Ethique et Gouvernance dans la culture chinoise
Intervention de Bin GAO au Colloque annuel de l’ACFS
9 juillet 2012
Si l’on cherche une traduction littérale en chinois des mots « éthique » et « gouvernance », ce
n’est pas une tâche facile. Pour cause, ses concepts, tels qu’on l’entend en Occident, sont
plutôt d’origine européenne. En revanche, il est très aisé de trouver leurs équivalents dans la
langue de Confucius. On pourrait alors se poser la question : quelle est la conception des
choses derrières les termes chinois ?
Deuxièmement, pourquoi parler de l’éthique et de la gouvernance ensemble ? La première
étant une question principalement philosophique (spirituelle), tandis que la seconde plutôt
pratique (matérielle) ?
Nous essayerons, dans un temps et espace extrêmement limités, de proposer quelques
éléments de réflexion, sur ce sujet immensément riche.
L’Ethique dans la culture chinoise :
Quand on parle de l’éthique, elle est presque toujours associée à la morale (伦理道德), les
deux aspects se trouvent au cœur de la Loi et constituent le fondement de la société
traditionnelle chinoise :
Ethique: ordre, hiérarchie, définissant le rapport entre humain
Morale: voie, loi naturelle, règles que tout individu doit respecter dans ses rapports
avec autrui
Dans ce cadre-là, la société était clairement organisée et hiérarchisée en 5 ordres qu’on
appelle « wu lun » (五伦) :
Père & fils / enfants (hiérarchie)
aîné et cadet (ordre)
époux & épouse (différence)
gouverneur & gouverné (devoir & obligation)
amis (loyauté)
Chacun doit se positionner par rapport à son rôle dans la famille et dans la société, en
respectant les règles comportementales, codes relationnels et vertus individuelles, fixées de
façon à bien maintenir les ordres établis:
5 règles comportementales à adopter, « wu chang » (五常) :
o « Ren » (: bienveillance & bonté)
o « Yi » (: justice & équité)
o « Li » (: respect & courtoisie)
o « Zhi » (: sagesse & raison)
o « Xin » (: confiance & crédibilité)
4 codes relationnels à appliquer, « si wei » (四维) :
o « Li » (: rite & protocole)
o « Yi » (: devoir & loyauté)
o « Lian » (: honnêteté & intégrité)
o « Chi » (: humilité & sens d’honneur)
8 vertus à cultiver, « ba de » (八德)
o « Xiao » (: piété familiale)
o « Ti » (: amour pour son aîné)
o « Zhong » (: fidélité & loyauté)
o « Xin » (: crédibilité)
o « Ren » (: bonté & compassion)
o « Ai » (: amour)
o « He » (: paix)
o « Ping » (: sérénité)
L’évocation des principes de base de l’éthique et de la morale au sens chinois, nous permet
déjà de faire un rapprochement avec les notions européennes, qui finissent « l’éthique »
comme « la morale et ses principes ; la philosophie qui étudie la morale et ses fondements ; la
façon de se diriger, de se comporter ». « L’éthique (du grec ηθική [επιστήμη], « la science
morale », de ήθος ("èthos"), « lieu de vie ; habitude, mœurs ; caractère, état de l'âme,
disposition psychique » et du latin ethicus, la morale) est une discipline philosophique
pratique (action) et normative (règles) dans un milieu naturel et humain. Elle se donne pour
but d'indiquer comment les êtres humains doivent se comporter, agir et être, entre eux et
envers ce qui les entoure. »
Cela fait croire aussi qu’en éthique, comme en culture et d’autres domaines fondamentaux, il
y a des valeurs universelles, valeurs qu’on devrait explorer davantage au service d’une
meilleure mondialisation.
La Gouvernance à la mode chinoise
Bon nombre de spécialistes ont travaillé, et travaillent toujours sur ce sujet, la gouvernance,
qui a une origine, et surtout dérivée linguistique et sémantique complexe, mais est dotée
récemment d’un sens tout moderne dans « la gouvernance d’entreprise ». Nous ne nous
étendrons pas là-dessus, pour nous concentrer sur son lien avec l’éthique.
La Gouvernance, dans sa définition moderne, « renvoie à la mise en place de nouveaux modes
de pilotage ou de régulation plus souples et éthiques, fondés sur un partenariat ouvert et
éclairé entre différents acteurs et parties prenantes, tant aux échelles locales que globales et
nord-sud ». Nous voilà revenus sur l’éthique, et même la morale, avec leurs différents
composants.
Quand on reprend « Les Principes de gouvernement d’entreprise de L’OCDE (2004) »,
dans sa grande ligne :
I. Mise en place des fondements d’un régime efficace de gouvernement d’entreprise
II. Droits des actionnaires et principales fonctions des détenteurs du capital
III. Traitement équitable des actionnaires
IV. Rôle des différentes parties prenantes dans le gouvernement d’entreprise
V. Transparence et diffusion de l’information
VI. Responsabilités du conseil d’administration
On s’aperçoit qu’en simplifiant, il s’agit de redéfinir le positionnement des uns par rapport
aux autres, les rôles, ainsi que devoirs et obligations de chacun dans l’entreprise et son
environnement (au sens large du terme), pour arriver à restaurer / créer un nouvel ordre, plus
équilibré et plus pérenne.
Nos vieux concepts éthique et moral, que ce soit occidentaux ou chinois, ont toute leur place à
faire valoir dans notre société moderne, pour donner un nouveau souffle aux entreprises qui
cherchent de nouvelles voix.
En Chine et dans d’autres pays d’Asie, la gouvernance par l’éthique et la morale au sens
traditionnel du terme, a toujours été pratiquée. Est-ce le secret de réussite de ces entreprises
prospères (dont beaucoup d’entreprises familiales) ? La question mérite d’être creusée, mais
nous pensons qu’une bonne éthique est tout à fait transposable dans la gouvernance
d’entreprise :
Un bon ordre et une bonne hiérarchie permettent de mieux définir :
o le positionnement, donc le rôle de chacun et
o les devoirs & obligations des uns par rapport aux autres
o les responsabilités de chacun sont ainsi clairement établies
Les règles comportementales, codes relationnels et vertus bien appliqués garantissent :
o des relations respectueuses et harmonieuses au sein et à l’extérieur de la
société, non seulement entre humains, mais avec la nature (environnement)
o une bonne image et une bonne réputation de la société
o la pérennité du développement.
Nous pouvons puiser énormément de choses dans notre richesse du passé, mais en même
temps devons évoluer avec le temps, en intégrant les nouveaux paramètres propres à notre
temps, pour ne pas tomber dans le dogme au risque de créer des sectarismes et discrimination,
et étouffer l’innovation et la créativité.
La devise valable dans tous les temps et espaces, dans la vie familiale ou sociale, dans la
gouvernance d’entreprise ou de pays, est l’équilibre, entre le principe de Yin & Yang, selon
le concept chinois, et plus généralement entre tous les composants d’une famille, d’une
société, d’une entreprise, d’un pays, et en fin de compte, tous les habitants de la planète !
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