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« Drôles d’oiseaux... »
CHANTER SOUS L’OCCUPATION !
A ceux-là qui ont vécu l'Occupation... de façon "ordinaire" !
Il y a ceux qui ont fait la guerre, ceux qui ont eu à la subir et tous les autres, qui se sont efforcés de la vivre !
Ces derniers, certainement les plus nombreux, sont des gens comme la plupart d’entre nous : des gens ordinaires et qui le sont restés, par la
force des choses, malgré les événements.
Et pourtant, il aurait peut-être suffi de pas grand chose pour qu’ils se comportent mieux, ou pire… Le hasard des circonstances qui fait que
chacun peut basculer dans le parti des héros ou dans celui… des salauds. Tous ceux-là ont pu ou ont su rester dans une vie ordinaire, même
si celle-ci en trouvait ses fondations bouleversées.
Ceux-là, ils n’ont pas raconté la guerre, parce que la guerre, ils l’ont vécue sans gloire ni honneur. Et si ils n’ont pas eu trop à en souffrir, en
apparence, c’est parce qu’ils ont pu se garder du grand malheur et supporter les petits en continuant à vivre du mieux qu’ils pouvaient,
composant avec la situation, au risque de devoir parfois passer, aux yeux de nos contemporains pour des passifs qui ont laissé faire…
DES DRÔLES D'OISEAUX...
Été 1943... Paris occupé !
Doudoule, marchand de petits formats à la sauvette, s'interroge sur le Tout-Paris qui fraye avec l’occupant,
et sur cette France qui veut encore rire et s’amuser...
En suivant ces « drôles d'oiseaux » que sont Oiseau, la chanteuse des rues, Titi l’accordéoniste et
Doudoule, le vendeur de « petits formats », ce spectacle vous balade, d’anecdotes en chansons, dans ce
contexte singulier où les artistes, comme les autres, sont amenés à faire des choix, ballottés entre
nécessité et besoin de continuer à vivre, volonté de résistance ou opportunisme glissant vers une
collaboration tacite…
De la drôle de guerre à la Libération, en passant par l’occupation allemande et son lot de
privations, « Chanter sous l'Occupation » vous entraîne dans une promenade didactique et festive,
entre histoires et chansons, dans ce contexte difficile où, malgré la situation de crise, les Français
cherchent encore à s’amuser...
LE SPECTACLE
Ce spectacle est une réflexion sur la situation et la prise de position des artistes de la chanson de variété
(et tous les artistes en général) sous l'Occupation (et de celle des Français de façon globale).
Fallait-il ou ne fallait-il pas chanter..., fallait-il continuer à s'amuser et prendre du bon temps malgré cette
situation tragique et malgré tout ce qu'elle implique ?
Le spectacle utilise une mise en scène articulant chansons d'époque (une quinzaine), dialogues et
monologues des personnages, chaque chanson illustrant le propos évoqué par les personnages.
Un décor épuré et quelques accessoires et mobilier suggèrent l'ambiance du Paris populaire d'avant
guerre, d'avant le « drame », décor dans lequel les personnages continuent à vivre malgré la situation :
- une palissade de terrain vague ou chantier symbolise la rue, les faubourgs, le « populaire »
- une table bistrot évoque la vie sociale et lieu où fleurissent les « belles paroles » des gens simples
- une TSF qui diffuse l'information, information tronquée par la censure allemande et information
résistante de Radio-Londres
- les 3 personnages évoquent la famille, famille ballottée entre nécessité de vivre et de garder bonne
conscience. Leur statut d'artistes des rues les pose en « marginaux » et permet de justifier
l'impertinence de leur propos, comme le faisait les bouffons à la cour du roi, sans qu'ils soient considérés
d'une part comme des « résistants » ou d'autre part comme des collaborationnistes ».
