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La situation actuelle de l'Église et son avenir
Jean Rigal
Jean RIGAL, prêtre diocésain, est professeur émérite à la Faculté de théologie de l'Institut
catholique de Toulouse. Il a publié de nombreux ouvrages et, récemment, Ces questions qui
remuent les croyants (Lethielleux) et de nombreux articles sur l'Église aujourd'hui et son
inscription dans Vatican II (voir en annexe de l'article).
Il peut paraître ptentieux de s’interroger sur la situation actuelle de l’Église et sur son
avenir. Qui peut cerner des questions aussi vastes et aussi complexes ? Tant de
diversités se profilent. Tant d’inconnues nous attendent. Tant d’événements imprévisibles
peuvent subvenir, à long terme ou à court terme, sans oublier l’action insolite de l’Esprit.
Il est tentant néanmoins d’affronter ce type de questions, avec la modestie qui s’impose,
sans vouloir être exhaustif et en acceptant d’être, un jour, démenti.
Un essai de diagnostic de la situation actuelle sera notre point de départ. Il nous conduira
à relever les réponses que linstitution ecclésiale peut apporter et à mettre en valeur des
points de rencontre majeurs entre l’Église et la modernité.
1- Un diagnostic de la situation actuelle.
On peut considérer la situation actuelle en termes de « noir » et « blanc » selon notre
sensibilité et notre poste d’observation. Nos réflexions vont se centrer sur le monde
occidental, et plus particulièrement sur le contexte français, en tenant compte de
questions plus larges qui dépassent mais englobent l’hexagone.
Des éléments positifs.
Beaucoup de ces éléments ne sont pas étrangers à l’impulsion donnée par le concile
Vatican II. Un effort de mémoire s’avère indispensable.
Comme élément positif, relevons, parmi d’autres, la participation accrue des laïcs
chrétiens à la vie et à la mission de l’Église. Quelques décennies seulement nous
séparent du temps le prêtre était la clef de voûte de tout le dispositif ecclésial. Le
code de Droit canonique de 1917 définissait la paroisse à partir de trois pôles : un
territoire, une église, un pasteur. À la même époque, on distinguait deux formes
d’Église : l’Église enseignante et l’Église enseige.
Certains ne manqueront pas de dire que « rien n’a vraiment changé ». Cette opinion me
paraît outrancière. Certes, on peut admettre que la pression des faits a été souvent le
ressort de l’évolution actuelle. On peut aussi déplorer que les fondements spirituels et
théologiques n’aient pas été suffisamment mis en valeur. Néanmoins, une avancée s’est
produite, soutenue par le concile. C’est cet aspect que je retiens en premier lieu.
Devant l’ampleur de cette question, je me bornerai à évoquer l’organisation des
communautés chrétiennes. Un document de l’épiscopat français (de novembre 2010)
élaboré à partir d’une soixantaine d’initiatives, montre l’ampleur des transformations du
paysage ecclésial. On a parlé, à ce propos, de « révolution silencieuse ». En voici les
grandes lignes.
La présence chrétienne est aujourd’hui gravement confrontée, en Occident, à une
importante diminution des ptres et au vieillissement des chrétiens pratiquants. Une
première étape, qui s’est achevée à la fin des années 1990, s’est déroulée sous le signe
du regroupement des paroisses et, peu ou proue, en référence à la présence centrale des
prêtres. Mais comme l’avoue Mgr. Papin, évêque de Nancy, cette solution a montré
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rapidement ses limites. Trois conséquences négatives coulent, me semble-t-il, de ce
dispositif : 1) Il cléricalise l’aménagement pastoral, 2) il empêche toute forme de
renouveau, 3) de toute façon, pour des raisons d’effectifs, il devient intenable.
De plus en plus, on prend conscience que l’avenir de la présence chrétienne doit reposer,
pour une large part, sur la mobilisation des laïcs. C’est le point majeur. Au service de
cette animation ont été multipliées des équipes d’animation pastorale sous des formes
variées, avec des coordinateurs laïcs ou des légués pastoraux, parfois officiellement
reconnus par une nomination épiscopale et une célébration liturgique. Ainsi, on
encourage après l’essai avorté des « Adap » les « Célébrations de la Parole », pour le
rassemblement de la communauchrétienne. En conséquence, les prêtres ont vu leur
mission devenir de plus en plus itinérante.
