Du Père Jean Rigal, prêtre catholique et théologien,
Esquisse des pistes de réflexion sur l'avenir de l'Église.
"L'Église et son avenir"
"La Lettre des évêques aux catholiques de France, déjà en -1996, reconnaissait l'existence d'un
mouvement de déclin dans le catholicisme français: « Nous ne pouvons pas nous masquer les indices
préoccupants qui concernent la baisse de la pratique religieuse, la perte d'une certaine mémoire
chrétienne et les difficultés de la relève. »
"Depuis lors, on le sait, la situation a notablement empiré. Rien ne sert de se cacher la réalité.
"Mais s'en tenir à ce constat ne peut que conduire à un pessimisme démobilisateur. En plus des
motivations proprement spirituelles concernant l'origine et la nature de la communauté ecclésiale,
nous avons de sérieuses raisons de garder confiance.
"L'Église a moins d'influence. Elle est une voix parmi d'autres. Ce dénuement appelle à bien plus qu'à
la modestie.
« Accepter de perdre », ici, est autre chose qu'un mauvais moment à passer. Il s'agit d'un
véritable appel à la purification, à la conversion, à une manière d'être. « Celui qui perdra sa vie à
cause de moi, celui-là la sauvera » dit Jésus. (Luc, 9, 24).
"Accepter de perdre impose d'abord de se dépouiller de ce qui glorifie les personnes, ne fût-ce que
par le vêtement, mais détourne de la simplicité de l'Évangile. Plus généralement, c'est dans
l'abandon d'une Église trop sûre d'elle-même que peut naître une Église fidèle à sa mission.
"Ce n'est pas une consolation à bon compte. « Perdre » est la condition d'un enfantement à une vie
autre, à la lumière de l'Évangile. On est heureux de voir le pape François s'inscrire dans cette
dynamique: « Si l'Église, dit-il, est trop tournée vers elle-même, si elle se met au centre, se
considérant comme une structure solide, très bien armée, elle court le risque de se sentir sûre d'elle-
même et autosuffisante. »
« Ouvrir de nouvelles voies » constitue une seconde orientation. La rencontre du Christ nous
est offerte d'abord dans sa Parole, toujours là qui fait vivre et agir. L'Église a son avenir dans la
rumination de l'Évangile et sa mise en œuvre dans le temps de l'histoire.
"L'immobilisme est son contraire. Jésus s'est fréquemment heurté aux pharisiens qui faisaient du
sabbat une loi "enfermante". En affirmant la priorité de l'amour sur la loi, de la pratique du partage
fraternel sur la pratique du Temple, il délivre un message de libération et même d'émancipation par
rapport aux entraves de tous ordres, y compris religieuses et légalistes que les hommes ne cessent
de dresser.
"L'Évangile est une parole de vie, non parce qu'elle est sans exigence, mais parce qu'elle est une
activité créatrice.
"Sur un plan institutionnel, beaucoup de modifications sont possibles dans le domaine liturgique et
sacramentel, dans l'évolution des ministères, dans la pratique synodale, dans l'aménagement des
structures, dans l'action pastorale.
"Notons comme un élément très positif, la participation accrue des laïcs à la vie et à la mission des
communautés chrétiennes. En dépit de ses limites, citons aussi l'invitation récente adressée aux
membres du peuple ecclésial de participer aux travaux du synode romain sur la famille.
"Dans son livre paru en 1990, Le Sel de la terre, le cardinal Ratzinger écrivait: « J'avais prévu que
l'Église deviendrait petite… L'Église ressemblera moins aux grandes sociétés, elle sera davantage
l'Église des minorités, elle se perpétuera dans de petits cercles vivants, où des gens convaincus et
croyants agiront selon leur foi. »
"Le père Congar, éminent historien de l'ecclésiologie, aimait dire, à propos de l'Église: « Ce qui a
changé peut changer. » Que de fixations sont le simple fruit des habitudes, alors que l'histoire est
mouvante et libératrice ! Les périodes de rigidité sont toujours des périodes d'insignifiance, car la
rigidité n'a de sens que pour ceux qui s'enferment dans des forteresses.
« Passer de l'espoir à l'espérance » est une nécessité pour l'Église-institution comme pour
tout chrétien. L'espoir est du domaine des souhaits et repose sur nos propres désirs. L'espérance
chrétienne est d'un autre ordre. Elle a son fondement dans la fidélité de Dieu qui appelle de façon
nouvelle dans la nouveauté d'un temps.
"L'espérance chrétienne réside dans l'assurance que le Seigneur ne nous abandonne pas, qu'Il nous
accompagne sur les chemins chaotiques de l'existence. La mission des chrétiens ne vise pas la
dilatation de l'Église, mais celle du royaume d'amour que Jésus a inauguré. Tout baptisé est appelé à
y prendre sa part."
Jean RIGAL
Article Paru dans le journal la croix
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