Préserver et restaurer la qualité du sol de nos jardins Nos sols sont

Préserver et restaurer la qualité du sol de nos jardins
Nos sols sont-ils suffisamment « propres » pour nous nourrir ? Nos potagers n’ont-ils pas trop
souffert des innombrables pollutions qu’engendre la vie moderne ? Voici quelques années
déjà, Nature & Progrès avait dû déplorer un excès de plomb et de zinc dans son beau jardin
didactique de Jambes. Aujourd’hui, c’est la Région wallonne – via son décret sol – et la
SPAQuE – par le biais d’une vaste étude sur le ‘bruit de fond’ de la pollution des sols en
Wallonie – qui reprennent cette inquiétude à leur compte.
Le présent dossier a donc pour objet – en attendant les résultats de cette enquête promis pour
fin 2011 – de faire le point sur cette épineuse question, en rappelant tout d’abord, l’ensemble
des bonnes pratiques usuelles qui permettent de vivifier le sol, en mentionnant également
quelques-unes des graves erreurs, malheureusement encore trop courantes, dont il faut
absolument s’abstenir…
Vivifions le sol !
La terre de notre jardin est un organisme vivant qui peut être comparé au corps humain : soit
vous le nourrissez avec des aliments naturels via son système digestif, soit par perfusion avec
ce que vous croyez bon pour sa croissance rapide, en sachant que cette alimentation perfusée
ne sera jamais complète et ne pourra jamais apporter au corps la totalité de ses besoins dans
toute sa complexité…
Par Jacques Biston
Pour une culture qui se veut naturelle et respectueuse de l’environnement, il est donc
impératif de privilégier le principe de nourrir le sol plutôt que de nourrir la plante. Dans le
cadre de cette démarche, plusieurs agronomes passionnés ont développé diverses méthodes
ayant pour but de vivifier la vie du sol, afin d’offrir aux plantes le meilleur substrat possible.
Ces méthodes et courants d’idées sont :
- la biodynamie qui fut initiée par Rudolf Steiner en 1924 et qui privilégie les préparations qui
dynamisent les plantes et les composts, Steiner mit en évidence l’importance du cadre global
de la culture, avec son environnement, la faune, la flore, le paysage, le climat, les énergies
cosmiques…
- la méthode de Howard Sykes qui, avec son « testament agricole », a mis en évidence la
liaison entre les maladies et la fertilisation minérales des plantes au XIXe siècle ; il a
également inventé différentes techniques de compostage ;
- la méthode Rush Müller, plutôt adaptée aux cultures en altitude sur terrasse, et qui, pour
éviter le transport des composts, préconisait le compostage en surface – le « mulching » – de
la totalité des déchets organiques ;
- la méthode Jean Pain, plus réservée au midi de la France, qui privilégie le compost de
broussaille ;
- la méthode Lemaire-Boucher, inspirée de celle de Howard Sykes et qui préconise
l’utilisation de poudre d’algues (lithothamne). Elle présente une synthèse des différentes
règles de l’agriculture biologique : fertilisation naturelle, compostage, engrais verts,
polyculture…
Nous ne sommes pas plus malins que la nature !
Ne nous croyons pas plus malin que la nature, et essayons humblement de l’imiter au mieux
lors de nos travaux de jardinage. Si nous observons la nature, le sol n’est jamais nu ; il est
toujours recouvert d’une couche plus ou moins importante de débris divers, tels que feuilles,
branches ou arbres morts, cadavres d’animaux et d’insectes. Cette couche d’« humus », par sa
décomposition, assure le gîte et le couvert à toute une faune qui s’active sans relâche à aérer
le sol par de nombreuses galeries et à l’enrichir par leurs déjections qui représentent le
meilleur engrais qui soit. Ne nous compliquons donc pas la vie et tentons de reproduire la
même chose lors de nos travaux. Couvrons le sol de matières végétales en essayant toujours
de garder à l’esprit l’équilibre « carbone – azote » indispensable à une bonne décomposition
des éléments. Dans la nature, aucun apport n’est nécessaire : ce qui meurt sert à régénérer le
sol et y apporter ce qui en a été prélevé. Efforçons-nous donc d’imiter la nature et de recouvrir
le sol, en priorité et dans la mesure du possible, avec les débris végétaux du jardin et, ensuite,
avec diverses matières végétales et animales – du fumier composté, par exemple – afin de lui
assurer une parfaite couverture.