Bien sûr, certains évêques veulent maintenir l’ancien dispositif en faisant appel à des
prêtres « extérieurs » (un millier en France), mais à quel prix et jusqu’à quand ? Ces
palliatifs posent de nombreux problèmes et ne préparent pas l’avenir. Il faudra bien, un
jour ou l’autre, que l’on sorte de l’impasse actuelle. Mieux vaudrait ne pas trop tarder.
Ici ou là, on insiste sur le fait que le nouveau dispositif pastoral n’est pas uniquement
à la diminution du nombre de prêtres mais repose sur « le sacerdoce des baptis », en
conformité à l’enseignement de Vatican II. Souhaitons-le. Il se pourrait que les
événements conduisent à appliquer l’enseignement conciliaire, mais il vaudrait mieux en
avoir conscience. Le concile n’est pas fait seulement pour justifier nos choix, mais pour
les éclairer, les interroger et leur donner un nouvel élan.
On peut relever aussi le renouveau liturgique promu par le concile. Le temps n’est pas si
loin l’on parlait, en termes d’obligation, « d’assister » à la messe, le prêtre étant
considéré comme le seul « célébrant ». Ce n’est pas faire preuve d’un optimisme excessif
que de souligner combien cette pratique s’est sensiblement améliorée. Les textes officiels
ne manquent pas à cet égard. Ils insistent sur le fait que c’est l’assemblée tout entière
qui célèbre, reprenant les déclarations du concile.
A preuve, le très officiel Catéchisme de l’Église catholique. « C’est toute la communauté,
le Corps du Christ uni à son chef (le Christ) qui célèbre. Les actions liturgiques […]
appartiennent au Corps tout entier de l’Église, elles le manifestent » (N° 1140). Le
ministre ordonné (évêque ou prêtre) rappelle, de par la configuration même de
l’assemblée dont il est membre, que celle-ci n’est pas maîtresse de l’eucharistie, qu’elle
le reçoit comme un don, une convocation et un envoi. On ne peut, cependant, oublier
que beaucoup de pratiquants n’ont pas vraiment découvert la signification de la
démarche liturgique pour entrer dans sa compréhension et son déroulement. De plus,
son lien vital avec la communauté humaine est loin d’être pleinement perçu. Pour
beaucoup d’entre eux, « la messe » reste encore une sorte d’acte de dévotion.
Une fréquentation plus assidue de la Parole de Dieu apparaît comme un troisième
élément positif. Le concile Vatican II a demandé que « l’accès à la Sainte Écriture soit
largement ouvert aux chrétiens ». (SC22). Globalement, l’Église n’est pas restée sourde
à cet appel. On pense, en particulier, aux multiples traductions de la Bible et à leur
diffusion, à l’introduction de la lecture de l’Ancien Testament dans la messe dominicale,
au rôle de l’homélie, aux partages de « la Parole » dans différents groupes, parfois
œcuméniques. On donne du relief à la liturgie de la Parole, non seulement comme une
catéchèse mais comme un élément constitutif de la célébration liturgique, qu’elle soit
eucharistique ou non… Les célébrations dominicales de la Parole se multiplient et ce
mouvement est appelé à s’étendre.
La restitution de la Parole de Dieu à la communauté chrétienne est l’un des fruits les plus
évidents de Vatican II. Dans cette fréquentation de la Bible, beaucoup de baptisés font
deux découvertes. Dans la Bible, Dieu s’adresse à nous avec des mots humains « à la
manière des hommes », comme disait St Augustin et le reprend Vatican II. Il intervient
au cœur des événements et de l’histoire. De plus, les baptisés découvrent que la Parole
de Dieu n’est pas de l’ordre de la justification ou du simple enseignement mais de l’appel.
Cette parole ouvre des passages et sollicite notre engagement, plus qu’elle ne répond à
nos questions.
Un autre point concerne la formation des chrétiens. Tous les diocèses ont conscience de
son importance, fondée sur la vocation baptismale et sur l’urgence des besoins. Sans une
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certaine formation spirituelle, doctrinale, pastorale, les chrétiens (évêques, prêtres
diacres, religieux, laïcs) se découragent et ne peuvent remplir adéquatement leur
mission. On ne peut en rester au catéchisme de son enfance, au moment l’on doit
exercer des fonctions ecclésiales et affronter des questions nouvelles et fort décapantes
pour ceux « qui croient ».
