2.3 – PEUT-ON METTRE EN PLACE UNE POLITIQUE DU DEVELOPPEMENT DURABLE ? A – La nécessité d’une politique climatique a) – Les insuffisances du marché rendent l’intervention de l’Etat nécessaire. 1. Depuis la métaphore de la main invisible d'Adam Smith, la théorie économique libérale a forgé peu à peu le dogme de l'efficience des marchés. Sur ces derniers, les individus parfaitement rationnels et disposant de toute l'information sont en mesure d'exprimer leurs préférences, tandis que, en face, les entreprises évoluant dans un cadre de concurrence parfaite fournissent au meilleur prix, pour elles-mêmes et les demandeurs, tous les biens et services souhaités. Le prix de marché est sensé réguler parfaitement les activités économiques des agents (producteurs et des consommateurs) car c’est la seule information qu’ils retiennent pour prendre leur décision. 2. Pourtant, la crise climatique révèle l'incapacité du marché à mettre en place des régulations écologiques à la hauteur des dérèglements actuels. Le réchauffement climatique, qui se traduit par une élévation progressive des températures sur terre, est un bon exemple de la défaillance du marché. Ce réchauffement est dû en grande 2 partie aux activités humaines qui accélèrent les émissions de CO et d’autres gaz à effet de serre. Il a des effets négatifs à la fois sur l’environnement (fonte des glaciers, élévation du niveau des mers, désertification, cyclones), sur le bien-être des populations (pénuries alimentaires, stress hydrique, maladies, réfugiés climatiques) et sur l’économie (coût énergétique de la climatisation, coût de la pollution, coûts sociaux des maladies…). Dans ce cas, le marché échoue dans l’allocation optimale des ressources pour deux raisons : ère 1 raison : Le prix de marché n’intègre pas les externalités positives ou négatives provoquées par les activités des agents économiques. Un agent économique crée un « effet externe » lorsqu'il procure à autrui par son activité un gain ou une perte sans compensation monétaire. L'externalité est négative si elle entraîne des coûts supplémentaires pour ceux qui la subissent et non pour celui qui en est à l’origine. Ainsi, une entreprise chimique A peut décider de son niveau de production et de ses tarifs sans tenir compte des conséquences pour les riverains des produits polluants qu'elle déverse dans la rivière proche, parce que le coût de cette pollution ne lui est pas imputé. Ce sont les associations de pêcheurs ou les autorités municipales ou une entreprise C qui vont prendre en charge la dépollution de la rivière car ils ont besoin d’une eau propre. L'externalité est positive lorsqu’elle se traduit par un enrichissement sans frais pour les agents qui en bénéficient. Ainsi, l’apiculteur, qui entretient ses ruches d’abeilles, contribue à enrichir sans le vouloir l’arboriculteur car ses abeilles pollinisent les arbres fruitiers. Il assume pourtant tout seul le coût de cet entretient alors que l’arboriculteur profite de la gratuité du service. Le prix des fruits n’intègre pas l’externalité positive procurée par les abeilles. Dans tous les cas, les externalités ne sont pas incluses dans le prix de marché, ce qui n'incite pas les agents économiques à modifier leur comportement. Si un agent crée une externalité positive, il n'en sera pas récompensé et aura donc tendance à sous-produire (les transports publics en ville peuvent ne pas être rentables. Ils seront donc insuffisants alors qu’ils offrent un service très utile à la collectivité en 2 réduisant les émissions de CO ). Inversement, en cas d'externalité négative, il y n'y aura pas de frein à l'activité (l’usage de la voiture privée engendre des coûts sociaux énormes qui ne sont pas payés directement par les automobilistes). Le prix de marché ne reflète donc pas les vrais coûts de production. Si le calcul économique des agents intégrait le coût total de leur activité (coûts privés + coûts sociaux) ils seraient amenés à modifier leur activité. ème 2 raison : un certain nombre de biens et de services échappent au marché. A partir de deux critères, on peut distinguer différents types de biens et de services : Le critère d’exclusion : peut-on ou non exclure une personne de l’usage du bien ? L’accès à l’air est accessible à tout le monde ; l’accès au pétrole est réservé à celui qui a payé une concession d’exploitation ; la jouissance d’un paysage est donnée à tous tant qu’il ne s’agit pas d’un parc naturel fermé… Le critère de rivalité : la consommation du bien ou du service interdit-elle la consommation par un autre ? le fait de respirer n’interdit pas à un autre de le faire ; une route peut être utilisée par plusieurs personnes à la fois tant qu’il n’y a pas encombrement ; une pomme ne peut être consommée deux fois… Rivalité (ou divisibilité) Non rivalité (ou indivisibilité) Exclusion Biens privés = Pétrole, terre, mine, automobile, vêtement,… Biens de club = Parc naturel payant, garderie, pêche réglementée, piste de ski, domaine de chasse, … Non exclusion Biens communs (ou biens libres) = ressources en poissons, usage de la forêt domaniale, climat, terrain communal… Biens (ou services) collectifs purs = Couche d’ozone, oxygène, éclairage public, connaissances,… Un bien collectif pur : Paul A. Samuelson a défini en 1954 un bien collectif par deux critères: on ne peut exclure personne de son usage, et l'usage par un individu n'empêche pas celui d'un autre. Les exemples les plus souvent donnés sont celui du phare ou celui de l'éclairage sur la voie publique. La couche d'ozone est également un bien collectif pur. Elle a pour effet d'absorber la plus grande partie du rayonnement solaire ultraviolet, qui est dangereux pour les organismes vivants et joue donc un rôle protecteur pour les êtres vivants. Elle n’appartient à personne et bénéficie à tous. Ses services ne peuvent donc être vendus et aucun bénéficiaire n’est prêt à en payer un prix éventuel. Le marché est donc inopérant pour la protéger. Un bien commun : il est caractérisé par la rivalité et la non-exclusion. La pêche en haute mer est accessible à tous les bateaux (non exclusion) mais les poissons pêchés par un bateau ne peuvent être capturés par les autres bateaux (rivalité). Le climat a aussi la nature d’un « bien commun », en ce sens qu’il n’est pas exclusif puisque sa dégradation touche, bien que de manière différenciée, tous les habitants de la planète, et qu’il est rival dans la mesure où ses dérèglements sont la résultante de l’accumulation de gaz à effet de serre, elle-même fruit des actions individuelles. Or, selon Garrett Harding, lorsqu'une ressource est en libre accès, chaque utilisateur est conduit spontanément à y puiser sans limite, poussant à sa disparition. C’est la « tragédie des communs » (1968). Si les pêcheurs ne sont pas spontanément poussés à la coopération pour sauvegarder la ressource, ils ont tous tendance à se comporter en « passagers clandestins » en bénéficiant de la ressource sans en payer le prix de sa disparition. Un bien de club ou bien mixte : dans ce cas, un droit de propriété a été donné à l’usage de la ressource dont la consommation est collective. Le droit de propriété est un droit exclusif et absolu d’utiliser le bien approprié (usus), d’en percevoir les revenus induits (fructus), d’en disposer totalement et de le transmettre (abusus), ce qui permet de faire payer un péage ou un droit de passage qui ne correspond pas au prix du marché concurrentiel puisqu’il s’agit d’un prix de monopole. En donnant ce droit de propriété, on évite le gaspillage de la ressource. C’est le cas d’une réserve naturelle qui doit être entretenue pour continuer à attirer les touristes. Mais, dans ce cas, tout nouveau visiteur a un coût marginal nul ce qui empêche la fixation d’un prix de marché. Cependant, le fait que le marché ne permet pas de répartir de façon optimale une partie des ressources naturelles entre les différents agents économiques ne signifie pas que c’est toujours à l’Etat de s’en charger. Jean-Marie Harribey introduit une troisième dimension dans la distinction des biens à partir du critère public/privé : Un bien collectif pur n’est pas forcément un bien public, c’est-à-dire offert gratuitement par une administration publique. Ainsi, une fondation privée qui gère un parc naturel ouvert à tous, offre un bien collectif, qui n’est pas pour autant un bien public. De même un bien public n’est pas toujours un bien collectif. L’école et la santé peuvent faire l’objet d’exclusion et de divisibilité (il existe des écoles privées) mais, par choix politique l’Etat a décidé de prendre en charge ces biens privés. 3. En conclusion, le statut des biens composant le capital naturel est divers et susceptible de changement selon l’évolution des techniques et des choix politiques. A l'origine, l'eau était un bien commun (pas d’exclusion mais rivalité), mais sa raréfaction, mal prise en compte par le marché, peut la transformer en bien privé (concession à des entreprises privées) ou en biens publics (régie municipale). La défaillance du marché peut conduire à un épuisement et à la dégradation d’un certain nombre de ressources naturelles. Elle peut justifier une politique climatique menée par l’Etat pour limiter le réchauffement de la planète et combattre ses effets négatifs. b) – Les instruments de la politique climatique 1. Les instruments économiques permettant à l’Etat de gérer la question climatique sont de deux types : au delà de l'information donnée au public, on dispose de la contrainte réglementaire et de l'incitation par le "signal prix", qui consiste à introduire dans le prix des produits le coût des externalités négatives ou l'avantage d'une externalité positive. Dans ce dernier cas, on suppose que les agents réagissent et adoptent leur comportement uniquement à partir du prix du produit. 