DM. Révolte en Gaule sous le règne de Tibère en 21 ap. JC
Tacite, Annales, 3, 40-47 (traduction H. Goelzer, collection des Universités de France, 1958, revue)
« 40. La même année, les cités des Gaules, écrasées sous le poids de leurs dettes, essayèrent une rébellion
dont les plus ardents instigateurs furent, chez les Trévires, Julius Florus et, chez les Eduens, Julius
Sacrovir; tous deux étaient d'une haute naissance et leurs aïeux avaient, par leurs belles actions, mérité
d'obtenir le droit de cité, récompense jadis rare et servée à la seule vertu. Dans de secrètes conférences,
ils s'assurent des hommes les plus résolus et de ceux à qui l'indigence et la crainte des conséquences de
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leurs forfaits imposaient la nécessité de mal faire ; ils conviennent de soulever, Florus les Belges et
Sacrovir les Gaulois dont il était plus près. Dans des conciliabules et des assemblées, ils tenaient des
discours séditieux sur la continuité des tributs, l'énormité des intérêts, l'inhumanité et l'orgueil des
gouverneurs et disaient que la nouvelle du trépas de Germanicus avait jeté la discorde dans nos troupes.
L'occasion était belle pour recouvrer l'indépendance, s'ils songeaient à leur état florissant en face d'une
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Italie sans ressources, d'une populace urbaine sans ardeur pour la guerre et d'une armée dont l'unique
force était dans ce qu'elle contenait d'étrangers.
41. Il n'y eut presque pas de cités ne fussent jetés les germes de cette rébellion ; mais ceux-ci levèrent
d'abord chez les Andécaves et les Turoniens. Les Andécaves furent réprimés par le légat AciliusAviola,
avec la cohorte qui tenait garnison à Lyon. Les Turoniens furent écrasés par les légionnaires que Visellius
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Varro, légat de la Germanie inférieure, avait envoyés sous les ordres du même Avila et par certains chefs
gaulois qui lui prêtèrent assistance, dissimulant ainsi leur défection pour la rendre effective dans un
moment plus favorable. On vit même Sacrovir, la tête découverte, combattre pour les Romains, afin,
disait-il, de mieux montrer son courage ; mais les prisonniers l'accusaient d'avoir voulu se rendre ainsi
reconnaissable pour ne pas être atteint par les traits. Tibère, consulté dédaigna la dénonciation et son
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irrésolution alimenta la guerre.
42. Sur ces entrefaites, Florus poursuivait ses projets et tâchant de gagner à sa cause une aile de cavalerie
qui, enrôlée parmi les Trévires, était exercée à la romaine et soumise à notre discipline, l'engageait à
commencer la guerre par le meurtre des négociants romains. Quelques cavaliers seulement se laissèrent
corrompre ; les plus nombreux demeurèrent dans le devoir. Mais la foule des débiteurs et des clients de
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Florus prit les armes et tous se dirigeaient déjà vers les défilés boisés qu'on nomme l'Ardenne, quand ils
furent repoussés par les légions de l'une et l'autre armée que Visellius et C. Silius avaient lancées à leur
rencontre par des chemins opposés. On envoya aussi en avant-garde, avec une troupe d'élite, Julius Indus,
de la même cité que Florus, mais qui ne partageait pas ses idées et était par conséquent plus ardent à faire
bonne besogne : il avait affaire à une multitude encore en désordre : il la dispersa. Florus, à la faveur de
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retraites mal connues, trompa d'abord ses vainqueurs ; mais enfin, à la vue des soldats qui occupaient les
issues, il se suicida. Telle fut la fin de la révolte des Trévires.
