Documents Mondes arctiques

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Partie I
Doc : Les distances entre quelques ports selon la route maritime
Itinéraire
Londres –
Yokohama
MarseilleShanghai
MarseilleYokohama
HambourgSeattle
New YorkShanghai
New York –
Singapour
Panama
23 300
Passage du
Nord-Ouest
14 080
Passage du
Nord-Est
13 841
Suez et
Malacca
21 200
26 038
19 160
19 718
16 460
24 030
16 720
17 954
17 800
17 110
13 410
12 770
29 780
20 880
17 030
19 893
22 930
23 850
19 540
23 121
19 320
(d’après F. Lasserre)
Doc : « Il n’y aura pas d’autoroute polaire avant un long moment »
Le trafic [maritime] n’a-t-il pas vocation à augmenter à mesure que la banquise fondra ?
Frédéric Lasserre. Cela fait dix ans qu’on dit que le trafic va augmenter et il reste à un niveau très
faible. Les compagnies maritimes, selon leur activité, sont plus ou moins intéressées. Celles qui
travaillent dans le domaine du vrac le sont plus que d’autres, dans la mesure où, si l’on trouve des
ressources, on sera amené à les exploiter. Il y aura donc un trafic de desserte des activités minières
ou pétrolières. Ce trafic augmentera au fur et à mesure de la découverte des gisements. D’autant que
les compagnies de vrac ne sont pas tenues par des délais. Ce qui n’est pas du tout le cas des
compagnies de transport de conteneurs, puisqu’elles vendent à leurs clients une garantie de livraison
à date fixe. Certes, la banquise affiche un retrait de plus en plus important en été, mais il reste de la
glace dérivante, et il faut composer avec plus d’icebergs et de brouillards. Enfin, on ne sait toujours
pas prédire à quel moment la banquise se fragmente en été et se reforme en automne. Et les
compagnies de transport de conteneurs ont horreur de cette incertitude. De plus, les primes
d’assurance sont considérables dans ce domaine.
On est donc encore loin d’un nouvel eldorado au Nord ?
Frédéric Lasserre. Il n’y aura pas d’autoroute polaire avant un long moment, du moins tant qu’on
ne saura pas avec certitude à quel moment y faire passer des navires. D’autre part, tout ce qu’on vient
de dire n’est plus pertinent si on se réfère à certains scénarios selon lesquels il n’y aura plus de glace
du tout au coeur de l’océan Arctique en été d’ici vingt, trente, cinquante ans. Dès lors, la route la plus
courte ne sera pas le passage du Nord-Ouest ou du Nord-Est mais la traversée de l’océan Arctique.
Pour le moment, pour la plupart des compagnies maritimes, il est urgent d’attendre.
Entretien de Frédéric Lasserre réalisé par Vincent Defait, L’Humanité, 30 décembre 2008 (extraits)
Doc : Les nouvelles routes maritimes : des contraintes fortes
[…] Au plan de la navigation, ces passages mythiques [routes du Nord-Ouest et du Nord-Est] ne sont
en rien des « autoroutes maritimes ». Les contraintes y sont fortes : glaces dérivantes, hauts fonds,
vents, courants violents dans les détroits, dureté des glaces de fonte pluriannuelles, faiblesse du tirant
d’eau dans certains détroits (13 mètres pour le détroit de l’Union, 25 pour celui de Dease) qui ne
pourraient laisser passer que des cargos de taille réduite (maximum 25 000 tonnes de port en lourd).
Idem pour la route maritime du Nord-Est, mieux équipée vec une dizaine de ports en eau profonde
mais avec des détroits peu profonds (12 à 20m). Une navigation commerciale rentable suppose en
outre de disposer d’équipages expérimentés, d’hélicoptère de reconnaissance, de radars et de
projecteurs, ou bien d’être précédés de brise-glaces (33 en Russie, 8 au Canada, 3 aux Etats-Unis).
(in « Arctique de nouveaux enjeux », Michel Foucher, Les nouveaux (dés)équilibres mondiaux,
Documentation photographique, La Documentation française, n° 8072, novembre-décembre 2009, p.
28-29)
Partie III
Doc : Un village à l’heure du réchauffement
« [A Uummannaq, sur la côte ouest du Groenland], […] Hans se fait le chroniqueur local du
changement climatique. Les périodes de réchauffement ont toujours existé, dit-il. Elles étaient brèves
et ponctuelles. Aucune n’a duré autant que celle qui sévit actuellement. Et l’un des signes alarmants
est l’arrivée de la pluie. […]
Le changement d’un seul facteur a des répercussions. Ainsi le fond des fjords est depuis quelques
années couvert d’une mousse qui colle aux hameçons et gêne la pêche au flétan. En revanche, le krill
abonde, attirant les baleines, les globicéphales, inconnu ici, et les orques. On a récemment vu un
troupeau d’une centaine chasser des narvals, que les biologistes disent en extinction. Les pêcheurs,
eux, estiment que les narval sont nombreux et dévorent 65 000 tonnes de flétan en baie de Baffin.
