L`impact social de SMart

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L’entreprise Smart
Smart est un groupe d’associations et d’entreprises, au niveau national et partiellement
européen, dont une Fondation privée jour le rôle de de structure faîtière. Son objectif :
neutraliser la tension (et les contradictions) entre le cycle entrepreneurial au niveau
individuel ou micro-collectif et le cycle de l’activité professionnelle du travailleur,
aujourd’hui dans le forme générale du salariat.
Pratiquement, ce « core business » est mis en œuvre au niveau :
 de l’administration générale de l’emploi et de la paie (cycle du travail) ;
 de l’administration des actes commerciaux et de l’affacturage de (Très) Petites
Entreprises (cycle de l’entreprise).
A ces deux niveaux, Smart joue également un rôle important en termes de couverture
des risques et de financement à court terme.
Le passage, et même le va-et-vient entre ces deux cycles se fait de manière
transparente, sans qu’il soit besoin pour la personne de définir sa posture de façon
rigide et permanente. Il y a selon nous un continuum entre le salarié qui recherche des
temps de travail rémunérés, le free-lance, le porteur de projet, le micro-collectif, le
« maker » à l’initiative d’une start-up et l’entrepreneur. Tout à tour salarié, patron,
vendeur, acheteur, commercial, concepteur … Nul besoin de se définir, agir suffit :
l« l’autonomie solidaire comme moyen de renforcer durablement son pouvoir d’agir et
de créer ».
Smart a vocation à accompagner tout un chacun qui socialise et monétarise des
capacités, des compétences, des expériences, dans l’invention d’un nouveau mode de
travail et de redistribution de sa valeur. Une sorte de pragmatisme utopique positionné
clairement dans le champ de l’économie sociale et solidaire innovante. Et elle vient
d’ailleurs d’entreprendre sa transformation en coopérative – qui devrait être effective
fin 2016.
L’environnement et la réponse de Smart
Comme entreprise, l’environnement de Smart est celui de n’importe quelle autre
entreprise belge. Néanmoins, cet environnement n’est pas simplement une variable,
mais sa raison d’être.
Dans le secteur culturel, Smart a commencé son aventure de résoudre des problèmes
de factures et d’emploi : dans des relations économiques entre agents souvent
multiples, dont on peinait à déterminer qui est l’employeur, et où les rapports de travail
favorisaient des formes de rémunération comme la note d’honoraire et la facture, voir
l’enveloppe sous la table, en lieu et place du contrat salarié – la norme légale dans le
secteur du spectacle vivant.
Smart a parcouru différentes formes d’intermédiation :
 d’abord en réactivant la notion de tiers-payant,
 puis en s’appuyant sur l’instauration en 2002 du « statut social et fiscal des
artistes » et du « contrat dit 1er bis » (qui permet à un artiste d’être salarié en
dehors de tout lien de subordination),
 enfin en assumant de façon généraliste une position d’employeur.
Sa croissance rapide et importante lui a permis d’engranger des fonds propres suffisant
pour garantir le paiement des salaires dans un environnement incertain (retards de
paiement d’opérateurs fragiles, faillites, retards de subsides, etc.).
Enfin, Smart s’est ouvert à une multitude d’autres secteurs et métiers que ceux des
industries créatives et culturelles.
Parallèlement, en 2005, nous mettons en place le dispositif complémentaire à celui
réglant les questions d’emplois et de paie : les travailleurs free-lance, autonomes,
indépendants ont aussi besoin d’une mutuelle d’entreprise, et pas seulement d’emploi.
Les « Activités Smart » sont nées de ce constat : qu’il s’agisse de développer un
parcours professionnel individuel ou de porter des projets de production, ces
travailleurs sont aussi d’une manière ou d’une autre des entrepreneurs de leur travail.
Ils investissent, sous-traitent, engagent … Bref, l’emploi et l’entreprise sont inscrit dans
un continuum que Smart prend désormais en charge d’un bout à l‘autre.
Ce dispositif a eu deux effets, difficiles à mesurer, mais indéniables :
 il a permis à une part non négligeable de travail +/- informel de s’inscrire
clairement dans le salariat, en ouvrant des droits sociaux aux travailleurs,
 et porter des projets, entreprendre une « affaire » peut se faire sans risques
inconsidérés, sans devoir être un maître de gestion, sans craindre la faillite, le
plan d’apurement à l’ONSS ou des problèmes de TVA.
