Passe couleur de vin.1 "C’est ça, c’est ça la véritable âme... la nouvelle subjectivité, au sens ancien... C’est ça ce que nous apprend l’expérience analytique." J. Lacan 2 "[…] une chose [l’expérience de la passe] absolument consumante, brûlante, absolument chavirée, […]." J. Lacan 3 "- Ah ! [...], c’est mort à l’ennemi, quand même." J. Paulhan 4 Lors de la dernière assemblée générale de l’école, Jean Allouch avançait la proposition selon laquelle l’analyse est réalisation d’un deuil de soi-même. Cette proposition confirme et prolonge les formulations selon lesquelles l’analyse est effectuation d’un deuil, et la clinique, le deuil.5 Il s’agira d’essayer de retrouver quelques linéaments de ce "soi-même", par l’emprunt de détours. Ce "soi-même", comment vient-il dans la langue ? d’un effet innovant de traduction de l’anglais au français. Il semble bien qu’en Europe, un petit Traité du "soi" ait été produit dont le signataire est John Locke, en son Essai concernant l’entendement humain, [1694], au paragraphe 9 du chapitre 27 du Livre II, et ce à propos de l’identité personnelle (Personal identity).6 En quoi consisterait celle-ci ? La réponse est fonction de la portée attribuée au mot de personne. « C’est, à ce que je crois, un Être pensant et intelligent, capable de raison et de réflexion, et qui se peut consulter soi-même comme le même, [it self as it self] comme une même chose qui pense en différents temps et en différents lieux ; […] et c’est par là que chacun est à lui-même [himself] ce qu’il appelle soi-même.[self]. On ne considère pas dans ce cas si le même Soi [self] est continué dans la même Substance, ou dans diverses substances. Car puisque la conscience [consciousness] accompagne toujours la pensée, et que c’est là ce qui fait que chacun est ce qu’il nomme soi-même, [self] et par où il se distingue de toute autre chose pensante : c’est aussi en cela seul que consiste l’identité personnelle, ou ce qui fait Texte pour des Assises de la passe, École lacanienne de psychanalyse, Paris, Maison de l’Europe, 19 novembre 2005. 2 J. Lacan, "Du discours psychanalytique", université de Milan, le 12 mai 1972, in Lacan in Italia, 1953-1978, En Italie Lacan, Milan, La Salamandra, 1978, pp. 32-55, p. 52. 3 "Jacques Lacan à l’École belge de psychanalyse", le 14 octobre 1972, in J. Lacan, Petits écrits et conférences, 1945-1981, s.l. s.d., éd. pirate, p. 527. 4 Jean Paulhan, Le guerrier appliqué, [1930], suivi de Progrès en amour assez lents, et Lalie, Paris, Éd. Gallimard, 1982, coll. L’imaginaire, p. 45. 5 J. Allouch, Érotique du deuil au temps de la mort sèche, Paris, E.P.E.L.,1995, p. 316. 6 John Locke, Identité et différence, An Essay concerning Human Understanding, II, xxvii, Of Identity and Diversity, "L’invention de la conscience", Prés., trad. et comm. Étienne Balibar, Paris, Éd. du Seuil, 1998, coll. Points-bilingues. 1 1 qu’un Être raisonnable est toujours le même. [samenesss] ».7 Pourquoi cette traduction de self par "soi" et "soi-même " ? Réponse de Pierre Coste : « Le Moi de M. Pascal m’autorise en quelque manière à me servir du mot soi, soi-même, pour exprimer ce sentiment que chacun a en lui-même qu’il est le même ; […]. ».8 Il s’agit pour le traducteur d’insister sur la dimension réflexive de l’anglais self et de se démarquer du moi introduit par Pascal et Descartes,suivant en cela Locke lui-même. Dans le dispositif lockéen, la conscience fait l’identité personnelle, le soi dépendant de la conscience. Quel est ce soi ? « Soi est cette chose qui pense consciente […] qui est sensible, ou consciente du plaisir et de la douleur, capable de bonheur et de malheur, et qui dès lors se soucie de soi dans toute la mesure où s’étend cette conscience.»9 Soi et conscience sont strictement co-extensifs, et soi se soucie de soi. Evoquant Locke, Ernst Cassirer vise juste : «Il fallait que tout cet ensemble [la philosophie française et anglaise du XVIIIe siècle] ne reposât que sur soi-même et ne fût justifié que par soi. » 10 Soi/soi-même/lui-même n’est pas cependant sans avoir une histoire gréco-latine. A l’occasion d’une nouvelle traduction des Pensées pour moi-même, de l’empereur philosophe Marc Aurèle, Pierre Hadot corrigeant la traduction du titre en Écrits pour lui-même, montre la multiplicité non