Faivre Elisa Christophe CHARLE Histoire sociale de la France au XIX ° siècle Seuil, Points 1991 (pages 55 à 99) I LE TEMPS DES NOTABLES OU L’IMPOSSIBLE PACIFICATION SOCIALE 1. La société française vers 1815 1- Une société affaiblie 2- Une société divisée 3- Une société d’exclusion et de révolte violente 2. Notables, capacités, paysans et prolétaires 1- Notables dominants 2- Les notables divisés et contestés 3- Prolétaires menaçants : Le processus de contagion – Le prolétariat de fabrique et les exclus de la société industrielle – Une nouvelle vision sociale 4- La crise du milieu du siècle, 1847-1851 : Crise éco et tensions sociales – Les enjeux sociaux de la crise du milieu du siècle – Notables réconciliés et peuple déchiré – Paysans sauveurs ou révoltés ? - conclusion 3. Stabilisation impériale et société en mouvement 1- L’Etat bonapartiste, force stabilisatrice ou déstabilisatrice ? : Le personnel politique – La haute administration et les hauts grades de l’armée – L’émergence d’un corps de fonctionnaires – Le clergé, allié ou adversaire ? 2- La fin de l’ancien régime agraire : L’ « extinction du paupérisme » rural – Les paysans, nouveaux riches ? – Le retour des notables ? 3- Une société urbaine en mouvement 4- La poussée démocratique II L’EMERGENCE D’UNE SOCIETE DEMOCRATIQUE 4. Une nouvelle classe : les paysans 1- L’intégration nationale 2- La crise comme révélateur sociale 3- France rurales et sociétés paysannes 5. Essor des classes moyennes 1- Le monde des petits ou comment échapper au prolétariat 2- Les employés : un nouveau prolétariat ? 3- Les fonctionnaires : serviteurs ou rebelles ? 4- Les professions libérales : le rêve d’une société sans classes ? 6. Anciennes et nouvelles élites 1- Noblesse et notables : déclin ou reconversion ? 2- Les bourgeoisies 3- Les élites de la République 4- Une nouvelle élite ? « les intellectuels » 7. Les classes ouvrières, dissidence ou intégration ? 1. Crise du vieux monde industriel et essor du nouveau prolétariat 2. Les modes de vie ouvriers 3. Les relations entre patrons et ouvriers 4. De la dépendance à l’exclusion 8. L’idéal d’une société démocratique ? 1- La mesure des inégalités 2- Mobilité et immobilité 1 3- Prolétaires menaçants Le processus de contagion « La répression est génératrice d’une conscience de classe durable et d’une solidarité élargie. C’est pourquoi chaque conflit du travail, chaque trouble né de la misère urbaine peut entrainer très vite la masse des classes populaires dans la révolte ouverte et la remise en cause de la classe au pouvoir, celle-ci ne négociant jamais ou, quand elle le fait, ne tenant jamais ses engagements » (p56)→ meilleur exemple de contagion révolutionnaire = révoltes à Lyon (1831 et 1834) car la politique nationale et l’agitation étudiante n’interviennent pas. Ces révoltes sont seulement dues à la situation socio-éco. Le prolétariat de fabrique et les exclus de la société industrielle Ouvrier d’ancien type (ex : Canuts) 2° prolétariat : moins organisé, ouvriers des = ouvrier urbain organisé fabriques, des mines, des chantiers de chemin de fer Prolétariat provincial, hétérogène (femme, enfant, étrangers..), peu qualifié, sousalphabétisé Intransigeance de la classe des notables qui = « misérables », « sous-prolétariat » voit dans la contestation éco une atteinte à la « foyer de pathologie sociale » = vol, propriété délinquance, abandon d’enfants, prostitution → violence répressive → ouvriers cherchent …car misère, chômage, habitat précaire… des alliances (assoc., « groupes politiques et sectes socialistes ») et deviennent une force En cas de crise éco → révolte violente qui de contestation n’est pas organisé par des groupes politiques → phénomènes éco politisés, organisés → contagion révolutionnaire (révolte, lutte des classes) Une nouvelle vision sociale Socialisme utopique → diffusion d’une autre vision sociale. Avant l’apparition du socialisme utopique, la « vision dominante » (= importance de la propriété, affirmation des libertés) était contestée par les catholiques et les légitimistes (// royaliste). Contestation socialiste : l’industrie créatrice de richesses créent de la misère (prolétariat) et « le règne de la liberté » engendre l’asservissement des plus faibles (travail des enfants) → les classes moyennes et les intellectuels sont troublés et reconnaissent comme légitimes certaines revendications socialistes → à la propriété s’ajoute le travail comme fondement / valeur de la société → pauvreté = injustice sociale (les ouvriers ne sont pas responsables de leur situation) → certains ouvriers écrivent poésies et articles de journaux → ouvriers ne sont donc pas des sous hommes → ils ont même de la dignité et peuvent être morals ► le pouvoir capitule facilement en 1848 (« Révolution antérieure dans les têtes » p59) → entre