Eores épistém

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ZABRE Georges
Grand Séminaire Saint Pierre Saint Paul
Année Académique 2007-2008
1ère Année
Semaine de Devoir n°1
(Lundi 14 au Samedi 19 Janvier 2008)
EPISTEMOLOGIE
Sujet 1 :
Pourquoi une loi scientifique peut-elle être
à la fois vraie et provisoire ?
Professeur : Abbé Jean Baptiste SANON
PLAN DETAILLE
INTRODUCTION
I. QUELQUES APPROCHES CONCEPTUELLES :
QUE PEUT-ON DECOUVRIR ?
II. ELABORATION DES LOIS SCIENTIFIQUES
1. De la loi à la théorie
2. Conséquence : l’illusion de la découverte
III. LOIS SCIENTIFIQUES ET REFUTABILITE
1. La mathématisation des lois scientifiques
2. La réfutabilité : vérification et falsification d’une loi scientifique
IV. LA « VERITE-PROVISOIRE » DES LOIS SCIENTIFIQUES
1. Exemple d’étude de cas : les particules d’une goutte d’eau
2. L’abstraction scientifique des lois
3. Confirmation des lois scientifiques
4. La réalité comme horizon fuyant : « science comme action »
CONCLUSION
BIBLIOGRAPHIE
INTRODUCTION
Dans la mesure où l’univers contemporain accorde une place capitale à la science, aux
connaissances qu’elle fournit et à ses applications, il est évidemment important de savoir
distinguer sa nature, et ses conditions d’existence, ne serait-ce que pour la différencier de ce que
sont les pseudosciences relevant du sens commun. Se demander, par exemple, « pourquoi une loi
scientifique peut être à la fois vraie et provisoire » ne manque pas d’intérêt, bien que la question
puisse d’abord paraître surprenante. L’expérience peut-elle vérifier ou démentir une théorie ? Les
faits peuvent-ils éprouver la validité d’une théorie ? Du vrai au provisoire qu’en est-il en réalité ?
Autrement dit, le modèle rationnel rend-il compte de la totalité du réel ? Autant d’interrogations
qui nous assaillent car une nouvelle découverte scientifique peut donner l’impression que le
savoir se rapproche de plus en plus du cœur de la réalité ; ce qui signifierait qu’à plus ou moins
long terme, la science aurait achevé son travail et trouverait ainsi son terme, alors même que bien
peu de personnes oseraient une telle affirmation. Le caractère transitoire d’une loi scientifique
signifierait donc que sa vérité n’est jamais garantie. Il convient donc de revoir un tant soit peu les
raisons traduisant le caractère « vérité » et « provisoire » d’une loi scientifique. Ceci à travers ses
différentes articulations que sont : son élaboration, sa démonstration et sa dualité comme
« vérité-provisoire ». Mais avant tout propos une approche conceptuelle nous situerait mieux
dans notre analyse.
I. Quelques approches conceptuelles : Que peut-on découvrir ?
On admet volontiers qu’une découverte donne de ce qui est une version de plus en plus
fidèle, et presque définitive. Une telle illusion provient en grande partie de l’usage du mot
« découverte » lui-même, qui semble circuler sans trop de précautions.
E. KANT, réfléchissant sur les conditions de possibilité de notre connaissance, peut
affirmer que celle-ci est nécessairement relative à la structure de notre raison, à laquelle il nous
est impossible d’échapper pour adopter un point de vue absolu on non humain sur le monde. 1
Mais pour que la raison entre en jeu encore faut-il qu’elle reçoive des informations, lesquelles
dépendent elles-mêmes de notre sensibilité, c’est-à-dire de la façon dont nous pouvons être en
relation avec le réel. Dans ce contexte s’il y a « découverte » elle ne peut donc concerner qu’une
version en quelque sorte « superficielle » de ce qui est ; on ne découvre plus le réel en lui-même,
mais uniquement l’aspect par lequel il est à notre portée. Une « découverte » est donc une
version superficielle de ce qui est, à la limite une invention.
« Inventer » c’est, très simplement, mettre au point quelque chose qui n’existait pas
encore. Bien entendu, le caractère novateur de l’invention ne doit pas interdire d’affirmer que
toute invention s’effectue à partir d’éléments préexistants : les lois du mouvement par exemple.
De plus la possibilité d’inventer est toujours relative à un contexte social et intellectuel. Qu’en
est-il donc d’une « loi scientifique » ?
Une « loi scientifique » est une proposition à forme générale valable en principe pour une
catégorie entière de phénomènes. Par ces lois, la science substitue une construction rationnelle à
la réalité perçue. Donc une loi valable porte sur des faits généraux et sa formulation requiert de
ce fait une base conceptuelle préalable.
