les moralistes sous l`empire romain - L`Histoire antique des pays et

LES MORALISTES SOUS L'EMPIRE ROMAIN —
PHILOSOPHES ET POÈTES
PAR CONSTANT MARTHA
Ouvrage couronné par l'Académie française
PARIS - LIBRAIRIE HACHETTE ET Cie - 1872
PRÉFACE DE LA DEUXIÈME ÉDITION.
PRÉFACE DE LA PREMIÈRE ÉDITION.
La Morale pratique dans les lettres de SÉNÈQUE.
Un Poète stoïcien. — PERSE.
La Vertu stoïque. — ÉPICTÈTE.
L'Examen de conscience d'un empereur romain. — MARC-AURÈLE.
La Prédication morale populaire. — DION CHRYSOSTOME.
La Société romaine. — JUVÉNAL.
Le scepticisme religieux et philosophique. — LUCIEN.
PRÉFACE DE LA DEUXIÈME ÉDITION.
Nous remercions le public de l'accueil bienveillant qu'il a fait à ce livre et
l'Académie française qui l'a Couronné. Mais de toutes les satisfactions qui
puissent être données à un auteur qui écrit sur la morale, la plus douce
assurément est de pouvoir se persuader avec quelque vraisemblance que son
travail n'a pas été inutile et qu'il a touché, ici, là, en des coins ignorés, des âmes
délicates. Dans ce temps de controverse ardente chacun se fait gloire de
blesser l'opinion de son voisin, on nous a su gré sans doute de notre équité et de
la modération de nos jugements. Il est vrai que cette modération nous a exposé
à deux reproches contraires. De très-libres esprits se sont étonnés de ce qu'ils
appellent notre complaisance pour le christianisme ; d'autre part, des chrétiens
trop fervents se sont inquiétés de notre vive admiration pour les grands
représentants de la morale païenne. Nous pourrions renvoyer nos critiques les
uns aux autres en les engageant à se mettre d'accord, mais nous préférons leur
rappeler ces mots de saint Paul, dont ni les uns ni les autres ne contesteront ici
l'autorité, ceux-ci parce que rien n'est plus large que son précepte, ceux-là parce
que c'est un texte sacré : Que tout ce qui est véritable, tout ce qui est honnête,
tout ce qui est juste, tout ce qui est saint, tout ce qui est aimable soit l'entretien
de vos pensées.
(Épit. aux Philip., IV, 8.)
Dieu ne fait point acception de
personnes. — Lors donc que les Gentils qui n'ont pas la loi font naturellement les
choses que la loi commande, ils se tiennent à eux-mêmes lieu de loi.
(Aux Rom.,
II, 10.)
Dieu n'est-il le Dieu que des Juifs ? ne l'est-il pas aussi des Gentils ? oui
certes, il l'est aussi des Gentils.
(Ibid., III.)
Voilà l'esprit de notre livre qui respecte tout ce qui est pur sans distinguer le
profane du sacré, ni le sacré du profane. Que d'autres s'arment en guerre et se
signalent dans l'attaque ou la défense de telle ou telle doctrine, j'applaudis à leur
vaillance parce que toute opinion sincère librement exprimée est un service
rendu à la vérité ; mais c'est la servir aussi que de rapprocher quelquefois les
hommes dans l'étude paisible des idées morales universellement acceptées. Si la
guerre a ses gloires, elle a aussi ses aventures ; si la paix a ses mollesses, elle a
du moins ses douceurs et sa justice.
1866.
PRÉFACE DE LA PREMIERE ÉDITION.
Nous nous proposons, dans ce livre, de tracer le tableau des mœurs et des
opinions morales sous l'empire romain. Mais pour ne pas nous perdre dans le
détail infini d'un si grand sujet, la multiplicité des noms et des faits risque
d'accabler la curiosité du lecteur, nous n'étudions qu'un certain nombre de
moralistes, philosophes ou poètes, qui par la diversité de leurs ouvrages, de leur
génie, de leur condition, représentent chacun une face différente de la société
antique dans les deux premiers siècles de l'ère chrétienne. Nous les avons
choisis, non comme des exceptions brillantes, mais comme des types auxquels