contradictoire des significations de ce "lui-même" qui devient un… "soimême". « Pour commencer, revenons sur le sens de l’expression εі̉ς έαντόυ que l’on a donné comme titre à son ouvrage. Ce genre de titre est attesté plusieurs fois dans l’Antiquité. […]. Elle [cette expression] peut signifier que l’on se parle à soi-même […], que le sujet dont on parle, c’est soi-même […], mais aussi que, en se parlant à soi-même, on effectue un mouvement intérieur de conversion vers soi. »11 Lorsque la ronde grammaticale des pronoms réfléchis prend fin, c’est de conversion (conversio) dont il s’agit, soit de soi-même comme …âme. Il nous semble que c’est le mouvement même de l’Alcibiade de Platon. "Prendre soi-même soin de soi-même." est le fil rouge de ce dialogue platonicien.12 Ce dialogue peut se lire comme le passage du premier au second "soi-même". Le premier est pronom réfléchi indéterminé de la troisième personne du singulier, le second n’est autre que l’objet de la découverte de ce dialogue. Quel est-il ? Dans son cours de 82 sur la philosophie antique, Foucault lecteur de Platon suit ce texte : « […] qu’est-ce qui est désigné par ce pronom réfléchi heauton, qu’est-ce que c’est que cet élément qui est le même du côté du sujet et du côté de l’objet ? Tu as à t’occuper de toi-même : c’est toi qui t’occupes ; et puis tu t’occupes de quelque chose qui est la même chose que toi-même, […], c’est toi-même comme objet. […]. Qu’est-ce que c’est que cela ? […] Qu’est-ce que c’est donc que ce heauton, ou plutôt qu’est-ce qui est référé par ce heauton ? »13. Insistance en effet de Platon, en une redondance pronominale, quel est ce soi-même lui-même ? [autò tò autó], c’est-à-dire "ce qu’est le 7 Traduction de Pierre Coste, [1700], p. 113-114. Italiques P.C., ainsi que la majuscule à Soi. Cité par E. Balibar dans son Introduction, Le traité lockien de l’identité, p. 14. E. Balibar souligne que dans la disparité Locke/Descartes, la « philosophie des Méditations n’est pas celle de la conscience (Bewusstsein) mais de la certitude (Gewissheit) et des conditions de son obtention. » (p. 32). 9 J. Locke, § 17. p. 165, trad. E. Balibar. 10 E. Cassirer, La philosophie des Lumières, [1932], Traduit de l’allemand et présenté par Pierre Quillet, Paris, Fayard, 1970, p.143. 11 Marc Aurèle, Écrits pour lui-même, Tome I, Introduction générale Livre I, Texte établi et traduit par Pierre Hadot avec la collaboration de Concetta Luna, Paris, Les Belles Lettres, 2002, coll. des universités de France. Introduction de P. Hadot, pp. XXXII-XXXIV. 12 Platon, Alcibiade, Traduction inédite par Chantal Marboeuf et Jean-François Pradeau, Introduction, notes, bibliographie et index par J.-F. Pradeau, Paris, GF Flammarion, 1999/2000, Introduction, p. 46. 13 M. Foucault, L’herméneutique du sujet, Cours au Collège de France, 1981-1982, cours du 13 janvier 1982, Éd. établie sous la direction de F. Ewald et A. Fontana, par Frédéric Gros, Paris, Gallimard/Seuil, 2001, coll. Hautes Études, pp. 52-53. 8 2 même".14 Réponse de Socrate : c’est l’âme, psukhê. Prendre soin de soi-même, [seautoü epimeleîsthai] c’est prendre soin de son âme. Tout se passe comme si, dans la langue philosophique, à la jointure des XVIIe et XVIIIe siècles, la traduction de Pierre Coste, de l’anglais au français, avait fait pont depuis pour la traduction du grec ancien au français. Soimême a donc pris ses lettres dans la langue philosophique. Le it self as it self lockien, soi-même comme le même (P. Coste) ou soi-même comme soimême (E. Balibar), ressemble comme deux gouttes d’eau à l’antique autò tò autó, le soimême lui-même (J.-F. Pradeau) platonicien. Déjà, parmi les présocratiques, pour Parménide, le même (to auto), en tant que même que soi-même (B. Cassin), est la conjonction du penser avec l’être.15 Critique de Lacan.16 Le dernier Foucault conviait à une éthique du souci de soi, "culture de soi" composée de pratiques de soi, ordonnées au "soin de soi-même " et visant à la conversion à soi (epistrophē eis heauton).17 Cette conversio ad se est aussi une trajectoire « grâce à laquelle, échappant à toutes les dépendances et à tous les asservissements, on finit par se rejoindre soi-même, comme un havre à l’abri des tempêtes ou comme une citadelle que ses remparts protègent […]. Ce rapport à soi qui constitue le terme de la conversion et l’objectif final de toutes les pratiques de soi relève encore d’une éthique de la maîtrise. »18] Pierre Hadot soutient que l’idée de conversion représente une des notions constitutives de la conscience occidentale, et montre que cette notion est prise entre une tension constitutive d’une conversion-retour (epistrophé retour à soi) et d’une conversion-mutation (metanoia changement de pensée, renaissance, mutation). La conversion philosophique est moins théorie qu’acte, soit un "passage à l’exercice". 