A cela s'ajoute un jeu de scène en lumière et sonore qui ajoute à l'effet émotionnel posé par le décor :
- diffusion par la TSF d'extraits de discours politiques
- bruitages d'ambiance illustrant les thèmes abordés
- réclame radiophonique d'époque
En suivant les 3 personnages, le spectateur chemine le long d'une frise chronologique de l'avant -guerre
jusqu'à la déclaration de guerre, en suivant les faits de société liés au sujet et marquants de l'avantguerre :
- prise du pouvoir par Adolphe Hitler
- Front Populaire
- Annexion de l’Autriche et invasion de la Pologne
- Déclaration de guerre
Le spectacle évoque ensuite les grands thèmes résurgents de cette période, de la mobilisation générale à
la Libération :
- la drôle de guerre
- la collaboration
- la résistance
- les restrictions et le ravitaillement
- le marché noir
- l'antisémitisme
- la jeunesse
La thématique générale du spectacle est illustrée par un répertoire musical qui suit de près cette actualité
tout en se nourrissant d'émotion plutôt que de revendications !
De nombreuses anecdotes sur les chanteurs de l'époque ponctuent le spectacle qu'il s'agisse de grandes
vedettes universellement connues comme Édith Piaf ou Charles Trenet et d'autres un peu oubliées
aujourd'hui, comme Suzy Solidor, Léo Marjane, Andrex ou Lucienne Boyer. Des artistes auxquels on
demanda, à la Libération, de justifier leur trop grande activité musicale (et professionnelle) sous
l'Occupation allemande !
Qu'aurions- nous fait entre nécessité et besoin de continuer à vivre, volonté de résistance ou
opportunisme glissant vers une collaboration tacite…Ce spectacle survole et caresse du bout des doigts
un sujet sensible et délicat invitant le spectateur à entreprendre sa propre réflexion et à approfondir luimême ses idées et connaissances sur le sujet. Sans être satirique, le spectacle se plaît à être à la limite
de l'audacieux et il pose plus les questions qu'il n'y répond ! Les choses ont été ainsi..., au spectateur de
décider, selon son propre avis, si cela était bien ou mal... !
LA CHANSON DE VARIÉTÉ SOUS L'OCCUPATION
Il semble certain que « la chanson de la Résistance » ou « la chanson de l’Occupation » n’existe
pas en tant que telle . On a chanté aussi bien à Vichy et dans les milieux de la collaboration, en
zone occupée et en zone libre, à Paris et en province, à Londres, dans les maquis... et même dans
les stalags. On a chanté dans les cabarets, les boites de nuit, les music-halls..., au théâtre lyrique,
à la radio, au cinéma...
L’ambiguïté qui caractérise les positionnements des Français sous l'Occupation ne permet pas de se
rendre compte de toutes les motivations. Résistance et collaboration, indifférence même, sont un jeu de
nuances, de l'action consciente aux hasards de la vie, qui peuvent entraîner vers de nouvelles rives !
Haine de l'Allemand avec accommodation à la présence de l'Occupant est une attitude non des moins
fréquentes ni des moins équivoques.
Dans une telle situation, tout acte et non-acte, toute parole ou tout silence prend une signification nouvelle.
Ainsi, en temps de guerre, la chanson prend une résonance particulière. Ce qui, en temps normal, peut
être considéré comme anodin ou insipide, se charge alors d'un pouvoir symbolique. Ceci est valable
autant pour les paroles que pour les thématiques et pour les musiques ! Si en temps de paix, « l'évasion »
sous ses multiples facettes paraît même constitutive du genre, elle devient moralement contestable dans
une situation d'oppression.
Cela explique pourquoi on aurait tant aimé que toute chanson de variété sous l'Occupation soit un
« Chant des partisans »...
Au lendemain de la capitulation, la France n’a pas le cœur à quelque réjouissance soit-elle, sauf peut-être
celle de se dire que la guerre est finie !
Il faut garder à l'esprit une singularité dont la France vaincue bénéficie par rapport aux autres pays
occupés et annexés par l'Allemagne. La France garde un semblant d'autonomie en conservant un
« État » propre, avec un gouvernement, une police et une armée (limitée en nombre d'hommes, sans
aviation ni blindés ni armes lourdes, bien entendu).
Très vite, les traumatismes de la défaite passés, chacun va donc essayer de retrouver une vie normale,
en se disant, peut-être pour se rassurer, qu’après tout l’occupant n’est pas si terrible que ça !
