La psychiatrie doit s’ouvrir à la cité
La province du Nord-Kivu, avec une superficie de 59.483 km2 et une densité de population 75
hab./km2 ne possède que l’unique Centre de Santé Mentale « Tulizo Letu » à Goma.
La quasi-totalité de la population vit de l’auto emploi et cette situation concerne plus les femmes
que les hommes. 75% de la Population du Nord-Kivu vit de l’agriculture et le revenu moyen des
actifs s’élève à 17$ par mois. En clair, au Nord-Kivu, les revenus les plus faibles sont observés
chez les actifs du secteur informel agricole et non agricole
.
A chaque fois que je suis sur le terrain en RDC, mon pays d’origine, je suis touchée par la
pauvreté de mon peuple. Il est vrai que les ONG pallient à l’urgence mais il est nécessaire de se
pencher sur les causes de cette pauvreté afin d’apporter des solutions durables pour la population.
A chaque fin de mission, je remets en question mon apport sur le terrain. Tout est à faire et à
refaire. Nos partenaires sur place font preuve de bonne volonté mais les conditions de travail
sont pénibles. Tulizo Letu, l’unique Centre de santé mentale couvrant cette immense région n’a ni
des locaux en suffisance, ni les moyens en équipement, pour venir en aide à l’ensemble des
personnes souffrant de troubles psychiques dans la population du Nord-Kivu. Ainsi, chaque
matin, de nombreux malades se présentent au centre avec de multiples demandes.
Si un congolais moyen est pauvre et vit avec moins de 1$/jour, celui qui souffre de maladie
mentale est deux ou trois fois plus pauvre. La maladie mentale est handicapante et est très
méconnue dans la société. Ainsi, entre une et quatre années peuvent s’écouler avant que le patient
ne se présente au Centre de Santé Mentale. Ne sachant pas de quoi il souffre, le patient ira dans
un premier temps consulter un guérisseur puis se rendra chez le pasteur et ce n’est qu’en dernier
lieu qu’il se présentera au Centre de Santé Mentale. La personne arrive alors au centre dans un
état de pauvreté totale, de déchéance physique, mentale, sociale et d’hygiène déplorable. Quant à
la plupart des femmes, elles sont abandonnées ou répudiées par leurs maris. Le centre de santé
mentale doit pallier à tout cela, le personnel soignant est confronté à cette misère sociale chaque
jour et cela pèse sur leur moral.
Le centre ne sachant pas prendre tout le monde, il y a une grande partie qui ne sera pas
hospitalisée, sans compter le nombre de rechutes faute de moyens financiers pour acheter les
médicaments. Souvent, les patients n’ont même pas de quoi se nourrir, mais le centre ne dispose
pas encore d’une cantine, donc les patients ont faim et cela augmente leur agressivité. Le
personnel soignant doit faire face à toutes ces difficultés avec le peu de moyens dont il dispose.
Ces chiffres proviennent de : Programme des Nations Unies pour le Développement, Province du Nord-Kivu :
profil résumé, pauvreté et conditions de vie des ménages, mars 2009.