
croissance aux temps de crise (1960-1980), Labyrinthe, Maisonneuve et
Larose, Paris, 1999.
Hottin (Christian), « L’Architecture universitaire des Trente
glorieuses ». in « Universités et grandes écoles à Paris. Les palais de
la Science », aavp, 1999.
Merlin (Pierre), L’urbanisme universitaire en France et à l’étranger,
Presses école nationale des ponts et chaussées, Paris, 1995.
Moger (Danielle) et Dufrêne (Thierry) (dir.), Art, architecture, université,
le 1 % culturel à travers les constructions universitaires, Actes des
journées d’étude nationales, Grenoble, 16 et 17 juin 1994, textes réunis
par Fabienne Chancrin ; Presses du Réel, Dijon, 1995.
Poirrier (Philippe) (dir.), Paysages des campus : Urbanisme, architecture et
patrimoine, Col. U-culture(s) ; Editions universitaires de Dijon, Dijon, 2009.
Valeix (Danièle), sous la direction de Bloc (André), « Ecoles,
Universités » in L’architecture d’aujourd’hui, n°123, décembre 1965,
janvier 1966.
Valeix (Danièle), L’architecture française, 1965, n° double 275-276.
Joubin (André), Guide au musée de moulages. Montpellier, 1904.
Llinas (Christian) et Robin (Françoise), Musée des moulages, guide
illustré. Montpellier, 1991.
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1997. Montpellier, 1999.
Martinez (Jean-Luc). « Les moulages en plâtre d’après l’antique au
musée du Louvre : une utopie du xixe siècle ». Les antiques du musée
Napoléon. Paris, r.m.n., 2004, p 78-82.
Morinière (Soline), Le musée des moulages de la faculté des Lettres
de Montpellier. Origine et développement d’une collection universitaire
(1890-1904). Mémoire de l’Ecole du Louvre, 2010.
Palouzié (Hélène). Dossier de protection, crmh, drac LanguedocRoussillon, 2010.
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la protection Monument historique, un outil de conservation », in
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Monuments nationaux, 2011.
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et reconnaissance des collections de l’Université de Montpellier »,
Revue In Situ, 17 | 2011 ; http://insitu.revues.org/940
Plana-Mallart (Rosa) en collaboration avec Géraldine Mallet, « Le
projet de rénovation et de valorisation du musée des moulages et
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Griffon, Neufchatel, 1965, sq.
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association « art+université+culture » : http://www.auc.asso.fr/
Sbriglio (Jacques), Marseille, 1945-1993. Collaboration Marie-Hélène
Biget, Ed. Parenthèses, Marseille, 1993.
Philippe Jaulmes et le Panrama
Dossier « l’Héritage Deferre » in Marseille Hebdo du 4 mai 2011,
interview par Alexandra Cefai, Laurence Mildonian…
Jaulmes (Philippe), Cinéma, temps et espace, introduction au Panrama,
procédé de cinéma total. préf. Abel Gance, Presse Causse et Castelnau
imprimeurs, Montpellier, chez l’auteur, 1964.
Archives départementales des Bouches-du-Rhône : fonds René Egger
65 J 1-533 (274, 296 et 335).
Ecole supérieure des Beaux-arts de Marseille ; exposition « 40 ans
d’art et d’architecture à Luminy », 2008
http://www.esbam.fr/actuel/actus/ans40_2.htm
http://www.paca.culture.gouv.fr/dossiers/xxeme_label/present.htm
Sur les plasticiens
Allamel (Frédéric), Imaginaires zincifères, variations autour d’un artistezingueur Fernand Michel, adabs, Montpellier, 2011.
Arradon (Monique), Vasarely (Victor), « Vasarely : un plasticien dans la
cité », La nouvelle critique, n°45, Librairie nouvelle, 1971.
Chatelet (Laurence), Albert Dupin, sculpteur, mémoire de maîtrise upv
Montpellier 1989.
Handel-Clémentin (Nathalie), Le 1% à Montpellier, université PaulValéry, université des Sciences et techniques du Languedoc, étude dea
histoire de l’art, upv Montpellier 1997.
Handel-Clémentin (Nathalie), Fernand Michel, artiste zingueur. étude
dea histoire de l’art, upv Montpellier 1997.
Müller (Marc), « Robert Pillods, artiste peintre. » in Bulletin de la
société d’émulation de Montbéliard, n°120, Montbéliard, 1997.
Jaulmes (Philippe), L’écran total, pour un cinéma sphérique. Paris,
Lherminier, 1981
http://www.cinemed.tm.fr/UserFiles/File/Panrama.pdf
http://www.panrama.fr/index1.html
Jaulmes (Philippe), Le cinéma hémisphérique, naissance d’un cinéma
grandeur nature, le Panrama, éditions avl Diffusion, 2010.