Améliorer la qualité biologique du sol
Dans la pratique, pour améliorer la qualité biologique du sol, diverses techniques peuvent être
utilisées. Il s’agit essentiellement :
- du non-travail du sol : dans la nature, le sol n’est pas travaillé et tout pousse aisément ; le
principe est donc de faire la même chose. On assure une bonne couverture végétale ; on ne le
piétine pas en réalisant des bandes de culture d’un mètre vingt, séparées par d’étroits chemins.
Ceci permet de réaliser tous les travaux depuis les sentiers. Les vers de terre et les nombreux
autres auxiliaires se chargent du travail du sol qui reste toujours meuble. Un vrai plaisir pour
arracher carottes et autres navets…
- du non-retournement de la terre – pas de bêchage ! Il s’agit de remuer le sol avec la fourche
plate, la grelinette, la guérilu ou l’aérabêche. Il faut donc opérer à reculons, en exerçant un
mouvement d’avant en arrière avec l’outil afin de décompacter le sol sans le bouleverser. Ce
non-retournement respecte les couches du sol et leurs populations spécifiques. Marchons le
moins possible sur le sol et utilisons des balettes ou des planches car le damage du sol, à la
suite de piétinements, détruit sa bonne structure et y perturbe gravement la vie et, par
conséquent, l’action des vers de terre et des autres auxiliaires : microorganismes aérobies dans
les dix premiers centimètres et anaérobies dans la couche inférieure...
- du « mulching » ou compostage de surface : il consiste à couvrir en le sol par des déchets
végétaux, de préférence broyés, et les plus variés possibles. Il peut s’agir de déchets de
légumes, de tailles de haies broyées, d’herbe de tonte en très fine couche – on doit voir le sol à
travers –, ou même de cartons propres de tout papier collant ou autres plastiques. A défaut de
ne pouvoir produire soi-même les matériaux nécessaires, on peut se procurer des matériaux du
commerce tels que des coques de noix ou des écorces broyées. On évitera les résineux qui
acidifieraient le sol. Le « mulching » assure également la protection du sol contre le
dessèchement dû au soleil ou au vent ; il empêche le battement du terrain par la pluie,
l’érosion du sol ou le lessivage de ses éléments nutritif. Il permet encore de gagner quelques
degrés de plus l’hiver, et quelques degrés de moins l’été, et donc d’assurer en ces saisons une
vie souterraine plus intense. En outre, il empêche la prolifération des mauvaises herbes par
manque de lumière et assure une meilleure rétention d’eau, en même temps qu’un meilleur
drainage du sol.
- des composts en tas et en silos : avec le plus facile d’entre eux, le compost en tas, on réalise
un tas de section triangulaire d’un mètre soixante environ à la base, et d’une hauteur la plus
importante possible ; la longueur varie selon le volume de matériaux à composter qui
rassemblent les déchets de jardin et de la cuisine. On veille à garder un équilibre, à parts
égales, de matière carbonée – matière sèche, brune – et de matière azotée – matière humide,
verte. La matière carbonée peut être un peu plus importante que l’azotée, mais pas le
contraire… Le silo à compost nécessite un apport de matériaux organiques qui, en se
compostant, diminuent de volume. Il est particulièrement important avec cette méthode de
veiller au rapport carbone / azote en ajoutant des matières organiques carbonées, comme de la
paille, des feuilles mortes ou du broyat. Avec le petit outil fourni avec le silo à compost, il est
impératif d’assurer le mélange et l’aération des matières organiques. Une fois mûr, le compost
sera épandu sur les parcelles de cultures gourmandes : pommes de terre, tomates, choux, etc.