Mais bien vite, la cohabitation forcée va prendra une autre saveur, avec un Occupant omniprésent et
prétentieux, méprisant, contraignant le citoyen français à des privations de plus en plus insupportables !
Dans cette atmosphère singulière, les Français vont essayer, malgré tout, de garder le sourire, de
s’amuser et de chanter quand même !
Pas tous, bien entendu... et pas tous les jours non plus !
Alors ? Fallait-il, ou ne fallait-il pas chanter ?
Non ! Ont dit certains : Il faut conserver un minimum de dignité, au regard des autres pays occupés qui
ont fermé leurs restaurants et leurs salles de spectacles !
Oui ! Ont dit les autres : Et qui oserait leur reprocher de le faire ! Cela sous le seul point de vue moral
s’appuyant sur l’idée que la nation doit s’arrêter de vivre et faire vœu de silence après la défaite de juin
1940 ?
Alors ceux-là ont continué, malgré ou à cause de cette défaite, de l’Occupation, des privations et des
peurs, de chanter et de s’amuser, de (se) donner et prendre du bon temps – innocents ou suspects
suivant le cas – sans se douter qu’un jour, cette volonté de (sur)vivre leur serait reprochée !
Le spectacle se déroule en plusieurs « tableaux » :
1 – « PROLOGUE » - Mise en situation des personnages et mise en place de la thématique.
2 - 1933 – 1938 « LE MOUSTACHU VOCIFERANT ! »
3 - 1939 – 1940 « LA DROLE DE GUERRE ! »
3 - 1940 – 1941 « ÇA SENT SI BON LA FRANCE ! »
5 - 1941 – 1944 « LA VIE QUAND MÊME ! »
6 - 1944 « LA LIBERTE RETROUVEE ! »
« PROLOGUE »
AH ! LE PETIT VIN BLANC
(1943) Lyna Margy
Chanson emblématique de la période de l’Occupation et qui symbolise d’une part « l’évasion » en
inspirant un sourire confortable qui laisse rêver à un lendemain meilleur et d’autre part « la chanson de la
liberté » puisqu’elle deviendra « un hymne populaire » joué par tous les orchestres de la France libérée !
Ce sera aussi un succès retentissant, avec la vente de 1 500 000 « petits formats » en 1943.
Voici le printemps
La douceur du temps
Nous fait des avances
Partez mes enfants
Vous avez vingt ans
Partez en vacances
Vous verrez agiles
Sur l'onde tranquille
Les barques dociles
Au bras des amants
De fraîches guinguettes
Des filles bien faites
Les frites sont prêtes
Et y a du vin blanc
Ah ! le petit vin blanc
Qu'on boit sous les tonnelles
Quand les filles sont belles
Du coté de Nogent
Et puis de temps de temps
Un air de vieille romance
Semble donner la cadence
Pour fauter, pour fauter
Dans les bois, dans les prés
Du côté, du côté de Nogent
Suivant ce conseil
Monsieur le Soleil
Connaît son affaire
Cueillons, en chemin
Ce minois mutin
Cette robe claire
Venez belle fille
Soyez bien gentille
Là, sous la charmille
L'amour nous attend
Les tables sont prêtes
L'aubergiste honnête
Y a des chansonnettes
Et y a du vin blanc
A ces jeux charmants
La taille souvent
Prend de l'avantage
Ça n'est pas méchant
Ça finit tout le temps
Par un mariage
Le gros de l'affaire
C'est lorsque la mère
Demande, sévère
A la jeune enfant
Ma fille raconte
Comment, triste honte
As-tu fait ton compte
Réponds, je t'attends...
Car c'est toujours pareil
Tant qu' y aura du soleil
On verra les amants au printemps
S'en aller pour fauter
Dans les bois, dans les prés
Du côté, du côté de Nogent
1933 – 1938 « LE MOUSTACHU VOCIFERANT ! »
Au fil des années, la situation internationale, les faits divers politiques et sociaux qui en découlent
inspirent grandement les chansonniers. Nombreux sont ceux qui s’emparent de cette actualité pour la
mettre en chansons, en y mêlant souvent une grande dose d’humour et de dérision.