19 Récemment, Frédéric Gros présentait, les condensant, les dernières recherches de Foucault en ces termes : « Il s’agit au départ de situer l’élément éthique dans la construction patiente du rapport du sujet à lui-même. Cette formulation abstraite peut prendre la forme plus simple d’une question : "Que dois-je faire de ma vie ?" La question : "Qui suis-je ?" n’est pas une question grecque. »20 Pour les Grecs anciens, « la conscience de soi est l’appréhension en soi d’un il, pas encore d’un je. »21 Troisième personne.22 Ce n’est pas (encore) le Cogito cartésien, « celui qui a pour sujet un Je qui puisse dire Moi » (G. Canguilhem, 1967) et dont Jean-Luc Marion (1996) a montré, ─ contre nombre de rabattements ─, que de l’ego ainsi atteint, son essence et son identité nous l’ignorons toujours. 14 Alcibiade, op. cit., Notes 121 p. 210 et 141 p. 213. Parménide, Sur la nature ou sur l’étant, "La langue de l’être ?", Prés. trad. et comm. Barbara Cassin, Paris, Éd. du Seuil, 1988, coll. Points-bilingues. C’est le célèbre Frag. III : « Un même est en effet à la fois penser et être. » (p. 79). 16 J. Lacan, séminaire, Encore, séance du 16 janvier 1973, "[…] de l’être nous n’avons rien, jamais.", transcription elp, V., p. 8. 17 M. Foucault, Histoire de la sexualité, 3, Le souci de soi, Paris, Éd. Gallimard, 1984, Bibl. des Histoires, pp. 67 et 81. 18 Ibid. p. 82. Nos italiques. 19 P. Hadot, Exercices spirituels et philosophie antique, [1981], Préface de A. I. Davidson, Paris, Albin Michel, Nouv. éd. revue et augmentée, 2002, Bibl. de l’Évolution de l’Humanité, pp. 223-224, 233 et 229. 20 F. Gros, "Le gouvernement de soi", Sciences Humaines, mai-juin 2005, hors-série, spécial n° 3, Foucault Derrida Deleuze, Pensées rebelles, pp. 34-37, pp. 35-36. La rédaction de ce magazine répartit les qualités… Michel Foucault L’insoumis, Jacques Derrida Le subversif, Gilles Deleuze Le libertaire. 21 Jean-Pierre Vernant, L’individu, la mort, l’amour, Soi-même et l’autre en Grèce ancienne, Paris, Éd. Gallimard, 1989, Bibl. des Histoires, pp. 226-227. 22 Cf. Guy Le Gaufey, Anatomie de la troisième personne, Paris, E.P.E.L., 1998. 15 3 Dans la perspective foucaldienne, il s’agit en effet d’un gouvernement de soi-même par soimême, avec cette précision politique, antérieure aux dernières recherches, que l’attitude critique consiste en « l’art de n’être pas tellement gouverné ».23 Alors que Foucault ne distinguait pas "soi" de "soi-même", P. Hadot souligne que dans la philosophie antique, (c’est l’une de ses divergences d’avec Foucault) pour le sage, le vrai bien, c’est ce qui appartient en propre au moi, c’est le moi lui-même et la meilleure partie du moi, c’est la raison parfaite, raison divine. Moi transcendant, daimôn. Passage de l’individualité à l’universalité.24 La distinction entre un "moi transcendant" et un "moi empirique" est décisive : « Le dialogue avec soi-même est, plus précisément encore, un dialogue entre un moi transcendant, identifié à la Raison et à la conscience morale, et un moi empirique, pris dans le tissu des sensations, des événements et des actions, auquel il s’efforce de faire prendre conscience du fait qu’il est lui-même identique à la Raison et doit vivre selon la Raison, […]. La Raison ne se trouble pas elle-même, mais si le moi empirique refusait de s’identifier à la Raison, il ne pourra pas, en fait, émettre de jugement de valeur pour retrouver la paix, car seule la Raison peut le faire. » 25 Sidérant voyage de l’âme grecque !26 Sur ce que l’on pourrait appeler cette "heautonique" gréco-romaine, sur l’âme donc, la critique de Lacan fut sans ambages, radicalisée par l’invention de petit a, ce reste où dit-il « se réfugie la jouissance qui ne tombe pas sous le