"Le problème n'est pas seulement de ne plus pouvoir traiter une maladie mais de devoir, un jour,
tirer un trait sur 20 à 30 ans de progrès médical", explique-t-il.
La découverte des antibiotiques a constitué, entre 1930 et 1970, une incroyable avancée
matérialisée par des années d'espérance de vie en plus et de nombreux succès de chirurgie.
Au Royaume-Uni, la principale conseillère du gouvernement pour la santé, Sally Davies, parle
des résistances aux antibiotiques comme d'une menace globale comparable au terrorisme ou au
réchauffement climatique.
Ce phénomène est pourtant naturel: l'apparition, par un processus de sélection, de souches
mutantes de bactéries devenues "insensibles" au médicament.
Les infections provoquées ne répondent plus aux traitements, ce qui entraîne une maladie plus
longue à traiter, un danger accru de transmission, un surcoût et surtout un risque de décès
supérieur.
Emblématique tuberculose ultra-résistante -
La tuberculose est l'infection la plus emblématique du défi posé par les résistances. Près de 5%
des nouveaux cas sont dus à des bacilles de Koch "multirésistants" insensibles aux deux
antibiotiques: l'isoniazide et la rifampicine.
Il y a plus grave: l'apparition d'une tuberculose "ultra-résistante", réfractaire également à des
antibiotiques de deuxième recours. Ces cas représentent désormais près de 10% des tuberculoses
résistantes.
"Dans certaines parties du monde, nous sommes déjà à court d'antibiotiques", s'alarme Timothy
Walsh, professeur en microbiologie à l'Université de Cardiff, citant l'Inde, le Pakistan, l'Asie du
Sud-Est ou l'Amérique Latine.
Les résistances microbiennes ne sont pas l'apanage des pays pauvres. La multiplication dans des
hôpitaux de pays riches d'infections "nosocomiales" sur des patients affaiblis, par des bactéries
résistantes comme des staphylocoques dorés, le prouve.
Pour l'Organisation mondiale de la santé (OMS), l'usage "inapproprié" des anti-microbiens est la
première cause de résistance: dans les pays pauvres, lorsque les doses administrées sont trop
faibles, et dans les pays riches avec des utilisations au contraire excessives.
La France est le troisième consommateur européen d'antibiotiques par habitant après avoir
longtemps été numéro un. L'habitude d'en prescrire inutilement pour les maladies virales
s'estompe, mais 20% des médicaments qui "dorment" dans les armoires à pharmacie sont des
antibiotiques.
C'est aussi une réalité dans les fermes du monde occidental où la moitié des antimicrobiens sont