
Yann VIDEAU CREG 2010-2011 - Économie
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politique économique, et plus précisément la politique monétaire : celui concernant
l’opposition entre politique de règle et politique discrétionnaire, et celui concernant
l’indépendance de la banque centrale.
L’approche de Lucas, et avec lui des Nouveaux Classiques, a mis en difficulté la conduite par
les gouvernements d’une politique monétaire discrétionnaire efficace. Supposons que les deux
principaux objectifs d’un gouvernement soient l’emploi et la stabilité des prix. Dans ce cas, le
gouvernement peut utiliser la politique monétaire pour chercher à atteindre l’un ou l’autre de
ces objectifs. Notamment, dans le cadre de la courbe de Phillips revisitée par Solow et
Samuelson (1960), il existe un arbitrage possible entre inflation et chômage. Or, dans la
version de la courbe de Phillips augmentée des anticipations (Friedman, 1968), cet arbitrage
n’est possible qu’à court terme en cas d’anticipations adaptatives (les agents sont alors
victimes d’illusion monétaire) et, à long terme, la politique monétaire perd son efficacité. On
retrouve alors la dichotomie Classique entre sphère réelle et sphère monétaire, avec un retour
au taux de chômage d’équilibre mais avec un niveau d’inflation plus élevée. Certains comme
Sargent et Wallace (1975) vont même plus loin en montrant, sous l’hypothèse d’anticipations
rationnelles des agents qui prennent leurs décisions en se basant sur toute l’information
disponible et connaissent les « lois » traduisant le fonctionnement de l’économie, et de
parfaite flexibilité des prix, qu’une politique monétaire expansionniste n’est jamais efficace.
En effet, les agents anticipent parfaitement l’annonce des gouvernements et adaptent
instantanément leurs comportements. On retrouve la neutralité de la monnaie même à court
terme. Pour Sargent et Wallace, seule une politique discrétionnaire visant à surprendre les
agents économiques pourrait être efficace à court terme pour rétablir l’arbitrage inflation-
chômage. Mais ce type de politique ne fonctionnerait qu’une seule fois, les agents
« sanctionnant » le gouvernement en élevant définitivement leurs anticipations d’inflation. On
se retrouve alors face au problème d’incohérence temporelle des décisions de politique
économique mis en évidence la première fois par Kydland et Prescott (1977) : dans ce cas, la
politique économique qui maximise le bien-être social à court terme ne serait plus celle
socialement optimale à long terme. Barro et Gordon (1983) ont appliqué ce raisonnement à la
conduite de la politique monétaire. Pour eux, le gouvernement serait tenté de « tricher » en
menant une politique monétaire plus expansionniste que celle qui lui permettrait de respecter
la cible d’inflation annoncée au départ. Une fois les salaires nominaux fixés par négociation
collective entre les partenaires sociaux, ce type de « surprise » permettrait de diminuer à court
terme le niveau des salaires réels, et donc le chômage, au prix d’une inflation un peu plus
élevée. Cependant, à plus ou moins long terme, selon que les partenaires sociaux formulent
des anticipations rationnelles ou non quant à la « stratégie » menée par le gouvernement, cette
politique perdrait de son efficacité et se traduirait par un niveau d’inflation beaucoup plus
élevé, pour un taux de chômage revenu à son niveau naturel. Ainsi, en l’absence de pré-
engagement de l’Etat quant à une règle stricte de politique monétaire, les tensions
inflationnistes seraient plus importantes et plus fréquentes.
Dans la vision que nous venons de présenter, c’est la manière dont est mise en œuvre la
politique monétaire, son caractère discrétionnaire, qui pose problème. Or d’autres
économistes ont mis en avant que le problème pouvait aussi venir du fait que ce soit le
gouvernement qui gère la politique monétaire. Pour Nordhaus (1975) mais aussi Alesina et
Roubini (1993), c’est l’existence de cycles électoraux qui justifierait de confier la politique
monétaire à une banque centrale indépendante afin d’éviter la mise en œuvre de politique
monétaire déstabilisante. Pour le premier cité, les gouvernements choisiraient de mener, à
l’approche des élections, des politiques monétaires accommodantes afin de réduire le
chômage et ainsi faciliter leur réélection. Une fois celle-ci acquise, ils se lanceraient dans une
politique de rigueur afin de réorienter les anticipations d’inflation à la baisse. Cet