coup du principe de plaisir, étant incompatible avec la tranquillité de l’âme, aucun des objets a ne pouvant être ressaisis dans l’âme. Je veux dire dans cette esthésie régulatrice du principe de plaisir, dans cette esthésie représentative, où l’individu se retrouve et s’appuie, identifié à lui-même, dans le rapport narcissique où il s’affirme comme individu. »27 La tranquillité de l’âme, l’un des noms de soi-même. Les deux derniers tomes de l’Histoire de la sexualité,− à l’exception de l’Introduction de L’usage des plaisirs,− sont-ils encore de Foucault, ou du Foucault,28 dès lors que Foucault disait lui-même de lui-même qu’il n’était ni historien ni philosophe, mais un artificier ?29 M. Foucault, "Qu’est-ce que la critique ? Critique et Aufklärung", Conférence du 27 mai 1978 à la Société française de philosophie, publiée dans son Bulletin, 1990, 84, 2. Non publiée… dans Dits et écrits, court extrait publié dans Vacarme, 2004, n° 29, p. 171. 24 P. Hadot, Études de philosophie ancienne, Paris, Les Belles Lettres, 1998, coll. L’âne d’or, p. 249. 25 Introduction aux Écrits pour lui-même, op. cit., pp. XXXV-XXXVI. Nos italiques. 26 « Le nombre d’âmes dans le cosmos est une fois pour toutes fixé ; il reste éternellement le même. Il y a autant d’âmes que d’astres. Chaque homme trouve donc à sa naissance une âme qui était déjà là depuis le commencement du monde, qui ne lui est aucunement particulière et qui ira, après sa mort, s’incarner en un autre homme, ou un animal, ou une plante, si elle n’est pas parvenue, dans sa dernière vie, à se rendre assez pure pour rejoindre dans le ciel l’astre auquel elle est attachée. L'âme immortelle ne traduit certes pas chez l’homme sa psychologie singulière, mais plutôt l’aspiration du sujet individuel à se fondre dans le tout, à se réintégrer dans l’ordre cosmique général. » J.-P. Vernant, op. cit., p. 228. Nos italiques. 27 J. Lacan, séminaire, La logique du fantasme, séance du 14 juin 1967. 28 Pour l’appréciation critique d’un helléniste, J.-F. Pradeau, "Le sujet ancien d’une éthique moderne. À propos des exercices spirituels anciens dans l’Histoire de la sexualité de Michel Foucault", in Foucault, Le courage de la vérité, Coordonné par F. Gros, Paris, Puf, 2002, coll. Débats philosophiques, pp. 131-154. Ce qui a manqué à Foucault ? « C’est le sujet de son éthique qui lui a manqué. » (p. 154). 29 "Je suis un artificier. Je fabrique quelque chose qui sert finalement à un siège, à une guerre, à une destruction. Je ne suis pas pour la destruction, mais je suis pour qu’on puisse passer, pour qu’on puisse avancer, pour qu’on puisse faire tomber les murs." (juin 1975), in Roger-Pol Droit, Michel Foucault, entretiens, Paris, Éd. Odile Jacob, 2004, p. 92. Entretien antérieurement publié par Le Point du 1er juillet 2004, sous le (gros) titre de couverture : "Les confessions de Michel Foucault". R.-P. Droit, Confesseur en Personne à titre posthume. Pas moins. Encore le gouvernement des âmes. 23 4 L’auteur de ces deux tomes est un Foucault universitaire.30 En rendant publiquement hommage à Michel Foucault, le 29 juin 84, dans la petite cour de l’hôpital de la PitiéSalpêtrière, Gilles Deleuze s’en tiendra à la lecture d’un passage de cette Introduction de L’usage des plaisirs. Mais alors ce long détour par les Grecs ? Qu’en dit Foucault lui-même dans son ultime entretien publié dans les Nouvelles ? : « L.N. – Un style d’existence, c’est admirable. Ces Grecs, vous les avez trouvés admirables ? M.F. – Non. L.N. – Ni exemplaires ni admirables ? M.F. – Non. L.N. – Comment les avez-vous trouvés ? M.F. – Pas très fameux. »31 Trop classique renommée, si loin de la vie des hommes infâmes ? Soi-même comme âme, soi-même comme conscience, soi-même comme identité, soi-même comme self, soi-même comme soi ; parmi d’autres synonymes de ce même vocable, la pensée, le savoir, le fantasme. Soi-même comme un autre, antique dialectique du Même et de l’Autre, du soi et de l’autre que soi, c’est au tour de Paul Ricœur de s’orienter vers une "herméneutique du soi ". 