1
Cf. E. KANT, Critique de la raison pure, trad. J. Barni revue et corrigée par
P. Archambault, Le grand du mois, Paris, 1997.
La « théorie », qui est un ensemble de lois s’appliquant à un domaine précis, serait donc
une construction intellectuelle méthodique et organisée, de caractère hypothétique et synthétique
a priori selon l’entendement de KANT. Pourquoi donc parler de « loi scientifique vraie » ?
Au sens plein du terme la « vérité » signifierait « absence de voilement » ou de « non caché » ou encore le « vraiment vrai » selon le commun. C’est dire que ce qui demeurait
dissimulé à l’esprit humain se révèle dans son être même. Ce sens traduit plus une conception
métaphysique ou ontologique que scientifique. Ainsi la vérité nous donnerait-elle accès à l’être
des choses, à la réalité à la fois la plus profonde et la plus riche. Une telle interprétation de la
vérité demeure sans doute satisfaisante, ou même rassurante pour l’esprit, auquel elle garantit un
savoir total sur le monde. Devenant en quelque sorte transparent, ce dernier livrerait ses mystères
à l’homme. Mais une telle conception ne peut avoir cours dans la science. Le critère de vérité
scientifique résiderait dans la cohérence de l’ensemble des lois qu’est la théorie. Est vrai ce qui
est rationnel et vérifié au moins dans le domaine scientifique.
Maintenant, dire qu’une « loi scientifique est provisoire » revient à dire que cette loi qui
existe, qui se fait en attendant autre chose est « destinée à être remplacée », dans le sens de
cumuler. La fonction que cette loi exerce est pour un temps puisque s’inscrivant à l’intérieur
d’une histoire qui en modifie continuellement le sens. Ce qui est « provisoire » en science est
donc ce qui pouvant à chaque moment être révoqué. Ainsi la validité d’une loi scientifique
s’évaluera non pas par son adéquation à un donné ultime introuvable, mais par sa compatibilité
avec d’autres propositions.
II. Elaboration des lois scientifiques
1. De la loi à la théorie
Partons de la chute des corps chez Newton. Lorsque Newton « découvre » la loi de la
chute des corps, il peut avoir l’impression d’effectuer une découverte véritable c’est-à-dire
révéler l’existence d’une réalité, la loi organisant un aspect du monde physique, jusqu’alors
méconnue. Mais lorsque l’histoire de la physique évolue, et passe de la mécanique classique à la
mécanique relativiste, on s’aperçoit rétrospectivement que la loi de Newton, loin d’accéder à la
vérité absolue ou totale, était relative à un certain état historique de l’observation possible des
phénomènes et des élaborations conceptuelles de la science. En établissant l’existence d’une
relation constante entre des phénomènes aucune loi scientifique ne peut aller au-delà de la
définition qui lui est contemporaine des phénomènes eux-mêmes : elle est liée à un contexte
technique, au développement des instruments de mesure, et à l’état global du savoir de son
époque. De ce point de vue, elle est en elle-même à interpréter davantage comme une invention
que comme une « découverte ». Ainsi certains scientifiques arrivent à la conception selon
laquelle « l’univers n’est autre qu’une sorte de tableau informatique, une vaste matrice
d’information. »2
Si l’on admet que les lois elles-mêmes participent de l’invention, on voit mal comment
leur réunion en une théorie aboutirait à un ensemble de nature différente, synonyme de
découverte du réel lui-même. Dans cette optique, on doit donc affirmer qu’à son tour, la théorie
est une invention, c’est-à-dire la reconstruction d’un aspect du monde telle que nous l’autorise la
structure de notre connaissance. La théorie, qui a pour objet de rassembler un certain nombre de
lois de façon systématique, propose une image du réel, mais non le réel lui-même : elle est une
approximation du réel. Ce qui n’est pas sans inconvénient pour le commun.
2
J. GUITTON, Dieu et la science. Vers le métaréalisme, Grasset, Paris, 1991, pp.123-124.
2. Conséquence : l’illusion de la « découverte »
Si une telle interprétation semble difficile à accepter, c’est sans doute pour deux raisons
complémentaires. D’une part, l’histoire des connaissances humaines, en opérant une franche
séparation entre la science et ce qui l’a précédée, nous invite à rejeter sur ce dernier aspect ce qui
dépend de l’invention au sens péjoratif. D’autre part les théories scientifiques semblent échapper
à ce qu’il y avait de péjorativement inventif dans les pseudo-théories anciennes, parce qu’elles
s’accompagnent d’une efficacité qui conduit à croire qu’elles sont cette fois en prise avec le réel
lui-même.
