Quelle nationalité pour l’entreprise aujourd’hui?
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La citoyenneté ou la nationalité d’une entreprise est de plus en plus énigmatique, pour
Reich, comme pour Ohmae, « une campagne publicitaire est conçue en Grande-Bretagne,
filmée au Canada, montée à New York. La voiture de sport est financée au Japon, dessinée en
Italie, assemblée dans l’Indiana, grâce à des composants électroniques inventés dans le New
Jersey et fabriqués au Japon. ». C’est pourquoi, la question de la nationalité des Firmes
multinationales prend tout son relief lorsqu’on la place dans la perspective de la globalisation
intervenue ces vingt dernières années.
La globalisation remet, en effet, en cause le couplage traditionnel entre firme et nation
et fait ainsi perdre une grande partie de sa pertinence à la notion de nationalité de l’entreprise.
Aujourd’hui, la Firme multinationale se caractérise plus par sa structure en réseau que par sa
nationalité et sa définition reste toujours une source de controverse.
Selon Michalet, la firme multinationale est une grande entreprise qui contrôle
plusieurs filiales à l’étranger et dont la stratégie et les structures organisationnelles sont
conçues à l’échelle mondiale. le Bureau International du Travail défini la firme multinationale
comme une entreprise ayant une société mère investissant dans six pays dont les filiales sont
possédées par la société mère et réalisent au moins un quart de son chiffre d’affaires à
l’étranger.
La nationalité, lien de droit qui unit une personne physique ou morale à un état, a
cependant une certaine pertinence dans la mesure elle détermine le statut juridique de la
société. Cependant, la nationalité des entreprises n’est pas définie de la même manière par les
différentes législations.
Selon le droit américain, la nationalité d’une firme dépend de son lieu
d’enregistrement alors que c’est le lieu effectif du siège social qui est retenu dans les pays de
droit latin.
Mais la nationalité attribuée par le droit ne fait que dissimuler les enchevêtrements
complexes de participations financières et coopérations technologiques. Elle semble, alors,
n’être qu’un lien superficiel et désuet.
De ce fait, nous envisagerons, dans un premier temps, les origines de la polémique
actuelle autour de la nationalité des FMN, suivies, dans un deuxième temps, par les différents
points de vue des théoriciens à ce sujet, puis, nous terminerons par les effets qui en découlent.
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I ) Les origines de la Multinationale :
Pourquoi une entreprise décide t’elle de devenir une Multinationale ?
A ) Les raisons générales :
Les entreprises vont s’implanter à l’étranger pour :
Contourner les barrières tarifaires instaurées à l’entrée de certains marchés
Accroître leurs débouchés à l’étranger
Profiter des avantages comparatifs des différents pays ( théorie des avantages
comparatifs de Ricardo ) ( coût de la main d’œuvre, coût des matières premières, … )
Tirer parti des différences internationales dans la formation des coûts ( prix des
facteurs de production )
Exploiter à l’échelle internationale un avantage particulier ou spécifique ( avantage
technologique, organisationnel , commercial ) que détient une entreprise à un moment
donnée dans son marché d’origine par rapport à ses concurrents.
Bénéficier des disparités des taux de changes
Ceci n’a été possible que grâce à la libéralisation des marchés des capitaux liée aux
« 3D » (Dérèglementation, Décloisonnement, Désintermédiation )
- Dérèglementation : Entre 1973 et 1984, tous les pays ont mis fin à la politique de contrôle
des changes ce qui permet donc aux entreprises de bénéficier des disparités des taux de
changes
- Décloisonnement : Jusqu’au milieu des années 80, le marché monétaire ( les banques ) et le
marché financier ( marcdes capitaux ) étaient cloisonnés. Désormais, ces 2 marchés ne
forment plus qu’un seul marché unique. Les entreprises ont ainsi la possibilité d’accéder à
l’épargne internationale.
- Désintermédiation : La désintermédiation internationale marque la suppression des
intermédiaires entre prêteurs et emprunteurs ce qui facilite les transactions.
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B) les Explications Théoriques :
Théorie de KNICKERBOCKER :
Pour KNICKERBOCKER, sur un marché oligopolistique, les firmes s’implantent à
l’étranger car elles adoptent un comportement de suiveur par rapport au Leader. ( par
exemple, Peugeot s’installe en Chine car Volkswagen y est déjà installé , cela devient une
course poursuite à la multinationalisation )
Théorie d’ HYMER :
Les entreprises s’implantent à l’étranger dans la mesure elles possèdent des avantages
spécifiques transférables internationalement qui leurs permettent de dégager des gains
supérieurs aux coûts d’implantation et d’être et d’être ainsi compétitifs sur tous les marchés
étrangers. Par exemple : Disney avec l’implantation de ses parcs à travers le monde, Disney
possède une multitude d’avantages spécifiques transférables : une notoriété, un savoir faire,
une image de marque, des capacités d’investissements importants, une capacité à obtenir
rapidement des économies d’échelles, une capacité à profiter de politiques gouvernementales
favorables sur le prix des terrains, une aide à l’implantation ( facilité d’embauches,
infrastructures … .