beaucoup d'hommes à cette époque ressemblaient et dont les coutumes morales
et les idées ont été celles de leur temps, de leur classe, de leur profession. Il y
eut à Rome plus d'un prédicateur de morale à la façon de Sénèque, plus d'un
patricien qui avait les sentiments de Perse, plus d'un philosophe aussi intrépide
qu'Épictète, plus d'un moraliste populaire semblable à Dion Chrysostome, plus
d'une âme qui s'ouvrait à la tendresse morale comme Marc-Aurèle, plus d'un
citoyen non moins indigné que Juvénal, plus d'un contempteur de la religion et
de la philosophie tel que Lucien. En parcourant des ouvrages si divers par la
forme et l'esprit, on petit se figurer quels ont été à la fois les grandeurs et les
misères morales de cette époque, les besoins des âmes, et dans quel état le
christianisme déjà militant rencontra l'empire romain ; étude qui peut-être ne
manque pas d'opportunité en ce moment l'on s'occupe avec passion des
origines du christianisme, de sa marche dans le monde, de ses conquêtes.
Bien que dans ce livre, pour faire honneur au stoïcisme et lui rendre justice, nous
ayons tenu à montrer que son enseignement se rapproche souvent de la morale
chrétienne, nous ne voulons pas insinuer que le christianisme n'a été que le
développement et le dernier fruit de la sagesse grecque et romaine. D'autre part,
nous sommes loin de penser, avec une certaine école historique, que la
philosophie profane a emprunté ses idées les plus pures à un enseignement
occulte du christianisme. Saint Paul ne relève pas plus des maures de nèque
que Sénèque ne relève de saint Paul. Il y eut à cette époque dans le monde deux
courants semblables, d'une énergie et d'une pureté bien inégales, l'un venu de
l'Orient ; l'autre de l'Occident, qui se rencontrèrent sans se mêler et se
heurtèrent avant de se confondre.
Depuis longtemps les mêmes idées morales mûrissaient dans toutes les parties
de l'empire romain, et de progrès en progrès la philosophie allait à son insu au-
devant de la loi nouvelle. Ainsi se font toujours dans le monde les grandes
révolutions morales ; pour s'accomplir il faut qu'elles soient préparées. Ce n'est
pas un immense coup de la grâce qui a subitement renversé les consciences. Les
témoignages de l'histoire sont sur ce point confirmés par l'autorité des Pères de
l'Église, qui reconnaissaient dans la morale païenne de plus en plus épurée une
sorte de christianisme anticipé et ne faisaient pas difficulté d'admettre que Dieu
avait voulu aplanir ainsi les voies aux vérités chrétiennes. Il est donc permis de
louer la morale antique autant qu'elle le mérite, sans inquiéter la foi, et, bien que
dans un livre purement historique nous n'ayons à consulter que l'histoire, nous
invoquons volontiers l'autorité des Pères, parce qu'en un si grave sujet on est
toujours heureux d'aboutir à une conclusion qui ne divise pas les hommes.
Cette préparation des âmes est visible. Le discrédit du paganisme, la croyance
philosophique à l'unité de Dieu, à la Providence, de vagues désirs d'immortalité,
la science de l'âme, le goût de la méditation intérieure et mystique, les idées
nouvelles de fraternité, de pureté, les exercices ascétiques, le dégoût des plaisirs
et du monde, un certain besoin de croire et d'adorer, la manie même de prêcher,
tant d'autres dispositions presque chrétiennes semblaient appeler une foi
nouvelle. Le monde ancien devait la repousser quand elle parut, parce qu'il la
méconnut d'abord, mais elle était faite pour lui.
Si le christianisme s'était offert au monde quelques siècles plus tôt, il n'aurait pas