32 Résultat ? « L’autonomie du soi y apparaîtra intimement liée à la sollicitude pour le proche et à la justice pour chaque homme. »33 Cette herméneutique du soimême et de son autre conduit son auteur à une notion d’attestation dont le mode aléthique en fait "fondamentalement" une attestation de soi. Cette attestation sera celle d’une conscience morale (Gewissen). L’attestation sera alors définie comme « l’assurance d’être soi-même agissant et souffrant. » D’après Ricœur lui-même, c’est l’attestation de soi qui préservera la question qui ? de se laisser remplacer par la question quoi ? 34 N’est-il pas arrivé qu’au nom de la psychanalyse cette fois, D. Anzieu donne comme vocation de celle-ci, un très antique et très kantien "penser par soi-même", pris dans le grand souci de la maîtrise de soi, puisqu’elle permet(trait) « aux gens d’arriver à penser leur vie par euxmêmes, avec fermeté et maîtrise »…35 Cette frappe du soi-même. Dans un entretien de 78 avec Foucault, entretien non publié dans les Dits et écrits, c’est Jean Le Bitoux qui conclut de cette remarque que « l’on n’est jamais autant épinglé que par soi-même. »36 Réaliser le deuil de soi-même et avoir le souci de soi-même se présentent comme des énoncés incompatibles. Si l’analyse est l’effectuation d’un deuil, alors, l’acte de passage du psychanalysant à On a pu évoquer un "platonisme pacifié". Ainsi, Mario Vegetti,"Foucault et les Anciens", Traduit de l’italien par Riccardo Pineri, Critique, 1986, XLII, n° 471-472, pp. 925-932, p. 930. « C’est sur ce platonisme pacifié, sans politique ni théorie, que semble centrée l’image que Foucault donne du monde antique. » (p. 931). 31 M. Foucault, "Le retour de la morale", (ce titre n’est pas de M. F.), Les Nouvelles, du 28 juin au 5 juillet 1984, Propos recueillis par G. Barbedette et A. Scala, pp. 36-41, p. 38. Mais alors, où est Foucault dans cette histoire ? 32 P. Ricoeur, Soi-même comme un autre, [1990], Paris, Éd. du Seuil, 1996, coll. Points Essais. 33 Ibid., Préface," La question de l’ipséité", p. 30. Italiques P. R. 34 Ibid., pp. 34-35. Italiques P. R. Cf. J. Allouch, Le Sexe du maître, L’érotisme d’après Lacan, Paris, Exils Éd., 2001, Chap. IV, "Suis-je quelque un, ou bien quoi ?", pp. 181-204. 35 Didier Anzieu, "Penser par soi-même", Propos recueillis par Vanessa Delouya, Passages, "Que peut-on attendre de la psychanalyse ? dossier 60 pages," [sic], 1994, n° 65, p. 51. 36 M. Foucault, "Le Gai Savoir", (10 juillet 1978), La Revue H, 1996, n° 2, pp. 42-54, p. 52. 30 5 l’analyste suppose un rendre l’âme.37 Cette restitution subjective, ─ restitution n’est pas restauration ─ est incompatible avec une thérapeutique de l’âme ou avec un trop de sagesse.38 Tombe le ad se ipsum aurèlien (passé au latin), qu’un Kierkegaard posera en exergue de ses Diapsalmata (1843). Ce "lui-même" se retrouve dans le principe lacanien ─ que l’elp fait sien ─ selon lequel l’analyste ne s’autorise que de lui-même, ─ et non de l’autorité de l’Etat, et non de la dominance du marché, et non d’une association à/de la société civile. Mais d’une École. Dans la procédure de passe, il arrive que l’École n’autorise pas. Cette non-autorisation fait impasse. Cette impasse est-elle surmontable ? Oui et non. Est-ce contradictoire ? Oui et non. Du côté de l’École, il y a acte(s), pas d’un seul, mais de quelques uns. Le passant s’y trouve impliqué. Un acte rend possible un acte en réponse. A coup sûr Lacan : « S’autoriser n’est pas autori(tuali)ser. »39 Est-ce l’École ? Oui, l’École en ses lieux. Foucault distinguait et opposait utopie et hétérotopie ; la passe se démontre hétérotopique à l’instar de l’ELP. Avant que Lacan n’avance sa Proposition du 9 octobre 67, qu’il appellera lui-même la passe, quand et où ce mot de passe (il n’y en a pas) a-t-il été introduit pour la première fois dans le mouvement de Lacan ? Il semble que ce soit dans la conférence de 53 sur S.I.R., à propos du "mot de passe" dont Lacan dit ce jour là qu’on ne saurait « nier que le mot de passe ait les vertus les plus précieuses, puisqu’il sert tout simplement à vous éviter d’être tué. »40 Souvent, extrême radicalité de la simplicité... Dès lors, il n’est pas vain d’agir.41 A propos d’acte dans le champ de la philosophie, il a été remarquablement montré que les trois philosophes majeurs de l’Idéalisme allemand, Fichte, Hegel, Schelling, ─ faisant de celui-ci une philosophie non de l’être, mais de l’acte ─ tombaient d’accord pour considérer que l’être de l’étant, c’est-à-dire la substance vivante ou