2. La réglementation : Il s’agit alors pour les pouvoirs publics d’établir des règles qui encadrent une activité économique ainsi que les sanctions nécessaires à leur respect par les agents économiques . La loi peut imposer des normes techniques contraignantes et écologiquement responsables. On peut distinguer plusieurs types de normes : Les normes d’émission consistent en un plafond maximal d’émission qui ne doit pas être dépassé sous peine de sanctions administratives, pénales ou financières ; ce plafond peut être nul si pollution très menaçante. On peut donner comme exemple les normes européennes d’émission de polluants pour les véhicules routiers, les normes d’émission pour les usines d’incinération en Suède… Les normes de procédé imposent aux agents l’usage d’un certain nombre d’équipements empêchant la pollution ou dépolluants : l’obligation de recycler les déchets dans des usines de recyclage, les pots d’échappement catalytiques pour les voitures, les stations d’épuration des eaux usées… Les normes de produit imposent certaines caractéristiques aux produits : interdiction des ampoules à incandescence, limitation du phosphate dans certaines lessives, l’obligation de fournir des emballages recyclables, interdiction des gaz CFC dans les bombes aérosols, interdiction des OGM… Enfin il existe des normes de qualité (qualité de l’air, qualité de l’eau qui implique la définition du taux de nitrate contenu dans l’eau potable, etc.) qui doivent faire l’objet de contrôles et de mesure appropriées en cas de dépassement de la norme (par exemple limitations de circulation automobile en cas de pollution à l’ozone, interdiction de la baignade en cas de pollution maritime ou fluviale, etc.). La réglementation donne des résultats dans la lutte contre des pollutions précises et dangereuses. Ainsi, la réglementation sévère de la Suède en matière de recyclage des déchets a obligé les industriels à investir dans des solutions innovantes qui ont mis fin aux décharges (99% des déchets sont traités) tout en valorisant les déchets (chauffage urbain, production d’électricité, de compost…) dont le retraitement est devenu une activité rentable. L’Etat peut, par sa réglementation favoriser l’émergence d’une « économie verte ». De même, l’interdiction des CFC dans les bombes aérosols, prévue par la convention de Montréal, afin de diminuer le trou dans la couche d’ozone, a permis de remplacer ce gaz nocif par des produits substituts sans effet sur le réchauffement climatique. 3. Les politiques incitatives consistent à internaliser les externalités positives ou négatives dans le prix de marché afin d’obliger les agents économiques à modifier leurs comportement. Dans le cas des externalités négatives, il s’agit alors de faire en sorte que les coûts privés supportés par les producteurs d’externalités incluent les coûts sociaux, c’est-à-dire les dommages et désutilités subis par les autres agents. Dans le cas des externalités positives, il s’agit de récompenser par une baisse du prix celui qui fournit gratuitement un avantage aux autres. Deux instruments peuvent être mobilisés pour cette internalisation des coûts sociaux : les taxes ou les subventions environnementales, qui corrigent les prix des marchés existants et les marchés de « droits d’émission », qui permettent de faire émerger de manière décentralisée un prix des émissions. Ces deux instruments sont issus des travaux respectifs d’Arthur Cecil Pigou et de Ronald Coase. La subvention consiste, pour l’Etat, à prendre à sa charge une partie du coût de production afin de rendre l’utilisation du produit moins cher et de le rendre compétitif par rapport à l’utilisation d’autres produits plus polluants. Elle doit inciter les agents économiques à s’orienter vers une solution plus respectueuse de l’environnement. Ainsi, le bonus/malus sur le prix d’achat d’une automobile en France vise à récompenser, via un bonus (de 200 à 7000€ pour les véhicules émettant moins de 105 grammes par km 2 2 de CO en 2013), les acquéreurs de voitures