Cours, printemps 2011, Martine Nida-Rümelin, handout 10

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Cours, printemps 2011, Martine Nida-Rümelin, handout 10 élargi
Thème : La réflexion phénoménologique
Quelques remarques terminologiques :
Différents usages du terme « phénoménologie » :
- comme nom d’un courant philosophique (Husserl, Brentano, Meinong, ….)
- comme expression pour ce qui est présent dans l’expérience (exemple : la phénoménologie
de l’agir)
1. Réflexion phénoménologique :
En réfléchissant sur ce qui est donné dans l’expérience on essaie de trouver une description
adéquate de cette expérience.
Le but : se rendre compte et décrire les traits communs de la phénoménologie de l’expérience
humaines dans un certain domaine, ou même les traits nécessaires d’un certain type
d’expérience.
Une autre expression similaire :
Introspection
- danger de l’usage de ce terme : fausse métaphore de la direction à l’intérieur.
- différence dans l’usage : « introspection » est employé de manière plus générale ; le but est
normalement celui de décrire les propres états mentaux sans un intérêt particulier à découvrir
les traits générale de l’expérience humaine ou même les traits nécessaires d’une certaine
expérience.
2. L’importance de la réflexion phénoménologique en philosophie : contraintes
phénoménologiques pour les théories philosophiques
Une théorie philosophique ne devrait, si possible, pas contredire ce qui semble évident sur la
base de la phénoménologie de l’expérience.
- exemple 1 : Il nous semble dans l’expérience perceptuelle que nous avons accès directe à
des objets réels qui existent indépendamment de nous. C’est un avantage pour une théorie
philosophique de la perception si elle ne contredit pas cette impression.
- exemple 2 : Il nous semble dans l’expérience de l’agir que nous sommes nous-mêmes
l’origine causale de l’action. (Voir les publications de Terrence Horgan ; « experience of self
as source »). Une théorie philosophique de l’action devrait être compatible avec le contenu de
cette expérience.
La réflexion phénoménologique a comme un de ses buts la découverte de ce qui nous semble
évident sur la base de la phénoménologie de nos expériences. Ces découvertes peuvent nous
rendre conscients d’un trait de l’expérience qui était présent avant cette découverte même si
ce n’était pas articulé. En faisant ceci la phénoménologie peut formuler des contraintes pour
les théories philosophiques : ces théories devraient éviter l’attribution d’une illusion radicale à
nos expériences.
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La réflexion phénoménologique est un outil controversé:
Critique de cet outil : manque de contrôle intersubjectif : chacun a accès seulement à ces
propres expériences. Une affirmation générale est basée sur un seul cas (le propre cas).
Réponse possible à cette critique : Chacun peut contrôler une thèse phénoménologique
proposée sur la base de ses propres expériences. (Disanalogie avec les résultats de la
psychologie empirique).
3. Le contenu propositionnel d’une expérience
Dans une expérience perceptuelle le monde est présenté au sujet concerné d’une certaine
manière : il semble au sujet que tel et tel soit le cas. Par exemple, dans mon expérience
visuelle quand je regarde par la fenêtre, je suis sous l’impression de voir un arbre avec des
feuilles vertes ; dans ce cas, la proposition qu’il y ait, là dehors, un arbre avec des feuilles
vertes est le contenu de mon expérience. Le contenu de mon expérience (dans ce sens) est la
proposition p qui doit être vrai si mon expérience est véridique.
Définition 1: Une expérience est véridique ssi dans cette expérience le monde est présenté au
sujet tel qu’il est.
Défnition 2 : Une expérience E a la proposition p comme contenu ssi c’est la vérité de la
proposition p qui rend E véridique si E est véridique (en d’autres mots : si E est véridique elle
l’est grâce au faut que p.)
Quelques remarques faites durant notre débat le 23.5.2011 :
- Une expérience est une illusion ssi il y a une proposition p qui est son contenu et p n’est pas
vrai.
- Même dans un cas d’une expérience qui n’est pas véridique, le sujet peut avoir la
connaissance qu’elle a cette expérience. La réalité des expériences non-véridique n’est pas
niée et la capacité du sujet d’avoir connaissance de ses propres expériences non plus.
- Une personne peut avoir une expérience qui n’est pas véridique même si c’est tout à fait
normale pour un être humain d’avoir cette expérience sous les conditions données (exemple
du bâton dans l’eau).