43. Du côté des Eduens, la répression fut plus difficile, parce que cette cité était plus puissante et nos
garnisons plus éloignées. Autun, capitale du pays, était aux mains de Sacrovir et de ses cohortes régulières :
il voulait en l'occupant et en s'emparant des plus nobles rejetons des Gaules, qui y étudiaient les arts
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libéraux, tenir autant d'otages qui attacheraient à sa fortune leurs parents et leurs proches ; en même temps
il distribua aux jeunes hommes de la ville des armes fabriquées en secret. Ils étaient quarante mille, dont le
cinquième fut armécomme nos légionnaires ; le reste eut des épieux, des couteaux et d'autres instruments
de chasse. Il leur adjoint des esclaves destinés au métier de gladiateur et qui, à selon leur coutume, sont
entièrement couverts d'une armure de fer : on les nomme crupellaires ; s'ils sont gênés pour porter des
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coups, ils sont impénétrables à ceux qu'ou leur destine. Ces forces étaient accrues par celles des cités
voisines, qui, bien que ne s'étant pas encore déclarées, montraient des sympathies, empressées à s'offrir
individuellement ; il n'y manquait même pas la rivalité des généraux Romains entre lesquels le débat était
ouvert, chacun réclamant pour soi la conduite de la guerre. Puis Varro, que la vieillesse rendait invalide, la
céda à Silius dans toute la vigueur de l'âge.
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44. Cependant on disait à Rome, que ce n'étaient pas seulement les Trévires et les Eduens qui staient
révoltés, mais les soixante-quatre cités des Gaules ; qu'elles s'étaient associé les Germains ; que les
Espagnes étaient chancelantes ; et ces nouvelles, comme c'est le fait ordinaire de la renommée, trouvaient
d'autant mieux créance qu'elles étaient exagérées. (…)
45. Cependant Silius, à la tête de deux légions précédées d'une troupe d'auxiliaires, ravage les bourgades
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des Séquanes situées aux extrémités du territoire, et qui, voisines et alliées des Eduens, étaient comme eux
en armes. Puis, par une marche rapide, il se dirige sur Autun : les porte-enseignes rivalisaient de vitesse, le
simple soldat lui-même frémissait, refusait le repos habituel, les haltes nocturnes ; qu'il vît seulement
l'ennemi et qu'il en fût vu : c'était assez pour vaincre. À douze milles, Sacrovir et ses troupes apparurent en
rase campagne. Sur le front il avait placé ses hommes bardés de fer, aux ailes ses cohortes, en arrière les
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troupes à moitié armées. Lui-même, au milieu des chefs, parcourait les rangs sur un cheval superbe,
rappelait les anciens exploits des Gaulois, et les coups funestes portés aux Romains ; combien la liberté
serait belle après la victoire, et la servitude plus intolérable encore s'ils étaient vaincus pour la seconde fois.
46. Son allocution fut courte et accueillie sans enthousiasme : en effet lesgions s'approchaient en
bataille, et ces citadins, sans organisation et sans usage de la guerre, n'étaient presque plus capables de voir,
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ni d'entendre. Quant à Silius, bien que l'espoir assuré du succès l'eût dispensé de toute exhortation, il ne
laissait, pas cependant de s'écrier que c'était une honte pour eux, conquérants de Germanie, d'être menés
au combat contre un ennemi comme les Gaulois. « Naguère une cohorte a suffi contre le Turonien rebelle,
une aile de cavalerie contre le Trévire ; de faibles escadrons de cette même armée ont battu les Séquanes.
Plus riches sont les Eduens, et plus adonnés aux plaisirs, mais par cela même moins aptes à la guerre.
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Battez-les et veillez aux fuyards. »Il y eut à ces mots une immense acclamation ; la cavalerie enveloppa
l'ennemi, l'infanterie l'attaqua de front et, aux ailes, l'affaire ne traîna pas. On mit un peu plus de temps à
venir à bout des hommes bardés de fer dont les armures résistaient au javelot et à l'épée ; mais nos soldats
saisirent des cognées et des haches de sapeur, comme s'ils voulaient faire brèche dans un mur, fendirent
les cuirasses et les corps ; quelques-uns avec des crocs et des fourches culbutaient ces masses inertes qui,
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une fois par terre, ne faisaient aucun effort pour se relever et étaient laissées comme des cadavres.
Sacrovir gagne d'abord Autun, puis, par crainte d'être livré, il se rend dans le voisinage à une maison de
campagne avec les plus fidèles de ses amis. Là, il se tua de sa propre main, et les autres se donnèrent
mutuellement le coup fatal ; la maison où ils avaient mis le feu fut leur bûcher. »
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