Dès l’immédiate avant guerre où plane l’inquiétude de la montée en puissance du fascisme, le répertoire
musical s’évertue à montrer que l’on ne craint pas cette menace nazie, et ce, à grand renfort d’allusions
patriotiques et provocatrices.
Chronologie
Lundi 30 janvier 1933 :
Samedi 16 mars 1935 :
Adolphe Hitler est nommé chancelier et accède au pouvoir.
L’Allemagne, au mépris du traité de Versailles, procède à son
réarmement.
Lundi 12 septembre 1938 :
Non content d’avoir annexé l’Autriche, Adolphe Hitler annonce qu’il
annexera aussi la région tchécoslovaque des Sudètes. La France et
l’Angleterre alliées à la Tchécoslovaquie, se mobilisent !
Vendredi 30 septembre 1938 : Signature des accords de Munich par la France, la GrandeBretagne, L’Allemagne et l’Italie.
Neville Chamberlain, premier ministre britannique et le président
du conseil Édouard Daladier « le taureau du Vaucluse », viennent
d’arracher la paix à Hitler en lui livrant les Sudètes sur un plateau !
Mises au pied du mur, la Grande-Bretagne et la France veulent
encore croire à la paix !
De retour en France Édouard Daladier qui a signé les accord de
Munich à contrecœur est acclamé par la foule. Lucide face à la
situation dramatique, il se serait exclamé : « Ah ! Les cons, s’ils
savaient... ».
Mardi 6 décembre 1938 :
Un traité de bonne entente est signé à Paris entre l’Allemagne et la
France !
QU’EST-CE QU’ON ATTEND POUR ÊTRE HEUREUX
(1937) Ray Ventura
Qu'est-ce qu'on attend pour être heureux
Qu’est-ce qu’on attend pour faire la fête ?
La route est prête, le ciel est bleu
Y a des chansons dans le piano à queue.
Il y a d' l'espoir dans tous les yeux
Et des sourires dans chaque fossette
La joie nous guette
C’est merveilleux
Qu'est-ce qu'on attend pour être heureux
Qu’est-ce qu’on attend pour faire la fête ?
Y’a des noisettes, dans le chemin creux, y’a des raisins, des rouges, des blancs, des bleus
Les papillons s’en vont par deux, et le mille pattes mets ses chaussettes
Les alouettes s’en vont par deux
Qu'est-ce qu'on attend pour être heureux
Qu'est-ce qu'on attend pour être heureux
Qu’est-ce qu’on attend pour perdre la tête ?
L’écho répète, des faits joyeux et la radio, chante un petit air radieux
Les parapluies restent chez eux, les cannes s’en vont au bal musette
Levez la tête, les amoureux,
Qu'est-ce qu'on attend pour être heureux
Qu'est-ce qu'on attend pour être
Puisqu'on est deux.
Qu'est-ce qu'on attend
Oh dis
Qu'est-ce qu'on attend
Oh oui
Qu'est-ce qu'on attend pour être heureux
Qu'est-c' qu'on attend pour être heureux
Qu'est-c' qu'on attend pour perdre la tête
1939 – 1940 « LA DROLE DE GUERRE ! »
Avec l’entrée en conflit de la France et de l’Angleterre contre l’Allemagne et la « drôle de guerre » qui s’en
suit, le répertoire patriotique s’accommode alors d’une volonté propagandiste liée au rapprochement
franco-britannique. A celle-ci, s’ajoutent bien vite des chansons mélancoliques qui évoquent la tristesse
des couples séparés par la mobilisation générale.
Chronologie
Mercredi 15 Mars 1939 :
Les armées du Reich, violent délibérément les accords de Munich,
et envahissent la Bohême et la Moravie.
Vendredi 1er septembre 1939 : L’Allemagne, toujours dans son besoin d’espace vital, envahit la
Pologne, sans déclaration de guerre.
Dimanche 3 septembre :
l'Angleterre et la France déclarent la guerre à l’Allemagne !
C’est la « Mobilisation Générale » !