février et juin 1848 « la classe ouvrière la plus organisée […] conqu[iert] une certaine audience au plus au niveau de l’Etat » (→ création de la commission du Luxembourg, ateliers nationaux, premières mesures de législation sociale) 4- La crise au milieu du siècle 1847-1851 Crise éco et tensions sociales 1846 : crise agricole, commerciale, industrielle Surpopulation, endettement, mauvaises récolte → ↑ prix → misère (↑mortalité, délinquance, mendicité, attaque des riches, xénophobie) / - demande des agriculteurs pour l’artisanat, le textile → crise éco 2 ≠ gagnants de la crise : fermiers vendeurs, propriétaires (rente↑), intermédiaires (spéculation) → p60 « La misère, source de troubles, alimente aussi une lutte de classe rurale » Troubles : aux limites de départements (point de passage des récoltes), dans les zones où se concentrent un prolétariat rural ≠ dans les grandes villes, dans les zones où l’industrie est moderne → envoi de troupes pour prévenir les révoltes + convoi de blé (Schneider fait venir du blé de Marseille au Creusot) ► « les initiatives » (=intervention de l’entrepreneur, de la commune) « accroissent donc les inégalités entre classes populaires de statut différent tout en soulignant les limites du libéralisme » (p64) Conséquences politiques : Intransigeance de la classe dirigeante (notables sont perçus comme des profiteurs)+ incapacité à faire face aux demandes populaires → 1848 succès des républicains ≠ après 1851, la paysannerie soutient de nouveau les notables car les républicains ont pris des mesures en faveur des ouvriers des villes +↑ impôt (impôt de 45 centimes) + dépression des prix agri (surproduction) Les enjeux sociaux de la crise au milieu du siècle II° République_février 1848 : Les Républicains modérés (bourgeoisie des capacités, classes moyennes) accèdent au pouvoir (élus au suffrage universel masculin) → grève de l’investissement → crise éco, chômage « mur d’argent » : les notables détiennent encore le pouvoir économique → réactions des Républicains qui créent des ateliers nationaux → mais la misère et les nouvelles libertés accordés aux ouvriers par la II° République poussent les ouvriers à s’organiser en assoc. (délégations, pétitions professionnelles) → juin 1848 révolte du mouvement ouvrier parisien→ la rue ne peut pas gouverner, les Républicains s’appuient désormais sur la petite bourgeoisie et les paysans / rupture avec les ouvriers mais les Républicains sont tenus pour responsables des violences → paysannerie + petite bourgeoisie se tournent de nouveau vers les anciennes élites garantes de la prospérité et de l’ordre Notables réconciliés et peuple déchiré (p67) Fin 1848 → retour au premier plan des notables qui s’appuient → sur « la force sociale traditionnelle » = régions aux structures archaïques (domination des notables considérées comme normale →sur « la force sociale d’union des factions qui autrefois se déchiraient » : paysans propriétaires, campagnes riches liées au marché (importance du commerce, et donc de la paix et de la prospérité éco) MAIS parallèlement renforcement de l’extrême gauche dans certaines campagnes ce qui renforce la « peur sociale » des notables Paysans sauveurs ou révoltés La paysannerie tend à devenir une force sociale et politique autonome (les notables ne peuvent plus s’appuyer sur la déférence du prolétariat rural) La « paysannerie rouge » (= « les partageux ») est une classe divisée spatialement (dans ≠ régions) et économiquement (certaines régions sont plus riches que d’autres). Par le suffrage universel, elle peut s’unir et être représentées. (« contagion démocratique des campagnes par les villes » p 68) → les notables voient là un danger car les représentants des classes populaires sont cette fois socialement proches de ceux qu’ils représentent (≠ bourgeois capacitaires) → manif. d’autonomie politique réprimées, loi Falloux : encadrement des jeunes par l’Eglise, loi mai 1850 : possibilité des se présenter aux élections si on peut justifier de 3ans de résidence (exclusion des ouvriers et paysans migrants) Milieux ruraux, ouvriers, membres du patronat, régions avancées économiquement (Nord est, bassin Parisien) qui ne se reconnaissent ni dans les notables, ni dans l’extrême gauche se tournent vers le bonapartisme (« majorité négative » p70) → coup d’Etat – Napoléon III – princeprésident Résistance à ce coup d’Etat : 3 → mouvement de protestation sociale contre la politique réactionnaire des notables → mouvement politique de défense d’une République : « La République, dans le souvenir collectif, n’est plus une simple notion juridique, mais un programme politique et social, celui d’une nouvelle société affranchie de la domination sans partage d’une classe dirigeante héréditaire » (p71) mais les ouvriers qui se sentent trahis par la