Cette illusion est d’autant plus fréquente que nous sommes généralement peu informés du
travail scientifique véritablement en cours. Ainsi donc une mentalité scientiste assez diffuse nous
pousse à considérer que tout ce qui appartient au comportement scientifique est en relation avec
une vérité triomphante, quasiment définitive. Il y a là une illusion supplémentaire. Alors que
« nous vivons donc une époque où la science, qui est longtemps apparue triomphante, est non
seulement trop souvent ignorée, mais aussi remise en question, où les scientifiques eux-mêmes
doutent et deviennent timides. La science n’a pas su s’intégrer à la culture. On a parlé
d’aliénation culturelle de la science. »3 Quel lien existe-il entre lois scientifiques et réfutabilité ?
III. Lois scientifiques et réfutabilité
1. La mathématisation des lois scientifiques
L’épistémologie, au XXè siècle, constate que les théories scientifiques, tout en étant
fondées sur des données expérimentales, sont mathématisables. Au point que cette formulation
est admise comme un indice, sinon une exigence, de scientificité. Puisque la théorie est par
définition une architecture de lois, il devient possible de faire en quelque sorte progresser la
théorie vers l’abstraction en la rédigeant sous forme entièrement mathématique. L’un des
avantages de cette mathématisation est de permettre d’opérer alors des déductions ne prenant
appui que sur les formules admises, c’est-à-dire sans expérimentations nouvelles. Alors que
« dans les progrès scientifiques, on s’aperçoit à chaque pas que ce qui était hier objet d’étude et
d’intérêt pour soi devient aujourd’hui une sorte de postulat, compris et digne de foi, connu et
familier, un outil de recherches et de découvertes nouvelles. »4 Doit-on donc refuser cette
mathématisation des lois scientifiques ?
2. La réfutabilité : vérification et falsifiabilité
La démonstration constitue une condition nécessaire de la science, mais elle ne saurait en
être une condition suffisante : il faut encore que ce qu’elle démontre soit expérimentalement
confirmée. La démonstration appelle donc une vérification expérimentale pour savoir si une loi
ou une théorie résulte de la seule vérité formelle ou correspond-elle à une vérité empirique ou
3
4
R. CLARKE, Les nouvelles énigmes de l’univers, PUF, Paris, 2002, p.120.
J.R. OPPENHEIMER, La science et le bon sens, Gallimard, Paris, 1963, p.37.
matérielle. C’est dans cette optique que pour certains « le critère de vérité scientifique est sa
capacité d’atteindre et d’anticiper ; en un mot, la vérification »5 : le vrai est donc le vérifié.
On peut comprendre pourquoi cette vérification par l’expérience reste nécessaire. La
science doit toujours être dogmatique, c’est-à-dire strictement démonstrative, s’appuyant sur de
sûrs principes a priori, mais elle est opposée au dogmatisme, c’est-à-dire à la prétention d’aller
de l’avant avec une connaissance pure qui est du domaine de la philosophie. C’est ainsi « la
falsifiabilité », au sens où l’entend POPPER, de la théorie, c’est-à-dire le fait que ses ultimes
déductions se prêtent à une vérification expérimentale, qui vient « corroborer » la portée des
démonstrations. Les limites de l’expérience et de tous les phénomènes nous portent à aller plus
loin. C’est l’ « inconditionné », au sens où l’entend KANT, que la raison exige dans les choses
en soi, nécessairement et à bon droit, pour tout ce qui est conditionné, afin d’achever ainsi la
série des conditions. L’ «inconditionné» ne peut donc pas être pensé sans contradiction. Notre
pouvoir de connaître est de ce fait borné à l’expérience, selon le cours de l’histoire où une loi ou
une théorie se trouve émise. La réalité nous apparaît ainsi comme « un réseau d’interconnexions
infinies, une réserve illimitée de plans et de modèles possibles qui se croissent et se combinent
selon les lois qui nous sont inaccessibles et que nous ne comprendrons peut-être jamais. »6
Comment donc faire coïncider l’évolution de nos connaissances théoriques avec l’expérience qui
nous vient de la réalité de tous les jours si les lois scientifiques nous étaient énoncées en dogme ?
IV. La « vérité-provisoire » des lois scientifiques
1. Exemple d’étude de cas : les particules d’une goutte d’eau7
Partons de quelque chose de visible : une goutte d’eau par exemple. Celle-ci est
composée de molécules, environ mille milliards de milliards, chacune d’elles mesurant 10-9
mètre. A présent, pénétrons dans ces molécules : nous allons y découvrir des atomes beaucoup
plus petits, dont la dimension est de 10-10 mètre. Continuons notre voyage. Chacun de ces atomes
est composé d’un noyau encore plus petit 10-14 mètre et d’électrons « gravitant » autour.