neuves émettant le moins de CO , et à pénaliser, via un malus (de 100 à 6000€ pour les voitures émettant plus de 136g/km), ceux qui optent pour les modèles les plus polluants. Cela a eu l’effet d’augmenter les ventes de véhicules moins polluants au détriment des grosses berlines et des 4 x 4 tout en incitant les producteurs à développer les véhicules électriques et hybrides moins polluants. De même, en fixant le prix des transports en commun à 1€ quelque soit la distance parcourue dans le département des Alpes-Maritimes, on incite les automobilistes à abandonner leur véhicule au profit des transports collectifs à condition que l’offre de ce moyen de transport soit suffisant. La taxation consiste à augmenter le prix du produit par le biais d’une taxe afin de révéler le vrai coût de sa production à l’acheteur (coûts privés + coûts sociaux). Arthur Cecil Pigou (1877-1955) propose en 1920 l’établissement de taxes imputables au pollueur. On parle ordinairement d’écotaxes et de principe « pollueur/payeur ». La taxe carbone fixe un prix au carbone mais pas un volume d’émission à ne pas dépasser. Ainsi, la mise en place en 1991 d’une taxe carbone en Suède (d’abord fixé à 31€ par tonne de 2 CO , le taux atteint aujourd’hui 117€), qui augmente le prix des combustibles fossiles (charbon, gaz, pétrole), a incité les suédois à réduire leur consommation énergétique et à trouver des moyens de 2 transport ou de chauffage alternatifs. Les émissions de CO ont ainsi pu être réduites de 9% alors que la croissance augmentait de 50% entre 1991 et 2008. La taxe présente de nombreux avantages : À court terme, le producteur et le consommateur sont incités à réduire leurs émissions polluantes. À moyen et long terme, ils sont encouragés à utiliser des technologies de production moins polluantes pour minimiser le paiement de la taxe et à innover. Le mécanisme incitatif sous-jacent à la taxe carbone est le suivant. Supposons que le taux de la taxe soit de 20 euros par tonne de 2 CO . Si un agent économique doit s’acquitter de la taxe, il a intérêt à effectuer tous les investissements possibles (changement de technologies, sources d’énergies alternatives, etc.) 2 qui lui coûtent moins de 20 euros par tonne de CO évitée. Il économise ainsi la différence entre la taxe qu’il aurait dû payer sans ces investissements et le coût de l’investissement. Les agents 2 économiques qui vont continuer à émettre du CO sont ceux pour lesquels le coût de réduction 2 2 d’une tonne de CO est supérieur au coût de la taxe, soit 20 euros par tonne de CO . Le prélèvement d’une nouvelle taxe se traduit par de nouvelles recettes fiscales que les pouvoirs publics pourront affecter à la réparation, au moins partielle, des dommages causés. Ils peuvent aussi affecter une part de ces recettes à la réduction de la pression fiscale sur d’autres facteurs, notamment le travail, auquel cas l’emploi s’en trouvera stimulé : on parle alors de « double dividende ». Evolution des recettes fiscales en Euros 2012 pour une taxe passant de 20€ à 200€ entre 2012 et 2050 Dans la mise en œuvre d’une taxe, les pouvoirs publics ont donc une triple tâche : en fixer le niveau, en organiser la collecte et décider de l’affectation du produit collecté. L’incitation à réduire le volume de production ou à investir pour supprimer ou réduire les émissions nocives sera d’autant plus forte que le niveau de la taxe sera élevé. Elle doit au moins couvrir l’importance des dommages. En France, le projet de « taxe carbone » ou « contribution climat énergie », initié par les concertations de 2007 dites du « Grenelle de l’environnement », répondait à cette logique : associée à l’émission de gaz à effet de serre, cette fiscalité devait concerner les particuliers et les entreprises n’étant pas déjà soumises au marché européen de quotas d’émission, le principe adopté étant celui d’une imposition proportionnelle à la consommation d’énergies fossiles. La loi votée a finalement été censurée par le Conseil constitutionnel puis abandonnée. Le marché des droits à polluer ou des quotas d’émission : Ronald Coase (1910- ) publie en 1960 « The problem of social cost ». Pour cet auteur, la redéfinition des droits de propriété privée, notamment par l’institution de « droits d’émission » et la création d’un marché de ces droits, peut se substituer avantageusement à l’établissement d’écotaxes. Ce marché est établir selon les principes suivants : Le volume total d’émissions autorisées est fixé par les pouvoirs publics, qui distribuent ces « quotas d’émission » aux agents émetteurs, selon des modalités – gratuité ou vente aux enchères – qui n’ont aucune incidence sur les incitations. Autrement dit, on donne à chaque pays ou à chaque entreprise un droit à polluer qu’ils ne doivent pas dépasser sous peine de payer des amendes dont le coût est supérieur au droit à polluer. Un marché va être créé sur lequel vont s’échanger des « droits à polluer » ou des quotas d’émission. Les demandeurs sont ceux qui polluent trop et dépassent leurs quotas. Ils doivent 2 donc acheter des droits à ceux qui en disposent (les offreurs) parce que leurs émissions de CO sont inférieures aux quotas alloués. Le prix du carbone va donc être fixé à la rencontre de l’offre et de la demande de quotas. Moins les entreprises font un effort pour réduire leurs émissions et plus la demande de quotas va être forte ce qui va faire grimper le prix. Un tel système fixe un plafond pour les émissions, en revanche, il ne fixe pas a priori un prix qui est déterminé par l’offre et la demande de permis sur le marché. Le prix du quota dépend avant tout de la quantité de quotas émise par l'entité publique c'est-àdire du niveau du plafond fixé : moins elle distribue de quotas par rapport aux émissions, plus les émetteurs de carbone doivent réduire leurs émissions ou acheter des quotas. Le prix reflète ainsi le degré d'ambition de la politique climatique. Actuellement il existe deux principaux marchés du carbone : le marché international entre États organisé par le protocole de Kyoto (MDP), le marché européen, ou système communautaire d'échange de quotas d'émission (SCEQE), qui couvre les grandes entreprises des secteurs de l'industrie et de l'énergie de l'Union européenne. Objectif européen : réduire les émissions des 12 000 installations couvertes de 21 % en 2020 par rapport au niveau de 2005. Les chinois viennent, en 2012, d’adopter le principe du marché des quotas d’émission. Cette méthode devrait avoir deux avantages : Les pollueurs sont incités à réduire leur pollution sinon ils vont avoir des coûts de production trop élevés et ils vont perdre leur compétitivité et leurs parts de marché. Ainsi, la création d’un marché aux Etats-Unis, en 1990, sur les émissions d’oxyde de soufre et d’azote a permis de diminuer sensiblement ces émissions car les entreprises ont innové et se sont équipées en matériel moins polluant pour se couvrir contre le risque d’une hausse du prix du carbone. D’autre part, dans le cadre du mécanisme pour un développement propre (MDP), les pays en développement qui sont peu pollueur, vont pouvoir recevoir des capitaux de la part des pays développés qui ont besoin de droit à polluer ce qui pourrait les aider à se développer. Développement durable Techniques économes et alternatives Politiques de développement durable Réglementations Taxation des externalités négatives Subventions des externalités positives Marché des droits à polluer Signal prix Incitation à réduire ses émissions de CO 2 4. Ces différents instruments sont donc complémentaires car les uns agissent sur les volumes d’émissions et les autres sur les prix. On notera également qu’il est possible de réduire les émissions de CO2 à travers d’autres instruments qui ne se limitent pas à la seule politique environnementale. Ainsi, des politiques industrielles et/ou 2 des politiques d’innovation peuvent aussi contribuer à réduire les émissions de CO . L’Etat, par l’intermédiaire des dépenses publiques de recherche, de crédit d’impôt (incitations fiscales) et de subventions peut aider au développement des technologies propres. B – Les difficultés de mise en œuvre des politiques climatiques a) – Les limites des politiques climatiques 1. Les limites de la réglementation : Tout d’abord, la norme technique est difficile à définir. Quel est le niveau de pollution acceptable pour un développement durable ? L’un des arguments le plus souvent avancé concerne la question de la collecte de l’information par les décideurs. Cette collecte est difficile et coûteuse et si elle est de mauvaise qualité, elle risque de conduire à des décisions inadéquates (trop restrictives ou au contraire trop laxistes). Ensuite, une norme technique implique des moyens de contrôle pour son respect. Or, il est souvent difficile techniquement et coûteux financièrement de mettre en place des contrôles. Ainsi, les quotas de pêches sont souvent dépassés faute de contrôles efficaces. De plus, une norme a des effets pervers car elle est uniforme. Elle touche relativement plus les petites entreprises que les grandes qui ont les moyens financiers pour s’y adapter ou pour la contourner en délocalisant les activités concernées dans les pays où elle n’existe pas. Le recyclage des produits informatiques se fait dans les pays africains là où la protection des travailleurs est inexistante. 