Surtout, une querelle oppose le sergent SS Grünwald et son épouse - qui veillent
sur le domaine depuis l'hiver 1943 - au reste du personnel, le régisseur SS
Engelien, l'infirmière en chef, Josefa Knoll, la sage-femme et les trois autres
infirmières. Gregor Ebner termine cependant son rapport sur une note positive :
« Les six mères présentes à Westwald font bonne impression sur le plan racial et
pour ce qui concerne leur intégration. Les quelques enfants du foyer sont en
bonne santé, seul un d'entre eux laisse apparaître une légère dégénérescence. »
Erwin Grinski, né en mai, ne restera pas longtemps à Lamorlaye. Quelques
semaines plus tard, ses parents partent en effet avec lui vers Dortmund. « Nous
avons passé les derniers mois de la guerre dans cette ville, terrés dans des abris
souterrains, pour échapper aux bombardements alliés », raconte-t-il.
En ce printemps 1944, les Lebensborn, qui sont d'ordinaire bien approvisionnés,
connaissent des pénuries. L'Oberführer SS Gregor Ebner s'en inquiète dans une
note du 2 mai : « La plupart des foyers manquent de solution vitaminée [pour les
enfants]. Ils manquent de produits alimentaires de toutes sortes, comme la
semoule, le riz, les flocons d'avoine et le cacao. » Le manoir de Lamorlaye est au
plus mal, lui aussi. Surtout après le débarquement allié en Normandie, le 6 juin.
Engelien, le régisseur, est si préoccupé qu'il alerte Ebner : Fanny M., la sage-
femme, a « appris la nouvelle de l'invasion [le débarquement] et en a informé les
mères ». De plus, elle passe toute la journée dans sa chambre, vu « le peu
d'accouchements qui se produisent ». Quant au commandant Fritze, il est
toujours aux abonnés absents. Autre souci : il devient de plus en plus difficile de
nourrir correctement les 12 bébés encore présents. « Le jardin ne fournit pas
assez de carottes et d'épinards », relève Ebner. A son tour, celui-ci informe son
supérieur, le colonel SS Max Sollman, l'administrateur en chef des Lebensborn.
Les jours de la maternité sont comptés...
7 août 1944. Le commandant Fritze sait qu'il est temps de filer. De Paris il
envoie un télégramme de cinq lignes à l'état-major personnel de Heinrich
Himmler, à Berlin : « Evacuation du foyer Westwald prévue le 10 août, sous la
direction du sous-lieutenant SS Decker. Le mobilier sera transporté par train
jusqu'à Munich [...]. »
Des bambins transbahutés d'une maternité nazie à l'autre
C'est ainsi qu'une semaine avant la libération de Paris la maternité ferme en
urgence. Ses pensionnaires - une dizaine d'enfants, dont Edith de V., Helga M.,
Gérard S., né le 28 juin ou Ingrid de F., âgée d'à peine 10 jours, ainsi que
quelques mères volontaires - sont transférés au Lebensborn Taunus de
Wiesbaden, près de Francfort. Début septembre, une dizaine d'autres bébés,
évacués du Lebensborn des Ardennes, de Wégimont, en province de Liège, les y