©Abdullahi Ahmed An-Na’im
Le Devenir de la Shari’a
3. Constitutionalisme, droits de l’homme et citoyenneté
Dans ce chapitre, je discuterai du constitutionalisme, des droits de l'homme, et de
la citoyenneté comme étant un cadre intégré pour régler le fonctionnement pratique du
sécularisme comme processus de négociation de la tension entre la neutralité religieuse
de l'État et le lien entre l’islam et la politique publique. Le constitutionalisme fournit un
cadre légal et politique pour réaliser et sauvegarder la dignité égale, les droits de l'homme
et le bien-être de tous les citoyens. Les normes des droits de l'homme, tandis que définis
avec autorité dans des traités internationaux et régionaux et le droit international
coutumier, ne peuvent être appliquées que dans la pratique par des constitutions
nationales, systèmes légaux, and institutions. Cependant, l'efficacité des systèmes
nationaux et internationaux dépend de la participation active des citoyens agissant
individuellement et collectivement pour protéger leurs propres droits. En même temps,
les normes des droits de l'homme et les normes constitutionnelles permettent à des
citoyens d'échanger des informations, de s’organiser et d’agir publiquement pour
favoriser leur propre vision du bien social, et de protéger leurs droits. En d'autres termes,
le constitutionalisme et les droits de l'homme sont les moyens nécessaires pour à terme
maintenir la dignité et les droits des citoyens, mais cet objectif peut seulement être
réalisé par l'agence des citoyens. Ainsi, ces concepts et leurs institutions relatives sont
dépendantes, et doivent entrer en interaction l'un sur l'autre, si chacun veut réaliser son
propre raisonnement.
En essayant de clarifier ce cadre intégré d'un point de vue islamique, j'espère
favoriser leur légitimité parmi les musulmans, qui doivent accepter ces principes s'ils
doivent être efficacement appliqués dans les sociétés musulmanes. Le rapport entre
l'islam et ces principes est inévitable parce qu'il affecte directement la légitimité et
l'efficacité de ces principes et institutions dans les sociétés islamiques actuelles.
En même temps, ce rapport sera confus et contreproductif si l'islam est pris pour
un synonyme des approches historiques de la Shari’a, qui incluent certains principes qui
sont incompatibles avec le constitutionalisme, les droits de l'homme et la citoyenneté.
Pour être clair sur ce point, je ne propose pas que la Shari’a en tant que telle soit en soi
incompatible avec ces principes modernes. Plutôt, je me réfère spécifiquement à certains
aspects des interprétations traditionnelles de la Shari’a, particulièrement ceux concernant
des femmes et les non-musulmans, comme discuté ci-dessous, et non pas aux
problématiques de croyance (aqida) et de pratiques religieuses (ibadat).
Il est en critique de maintenir la neutralité religieuse de l'État avec précision parce
que les êtres humains tendent à favoriser leur propre point de vue, y compris leurs
croyances religieuses. Mais cet objectif ne peut pas et ne devrait pas être cherché par le
biais d’efforts de relégation de la religion au domaine purement privé parce que ce n'est
ni possible ni souhaitable. Au lieu de cela, l'effort devrait être de séparer l'islam de l’État,
tout en reconnaissant le rôle public de l'islam, y compris ses influences dans la
formulation de politique publique et de législation. Cette tension permanente devrait être
négociée par le biais de conditions de la raison publique dans le cadre du
constitutionalisme, des droits de l'homme et de la citoyenneté, qui sont discutés dans ce