- des composts particuliers :
* le compost de feuilles qui est exempt de semences de « mauvaises herbes » et peut servir
aux semis,
* le compost de broussaille et de tailles de haie qui provient d’une taille réalisée en hiver ; il
possède un bon taux de matière carbonée. Par contre, s’il provient d’une taille de printemps
ou d’été – une taille en vert –, il pourra être composté directement avec un bon équilibre
carbone / azote,
* le compost d’écorce qui est très riche en matière carboné et devra être traité comme une
taille hivernale, en étant complété de déjections animales ou d’autres matières azotées,
* le fumier composté, provenant exclusivement d’élevages bio, qui peut être utilisé en
« mulch » en début d’hiver ; l’idéal est toutefois – et de loin ! – de le composter. Le fumier
doit toujours être « pailleux » afin de respecter le rapport carbone – paille – / azote –
excréments. Je n’oublierai jamais l’étonnement de l’agriculteur qui m’avait fourni le fumier
que j’avais mis en tas quand, trois mois plus tard, je lui fis sentir la bonne odeur d’humus que
son fumier avait acquise.
- des engrais verts : ils sont utilisés pour couvrir une surface non utilisée pendant une année
ou pour rééquilibrer un sol perturbé ou épuisé. On sème des légumineuses – trèfle, vesce,
fèverole, lupin – ou des graminées – ray-grass – ou mieux encore un mélange de graminées et
légumineuses dont l’action se complète. Les engrais verts peuvent être utilisés en cultures
dérobées, c’est-à-dire semés en avant ou en après culture ; ils préparent ainsi le sol par leur
action racinaire au profit des cultures qui suivront. Ils servent encore à couvrir le sol entre
deux cultures potagères et, en fin de saison après une récolte – moutarde phacélie, fève. Les
engrais verts, en culture intercalaire, sont surtout utilisés avec la méthode « Getrud Franck » :
il s’agit de semer, entre chaque ligne de culture, un interligne d’engrais vert – essentiellement
de l’épinard – qui assurera, dès le fin de l’hiver, la couverture du sol. Cette ligne assure déjà la
fertilisation et la préparation du sol aux cultures de l’année suivante.
- de la rotation des cultures : elle consiste à cultiver successivement des légumes de familles
différentes. Chaque famille de légumes épuise, en effet, le sol des mêmes éléments nutritifs,
ce qui induit que les autres éléments nutritifs, non absorbés par les légumes, seront perdus et
lessivés vers les nappes phréatiques. De plus, cultiver, par exemple des carottes au même
endroit, entraîne une production carencée et donc plus fragile aux attaques des maladies et des
parasites. Ceux-ci, déjà présents sur place, auront tôt fait d‘affaiblir encore davantage la
production. Remarquons que des plantes sont plus sensibles que d’autres à ce phénomène ;
c’est le cas des bulbes tels que les alliacées – ail, échalote, oignon, poireau –, les crucifères –
chou, cresson, navet, radis –, ainsi que les légumineuses – fèves, pois, haricots. Soyons donc
particulièrement attentifs à modifier l’emplacement des cultures ayant déjà souffert d’attaques
de maladies ou de ravageurs. On considère généralement qu’un assolement de quatre ans est à
respecter.
- des engrais et des amendements : le lithotamne, ou maerl, est une algue marine calcaire
provenant de Bretagne qui représente un engrais-amendement particulièrement intéressant
pour les sols non calcaires ; les poudres de roche et de lave sont utiles pour les sols pauvres en
argile ; les cendres de bois apportent essentiellement de la potasse indispensable aux légumes
racines et fruits. Utilisées en excès, elles provoquent le compactage du sol.
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