L’armée Française confiante en sa « Ligne Maginot » opte pour une
stratégie défensive !
En septembre 1939, comme la plupart des Français, les chanteurs de variétés montrent une certaine
insouciance face à la « drôle de guerre », qui, somme toute reste abstraite !
La chanson sous « la drôle de guerre » inspire un répertoire patriotique et optimiste... Elle caricature
l’ennemi et Adolphe Hitler, et se montre confiante en nos forces et celles de nos alliés anglais. On chante
la fraternité et le rapprochement franco-anglais. On chante la gloire du soldat français et du soldat anglais.
BONJOUR TOMMY
(1939) Léo Marjane
Bonjour, bonjour Tommy
Tu reviens donc en France
Nous voici réunis
Après vingt ans d´absence
En te voyant ici
Tu sais ce que je pense
Toute la France
Crie : Bonjour Tommy
Et bonne chance
Je me souviens encore, sur les
grands boulevards à Paris
Lorsque tu passais, tu sifflotais
Tipperary
Et tu tournais la tête
A toutes nos midinettes
Pour pouvoir te dire : Mon p´tit
homme de Tommy, tu m´ plais
Toutes les parisiennes avaient
appris trois mots d´anglais
Et toutes elles savaient dire :
I Love you, darling, my dear
Bonjour, bonjour Tommy
Tu reviens donc en France
Nous voici réunis
Après vingt ans d´absence
Tu vas revoir ici
De vieilles connaissances
Toute la France
Crie : Bonjour Tommy
Et bonne chance
Tu portes toujours ton uniforme
bien sanglé
Et toujours ton stick, c´est vraiment
chic, le chic anglais
Ta main est toujours prête
A donner des cigarettes
Qu´est-ce qu´on dit là-bas, tout
autour de Picadilly
Comment va le roi
Et comment va ta p´tite Daisy
Nous voudrions leur dire
Merci d´ t´avoir laissé venir
Bonjour, bonjour Tommy
Tu reviens donc en France
Nous voici réunis
Après vingt ans d´absence
En te voyant ici
Tu sais ce que je pense
Toute la France
Crie : Bonjour Tommy
Et bonne chance
La chanson prend aussi une dimension sentimentale et mélancolique en décrivant la séparation des
couples et l’attente des retrouvailles...
MON P’TIT KAKI
(1939) Lucienne Boyer
Lucienne Boyer rouvre son cabaret « Chez Elle » dès septembre 1940. Son établissement est
énormément fréquenté par l'Occupant. C'est, dit-elle, le prix à payer pour sauver son mari Jacques Pills,
de la déportation. Il lui est néanmoins reproché cette fréquentation assidue de la Whermacht, mais aussi
le fait qu'elle accepte l'affichage « Interdit aux Juifs » devant son établissement ! Elle refusera d'aller
chanter en Allemagne et aura quelques gros soucis avec la Gestapo en entonnant quelques mesures de
la Marseillaise lors d'une représentation...
Si je me suis montrée brave
Mon chéri, mon p'tit Kaki
Sur l' quai d' la gare quand t'es
On vit de beaux jours ensemble
parti
Je lis et relis tes lettres
Mais on n' sait pas en profiter
C'est que dans ces heures graves Au point que je les sais par cœur Quand pour son amour on tremble
Il faut qu' la femme soit forte aussi
Sans savoir où tu peux être
On s' rend compte de c' qu'on a
Pourtant j'avais bien d' la peine
Ma pensée hante ton secteur
quitté
Et quand le train a démarré
Surtout n'aie pas d'inquiétude
On regrette les p'tites colères
Je n'avais plus d' sang dans les Mon sort, vois-tu, compte fort peu Les mots méchants ou insensés
veines
Je supporte ma solitude
On voudrait r'venir en arrière
Mais j'ai crâné pour n' pas pleurer
C'est ma façon d'aller au feu.