l’ousia,est activité, entéléchie, energeia,en quoi le sujet serait substance, mouvement de la position de soi-même, et pas simple substrat, sous-jacence, hupokeimenon.42 Or, pour Lacan, le sujet n’est que supposé, et encore ne l’est-il que par un signifiant… auprès d’un autre. Moment ponctuel. Dans cette différence passe petit a 43dont l’effet en son passez muscade, destitue un sujet à part entière. Contra, Jean-Louis Viellard-Baron, «La validité actuelle de la notion d’âme» dans l’ouvrage collectif Penser le sujet aujourd’hui, Colloque de Cerisy, Paris, Méridiens Klincksieck, 1988, pp. 127-136. La "plus haute création est la création de soi par soi, […]." (p. 134). 38 P. Hadot, Exercices spirituels et philosophie antique, [1981], op. cit., p. 291. « La sagesse était un mode de vie qui apportait la tranquillité d’âme (ataraxia), la liberté intérieure (autarkeia), la conscience cosmique. » ( p. 291) 39 J. Lacan, "Note italienne", [1973], repris in J. Lacan, Autres écrits, (ce titre n’est pas de J. L.), Prologue, J.-A. M., Paris, Éd. du Seuil, 2001, pp. 307-311, p. 308. 40 J. Lacan, "Le symbolique, l’imaginaire, et le réel", (8 juillet 1953), in J. Lacan, Des Noms-du-Père, (ce titre n’est pas de J. L.), Paris, Éd. du Seuil, 2005, coll. Champ Freudien, série Paradoxes, pp. 9-63, p. 28. Un bandeau court de la première à la quatrième de couverture : "Comment faire pour enseigner ce qui ne s’enseigne pas ?" 41 En ce sens, Joë Bousquet cité en exergue par Mayette Viltard, "Passe et transcription critique" , in e.l.p., Le transfert dans tous ses errata, suivi de Pour une transcription critique des séminaires de Jacques Lacan, Paris, E.P.E.L., 1991, pp. 211-220. "Il faut appeler Joe Bousquet stoïcien." (G. Deleuze, 1969). 42 Franck Fischbach, L’être et l’acte, Enquête sur les fondements de l’ontologie moderne de l’agir, Paris, Vrin, 2002, coll. Hist. de la philosophie, 174-175-176. L’Introduction a pour titre "La pensée du passage", pp. 7-30. Le livre est dédié "À ma mère." 43 J. Lacan, séminaire, L’acte psychanalytique, séance du 20 mars 1968. « Justement, le signifiant, quel qu’il soit, ne peut être tout ce qui représente le sujet ». 37 6 Un passant peut-il se trouver dans un état proche de ce que André Breton a appelé «cette posture ultra-receptive » qui consiste à « se mettre en état de grâce avec le hasard, de manière à ce que se passe quelque chose, à ce que survienne quelqu’un.»44 Sans doute, ce n’est pas pour autant qu’un petit formulaire pédagogique sur la proposition circonstancielle (à compléter) à destination d’enfants d’école primaire, soit à lire comme faisant signe de la proposition magique- circonstancielle d’A. Breton.45 « Le délire d’interprétation ne commence qu’où l’homme mal préparé prend peur dans cette forêt d’indices. Mais je soutiens que l’attention se ferait plutôt briser les poignets que de se prêter une seconde, pour un être, à ce à quoi le désir de cet être reste extérieur. »46 Donc peur ou bien plutôt objection à la peur et franchissement du pas suivant ? Ou encore, y a-t-il à faire cas de la couleur violette du dépliant de l’elp "Passe temps passe" annonçant la journée publique de l’école sur la passe ? Lors d’Assises de l’EFP à Deauville, Lacan dit que « la seule chose importante, c’est le passant, et le passant, c’est la question que je pose, à savoir qu’est-ce qui peut venir dans la boule de quelqu’un pour s’autoriser d’être analyste ? ».47 Qu’est-ce qui peut venir dans la boule de quelqu’un pour faire acte de candidature ? Qu’est-ce qui peut venir à la boule de quelqu’un pendant la passe ? Au point de franchir, ou pas, le pas suivant. Un témoignage en est apporté par Charles Duits, compagnon éloigné d’André Breton pendant vingt ans, avec qui il "lia connaissance" en 1942 à New York : « Il me sembla que je marchais dans une rue. Cette rue était longue et vide. Sur ma gauche, un mur jaune ou pendaient des lierres. Derrière ce mur des voix douces comme les brises de l’été, légères, merveilleuses. Elles appelaient. J’arrivais au bout de la rue, j’allais tourner le coin et les voir, celles qui chantaient, celles qui appelaient. Je savais que si je tournais le coin, si je les voyais, je serai fou. Mais je voulais les voir, je voulais entrer dans le jardin de la folie. On me soignerait, on