Mais notre exploration ne s’arrête pas là. Un nouveau saut, et nous voici au cœur du
noyau : cette fois, nous rencontrons une foule de particules nouvelles, que sont les nucléons, dont
les plus importants sont les protons et les neutrons, d’une petitesse extraordinaire, puisqu’elles
atteignent une dimension de 10-15 mètre. Avons-nous atteint la fin de notre voyage ? S’agit-il de
la frontière ultime au-delà de laquelle il n’y a plus rien ? Nullement.
Depuis une vingtaine d’année, on a découvert les particules encore plus petits, les hardons,
composés eux-mêmes d’entités infinitésimales, qui atteignent la « taille » inimaginable de
10-18 mètre : les quarks, les leptons et les gluons. Signalons que la valeur 10-18 mètre est la plus
petite grandeur physique pour le moment. Ainsi, Héraclite avait-il raison de dire que « panta
rei » : « tout bouge ».
5
J. ULLMO, La pensée scientifique moderne, Flammarion, Paris, 1969, p.202.
J. GUITTON, Dieu et la science. Vers le métaréalisme, Grasset, Paris, 1991, p.124.
7
Ibid. pp.96-97.
6
2. L’abstraction scientifique
L’analyse scientifique de ce qui nous apparaît comme matière montre que la science
conçoit plutôt des événements que des états, des choses. La chose perd sa cohésion perceptible
par la révélation de sa constitution atomique. Ce que nous prenons ordinairement pour son état
correspond en fait à des séries de micro-catastrophes, d’équilibres instables et de déséquilibres
en voie d’équilibration momentanée, qui sont autant d’événements survenant sans cesse dans les
structures atomiques. Cette abstraction est en quelque sorte la version maximale, du moins dans
l’état actuel des connaissances, de celle qui caractérise classiquement la loi, relativement aux
phénomènes dont elle rend compte : de même que la loi est toujours en deçà des apparences les
événements sont en deçà des choses.
3. Confirmation des lois scientifiques
POPPER, voulant distinguer la science de ce qui n’en fait pas partie, est amené à montrer
qu’une théorie est bien scientifique lorsqu’elle apparaît comme « falsifiable » c’est-à-dire qu’elle
se prête à la possibilité d’être démentie par une expérimentation rigoureuse. De ce point de vue il
n’y a pas de vérification globale de la théorie scientifique, il n’y a qu’une confirmation de sa
résistance à la « falsifiabilité ». Mais cette résistance n’est jamais que temporaire, et relative à
une époque plus ou moins durable : « Tant qu’une loi résiste à des tests systématiques et
rigoureux et qu’une autre ne la remplace pas avantageusement dans le cours de la progression
scientifique, nous pouvons dire que cette loi a ‘‘fait ses preuves ’’ou qu’elle est corroborer »8,
mais nous ne pouvons aller au-delà. « Pour POPPER c’est un sophisme de conclure de la vérité
d’une conclusion à la vérité des prémisses mais on peut tenir l’hypothèse pour confirmée. »9 Si
la confirmation était conçue comme définitive, cela signifierait en effet qu’aucune avancée du
savoir ne serait plus possible dans le domaine que considère la loi ou la théorie. Ou que serait
réalisée, pour ce domaine, la coïncidence entre savoir théorique et réalité. « La recherche
scientifique doit donc se présenter comme une pensée ouverte, audacieuse, reconnaissant ses
échecs autant que ses succès. »10
8
K. POPPER, La logique de la découverte scientifique, in La philosophie comme débat entre les
textes, Magnard, Paris, 1996, p.455.
9
P. JACOB, « Loi (épistémologie) » in Encyclopaedia Universalis, Corpus 13, Paris, p.1000.
10
Roger LESGRANDS, « Ne demande-t-on pas trop aux scientifiques ? » in Panorama. Un
regard chrétien. N°286, novembre 1993, p.43.