Sortir de l’économie informelle et se constituer des droits sociaux
Entre 2008 et 2014, Smart a encaissé 43 millions d’euros1 qui peuvent être considérés
comme étant issus de relations économiques fragiles, de personne physique à personne
physique. Près de 4.000 personnes ont converti en rémunérations ces montants dont
tout indique (type de prestation, nature du client, métier et secteur, etc.) qu’ils auraient
été, en l’absence d’un dispositif comme celui de Smart, perçus en « black », ou
déportés vers des prestataires en société.
Chez Smart, la part des salaires représentent +/- 68% (salaires chargés) du montant
total facturé aux clients.
La première motivation des travailleurs à convertir recettes en salaires est de se
constituer ou de préserver des droits sociaux dans le régime salarié. Il n’y a pas d’autre
raison impérieuse à faire le choix de déclarer des revenus et de payer des cotisations
sociales. Encore fallait-il disposer de l’outil ad hoc.
La possibilité de convertir une recette quelconque en salaire, afin de construire, ouvrir
ou maintenir, des droits sociaux, constitue de ce point de vue, un élément majeur d’une
étude sur l’impact social de Smart.
On remarquera à cet égard que cette conversion est en principe impossible : on ne
« choisit » pas d’assujettir au régime salarié un revenu provenant d’une vente ou d’une
prestation réalisée somme toute « comme un indépendant », auprès d’une clientèle
privée la plupart du temps (dans le cas ici étudié).
En bref, Smart a pris acte d’un vide administratif et juridique sur le terrain du travail et
de l’activité économique, qui propulsait les agents les plus fragiles soit vers des
montages aventureux soit tout simplement vers le travail informel – socialement toléré
et même valorisé parce que « culturel, créatif ». La réponse qu’il a apporté à ce vide
repose sur une mutualise massive du risque commercial (une facture douteuse ne doit
pas empêcher le paiement d’un salaire ni des cotisations sociales).
: encaissement auprès d’une clientèle privée sans facturation – de type « vente comptoir », facturation auprès de
personnes physiques, facturation à des organismes avec encaissement en espèces du montant total à facturer
1
Entreprendre sans risque (ou presque)
Entre 2008 et 2014, 18.500 personnes ou micro-collectifs ont ouvert une (très) petite
entreprise au sein de Smart (appelée chez nous Activité) dont +/- 6.500 sont actives
chaque année (au moins une facturation à un client).
A côté de plusieurs milliers d’Activités qui ont une existence économique régulière (de
quelques centaines d’euros facturés chaque année à plus de 100.000€ de recettes
annuelles), un nombre important d’Activités sont irrégulières, parfois au point de rester
« en sommeil ».
La vie d’une TPE (très petite entreprise) Smart peut être irrégulière, fonction de la
conjoncture ou des choix de son administrateur : cette irrégularité n’a pas de
conséquences dommageables, ni au niveau personnel, ni au niveau de l’entreprise.
L’arrêt momentané ou définitif d’une TPE est sans conséquence.
Autrement dit, le risque de faire faillite, inhérent à toute entreprise, est neutralisé chez
Smart. Une fois ouverte, une Activité dispose d’un compte et d’un mandat au sein de
Smart dont l’administrateur use à sa guise et à son rythme (ou au rythme de ses
marchés et de sa production).
L’on peut aisément imaginer les profils d’utilisation d’une Activité :
 Préserver une activité d’indépendant à titre complémentaire, en utilisant Smart
pour rester inscrit dans le régime salarié à titre principal ;
 Ou vice versa, préserver son inscription dans le régime salarié (par exemple
lorsque l’on a un emploi salarié par ailleurs), sans devoir ouvrir une activité
d’indépendant à titre complémentaire pour des activités de type « free-lance »
ou de ventes occasionnelles
 Lancer une startup en utilisant Smart comme « bureau social et fiscal » étendu,
sans devoir prendre aucun risque personnel (indépendant) ni libérer le moindre
capital (société) ;
 Entreprendre une activité d’indépendant, de free-lance, en compensant le
risque de clientèle par un revenu complémentaire issus des allocations de
chômage ou d’insertion, ou encore d’un revenu d’intégration, et ce dans le
temps long ;
 Lancer son association en s’évitant la gestion TVA et les échéances ONSS
(cotisations sociales), mortelles en cas de retard de paiement d’un partenaire ou
d’un Pouvoir public (subsides, factures, etc.) ;
 Etc.