Comme souvent, scientifiques et locaux n’ont pas le même point de vue. […]
De plus en plus violents, [les courants] empêchent la banquise de se former. Pendant l’hiver 2006, ils
ont rendu la chasse dangereuse : il n’y avait pas assez de glace pour les traîneaux, et encore trop pour
les barques. Au village de Qaarsut, personne n’a pêché pendant trois mois. La pénurie était générale,
des familles ont été privées de chauffage. Et sur la piste du petit aérodrome, réparée après un
effondrement dû au retrait du permafrost1, il a fallu déposer 3 tonnes de nourriture pour les chiens.
[…]
En 2004, [à Uummannaq], les tempêtes à répétition ont empêché [la banquise] de se solidifier. En
2005, il n’y en a carrément pas eu. Et en 2006, elle était établie depuis deux semaines quand un coup
de foehn2 l’a disloquée, faisant passer la température de moins 20°C à 5°C en quelques heures…
« Pas de glace en décembre, pas de Noël heureux », dit le dicton inuit. […]
Le réchauffement affecte les plus démunis et les plus attachés aux traditions. L’orgueil du chasseur
lié au statut cède à un sentiment d’abandon, une perte d’estime de soi. Les hameaux évoluent
lentement et les villes, où s’installent les plus éduqués, se surdéveloppent. Le fossé se creuse entre
riches et pauvres. […]
J.F Chaix, J.-M Huctin, « Un village à l’heure du réchauffement »,
in Géo, n°337, mars 2007, p. 78-84.
.1 Permafrost : synonyme anglais de pergélisol, sol gelé toute l’année sur une importante profondeur.
.2 Foehn : vent chaud et sec soufflant au printemps et en automne.
Partie III
Doc : Arctique, le réchauffement menace un quart de la population mondiale
[…] Le réchauffement climatique est deux fois plus important en Arctique que dans le reste du
monde [selon un rapport du WWF publié le 2 septembre 2009]. Intitulé « Les rétroactions du climat
en Arctique : implications mondiales », [ce] rapport a été rédigé par une équipe de chercheurs
composée de plusieurs membres du Groupe Intergouvernemental d’experts sur le climat (GIEC).
L’étude du WWF met l’accent sur les conséquences mondiales du réchauffement climatique que
subit l’Arctique. "Le réchauffement de l’Arctique constitue bien plus qu’un problème local (…) Si
nous ne maintenons pas l’Arctique à des températures assez basses, des populations des quatre coins
du monde en subiront les effets" assure Martin Sommerkorn, conseiller scientifique sur le
changement climatique pour le programme Arctique du WWF.
Les glaces de mer de l’Arctique fondent à un rythme deux fois plus élevé que la moyenne mondiale :
entre 1970 et 2007, près de 40% de ces blocs flottants ont disparu. La disparition de la calotte
glaciaire du Groenland contribue également à réchauffer la température de l’eau, jusqu’à 5 degrés
dans certaines zones par rapport aux moyennes observées durant les dernières décennies.
L’Amérique du Nord et l’Europe pourraient ainsi subir un dérèglement des températures et du
rythme des précipitations, qui risque d’affecter gravement les forêts, les réserves d’eau et
l’agriculture. Surtout, la réduction de la calotte glaciaire du Groenland et des glaciers de montagne
de l’Arctique va contribuer à la montée du niveau des mers. Le rapport du WWF prévoit une hausse
d’au moins un mètre d’ici à 2100, un chiffre deux fois plus élevé que les prévisions du dernier
rapport du GIEC, qui date de 2007. Une telle augmentation du niveau des mers risque d’entraîner
des catastrophes naturelles (inondations, tempêtes…) dans des régions côtières qui concentrent plus
d’un quart de la population mondiale.
Le dégel du permafrost, cette couche de gel qui recouvre les sols et les zones humides des régions
polaires, est "une bombe à retardement dont le compte à rebours est déjà amorcé", selon le WWF.
Ces sols contiennent en effet deux fois plus de carbone que l’atmosphère. Le dégel du permafrost va
donc entraîner le relâchement dans l’atmosphère d’importantes quantités de dioxyde de carbone et de
méthane, un gaz à effet de serre 24 fois plus puissant que le CO2.
L’océan Arctique constitue l’un des principaux puits de carbone de la planète, absorbant entre 5 et
14% des gaz à effet de serre émis dans l’atmosphère. Si la fonte des glaces et le dégel du permafrost
se poursuivent dans la région, la quantité de carbone relâché sera bien supérieure à celle de carbone
capté par l’océan. […]
Blaise Mao, www.geo.fr, 07 septembre 2009 (extraits).
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