Les déterminants de la confiance dans le passage à l’euro
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En fait, la monnaie est un ensemble de règles, qui détermine l’appartenance de chacun à
la société. Dans le rapport à la monnaie se joue une relation au groupe tout entier des
échangistes. Et ce qui est en jeu dans le rapport monétaire ce ne sont pas les autres en tant
qu’agrégats d’individus, mais le grand Autre, au sens de la totalité de la société Servet,
1998, p.14. La société en tant qu’entité spécifique est bien présente au travers de la
monnaie.
La notion de totalité sociale renvoie à Marcel Mauss. C’est dans son article “ Essai sur
le don ” qu’il ébauche une définition du fait social total, conception qu’il veut fondatrice
d’une nouvelle approche en sciences sociales. Un fait social est total dans le sens où il
implique plusieurs types d’institutions, et met en branle dans certains cas “ la totalité de la
société et des institutions (...) et dans d’autres cas, seulement un très grand nombre
d’institutions, en particulier lorsque les échanges et les contrats concernent plutôt des
individus ” Mauss, 1950, p. 274. La totalité de la société est alors engagée dans la mesure
où ces phénomènes sont à la fois juridiques, économiques, religieux, et même esthétiques,
morphologiques, etc. Cette reconnaissance des faits sociaux totaux suppose de comprendre
la société comme un tout et invite à ne plus séparer les aspects économiques des autres
dimensions qui composent la société.
Ainsi, au-delà du simple rôle de médium des échanges, la monnaie doit être comprise
comme médiation sociale et comme relation au groupe tout entier. Dans toutes les sociétés,
la monnaie, sous des formes diverses et variées, permet de prendre conscience de
l’appartenance à une totalité : “
la légitimité de la monnaie doit être entendue comme
produite par un ensemble de processus complexes qui font que dans la monnaie, c'est la
communauté comme totalité qui se trouve exprimée ” Aglietta, Orléan, 1998. C’est cette
force de médiation sociale qui fait de la monnaie un phénomène universel.
Apparaît bien ici la nécessité de comprendre alors la personne non seulement comme
fraction, au sens de partie restreinte d’un tout mais aussi comme relation. Par la suite, nous
allons définir la monnaie à partir de concepts psychosociologiques, et essayer de montrer
comment elle est créatrice de ce lien social.
2. La psychologie de l’argent : les dimensions paradoxales de la monnaie
fondent le lien social
La monnaie est un objet paradoxal dans la mesure où elle entretient avec l’être humain
un double rapport : économique et an-économique. En effet, l’argent inscrit l’homme dans
l’échange et la transaction sur le mode du donnant-donnant, et lui procure ainsi la capacité
de participer au lien social. Mais, l’argent ne réduit pas la personne au commerce puisqu’il
offre à cette dernière une garantie d’existence qui repose exclusivement sur le don et la
gratuité d’où vont jaillir l’épaisseur et la profondeur du lien social Derrida, 1991.
C’est ce double lien à la monnaie qui hisse la personne au statut de sujet, c'est-à-dire un
être inscrit dans le lien social à une place de citoyen Levinas, 1982. Ce qui va caractériser