Autant d’options, de choix de fonctionnement pour reprendre des termes d’Amartya
Sen, qui semblent légitimes, mais qui sont en porte-à-faux avec les pratiques
administratives, et parfois les prescriptions légales.
L’on sait – à travers les statistiques sur les faillites des PME (et particulièrement des
TPE), mais aussi sur celles relatives aux dispositifs de Coopératives d’activités et autres
« Job’In » - qui vise à encadrer pendant 18 mois généralement le passage
qu’entreprend un demandeur d’emploi vers une activité d’indépendant, que le taux de
faillite ou d’arrêt de l’activité est considérable. Et qu’il est généralement
catastrophique pour l’entrepreneur : dettes personnelles (sociales, fiscales,
commerciales), sentiment d’échec, pertes de droits sociaux – qu’il faudra reconstruire,
etc.
A titre d’exemple, seuls 12% du montant total facturés par nos membres à leurs clients
sont réglés par ces derniers dans le délai légal de versement du salaire (7 jours), moins
de 40% de ce montant sont versés dans un délai d’un mois – qui est grosso modo celui
des échéances des versements anticipés de TVA et de cotisations sociales, et il y a
encore près de 19% de ce montant qui sont versés au-delà des 90 jours, délai à partir
duquel des pénalités sont comptées en matière de versement TVA et ONSS. Pour
mémoire, dans les années ’80 et ’90, les asbl culturelles en plan d’apurement auprès de
l’ONSS se comptaient par dizaines.
Nul besoin d’être entrepreneur : être entreprenant est bien suffisant. Et ça se construit
sur le temps long : il s’agit seulement de neutraliser les effets dévastateurs des
accidents économiques afin de maintenir durablement la capacité d’entreprendre, de
créer, d’agir des personnes.
Les trois axes de l’échange, selon Karl Polanyi
Nous retenons ici de Polanyi les trois formes d’échange représenté par les modèles
redistributif, marchand et réciproque. En prenant le pari que c’est l’équilibre entre ses
trois axes qui contribuera au réencastrement de l’économie dans la société, afin que la
première serve la seconde, et non qu’elle la force à s’adapter à ses intérêts, de façon
aveugle et destructrice.
Quelques chiffres sur trois axes
Sur l’axe marchand, le volume des échanges a connu une croissance à deux chiffres
entre 2002 et 2012, pour se stabiliser aux alentours de 110 millions d’euros de chiffre
d’affaires annuels. Nous constatons au 3ième trimestre 2015 une croissance fragile mais
nette, qui laisse présager un nouvel élan que l’on espère durable. Le volume des
échanges a crû, mais il s’est aussi diversifié, dans de nombreux secteurs.
Notons que la répartition des activités de nos membres en fonction de l’intensité
(monétaire) de leurs échanges marchands épouse une courbe dite de « Pareto » : 25%
de nos membres contribuent à 75% du chiffre d’affaires global.
Sur l’axe redistributif, il convient de considérer deux dispositifs : les mécanismes
redistributeurs centralisés au niveau de l’Etat (financé par les cotisations sociales et la
TVA, Smart n’étant pas à ce jour soumis à l’ISOC), et ceux centralisés au niveau de
Smart.
En 2014 l’activité de nos membres a contribué à hauteur de 21,7 millions d’euros à
l’ONSS par le versement des cotisations sociales (patronales et employés) sur
l’ensemble des contrats, hors avantages (c’est-à-dire après déduction des réductions de
charges pour les artistes et de la réduction groupe cible demandeurs d’emploi de
longue durée – Plans Activa). Par ailleurs 10,9 millions d’euros de précompte
professionnel ont été payés en 2014.
De plus, SMart a collecté la même année pour le compte de l’Etat 13,1 millions d’euros
de TVA sur les montants facturés via nos outils.
Quant au principe de redistribution mis en œuvre par Smart elle-même, comme
organisme centralisateur, il est inscrit dans la nature « non-profit » du groupe :
l’ensemble des recettes propres au groupe (provenant essentiellement du prélèvement
de 6,5% sur les montants facturés par nos membres à leurs clients et des réductions de
cotisations patronales), elles sont réinjectées dans le développement d’outils de
production pour nos membres, dans l’accompagnement et dans les provisions pour
risques (commerciaux et assurantiels).