République suite aux révoltes violemment réprimées de juin 1848 sont moins mobilisés et si certaines régions se mettent en mouvement contre le coup d’Etat (« la Vendée rouge »), d’autres malgré leur vote massif pour les démocrates socialistes aux élections législatives de 1849 ne s’opposent pas au coup d’Etat (car interaction difficile entre les villes, peu de communication) Conclusion (p72) La crise centrale du XIX° siècle crée des « réflexes sociaux et politiques durables dans les classes dominantes et dans les classes dominées » ► Bonapartisme « il s’agit de mettre entre parenthèses la Révolution par un consensus négatif de tous ceux qui ont peur du déchaînement de la lutte des classes et souhaitent un Etat fort, nouvelle force sociale qui sert de ciment et d’arbitre apparent entre les intérêts contradictoires » 3. STABILISATION IMPERIALE ET SOCIETE EN MOUVEMENT II Empire (déc 1851-mai 1871) → volonté de modernisation et d’ouverture au monde alors que « risque de saper ses propres bases politiques » → politique sociale mais hostilité ouvrière → politique de grandeur mais « incapacité de doter la France d’une armée performante, d’une administration adaptée, d’une instruction rénovée et d’élites à la hauteur » ► « Sans la guerre de 1870, la transition du pouvoir autoritaire à une quasi-République présidentielle aurait sans doute été à son terme et si le retour en arrière autoritaire de la décennie incertaine des années 1870 a laissé place à l’avènement définitif de la République et de la démocratie, c’est aussi paradoxalement grâce aux mouvements sociaux suscités volontairement ou involontairement par l’Etat bonapartiste » 1- L’Etat bonapartiste, force stabilisatrice ou déstabilisatrice ? Le personnel politique Ministres, sénateurs, conseillers d’Etat = Députés du corps législatif = (en principe ) hommes de l’Empereur hommes du peuple (suffrage universel) Pas d’autonomie, peu de responsabilités → « le processus de démocratisation des élites l’Empereur décide politiques entamé en 1848 est interrompu et on Mais avantages (prébendes = revenu attaché à revient même en arrière » (p74) un titre, pas d’aléas de carrière …) Car →candidatures officielles →pas ou peu d’opposition (pas de soutien Origines : héritage familial (notables), hommes de l’Etat alors que besoin de beaucoup de d’affaire, hommes nouveaux (intérêt de moyens financiers : campagne …) → quelques Napoléon III pour la question sociale et la élus dans les grandes villes acquises à la prétention démocratique du régime pousse ces République + faible indemnité hommes à s’exprimer → exple : Victor DURUY – fils d’un ouvrier tapissier des Siège peu, peu de pouvoir Gobelins → ministre de l’Instruction civique → réformes : extension de la gratuité du Origines des députés : fonctionnaires, rentiers, primaire, ouverture du secondaire aux filles…) hommes d’affaires (E. Schneider député + président du corps législatif à la fin de l’Empire), moins de professions libérales et d’intellectuels qu’en 1848 → « confusion encore plus forte qu’avant entre les deux sphères » (politique et économique) 4 La haute administration et les hauts grades de l’armée Le statut et le pouvoir de l’élite administrative et militaire ↑ surtout pour les hauts fonctionnaires techniques (Ecole des Mines, Cour des Comptes… car transformation éco + transports) Objectif : // Ier Empire → réconcilier les différentes classes dirigeantes en les mettant au service de l’Etat → « Le neveu chausse ici les bottes de l’oncle mais ne parvient pas à créer un personnel propre ou entièrement fiable » + épuration des révolutionnaires de l’administration Peu de mobilité sociale : niveau scolaire élevé (administration technique → Polytechnique …), patronage pour entrer dans l’administration, origine parisienne → un régime centralisé (coupure avec le pays réel et la province) + les classes moyennes supportent de plus en plus mal la domination de la classe dirigeante ► ce qui explique en partie l’effondrement du régime Pouvoir de l’administration à relativiser : le pouvoir tient plus à la durée des fonctions (Haussmann préfet de la Seine 1853-1870), en province les préfets ne doivent pas négliger les notables s’ils veulent avoir un appui pour soutenir les candidatures officielles, pouvoir des préfets limité par l’Empereur L’émergence d’un corps de fonctionnaires Volonté de modernisation + autoritarisme politique → émergence d’un corps de fonctionnaires Armée : ↑ des effectifs → la France dispose d’une quasi armée de métier, notables et paysans riches exemptés du service militaire → ceux qui effectuent leur service militaire sont tirés au sort, les plus pauvres effectuent un service long ↑des officiers → armée = promotion sociale pour les moins qualifiés Mais armée ≠ moderne (surtout par rapport à la Prusse) Fonction