Théorie du Capital :
L’investissement à l’étranger présente un intérêt car il permet de diversifier les risques
(théorie du porte-feuille ) on peut ainsi élargir les possibilités de gains et diminuer les risques
de pertes. Par exemple : Rossignol qui a investi simultanément en Europe et au Japon.
Théorie Eclectique de DUNNING :
Dans sa théorie éclectique de la production internationale, Dunning explique que
l’implantation d’une entreprise à l’étranger se réalise si elle réunit 3 types d’avantages :
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- avantages spécifiques (Ownership Advantage) avantages qui découlent de la concurrence
imparfaite (différenciation des produits, économie d’échelle, dotation spécifique du pays,
brevets, marques, …)
- avantages à la localisation (localisation advantage) avantages qui sont relatifs à la différence
des prix (coût de transport)
- avantages à l’internalisation (internalisation advantage) regroupent la diminution du coût des
échanges, le contrôle de l’offre et des débouchés.
II. Les différents points de vue des théoriciens
A. L’entreprise-réseau selon Robert Reich
La nationalité des entreprises est devenue très difficile à identifier. Reich apporte
plusieurs explications à cette tendance.
Il commence son analyse en constatant que la plupart des économies avancées sont
passées d’une production de masse, largement adoptée par les grandes firmes américaines des
années 50, à une production personnalisée.
Les grandes firmes ont délibérément délaissé l’organisation verticale typique des systèmes
fordiens pour une raison essentielle : les revenus issus la production à grande échelle de biens
standardisés ne leur permettaient plus d’engendrer des profits suffisants pour maintenir leurs
activités sur leur territoire.
Elles se sont donc tournées vers la production personnalisée pour d’une part répondre à
une demande des clients pour des biens adaptés à leurs attentes mais aussi pour se protéger
des firmes imitatrices de leurs produits.
Cette production s’est réalisée à travers la satisfaction de besoins exclusifs de clients
particuliers prêts à payer un surcoût pour se procurer un savoir-faire adapté à leurs besoins. Il
ne faut cependant pas oublier qu’un bien adapté plus bien plus difficile à copier qu’un bien
standardisé, c’est une autre façon de se protéger de la concurrence.
La nouvelle barrière ne repose plus sur la quantité ou le prix mais sur la capacité à
rapprocher les technologies spécifiques des clients demandeurs de biens différenciés. C’est à
ce niveau qu’interviennent les identificateurs et les résolveurs de problèmes puisqu’ils vont
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avoir pour mission de mobiliser leurs compétences afin d’identifier les besoins des clients et
de les satisfaire en élaborant des produits personnalisés.
Le rôle des courtiers-stratèges consiste à ce que les résolveurs et identificateurs de
problèmes se rencontrent et de comprendre les nouvelles technologies prometteuses pour être
en mesure de les adapter aux besoins des consommateurs.
C’est donc au niveau de ces trois types de compétences qu’il y a une réelle création de
valeur qui repose la capacité à créer justement de nouveaux liens entre besoins et solutions.
C’est pourquoi ces derniers doivent être perpétuellement en contact afin d’identifier sans délai
les nouvelles opportunités pour les rapprocher des clients toujours demandeurs de biens
encore plus différenciés.
C’est donc pour cette raison que l’entreprise s’est transformée en entreprise-réseau
chaque nœud est représenté par un groupe où l’apprentissage, le partage de données et
d’expérience constituent la clef de voûte de l’entreprise de production personnalisée.
On est donc passé de la firme pyramide à la firme-réseau organisée autour d’un procédé et
non plus autour d’une tâche.
Le cœur de l’entreprise personnalisé s’est amenuisé par deux raisons essentielles :
- Les coûts fixes caractéristiques des entreprises fordistes ont été externalisés vers d’autres
entreprises par des contrats temporaires.
- Le nombre de petites entreprises a presque doublé entre 1975 et 1990 alors que la création
d’emplois dans les grandes firmes n’a augmenté que de façon négligeable à raison d’une unité
supplémentaire sur la même période.
C’est pour cela que Reich soutient que la nouvelle économie est constituée de réseaux
d’entreprises s’entremêlent sans distinction grandes et petites, les secondes assurant les
fonctions externalisées des premières rendant ainsi la frontière entre l’intérieur et l’extérieur
extrêmement floue. Mais ce processus ne concerne que les entreprises ayant engendré les
revenus les plus élevés.
Les identificateurs et résolveurs de problèmes ainsi que des courtiers-stratèges qui
constituent le point névralgique de l’entreprise-réseau étendront leur réseau au-delà des
frontières du territoire national grâce au formidable progrès des télécommunications et des
moyens de transport. Dorénavant le savoir, les capitaux ainsi que les biens et services se
transforment en signaux électroniques sans aucun support physique. Ainsi, ce qui s échange
ce sont plus des services comme la recherche et développement ou encore des études de
marché entre partenaires d’un même réseau que des produits finis stricto sensu.
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