Afin d' pouvoir tout r'commencer
Mon p'tit Kaki, mon grand chéri
Mon p'tit Kaki, mon grand chéri
Mon p'tit Kaki, mon grand chéri
Ta p'tite femme sera bien sage
Toi si douillet de nature
Après toutes ces misères
Elle pense à toi et c'est pourquoi
Si délicat, maint'nant te v'là
Je te promets d'être à jamais
Elle t'en aime encore davantage
Obligé de vivre à la dure
L'épouse la plus exemplaire
Elle tiendra l' coup et jusqu'au bout N'attrape pas froid et promets-moi Oui tu verras comme on s' aim'ra
Car pour avoir du courage
De n' pas quitter ta ceinture
Quand tu reviendras d'la guerre
Elle a ta photo sur son cœur jour et
J' mettrai un tricot dans ton
On s' ra le meilleur ménage de tout
nuit
prochain colis
Paris
Mon chéri, mon p'tit Kaki
Mon chéri, mon p'tit Kaki
1940 – 1941 « ÇA SENT SI BON LA FRANCE ! »
Chronologie
Vendredi 10 mai 1940 :
Mardi 14 mai :
Jeudi 16 mai :
Vendredi 17 mai :
Mardi 18 juin :
Samedi 22 juin :
Mardi 25 juin :
Offensive allemande sur la Belgique, le Luxembourg, la Hollande et la
France. Malgré de nombreux actes de résistance, l’armée française se
débâcle.
Les allemands entrent dans Paris déclarée « ville ouverte ».
Le maréchal Pétain est chargé de constituer un nouveau gouvernement.
Le maréchal Pétain appelle au cessé le feu ! La France capitule !
Depuis l’Angleterre, un appel lancé De Gaulle invite tous les Français
désireux de continuer le combat à le rejoindre à Londres.
A 18 h 50, la France signe l’armistice avec l’Allemagne victorieuse.
Conformément aux accords de l’armistice, une ligne dite « de
démarcation » coupe la France en deux.
Les Allemands occupent la zone nord de cette ligne qui couvre plus de la
moitié du territoire.
La zone sud, non occupée, reste libre sous l’autorité du nouvel État
Français dont le gouvernement siège en la nouvelle capitale de Vichy.
La France, devenue " État Français », est désormais orchestrée
sous le signe de l’austérité par le bâton du maréchal et les
directives de l’occupant.
Pétain proclame la collaboration avec l’Allemagne et
encourage les Français à l’optimisme de rigueur que prône la
nouvelle « Révolution Nationale » !
Pour faire plaisir à l’occupant, faudra-t-il aussi chanter des chansons allemandes, voir même chanter en
allemand ? Il ne semble pas ! S’il est vrai que certains « petits formats » vendus sous l’Occupation sont
traduits dans la langue de l’occupant, il y aura très peu de chansons allemandes chantées par des artistes
français dans la France occupée.
Cependant, il y a une chanson allemande qui ne peut être passée sous silence tant son succès
international sera retentissant. Une chanson d’amour d’avant guerre qui deviendra, dès les premières
années du conflit la chanson « de marche » de l’Afrika Korps et hymne des soldats de la Wehrmacht...
LILY MARLENE
(1942) Suzy Solidor
Les paroles françaises furent écrites à la fin de 1941 à la demande de Suzy Solidor, qui chanta la version
française dans son cabaret « La Vie parisienne » dès 1942. Suzy Solidor, soi-dit en passant, est
considérée comme l’artiste « collabo » par excellence, se produisant sans relâche pour un public de
soldats allemands dans de nombreux lieux de spectacle parisiens, à commencer dans son propre cabaret
où elle chante chaque soir « Lily Marlene ».