Ouvrage publié par la Direction
régionale des affaires culturelles
(drac) du Languedoc-Roussillon
Conservation régionale des
monuments historiques (crmh)
5, rue de la Salle l’Evêque
cs 49020
34967 Montpellier Cedex 2
Tél. 04 67 02 32 00 / Fax 04 67 02 32 04
Directeur de la publication
Didier Deschamps, directeur régional
des affaires culturelles
Rédacteur en chef
Delphine Christophe, conservateur
régional des monuments historiques
Coordination éditoriale
Jackie Estimbre, chargée de la
valorisation du patrimoine, crmh
Chargée de la diffusion
Sylvie Philippo [email protected]
Tél. 04 67 02 32 61
Conception graphique et réalisation
Charlotte Devanz
Photogravure et impression
Pure impression, Mauguio (34)
Achevé d’imprimer
Juin 2012
Dépôt légal
Juin 2012
isbn
: 978-2-11-129535-3
© Tous droits réservés
drac Languedoc-Roussillon
Crédits photographiques
Les illustrations sont de Y. Comte, à l’exception de, avec l’aimable
autorisation des auteurs :
Archives départementales de l’Hérault, p. 17, 32, 60-61 haut.
Archives upv, p. 15, 21, 24, 27, 28, 30-31, 50, 55, 60, 70 bas.
Archives de l’um II, p. 25
Josette Clier, p. 12.
William Davies, p. 63
Gérard Detaille, association des amis du patrimoine médical de
Marseille, faculté de Médecine de Marseille, p. 44.
Michel Descossy, p. 49
Jean-Pierre Dupin, p. 65 bas.
Fondation Vasarely, p. 70 portrait.
Gérarld Grégori, Institut Méditerranéen d’Océanologie de Marseille, p. 45.
Olivier Juteau, p. 69 bas.
Illinois Institut of Technlogy, Chicago (http//:chuckmanchicagonostalgia.
wordpress.com), p. 18.
Géoportail, p.19.
Hélène Palouzié, p. 35, 37, 38 gauche, 43.
Princeton University, p. 16.
Pierre Ramond, p. 67 haut.
Jérôme Rizzo, service Communication, Université Montpellier III, p.4,
34, 36, 38 droite, 39, 40 , 41, p. 57, 62, 69 haut.
Pascale Roumegoux, p. 42.
Remerciements
René Egger et Philippe Jaulmes, les architectes,
Pascal Gratias et Sarah Asensi de la direction de logistique immobilière
de l’upv,
Jérôme Rizzo pour ses photographies de l’upv,
Thierry Lochard, Martine Parisot,
Jean-Baptiste Servière,
Michel Descossy pour son cliché de J.-C. Deshons et d’A. Dupin,
Aline Dupin-Vidal et Céline Ramio, Nathalie Handel-Clementin, sur
A. Dupin,
Pierre Vasarely sur V. Vasarely,
Patrick et Denys Michel et Henri-Michel Morat (arpac) sur F. Michel
Marie-Hélène Manent sur Jean-Claude Deshons
Olivier Juteau sur R. Pillods,
ainsi que, pour le musée des moulages : Annick Peyron, Françoise
Llinas, Jean-Luc Martinez, Lorenz Baumer, Stefan Schmid, Robert
Jourdan, Olivier Poisson, Christian Bonnefous, Roch Payet, Michel
Berthelot, Pascale Roumegoux, Rosa Plana, Françoise Robin,
Géraldine Mallet, Luc Bazin et Fabienne Tuset.
In Memoriam
A Christian Llinas, François Pelissier, Jean-Claude Deshons et Paul
Bouthier.
duo
monuments
Créée par la direction régionale des affaires culturelles du
Languedoc-Roussillon (conservation régionale des monuments
historiques), la collection « Duo »
propose au public de découvrir
des chantiers de restauration du
patrimoine monumental et mobilier, des édifices labellisés
« Patrimoine du xxe siècle » ou
encore des immeubles et objets
d’art protégés au titre des monuments historiques, dans l’ensemble de la région.
objets
Le campus de la faculté
des Lettres et Sciences humaines
de Montpellier
Signé de l’architecte marseillais René Egger et des
deux architectes montpelliérains Jean-Claude Deshons et Philippe Jaulmes, le campus de la faculté
des Lettres et Sciences humaines de Montpellier
(Université Paul-Valéry Montpellier III) est la création la plus aboutie des constructions universitaires
de Montpellier des années 1960. Architecte conseil
de l’Education nationale, auteur de nombreux programmes scolaires et universitaires remarquables,
René Egger réalise ici un modèle de campus à
l’écart du centre ancien, se justifiant par le besoin
de larges espaces. Après les barres géométriques
évoquant les grands ensembles des bâtiments de
Sciences, la faculté des Lettres témoigne de solutions nouvelles plus esthétiques dans la distribution
harmonieuse des masses et des vides, les axes de
circulation et la mise en œuvre monumentale de la
création artistique intégrée (« 1% culturel ») associant architectes et artistes. Victor Vasarely et l’Opart cinétique sont représentés ici par la grande
grille d’entrée de la faculté des Lettres. Des artistes
locaux interviennent aussi, notamment Albert Dupin avec le mur dit « cyclopéen » des bâtiments
d’art et d’archéologie abritant la collection de moulages classée aujourd’hui au titre des monuments
historiques. Ce campus a été labellisé « Patrimoine
du xxe siècle » le 22 mars 2011.
Direction régionale des affaires culturelles du Languedoc-Roussillon (drac-l.-r.)
Diffusion gratuite - Ne peut être vendu
isbn : 978-2-11-129535-3
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