4. La réalité comme horizon fuyant : « science comme action »
« Les acquisitions et les inventions scientifiques deviennent pour le savant un
prolongement, un nouveau mode de perception, un nouveau mode d’action »11 nous dit le ‘‘père
de la bombe atomique’’ J. R. Oppenheimer. Ainsi, « la science est action » c’est pourquoi les
scientifiques eux-mêmes, préfèrent considérer la réalité comme impossible à atteindre : elle ne
constitue qu’une « limite idéale » dixit Einstein, de la connaissance, mais cette limite reste hors
de portée de la science. Il est incontestable que, dans leur développement, les lois cherchent à
rendre compte de domaines de plus en plus étendus de ce que nous percevons, de moins en
moins, du monde : les théories de la relativité sont de ce point de vue plus générales que la
mécanique newtonienne, puisqu’elles concernent un nombre infiniment plus grand de
phénomènes possibles. Le scientifique se trouve, relativement au monde, dans la situation d’un
homme qui essaie de comprendre le mécanisme d’une montre fermée. Il résulte de ceci que « la
science est cumulative dans un sens très spécial. On ne peut vraiment connaître la signification
d’une expérience contemporaine que si on comprend ce que sont les instruments et les
connaissances qui interviennent dans sa conception… Les découvertes scientifiques sont définies
en partant d’objets, de lois et d’idées qui constituent la science d’hier. »12 Aucune découverte,
fût-elle la plus étrange ou la plus importante ne nous autorise ni ne nous contraint à réfuter à la
hâte la maison de l’esprit.
CONCLUSION
Tout bien considéré, il revient que la vérité au sens plein du terme ne relève pas du
domaine de la science, mais la rationalité celui de la philosophie et la réfutabilité celui de la
science : adopter une démarche scientifique, c’est tester, par l’expérience et l’observation, pour
confirmer ou réfuter des faits. « La méthode expérimentale est de ce fait l’essence même de
l’activité scientifique. Lorsque la recherche scientifique établit des lois, lorsqu’elle est capable
de prévoir des phénomènes, c’est toujours à l’intérieur de son domaine propre. Leur translation
dans un autre champ est une escroquerie.»13 Plus nous croyons savoir, plus nous nous rendons
compte de notre ignorance. Ainsi, tout savoir est provisoire. L’évolution est bâtie sur des
incidents, sur des événements rares, sur des erreurs. « Cela qui entraînerait un système inerte à
sa destruction devient source de nouveauté et de complexité dans un autre système vivant.
L’accident peut s’y transformer en novation et l’erreur en succès » nous dit F. JACOB. Le vrai
relevant de la loi, qui est une approximation du réel, devient provisoire et le provisoire est
éternel. Ainsi, après la physique mécanique, sommes-nous parvenus à la physique quantique par
exemple, la prochaine, semble-t-il, serait la « physique sémantique ».14 Qui va donc nous
expliquer le monde de façon intelligible ? Si la science abdique, faut-il espérer la venue d’une
philosophie nouvelle, ce qu’on pourrait appeler une véritable philosophie de la nature, capable de
décrypter clairement les mystères de l’univers et ceux de la vie ou d’autres modes de réflexion
viendront-ils prendre la place laissée vacante ?
11
J. R. OPPENHEIMER, La science et le bon sens, Gallimard, Paris, 1963, p.39.
Ibid. p. 41.
13
Roger LESGRANDS, « Ne demande-t-on pas trop aux scientifiques ? » in Panorama. Un
regard chrétien. N°286, novembre 1993, pp. 42-43.
14
J. GUITTON, Dieu et la science. Vers le métaréalisme, Grasset, Paris, 1991, p.125.
12
BIBLIOGRAPHIE
1. CLARKE Robert, Les nouvelles énigmes de l’univers,
Col. Science histoire et société, PUF, 5è Ed., Paris, 2002.
2. GUITTON J. Grichka BOGDANOV Igor BOGDANOV,
Dieu et la science. Vers le métaréalisme, Grasset, Paris, 1991.
3. JACOB Pierre, « Loi (épistémologie) » in Encyclopaedia Universalis, Corpus 13,
Paris, 1991, pp. 1000-1004.
4. KANT E., Critique de la raison pure, trad. J. Barni revue et corrigée par P. Archambault, Le
grand livre du mois, Paris, 1997.
5. LESGRANDS Roger, « Ne demande-t-on pas trop aux scientifiques ? »
In Panorama. Un regard chrétien, N°286, novembre 1993, pp. 40-43.
6. MEDINA J. Claude MORALI André SENIK,
La philosophie comme débat entre les textes, Magnard, Paris, 1996, pp.391-521.
7. OPPENHEIMER J. Robert, La science et le bon sens,
Trad. Albert COLNAT, Gallimard, Paris, 1963.
8. ROSSI Jean Gérard, Les grands courants de l’empirisme,
Col. Philosophie Synthèse, Armand COLIN, Paris, 1999.
9. ULLMO Jean, La pensée scientifique moderne, Flammarion, Paris, 1969.
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