publique civile : → télégraphe public, police (force de répression pour encadrer le développement des villes et les risques de révolte urbaine), garde champêtre … 1853 : régime de retraite unifié → les fonctionnaires ont un statut ↑ des effectifs car prospérité éco (Etat peut embaucher et payer plus de fonctionnaires)+ saint simonisme (rupture avec la politique libérale) Recrutement : patronage + loyauté politique (être en faveur de l’Empire) Le clergé, allié ou adversaire ? II° République → peur sociale → le parti de l’ordre (notables) renforce les pouvoirs de l’Eglise qui est « une force d’encadrement considérable » (p83) de la population → Napoléon III fait de même Clergé = force d’encadrement de la population car → il assure une grande partie de l’enseignement primaire et secondaire → fonction d’assistance (hospice, hôpitaux) → les religieuses sont plus écoutées que les médecins (service gratuit, confiance de la population), elles jouent un rôle important dans la lutte contre les épidémies et la diffusion des vaccins Vocations : 1870 : 15 prêtres pour 10000 habitants, budget culte ↑ Devenir prêtre = promotion sociale sans rupture avec le milieu d’origine rural pour fils issu de famille de paysans riches ou de la petite bourgeoisie (+ évite problèmes de succession) Clergé = fonctionnaires → les dignitaires bénéficient d’avantages Mais rupture Eglise (ultramontain) / régime (gallicanisme) Ultramontain = favorable à l’extension maximale des pouvoirs du pape ≠ gallicanisme = favorable à une certaine indépendance des Eglises nationales par rapport à la papauté Mais villes sont de plus en plus républicaines, de plus en plus anticléricales → alliance clergé/Etat pour préserver l’encadrement des ruraux 5 2- La fin de l’ancien régime agraire L’ « extinction du paupérisme » rural II Empire = « âge d’or de la paysannerie » car → adhésion de ruraux au régime → âge d’or par rapport à la crise de la fin des années 1840 Exception française : secteur agricole est dominant : 1866 49.8% de la population active travaille dans l’agriculture mais la persistance du poids de la paysannerie ne correspond pas à une surpopulation et au paupérisme (≠ monarchie de Juillet) En effet, exode des ruraux les + pauvres (journaliers, mendiants, …) vers les villes qui offrent de nouveaux débouchés (grand chantier du II Empire + ↑ effectifs de fonctionnaires) ► - chômage ↑des salaires → + accès à la propriété (+ car + de divisions successorales entre héritiers, des domaines sont affermés → mise en exploitation par les propriétaires, migrant ayant gagné de l’argent en ville et achetant une propriété ) mais cette ↑ du nombre de propriétaires reste difficilement explicable (p88) Prix du foncier ↑ + besoin de capitaux pour appliquer les nouvelles méthodes de production (labours plus profonds → animaux de traie, charrue …) → besoin d’un minimum de capitaux pour accéder à la propriété Ecarts entre les régions françaises : Région agricole avancée (// France urbanisée) → modernisation + ouverture sur les marchés (importance des liaisons au réseau ferroviaire), spécialisation dans des produits lucratifs (vin, viande) → exple : Beaujolais → à proximité du train : agriculture modernisée, débouchés urbains, profit ≠ monts éloignés du train : polyculture France de l’ancien régime agraire : Bretagne, Limousin, massifs : pauvreté des sols, maintien des communaux pour les paysans pauvres Les paysans, nouveaux riches ? Ecart entre les paysans → modernisation → paysans s’enrichissent et adhèrent au régime impérial → ancien système agraire→ paysans restent pauvres → difficile de donner une moyenne et donc de savoir si les paysans en général se sont enrichis Essor des foires et du colportage : ↓autoconsommation, ↑ épargne = ↓endettement, achat de parcelles, dot des filles, + bétail /outil, moyen de payer un remplaçant pour le service militaire, étude Mais il y a encore de la misère (cf La terre de ZOLA 1887) → maison de 2 pièces, pas de commodités, pas d’évacuation des eaux usées, peu d’hygiène corporelle Etat de santé : amélioration limitée, pas de crise agricole et ↑ ration alimentaire → ↓épidémies, ↑taille Toujours beaucoup d’illettrés / mobilité géographique des moins riches ►hiérarchie sociale visible Le retour des notables Poids accru de l’Etat + ↑niveau de vie des paysans → ↓pouvoir des notables ? Non car →Empire s’appuie sur les notables pour asseoir son pouvoir en province →notables diffusent agronomie, élevage → ils sont à l’origine de la modernisation agricole Prospérité éco → moins de tensions sociales + notables ont de l’argent : rénovation château … Notables gardent le pouvoir socio-éco et politique à l’échelle locale Classement des plus riches : des vieilles familles (De la Rochefoucauld) et des barons issus de la finance et d l’industrie 6