2 Enfin, la norme ne contrôle pas le volume total d’émissions de CO . D’une part, le volume des émissions dépend de la croissance de la production. Chaque producteur peut respecter la norme mais s’il y a plus de producteurs, le volume d’émission augmentera. D’autre part, en diminuant le plafond d’émissions de 2 CO par kilomètre des automobiles, les constructeurs réduisent la consommation d’essence ou de diésel de la voiture au km. Ainsi, le coût au km diminue, ce qui incite les consommateurs à circuler plus. C’est l’effet rebond ou le paradoxe de Jevons. Enfin, une norme n’incite pas à faire mieux que ce qui est prescrit. Dans la mesure où les agents pollueurs ont économiquement intérêt à polluer (ils subissent un coût à dépolluer ou à utiliser des technologies plus propres), la norme assure qu’ils choisiront toujours exactement le niveau maximal de pollution autorisé. 2. Les limites de la subvention : La politique de subvention est très coûteuse pour le budget de l’Etat. En effet, les consommateurs se reportent en masse sur les produits subventionnés et délaissent les produits qui font l’objet d’un malus. En conséquence, les recettes fiscales du malus ne couvrent pas les dépenses publiques du bonus et la mesure, qui devait être fiscalement neutre devient déficitaire. Ainsi, l’Etat a voulu subventionner l’énergie solaire pour la rendre compétitive avec les autres sources d’énergie. Les panneaux solaires se sont donc développés très rapidement avec un coût très élevé pour le budget de l’Etat. L’Etat a donc fait machine arrière dans un contexte de crise budgétaire. D’autre part, le bilan carbone de la subvention est négatif. La baisse du prix obtenue par la subvention incite les consommateurs à développer leurs achats et à consommer davantage ce qui se traduit par une 2 hausse des émissions de CO supérieure à la baisse obtenue par l’abandon des produits les plus polluants. Là encore, l’effet rebond joue à l’encontre de l’effet attendu. Enfin, les politiques de subvention sont souvent contradictoires. L’Etat subventionne les voitures les moins polluantes mais, dans le même temps, il subventionne l’essence pour les camions ou la construction de routes ce qui accroît la pollution automobile… 3. Les limites de la taxation : L’introduction d’une taxe carbone est inéquitable et exerce des effets récessifs. En augmentant le prix des produits carbonés, la taxe va peser sur le pouvoir d’achat des ménages qui vont par conséquent diminuer leur consommation des biens moins polluants car ils sont bien obligés de se chauffer et d’utiliser leur voiture. Cette taxe carbone va affecter davantage les ménages à faibles revenus et les ruraux, ceux-ci consacrant une part plus importante de leur budget aux produits énergétiques sans pouvoir toujours les substituer. Ce caractère récessif et anti-redistributif de la taxe carbone rend indispensable la mise en place de « chèques verts » destinés à compenser la taxe pour les ménages désavantagés afin de rétablir l’équité. Ces chèques sont financés par le produit de la taxe. L’un des principaux obstacles à la mise en œuvre d’une taxe carbone est le risque de perte de compétitivité internationale des secteurs les plus polluants. En effet, l’existence d’une contrainte carbone dans un pays peut conduire à désavantager les productions de ce pays sur les marchés internationaux et inciter les industriels à délocaliser leurs activités industrielles vers des pays où les contraintes environnementales sont moindres. Cela induit ce que l’on appelle des « fuites de carbone » : les émissions de CO2 sont seulement « déplacées » hors du pays concerné alors que l’objectif visé par la taxe carbone est une réduction absolue de ces émissions. Un phénomène de fuites de CO2 est d’autant plus probable que le pays concerné met en place une fiscalité carbone de manière unilatérale. Le choix du taux est difficile. En théorie, il doit couvrir l’externalité négative et le coût de la dépollution. En réalité, pour des raisons politiques d’acceptabilité de la taxe par la population, le taux fixé est bas ce qui risque de ne pas inciter les agents économiques à changer leur comportement d’autant plus que de nombreuses exceptions sont accordées à tel ou tel secteur. De plus, lorsque le taux augmente, on risque de provoquer des phénomènes de « dumping fiscal » si les autres pays n’adoptent pas le principe de la taxe. Enfin, la taxe fixe un prix plus élevé à la consommation des énergies fossiles mais ne fixe pas d’objectifs en matière de réduction des émissions. Elle est compatible avec la hausse des émissions de 2 CO . 