d’universel ou de référent (celui qui écrit) ou celui qui désigne, assigne et l’autre sujet qui
est référé, désigné, assigné.
La création d’un Ministère de l’immigration, de l’identité nationale et du co-
développement a soulevé en France de nombreuses protestations de la part de chercheurs
historiens, anthropologues, sociologues, politologues. La journée de l’AFA a réuni autour
du thème des identités nationales d’Etat, un certain nombre de contributions permettant
une comparaison entre la situation française et celle d’autres pays, qui pour la plupart ont
eu à affronter une phase de décolonisation.
L’anthropologie a souvent, par le passé, été convoquée pour soutenir une pensée de la
construction nationale qu’il s’agisse de contribuer, par le savoir scientifique sur les
origines d’un peuple, à créer une idéologie prônant l’unité de l’ethnos ; ou de participer au
développement de l’idéologie de la diversité nationale.
Les contributions à la journée de l’AFA qui ont porté sur le cas de la France ont montré
comment l’Etat impose son autorité symbolique en valorisant et hiérarchisant le processus
d’identification nationale. La construction de cette dernière est indissociable d’un
imaginaire de la différence où l’étranger contribuerait à l’altération des repères de l’identité
considérés comme normaux. Les contributions ont noté le glissement, dans les
représentations, vers une connotation biologique de l’identité nationale qui est apparente
dans le vocabulaire lui-même substituant naturalisation à nationalisation qu’on aurait pu
attendre pour désigner l’incorporation de l’étranger.
Dans les nouveaux dispositifs de contrôle, l’immigration est présentée comme une menace
pour l’identité française : ces dispositifs portent une suspicion sur la possibilité
d’intégration des populations immigrées qui sont définies par une spécificité culturelle en
deçà de la norme. Ils naturalisent les immigrés en créant la catégorie de deuxième
génération ; ils permettent le dénombrement des jeunes nés de parents étrangers, rendant
visible une catégorie de Français par acquisition qui n’était auparavant pas statistiquement
repérable. Ces dispositifs s’appuient sur une construction de l’altérité en termes de
problème, de populations floues à chiffrer, à déchiffrer et à contenir (Ange Bergson). Avec
la mondialisation des migrations, s’a ffirme le retour à une conception essentialiste de
l’identité culturelle nationale qui serait menacée.
La pensée d’Etat procède aussi à la réinvention des cultures et à la fabrication de
l’indigénisme mis au service de l’identité nationale. La politique « indigéniste » est alors
mise au service la gestion du patrimoine. Dans la prise en charge par l’Etat de la
conservation de la culture, la mise en œuvre d’un rapport au passé est donné pour évident
- on parle en terme d’urgence – alors qu’il est en fait constitué. Rendre visible le passé,
c’est l’extérioriser pour procéder à l’analyse et à l’accumulation de ses traces matérielles.
Pour « sauver » le patrimoine culturel ou constituer certains objets d’une société en
patrimoine ethnologique, on les sépare de leur fonction sociale considérant seulement leur
qualité culturelle.
Si une instrumentalisation politique des pratiques culturelles favorise la représentation
essentialiste de l’identité, elle n’est cependant pas univoque :
- elle peut alterner vision de l’unité et vision pluraliste de la nation . Quand c’est
l’hétérogénéité ethnique qui est instrumentalisée par le politique, expressions
musicales et gestuelles, pratiques sociales anciennes, extraites de leur contexte
d’origine, objectivées et spectacularisées, sont conçues comme des pratiques
« ressources » ayant une forte valeur nationalisante.