s’occuperait de moi. Les choses seraient, comme les voix, légères, légères. Mes échecs seraient expliqués, justifiés. […]. J’étais encore responsable, capable de choisir, de refuser la folie. Les voix se faisaient plus nombreuses, plus pressantes. […]. Il suffisait de tourner le coin, et je les verrais, les Radieuses. Ici, ma mémoire se trouble. Je sais que je fis un choix, que je choisis de briser la fascination du songe. La folie était, simplement, acceptation du songe, oubli de ce qui fait que le songe est songe, effacement de la limite qui le sépare de la vie. Alors eût commencé cet épanchement que décrit Nerval du songe dans le réel. Mais je ne pus, ou ne voulus, faire ce pas. Pourquoi ? Je l’ignore. »48 44 André Breton, Entretiens, 1913-1952, avec André Parinaud, Paris, Éd. Gallimard, 1952/1996, coll. Le point du jour, p. 136. Italiques A. B. 45 A. Breton, "La beauté sera convulsive", Minotaure, 1934, n° 5, pp. 8-16. 46 Ibid., p. 14. 47 J. Lacan, "Discussion/Conclusions", (8 janvier 1978), Lettres de l’École, Bull. int. de l’École freudienne de Paris, "L’expérience de la passe", 1978, n° 23, pp. 180-181, p. 180. Ce jour, le très peu lacanien : "Bien entendu c’est un échec complet, cette passe. » (p. 181). Autre formulation, le 9 juillet 78 : "Si j’ai dit à Lille que la passe m’avait déçu, […]." in Lettres de l’École, IXe Congrès de l’EFP, vol. I, n° 25 (II), "Conclusions", p. 220. 48 Ch. Duits, André Breton a-t-il dit passe, Paris, Éd. Denoël, 1969, Dossiers des Lettres Nouvelles, pp. 155-156. 7 C. Duits ne s’est pas laissé séduire par l’appel des voix, ─ de la voix ─, qui le conduisait possiblement à franchir ce pas. Cette occasion ─ rare ─ est manquée. Ce rendez-vous devenant inconsistant devant son effectuation possible. Quelque chose a manqué. La boule, en éros tourneboulé ? 49 Vint cet étrange propos à Michel Foucault : « C’est ce cercle [celui du rapport savoir-pouvoir psychiatrique] que l’antipsychiatrie entreprend de dénouer : donnant à l’individu la tâche, et le droit de mener sa folie à bout, de la mener jusqu’au bout, dans une expérience à laquelle les autres peuvent contribuer, mais jamais au nom d’un pouvoir qui leur serait conféré par leur raison ou leur normalité ; détachant les conduites, les souffrances, les désirs du statut pathologique qui leur avait été conféré, les affranchissant d’un diagnostic et d’une symptomatologie qui n’avaient pas simplement valeur de classification, mais de décision et de décret ; invalidant, enfin, la grande retranscription de la folie dans la maladie mentale qui avait été entreprise au XVIIe siècle et achevée au XIXe. »50 A-t-on bien lu ? Et plus loin, conséquemment, cette question : « Est-il possible que la production de la vérité de la folie puisse s’effectuer dans des formes qui ne sont pas celles du rapport de connaissance ? » 51 Formulation foucaldienne de l’enjeu de la passe lacanienne ? Si c’était le cas, ici Lacan précèderait Foucault.…lui qui, tout au long de son cours de 82 sur la philosophie antique, recherchait une procédure (c’est son terme), ayant un prix (c’est encore son terme), une épreuve (c’est toujours son terme) qui permettrait de dégager le rapport du sujet à la vérité. En quoi l’éclair de Hegel n’est pas celui dont Lacan se fit l’écho : « […], une personne a dit que la passe c’était quelque chose comme l’éclair. »52. Pour Hegel, il y a éclair en ce que c’est en lui que le lever du soleil dessine en une fois la forme du monde… Dans la passe de Lacan, c’est l’insight selon quoi la passe n’est pas procédure mondaine qui contribue à produire l’éclair qui transfigure l’espace et la configuration de la passe. Ce serait alors, possiblement, la passe dans la passe ou l’épreuve dans l’épreuve, soit ce qu’il y a de plus réel dans la passe. « Mais n’essayez pas de le faire avec des mots, parce que dans certaines circonstances, pour employer une image : à certaines températures, les mots perdent leur consistance, leur contenu, leur signification, tout simplement, ils s’anéantissent, si bien qu’à l’état gazeux, […], il n’y a que les actes que nous puissions presque prendre entre nos mains et les observer, comme un morceau de minéral muet, comme un cristal. ».53 Mais l’été se présente ainsi, caniculaire. Cette passe peut valoir comme