A cet égard, il est à noter que nous ne pratiquons aucune segmentation de notre
public : un membre qui facture 100€ sur l’année est traité de la même manière et
bénéficie du même niveau de services qu’un membre qui facture plus de 100.000€. En
2014, hors frais de structure (personnel administratif permanent et bureaux), c’est ainsi
près de 10 millions d’euros qui ont été réinjectés dans des services directs aux
membres, sur les quelque 17 millions d’euros des dépenses du groupe.
Enfin, sur l’axe de l’échange réciproque, c’est l’environnement créé par nos outils et
services qui jouent le rôle d’incubateur de réciprocité. Plus difficile à mesurer, puisque
par définition, il échappe à l’administration de Smart.
Notons cependant qu’aujourd’hui plus de 5.000m² d’espaces de travail sont mis à
disposition de nos membres (plus d‘une centaine de personnes et micro-collectifs)
dans un contexte qui favorise leur autogestion : ainsi La Vallée (Molenbeek) et la BAF
(St-Gilles) se développent sous leur marque propre et à l’initiative de leurs occupants.
Remarquons également le mécanisme d’échanges entre Activités, appelés dans notre
jargon « le transfert de budget ». Un membre administrateur d’une Activité peut
confier l’usage d’une partie de son budget à une autre Activité, en transférant à cette
dernière un droit à le dépenser (techniquement, le montant convenu passe du compte
d’une Activité à l’autre). Nous sommes à mi-chemin de l’échange marchand (il y est
question d’argent) et de l’échange réciproque (puisqu’il y a circulation d’actes,
économiques ou non, entre Activités, au sein d’une seule et même entité économique,
d’une seule et même comptabilité générale). A proprement parler, un « transfert de
budget » est un transfert de potentiel, un transfert de capacité, entre égaux. Cela
représente en 2014 presque un millier d’échanges.
Le principe de mutualisation … c’est la troisième voie.
La mutualisation est souvent, le plus souvent, envisagée – notamment au niveau des
politiques publiques, sous l’angle de l’économie d’échelle, de la mutualisation des
moyens, et dans le meilleur des cas, sous un angle « éthique » : parce que « la
mutualisation, c’est bien ».
Smart pratique la mutualisation des moyens et des risques, là où les dispositifs habituels
d’assurance (sociales, notamment) font défaut.
Certains pensent que l’instauration d’un troisième régime, intermédiaire entre le
salariat « classique » et l’indépendance, serait de nature à répondre aux problèmes
soulevés. Ce régime se trouverait confronté cependant immédiatement confronté au
même problème : le caractère hybride, combinatoire et multiforme des formes de
travail, de relations de travail, de modes de rémunérations qui ne cessent de s’inventer.
Nous croyons plutôt – en regard de l’expérience acquise en la matière, que cette
fameuse troisième voie consiste plutôt à neutraliser l’écart entre les deux régimes,
indépendant et salarié. Non pas en inventant un nouveau régime hybride (il n’y a aucun
gain à passer d’un système binaire à un système ternaire, en figeant les activités
humaines économiques dans des catégories exclusives), mais en mutualisant les
dispositifs de telle manière que la seule différence qui subsisterait serait liée à l’assiette
sur laquelle sont calculées les cotisations : sur un salaire horaire, journalier,
hebdomadaire, mensuel et une quantité de travail, ou sur les revenus professionnels
nets, c’est-à-dire sur le chiffre d’affaires, déduction faite des dépenses, charges et
pertes professionnelles. Les deux pouvant se combiner.
La mutualisation des moyens et des risques, tous deux indissolublement liés, est sans
doute le meilleur moyen de couvrir le plus large spectre des activités économiques des
personnes, comme les anciennes caisses de secours mutuel l’avaient présagé. On le sait,
il s’agit seulement d’en étendre et généraliser le principe.
En matière d’impact social, c’est l’un des objectifs majeurs de Smart : contribuer à faire
évoluer la législation et les cadres administratifs. A partir de l’expérience concrète se
déroulant au sein de son dispositif, qui vise, expérimentalement, à mettre en œuvre
cette troisième voie
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