Relevons aussi un progrès sensible dans le climat qui règne à lintérieur des
communautés chrétiennes. Des relations nouvelles se sont établies entre les membres
de ces communautés, empreintes de simplicité, de convivialité et de reconnaissance
mutuelle : en bien des cas, la distance, la soumission, la supériorité ont cédé le pas à la
proximité, à la confiance, au partage, à la responsabili commune. Dans l’encyclique
Vehementer nos (1906), le pape Pie X déclarait : « L’Église est, par essence, une société
inégale, c’est-à-dire comprenant deux catégories de personnes, les pasteurs et le
troupeau, et ces catégories sont tellement distinctes entre elles que dans le corps
pastoral seul, résident le droit et l’autorité nécessaires pour promouvoir et diriger tous
les membres vers la fin de la société ». La situation actuelle est globalement autre,
même si certains chrétiens quittent l’Église qu’ils considèrent comme une « chape
hiérarchique » où ils ne peuvent se situer en baptisés majeurs et responsables.
La diminution du nombre de prêtres entraîne paradoxalement une double conséquence :
elle permet aux chrétiens laïcs de mettre en œuvre leur vocation baptismale, mais dans
le même temps, elle risque de survaloriser le rôle des prêtres, moins nombreux, et donc
jouissant d’une notoriété et d’une sacralisation d’un nouvel ordre. Une ordination
presbytérale est devenue un événement diocésain de grande ampleur.
Dans ce diagnostic positif, on ne saurait oublier l’œcuménisme et le dialogue
interreligieux. encore, il importe de se rappeler d’où nous venons : de guerres
fratricides et de séparations étanches. Aujourd’hui sauf exception les relations sont
devenues cordiales. Vatican II a ouvert la voie. Désormais, le débat porte
essentiellement sur la conception de l’unité de l’Église. C’est ainsi que bien des Églises
protestantes accepteraient que nous formions « une communau d’Églises
pacifiquement divisées », et que l’œcuménisme se contente de rencontres fraternelles et
d’un témoignage commun. On sait que la primauté romaine, avec ses organismes
centralisateurs, reste un obstacle majeur pour les Églises orthodoxes, d’autant plus que
le peuple orthodoxe est fortement opposé, en beaucoup d’endroits, au principe même de
l’unité des Églises. On ne saurait oublier les nouvelles graves divergences survenues avec
la Communion anglicane à propos des ministères féminins et de la morale chrétienne
(homosexualité), alors que le dialogue théologique sur l’unité de communion et la
sacramentali semblait prometteur. Vatican II devient une référence très éclairante
lorsqu’il encourage les Églises à chercher ensemble la vérité du Christ plutôt qu’à se
comparer mutuellement ou à mener des tractations réductrices, pour parvenir à un
dénominateur commun.
Le dialogue interreligieux est une nécessité, et d’autant plus que certaines régions de la
planète sont une poudrière. Le concile a publié toute une claration sur « Les religions
non chrétiennes ». Pas d’anathème, pas de condamnation comme on le faisait autrefois.
Une volonté de dialogue. La rencontre des religions s’oriente aussi vers une action
commune pour le respect des droits de l’homme et le combat pour la paix. Il est utile de
se rappeler le contenu de la Déclaration d’une centaine de personnalités de la
communauté musulmane de France, en 2011, suite aux attentats odieux qui ont été
perpétrés. Elles dénoncent « les atrocités commises au nom de l’Islam ». Elles rappellent,
haut et fort, que « ces meurtriers ne sont pas l’islam… ». « Le meurtre de chrétiens,
comme de tout être humain, est une horreur absolue… Construisons partout le vivre
ensemble dans nos pays multiconfessionnels ».
Terminons ce premier volet du diagnostic en évoquant la nouvelle posture que l’Église
catholique adopte même si cela reste trop modeste à la rencontre de la modernité.
Faut-il rappeler les paroles vibrantes du pape Jean XXIII à l’ouverture du concile : «
L’Église préfère recourir au remède de la miséricorde, plutôt que de brandir les armes de
la sévérité. Elle estime que, plutôt que de condamner, elle répond mieux aux besoins de
notre époque en mettant davantage en valeur les richesses de sa doctrine ».
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« Condamner », n’est-ce pas justement ce que Pie IX avait fait, cent ans plus tôt, en
1864, avec le Syllabus qui dressait la liste des 80 « principales erreurs de notre
temps » ? Avec Vatican II, dans le cadre d’un enseignement conciliaire solennel, l’Église
catholique sort d’un siècle et demi d’affrontements avec le monde moderne. De manière
plus explicite, elle souhaite engager un « dialogue mutuel » avec le monde.