été compris. Qu'on se figure saint Paul prêchant dans Athènes au temps de
Périclès, à Rome, à l'époque des guerres puniques et de Caton l'ancien, n'est-il
pas évident que le patriotisme encore ardent, la religion païenne solidement
établie, l'orgueil intraitable d'une société élégante ou forte. satisfaite d'elle-
même, auraient repoussé l'étranger sans se laisser entamer ? Sous l'empire, la
lutte devait être vive encore, tristement sanglante, mais du moins l'héroïsme
chrétien pouvait espérer la victoire.
Mais ce sont de bien grandes questions à propos d'un livre plus descriptif que
dogmatique, nous avons voulu peindre tout simplement l'état des esprits et
des âmes sous l'empire romain. Il n'est pas entré dans notre dessein de faire
l'exposition philosophique des doctrines et des systèmes, qui a été faite souvent
dans ces derniers temps avec beaucoup de science et d'autorité. Seulement il
nous a paru qu'on pouvait dire quelque chose qui ne fût pas sans nouveauté sur
les caractères pratiques de la philosophie à cette époque, sur la propagande
intime ou populaire des idées morales, sur ce que les anciens appelaient la
parénétique et que les chrétiens ont appelé la prédication et la direction de
conscience. Sénèque, Perse, Dion Chrysostome, Épictète et Marc-Aurèle font
entendre les divers accents de ce stoïcisme prêcheur, tandis que Juvénal et
Lucien, en découvrant l'état social, politique et religieux du monde ancien, font
comprendre pourquoi cette noble philosophie a été impuissante. Ce livre ne
renferme donc qu'une suite de tableaux sur la société romaine, que nous avons
tâché de rendre clairs et simples. Nous en avons écarté tout appareil d'érudition.
A force d'écrire pour les seuls savants, on a fait de la philosophie et de la
littérature antiques une sorte de domaine réservé, interdit aux profanes. Comme
la connaissance des idées morales et de leur histoire nous parait convenir à tout
le monde, et comme il est possible d'être exact sans être trop didactique, nous
avons renoncé aux dissertations spéciales, qui souvent ne sont utiles qu'à
quelques-uns et qui rebutent le grand nombre.
Nous croirions n'avoir pas perdu nôtre peine si nous inspirions à quelques
personnes peu familiarisées avec l'antiquité le désir de lire ces beaux livres de
morale que nous examinons. Elles y trouveraient un sujet d'étonnement, peut-
être même d'édification. Je sais bien qu'aujourd'hui la faveur n'est plus à ce,
méditations morales se plaisaient nos pères au dix-septième siècle surtout,
alors qu'on se nourrissait de Sénèque et de Marc-Aurèle aussi bien que de Nicole.
Aujourd'hui les dispositions des esprits ne sont plus les mêmes. Les uns trouvent
que les traités de morale chrétienne, si fort goûtés autrefois, ne sont plus faits
pour notre temps ; les autres estiment que la morale païenne est fausse et
dangereuse. Les attaques se croisent et vont discréditant la littérature religieuse
et la sagesse profane. Je ne sais ce que le monde y gagnera quand on lui aura
souvent répété qu'il ne faut écouter ni les saints, ni les philosophes. Les
indifférents seront les seuls sages. Bernardin de Saint-Pierre raconte qu'un
écrivain disait un jour à J. J. Rousseau qu'il s'occupait du projet de démontrer la
1 / 183 100%

les moralistes sous l`empire romain - L`Histoire antique des pays et

La catégorie de ce document est-elle correcte?
Merci pour votre participation!

Faire une suggestion

Avez-vous trouvé des erreurs dans linterface ou les textes ? Ou savez-vous comment améliorer linterface utilisateur de StudyLib ? Nhésitez pas à envoyer vos suggestions. Cest très important pour nous !