vérification en acte d’un il n’y a… rien. S’il est posé que la philo-sophia, amour de la sagesse, se présente d’abord « comme une thérapeutique destinée à guérir l’angoisse »54, alors la thérapeutique (philosophique) ne rejoint pas l’inclinaison de la passe. Dans son Discours de Stockholm, Claude Simon fait part, dans une parenthèse, de son cogito. Selon lui, si l’éventail des motivations de l’écrivain est largement ouvert, le besoin d’être reconnu, n’est peut-être pas le plus futile, car il « nécessite d’abord d’être reconnu par soi- J. Allouch, La psychanalyse : une érotologie de passage, Paris, Cahiers de l’Unebévue/E.P.E.L., 1998, p. 163 note 1. 50 M. Foucault, Résumé des cours, 1970-1982, "Le pouvoir psychiatrique", (1973-1974), Paris, Julliard, Conférences essais et leçons du Collège de France, 1989, pp. 55-69, ici pp. 67-68. 51 Ibid. p. 351. 52 J. Lacan, au Congrès de l’ÉFP, La Grande Motte, le 3 novembre 1973, Lettres de l’École freudienne, juin 1975, n° 15, p. 189. 53 Imre Kertèsz, Kaddish pour l’enfant qui ne naîtra pas, [1990], roman traduit du hongrois par Natalia Zaremba-Huzsvai et Charles Zaremba, Arles, Actes Sud, 1995, p. 59. 54 P. Hadot, Exercices spirituels et philosophie antique, [1981], op. cit., p. 291. 49 8 même, ce qui implique un "faire" (je fais ─ je produis ─, donc je suis) […). » 55 Ce qui reste du cogito dans le faire la passe serait plutôt : « je suis fait, je déduis, je désuis ». La destitution subjective serait veine pour le désêtre, à quoi une déposition, non pas au sens instruit par le droit, mais en un sens politique, ne suffit pas. Le désêtre pointe de la destitution subjective.56 Si c’est « d’c’la qu’il s’agit dans la passe », à savoir comment reconnaître dans le noir un nœud borroméen,57 et si les dieux sont dans la cuisine, pour pouvoir le reconnaître, ce ne sera pas sans que Lacan un rien y aidera. Ni sans "s’effrayer de soi " (G. Canguilhem), quand ça se fait. Cependant, si le bélier aux cornes emmêlées, dans son enthousiasme, 58 se rue dans une haie, c’est elle qui l’arrête.59 Un voyage est alors possible, à quoi l’École ex-siste. Lors de la semaine de Cerisy-la-Salle sur "Michel Foucault, la littérature et les arts", (2001), la conclusion en forme d’interrogation de l’intervention d’Arnold Davidson fut « Comment vivre sans inconnu devant soi ? » C’est aussi, à sa manière, ce qu’indique ce curieux personnage qui illustre Neuf documents…,60 un petit visage quatre fois troué d’un regard attentif et d’un petit bout de nez, laissant seulement dépasser deux mains, l’une au-dessus l’autre au-dessous d’un phylactère qu’elles tiennent. Ce personnage, on le retrouve quatorze fois répétés sur l’archivolte du tympan du portail de l’abbatiale romane de Conques dans le Midi. Sept plus sept, plus un au centre de l’archivolte, présente un visage dégagé et tient de ses mains tendues les deux bouts du phylactère. Lui termine donc chacune des deux séries bras tendus à l’horizontale. Au fil d’exercices spirituels, et loin de la verticalité foucaldienne, aurait-il trouvé quelque chose… ce soi qui n’est ni le sien ni le nôtre ? Guy Casadamont 55 Cl. Simon, Discours de Stockholm, [1986], Paris, Fondation Nobel/ Les Éd. de Minuit, 1989, p. 23 Nos italiques. 56 "Il est évident que je ne passe pas mon temps dans le désêtre. […] écoutez : désêtre, c’est le désêtre du psychanalyste à la fin d’une psychanalyse, […]." J. Lacan, "En guise de conclusion", (19 avril 1970) in Lettres de l’École freudienne, janvier 1971, n° 8, p. 208 et 209. L’analyste tombant comme un bout d’un. 57 J. Lacan, séminaire, L’insu que sait de l’Une-bévue s’aile à mourre, séance du 15 février 1977, L’Unebévue, "Psychanalystes sous la pluie de feu", 2004, n° 2, p. 102. 58 Sur l’enthousiasme dont il y a à se méfier comme d’une peste, voir la lettre de Jean Allouch du 27 juin 04 adressée au directeur de l’école, proposant ces Assises de la passe pour saluer les vingt ans de l’elp, in Courrier de l’elp, du 9 juillet 2004. 59 J. Lacan, séminaire, Les Noms-du-Père, unique séance du 20 novembre 1963. 60 Neuf documents relatifs au dispositif de la passe dans l’école lacanienne de psychanalyse et visant à des modifications de ce dispositif, tel qu’il figure dans la plaquette de l’Ecole éditée en 1985,[…]. Paris, MCMXCVIII. 9