Ces ouvertures du concile ne sont pas restées sans écho. On cite volontiers la
contribution d’un groupe de travail de la Conférence des évêques de France sur les
difficiles questions de bio-éthique. Le mot « dialogue » apparaît huit fois dans
l’introduction, et il indique bien l’esprit du dossier. On peut relever, aussi, les
interventions épiscopales concernant le travail du dimanche, l’expulsion des Roms, mais
également l’action caritative et la création des comités de solidarité dans les diocèses. Il
faudrait s’attarder sur ce qu’on appelle « la laïcité à la française » qui repose, certes, sur
un équilibre fragile et mouvant, mais qui n’est guère utilisée par les hommes politiques
comme support d’une croisade anti-religieuse. Depuis février 2001, alors que Lionel
Jospin était premier ministre, l’Église catholique et l’État ont des rencontres régulières.
Au moment des élections, les évêques français n’orientent plus les choix politiques mais
préfèrent en rappeler les enjeux. Sur un autre plan, nombre d’entre eux se montrent
favorables à la construction de mosquées, ce que certains leur reprochent. Dans les
« Nouvelles brèves » du journal La Croix, le 8 février 2011, Mgr Dubost, évêque d’Evry,
reconnaît : « Chaque jour, je vois des lettres enflammées : je ne donnerai plus au denier
de l’Église ; puisque vous aimez tant les musulmans, faites la quête parmi eux ».
Les côtés sombres d’un diagnostic
Pour beaucoup de commentateurs, le catholicisme français est en perte de vitesse. On
parle d’un mouvement continu de déclin. Le fait que certains s’emploient à relativiser ce
diagnostic en évoquant la situation d’autres continents ne change rien à la réalité que
nous vivons chez nous et dans la plupart des pays occidentaux. D’ailleurs, la Lettre aux
catholiques de France, déjà en 1996, reconnaissait cet état des lieux. « Nous ne pouvons
pas nous masquer les indices préoccupants qui concernent la baisse de la pratique
religieuse, la perte d’une certaine mémoire chrétienne et les difficultés de la relève.
C’est la place et l’avenir de la foi qui sont en question dans notre société ». Il faut
reconnaître cette décroissance du catholicisme occidental, aussi lucidement que possible.
« Des pans entiers s’écroulent », avouait le cardinal Marty. Que ne dirait-il pas
aujourd’hui ? C’est un fait que les indices chiffrés vont presque tous dans un même
sens : descendant. Plus grave que ce qu’on appelle traditionnellement « la crise des
vocations », la diminution massive des fidèles et plus précisément des jeunes
générations, s’accroît de façon particulièrement inquiétante.
Dans son livre Les réseaux catho, Marc Baudriller, journaliste, s’exprime ainsi : « L’Église
a repris l’irrésistible pente du déclin : chute de la fréquentation des églises, du nombre
des mariages religieux, des baptêmes, du nombre des croyants… Le tissu de couvents,
de cathédrales et de calvaires aux coins des chemins n’a plus de sens pour la très grande
majorité des habitants au sein du pays même qui l’a patiemment tissé. C’est une autre
période de l’Église qui s’ouvre, dont on hésite à constater l’avènement. Le deuil du
catholicisme triomphant est long à faire. Et douloureux ».
Quelques chiffres significatifs pour être plus concret : On parle de 4% de pratiquants
réguliers (en fait, mensuels) avec une moyenne d’âge élevée. On évalue
approximativement à 40% le nombre de baptêmes par rapport aux enfants de moins de
sept ans. Le nombre d’ordinations au ministère presbytéral est stable depuis 2003 :
autour d’une centaine. Le séminaire St Cyprien de Toulouse compte 40 séminaristes pour
16 diocèses. L’âge moyen des ptres du diocèse de Rodez est de 76 ans et 3 mois. Il
faut se rendre à l’évidence : « la crise des vocations » signifie, pour une part, que la
société actuelle ne veut plus reproduire le modèle de prêtre issu de son passé religieux
de chrétienté. L’année improprement appelée « année sacerdotale » n’y a guère fait
allusion.
On compte environ 2100 diacres permanents en France. Mais des ambiguïtés persistent
au sujet de ce ministère. Certains diacres deviennent de véritables animateurs de
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paroisse, mais on refuse de les ordonner prêtres parce qu’ils sont mariés. N’est-ce pas
confondre un ministère et un état de vie ?