Usage du concept de contenu pour une explication d’un certain type d’argument
phénoménologique en philosophie :
Si, dans un certain domaine nous avons, en tant que être humain, des expériences avec le
contenu p, et si ces expériences jouent un rôle central (à expliquer !), alors une théorie
philosophique devrait ne pas impliquer non p.
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Un argument phénoménologique dans la philosophie de la perception
Deux questions centrales de la philosophie de la perception :
(Q1) De quoi sommes-nous directement conscients dans la perception ?
(Q2) Qu’est-ce qui constitue le caractère phénoménal d’une expérience perceptuelle ?
Un problème pour la théorie de la perception :
Les prémisses suivantes semblent toutes plausibles mais ne sont pas compatibles :
P1 : Dans la perception nous sommes directement conscients des objets réels qui nous
entourent.
P2 : Ce dont nous sommes directement conscients dans une expérience détermine le caractère
phénoménal de cette expérience.
P3 : Une perception et une hallucination peuvent avoir exactement le même caractère
phénoménal.
P4 : Les objets dont nous sommes directement conscients dans une perception et dans une
hallucination ne sont pas les mêmes.
La théorie des ‘sense data’:
- Nous sommes directement conscients de certains objets mentaux : des données sensorielles
(des ‘sense data’).
- Ces ‘sense data’ existent uniquement grâce à l’expérience dans laquelle ils sont présents.
- Le caractère phénoménale d’une expérience est déterminé par les ‘sense data’ qui sont
présents dans cette expérience.
Cette théorie résout le problème ci-dessus par le rejet de P1 et P4.
La théorie intentionnaliste (défendu par exemple par Terrence Horgan, Susanna Siegel…) :
- Dans la perception nous sommes directement conscients des objets qui nous entourent (ce
n’est pas le cas dans l’hallucination correspondante).
- Ce qui détermine le caractère phénoménal d’une expérience est son contenu intentionnel : le
contenu intentionnel est caractérisé par les conditions sous lesquelles l’expérience serait
véridique.
La théorie intentionnaliste résout le problème ci-dessus par le rejet de P2.
Souvent on utilise un argument phénoménologique pour argumenter contre la première et en
faveur de la deuxième théorie. Cet argument sera présenté et discuté la prochaine fois. (Voir
la première partie de l’article de Mike Martin mis à disposition sur Gestens).
La théorie disjonctiviste (défendu par exemple par Mike Martin)
- Percevoir quelque chose c’est d’être dans une relation particulière avec l’objet.
- Dans le cas de la perception le caractère phénoménale est constitué pas les objets perçus.
- La relation entre une hallucination et une perception correspondante consiste dans le fait que
le sujet concerné ne peut pas distinguer les deux. Ces deux expériences n’ont rien de
substantiel en commun.
Cette théorie rejet P2.
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Remarque : contrairement à l’impression que l’on pourrait avoir sur la base du texte de Mike
Martin une théorie intentionnaliste peut tout de même accepter l’existence de propriétés
phénoménales de nos expériences qui sont intrinsèques. (A discuter)
Un résumé de l’argument contre les qualia et contre les sense-data dans le texte de Mike
Martin (voir les citations distribuées) :
(1) Dans l’expérience perceptuelle nous sommes présentés avec de objets publics; chaque
tentative de découvrir des objets mentaux et non-publics (comme des qualia ou de sense-data)
échoue.
(2) Selon (1) il n’existe aucune raison, sur la base de la phénoménologie, d’accepter
l’existence de tels objets mentaux (des qualia ou des sense-data). Les théories qui stipulent de
tels objets ne sont donc pas confirmées pas la phénoménologie de l’expérience perceptuelle.
(3) La stipulation de qualia ou de sense-data ne suffit pas pour expliquer le caractère
phénoménale de l’expérience perceptuelle. Le fait d’être présentés avec des objets publics ne
peut pas être expliqués de cette manière.
En préparation de la discussion au cours :
Une ambigüité répandue dans l’usage du terme « qualia » :
Qualia au sens 1 :
Les propriétés des expériences qui sont responsables pour le ‘what it is like’ de l’expérience
pour la personne concernés.
Exemple : la propriété de l’expérience qui consiste dans le fait que la personne concernée est
sous l’impression de voir du bleu.
Qualia au sens 2 :
Les qualités qui sont données au sujet dans son expérience.
Exemple : le bleu.
Hypothèse (mnr, à discuter) :
Si on présuppose le premier sens de « Qualia » on peut échapper à l’argument de Martin/Tye
et autres présenté ci-dessous.
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