France, même les traces textuelles en ont été effacées dans les
différentes rééditions, jusqu’à la fin du XXe siècle3.
D’autres préjugés obscurcissent notre compréhension : depuis
le XVIIIe siècle, les écoliers, les étudiants et les enseignants français
ont été nourris de la pensée néo-aristotélicienne, à qui l’on doit le
retour aux règles et à l’unité « classiques », après les désordres
« baroques » de la première partie du XVIIe siècle. La conséquence
directe de ce jugement de valeur érigé en vérité est la dépréciation
des auteurs, des acteurs et de la représentation qui avaient précédé
le retour à l’ordre. On entend encore dire, par exemple, qu’en
France les comédiens s’installaient au hasard dans des lieux
d’emprunts, des tripots mal famés, que l’exiguïté de la scène
condamnait les acteurs à une quasi-immobilité, frontale de surcroît,
ou que le décor à compartiments était de pure convention. Pour
contribuer à démêler le vrai du faux nous proposons une étude
s’appuyant sur des sources contemporaines de l’objet étudié4. Dans
la première partie de l’article, nous nous intéresserons au lieu de
représentation, à son architecture, à sa composition, à son
organisation spatiale, et à son décor. L’étude part du dessin pour
comprendre le dessein, puisqu’au XVIIe siècle les deux mots étaient
encore homophones et homographes. À partir de la maquette, nous
proposons une visite archéologique dans un jeu de paume aménagé
en théâtre, à Paris, en 1644, cas particulier présentant tous les
3 Pierre Pasquier m’a offert de travailler sur ce sujet, dont il avait, avant
moi, pressenti l’ampleur : qu’il trouve ici l’expression publique de ma
gratitude et de mon amitié. Mes remerciements vont aussi à Gilles
Declercq, qui m’accompagne dans cette recherche et à Fabien Cavaillé,
pour les longues heures de travail partagé, de doutes, de conversions
laborieuses et de découvertes échangées ou faites en commun, avec joie
[A.S].
4 En particulier grâce à Wilma Deierkoff et Alan Howe, qui ont eu la
patience de dépouiller les archives des notaires, des comédiens, des
maîtres paumiers parisiens, pour retrouver aux Archives nationales des
traces tangibles de la vie théâtrale baroque. Wilma DEIERKAUF-
HOLSBOER, Le Théâtre du Marais, Paris, Nizet, 1954, tome I ; Alan
HOWE, Le Théâtre professionnel à Paris, 1600-1649, Paris, Centre
historique des Archives nationales, 2000.