Une autre donnée négative concerne la centralisation de l’Église. Vatican II a voulu
desserrer l’étau monarchique de l’Église romaine en mettant en relief la notion de
« collégialité épiscopale ». Il est incontestable que cette ouverture n’a pas été réellement
mise en oeuvre. En témoigne le pouvoir relatif laissé aux conférences épiscopales, qu’il
s’agisse de l’enseignement doctrinal ou de la vie de l’Église. Certes, la parole des
conférences épiscopales a pris du poids en différents pays par rapport aux questions
locales mais n’a pratiquement aucune autorien ce qui concerne l’Église universelle. Il
est évident que Rome garde la haute main sur les questions doctrinales, sur les
nominations épiscopales, et par là, façonne insensiblement mais sûrement le profil de
l’Église. Pourtant, le théologien Joseph Ratzinger, en 1971, protestait contre « le droit
ecclésial unitaire, la liturgie unitaire, l’attribution unitaire, faite par le centre de Rome,
des sièges épiscopaux ». Il préconisait « la reconnaissance de véritables patriarcats
autonomes en communion avec la primauté romaine » (Le Nouveau peuple de Dieu, p.
68). Tout cela est oublié.
Les Églises particulières ne jouissent d’aucune marge d’indépendance à l’égard de la
curie romaine. C’est ainsi que certains sujets de débat sont interdits aux synodes
diocésains. Les points visés sont bien connus. L’un des plus cruciaux concerne les
divorcés remariés, de plus en plus nombreux dans les assemblées de chrétiens. Un
moment étouffées, certaines questions ne manqueront pas de surgir à nouveau.
Un autre point négatif, et non des moindres, est celui d’une véritable fracture culturelle
entre l’Église et la société. Pour en parler, Danièle Hervieu-Léger, sociologue des
religions, a inventé le néologisme « l’exculturation ». Autrement dit, le catholicisme ne
fait plus partie aujourd’hui des références communes de notre univers culturel français.
On recherche une légitimité de repères, de représentations, de valeurs sans lien avec
l’autori de l’Église. C’est ainsi que deux logiques s’affrontent ou s’ignorent, que l’on
peut systématiser, de manière caricaturale, en termes de binômes : ritage et
recherche, tradition et invention, continui et changement, stabili et imagination,
fidélité et épanouissement, autorité et autonomie, vérité et liberté etc. « L’Évangile est
une Bonne Nouvelle, mais nos contemporains se soucient moins de vérifier si elle est
intellectuellement vraie que de savoir si elle est bonne pour eux, pour mieux vivre, pour
être heureux, pour être libres ». (Albert Rouet).
Ainsi, la culture profane, avec ses rites, ses fêtes, ses références, ses normes surtout, se
forge, s’exprime non pas contre l’Église mais en dehors de la culture catholique. Si bien
que la voix de l’Église n’est plus normative pour l’ensemble de nos concitoyens, et
d’autant moins que, dans un contexte de grande subjectivisation, chacun est tenté de
rechercher son bonheur selon les voies qu’il choisit lui-même. Un seul exemple : la
maîtrise de la fécondité pour les femmes, apparaît moins aujourd’hui comme une
question éthique que comme une véritable rupture culturelle avec une autorité
extérieure, y compris celle de Rome. Comment se fait-il que l’Église, messagère d’une
Parole qui apporte joie et libération, apparaisse aussi oppressive : on la désirerait
attentive aux difficultés de ce temps, elle semble doctrinaire ; on la voudrait aimante de
ce monde tel qu’il est, on lui reproche d’être inhumaine. Que se passe-t-il donc pour
alimenter autant de propos bien négatifs ?
Toutes les difficultés ne proviennent pas de l’institution ecclésiale. Parler de « la crise de
la transmission » est devenu un poncif. La crise de la transmission est généralisée.
Toutes les institutions sont touchées par cette rupture sociale, la famille tout
particulièrement. Dans la vie familiale, le courant descendant « de père à fils »
fonctionne de moins en moins. De nombreux adultes demeurent culturellement
catholiques. Sauf exception, ce n’est plus vrai pour les générations montantes dont les
connaissances religieuses sont souvent inexistantes.
Des réactions diverses
Ce survol de la situation de l’Église catholique en France suscite des réactions diverses.
Certain chrétiens réagissent avec courage et s’engagent parfois, en protestant contre le
mouvement de restauration qui leur semble caractériser l’époque actuelle.
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