4. Les limites du marché des droits à polluer : Les allocations de quota ont été trop généreuses et le ralentissement de la croissance a diminué les émissions de gaz à effet de serre. En conséquence, l’offre de quota a été supérieure à la demande et les prix se sont effondrés. Le marché des quotas de CO2 a très mal fonctionné. Au début, pendant l’année 2005 –2006, le prix est de 25 euros la tonne. Or la Commission européenne a émis trop de permis. Le cours chute à 15 euros. Fin 2006, la Commission annonce que les permis émis pour la période 2005 – 2008 ne seront plus valables. Tout le monde veut vendre ; les cours s’effondrent. En 2008, les cours augmentent de nouveau. Suite à la crise, en 2009, on atteint un plus bas niveau historique pour le cours 2 de la tonne de CO : 8 euros la tonne en novembre 2012. Ce prix est très faible. Les entreprises, qui ont investi dans de nouvelles technologies, font des pertes. Il faudrait un prix de 30 euros la tonne pour que ce prix soit incitatif pour les entreprises (utiliser des techniques moins polluantes). Le marché des quotas d’émissions a été soumis à la spéculation. Il y a un risque que le quota devienne un actif financier, sous-jacent à de nombreuses transactions n’ayant rien à voir avec l’objectif initial 2 (réduire la pollution). D’une manière générale, le prix CO a été soumis à des fluctuations importantes : les industriels n’ont pas eu une bonne visibilité (prix bas et incertain) pour investir dans des solutions de réduction des émissions. Pour atteindre donc l’objectif de 20% de réduction des émissions d’ici 2020, une révision complète de la directive européenne a été enclenchée en Décembre 2008 dans le cadre du paquet climat énergie. La mise aux enchères progressive de l’intégralité des quotas d’émission a été ainsi proposée pour le secteur de la production de l’énergie. Le quota va devenir payant. Le marché n’est pas international. L’imposition de quotas aux firmes étrangères risque d’entraîner des mesures de rétorsion comme le montre l’exemple des crédits carbone européennes que devront acheter les compagnies aériennes à partir de 2013. La volonté de l’UE est contrée par la Chine et les Etats-Unis qui menacent de ne pas commander d’Airbus et de mesures de rétorsion si la taxe est appliquée à leurs compagnies. 5. Les instruments de la politique climatique sont complémentaires. La taxe est plus efficace quand il y a un grand nombre d’entreprises ou quand les coûts de dépollution sont identiques pour tous. Les permis sont plus adaptés pour un nombre limité d’entreprises polluantes (mais l’autorité publique doit veiller à la concurrence et éviter les manipulations de prix). La réglementation est bien adaptée lorsque les contrôles sont techniquement faciles et peu coûteux. b) – La nécessité d’une politique climatique au niveau mondial 1. L’environnement est un bien public mondial c’est-à-dire un bien collectif pur (la couche d’ozone) ou un bien commun (le climat), selon les cas, ayant des caractéristiques de non rivalité et non exclusion, pour le premier, et de rivalité et non exclusion, pour le second, non seulement entre individus mais aussi entre populations de pays différents. Ainsi l'idée s'impose que les choix et les actions dans un pays peuvent avoir des conséquences sur le niveau de bien-être dans les autres pays du monde et que les biens publics mondiaux qui permettraient d'améliorer le bien-être global ne peuvent être produits que par l'action conjointe et coordonnée de plusieurs pays, voire de tous. En l'absence de gouvernement mondial légitime, les solutions étatiques centralisées préconisées par l'économie publique sont impossibles. Il reste donc la coopération. 2. Tous les pays doivent accepter de réduire leur pollution et s’entendre sur les moyens de réduire les émissions de CO2. Depuis le rapport Brundtland, la coopération au niveau mondial a progressé : Les accords de Kyoto de 1992, entrés en vigueur en 2005 : Ils ont été ratifiés à ce jour par 172 pays. Ils proposent un calendrier de réduction des émissions des six gaz à effet de serre qui sont considérés comme la cause principale du réchauffement climatique des cinquante dernières années. Ils comportent des engagements absolus de réduction des émissions pour 38 pays industrialisés, avec une réduction globale de 5,2 % des émissions de dioxyde de carbone d'ici 2012 par rapport aux émissions de 1990. Le mécanisme pour un développement propre (MDP), mis en place après Kyoto, fonctionne de la manière suivante : les pays industrialisés payent pour des projets qui réduisent ou évitent des émissions dans des nations moins riches et sont récompensés de crédits pouvant être utilisés pour atteindre leurs propres objectifs d’émissions. Les pays receveurs bénéficient gratuitement de technologies avancées qui permettent à leurs usines ou leurs installations générant de l’électricité d’opérer de manière plus efficace. Tout ceci à bas coût et générant des profits élevés. L’atmosphère y est d'autant plus épargnée car les futures émissions sont plus faibles que prévues. Il doit s’établir une solidarité entre les nations afin de réduire les écarts de développement et d’éliminer la pauvreté. Ce sont les objectifs des accords du Millénaire signés en 2000 qui vise à réduire de moitié la pauvreté dans le monde entre 2000 et 2015. La convention sur la diversité biologique (CDB) est un traité international adopté lors du sommet de la Terre à Rio de Janeiro en 1992, avec trois buts principaux : la conservation de la biodiversité ; l'utilisation durable de ses éléments ; le partage juste et équitable des avantages découlant de l'exploitation des ressources génétiques. 190 pays l’on signé à ce jour. Elle met en place des zones protégées et essaye de mobiliser des ressources financières pour les rendre effective. 3. Cependant, ces accords internationaux se heurtent à de nombreux obstacles : Tous les pays ne jouent pas le jeu. Kyoto n’a pas été ratifié par les Etats-Unis et le Canada qui jouent ainsi le rôle de passager clandestin. Ils vont bénéficier des actions des autres pays qui font des efforts pour réduire leurs émissions sans avoir à en payer le prix alors qu’ils sont les plus gros pollueurs de la planète. En conséquence, la Chine, qui est le deuxième pollueur de la planète, le Brésil et d’autres pays refusent de faire des efforts tant que les pays les plus riches ne font pas d’effort. En l’absence de gouvernance mondiale légitime, l’établissement de sanctions éventuelles en cas de non respect des règles reste problématique. 2 Emission de CO , PIB et population La mise en place du marché européen du carbone conduit a des phénomènes de contournement. Elles incitent en effet les industriels les plus émetteurs à délocaliser leur production. C’est ainsi que, si les statistiques montrent que l’émission de gaz à effet de serre dans la production des pays de l’Union est en régression importante ces dernières années, l’examen des mêmes statistiques montre que l’émission de gaz à effet de serre dans la consommation de ces pays se maintient. Se pose dès lors la question de l’instauration d’une taxe carbone aux frontières de l’Union qui pourrait entraîner un développement du protectionnisme et des mesures de rétorsion.. La mise en œuvre même de ces mesures nécessite une comptabilité de l’environnement et de ses dommages (Quel est le coût de la dépollution ? d’une perte de la biodiversité ? de la désertification ?) qui pose des difficultés particulières de mesure. La solidarité entre pays est mise à rude épreuve avec la crise. La crise actuelle n’a pas favorisé le financement par les pays riches des mesures de développement durable des pays en développement. Ainsi, le gouvernement équatorien a proposé d’interdire les projets pétroliers dans le parc naturel de Yasuni en échange d'une aide volontaire internationale à la préservation du parc. 410 million de tonnes 2 de CO ne seront pas émises dans l’atmosphère si ce pétrole (réserve estimée : 850 million de barils) n'est pas produit. L'Équateur espère donc pouvoir bénéficier de crédits carbone versés par des pollueurs d'autres régions du monde ayant signé le protocole de Kyoto (soit 1,2 milliards de dollars) afin de pourvoir aux lourds besoins financiers nécessaires à la protection et connaissance du Parc national. Cette proposition n’a pas été soutenue par les pays riches. Enfin, la population doit être informée des limites de la croissance et participer à la prise de décision sur les mesures à prendre. Ainsi, dans la ville de Boulder, aux Etats-Unis, ce sont les habitants qui ont pris la décision de créer une taxe carbone et d’utiliser l’argent récolté par la municipalité pour financer des équipements moins énergivores chez les particuliers et dans les services publics. Révision interactive http://www.ac-nice.fr/ses/termtd/mesprod.htm http://www.ac-nice.fr/ses/dissertes/diss1/diss1.html http://ilias.catice.acbordeaux.fr/data/lyceesaquitaine/lm_data/lm_332872/Ledeveloppementdurable/index.html http://www3.acclermont.fr/pedago/ecogest/PEDAGOGIE_ECO_DROIT/tests_internet/eco_bts_eva_methodo_ds/croissan ce_qcm.htm