Devant la caserne
Quand le jour s'enfuit
La vieille lanterne
Soudain s'allume et luit
C'est dans ce coin là que le soir
On s'attendait remplis d'espoir
Tous deux, Lily Marlène
Tous deux, Lily Marlène
Tous deux, Lily Marlène
Et dans le nuit sombre
Nos corps enlacés
Ne faisaient qu'une ombre
Lorsque je t'embrassais
Nous échangions ingénument
Joue contre joue bien des serments
Tous deux, Lily Marlène
Tous deux, Lily Marlène
Tous deux, Lily Marlène
Le temps passe vite
Lorsque on est deux
Hélas on se quitte
Voici le couvre feu
Te souviens tu de nos regrets
Lorsqu'il fallait se séparer
Dis moi Lily Marlène
Dis moi Lily Marlène
Dis moi Lily Marlène
La vieille lanterne
S'allume toujours
Devant la caserne
Lorsque finit le jour
Mais tout me paraît étranger,
Aurais je donc beaucoup changé
Dis moi Lily Marlène
Dis moi Lily Marlène
Dis moi Lily Marlène
Cette tendre histoire
De nos chers vingt ans
Chante en ma mémoire
Malgré le jour, les ans
Il me semble entendre ton pas
Et je te serre entre mes bras
Lily, Lily Marlène
Lily, Lily Marlène
Lily, Lily Marlène
1941 – 1944 « LA VIE QUAND MÊME ! »
Puis vient le temps de la défaite et de l’Occupation et de ses pesantes privations. La fermeture des bals et
des dancings depuis le décret de mai 1940 n’empêche pourtant pas les Français de chanter et de danser
dans des bals clandestins et dans des salles où l’on donne des cours de danse... ! Dans cette période de
privations, là encore, la chanson pose avec humour une ironie sans frein sur la problématique du
ravitaillement, des restrictions et du marché noir, mais aussi sur le swing, les zazous et le jazz, qui
contrairement à l’idée reçue, n’a jamais été interdit par les autorités allemandes que ce soit en zone libre
comme en zone occupée ! D’ailleurs, le refrain à la mode, en ces années de tristesse doit rester
incontestablement « swing » !
Comme tous les Français, après le mutisme et le désarroi face à l’invasion de mai 1940,
puis l’exode vers le sud, de nombreux artistes auront pour volonté de regagner Paris dès
que les circonstances vont le permettre.
Certains préféreront rester en zone sud afin de ne pas être soumis directement aux
volontés de l’occupant, d’autres choisiront de quitter la France.
Maintenant, il va falloir s’accommoder de quatre années de pain noir et de vaches maigres
et supporter un occupant de plus en plus pesant et de moins en moins aimable.
Mais comme le clame la propagande vichyssoise... au fond, tout ne va pas si mal !
Alors, après quelques mois de retraite prudente, histoire de faire oublier aux Allemands
leurs propos anti-hitlériens des années précédentes, les chansonniers vont reprendre,
pour la plupart leurs activités musicales pour le plus grand plaisir des Français et de
l’occupant, aussi !
(Ce reflux va s'accentuer surtout en l'année 1942, quand les Allemands envahissent la zone sud. Mais
dès 1941, ce retour d'exode va être opéré par beaucoup de grandes vedettes de la chanson : Charles
Trenet, Tino Rossi, Maurice Chevalier, Mistinguett, Édith Piaf...)
La chanson de variété, qui bien avant la guerre n'était plus une chanson engagée, vit sous
l’Occupation une de ses heures de gloire ! Il y a profusion d’auteurs, de compositeurs,
d’interprètes et d’orchestres. L’époque voit apparaître une multitude de thématiques et de
styles musicaux nouveaux.
Tout ceci sur fond de guerre, de défaite et d’occupation, pendant que l’occupant, lui, estime
dans son intérêt de voire briller Paris et que les Français s’amusent !
Qu'est-ce qui a pu privilégier une telle profusion ?
D'une part, l'office de censure allemande fait preuve d'un incontestable libéralisme vis-à-vis
des chansonniers parisiens.
D'autre part, compte tenu d'une absence certaine de films à diffuser, beaucoup de salles
de cinéma se transforment partiellement ou entièrement en music-halls et viennent
s'ajouter à l'importante liste déjà existante ! Cette profusion de lieux de spectacle profite
pleinement aux artistes, même aux artistes de renom de la scène et de l'écran qui, faute
d'engagement, acceptent de parader dans ces revues de chansonniers.
« Chanson d’amour... »
La chanson de l’occupation est tout d’abord « chanson d’amour » ! Parmi les meilleurs voix de l’époque
on trouve, entre autres, Léo Marjane, Damia, Edith Piaf, Charles Trenet, Tino Rossi, Georges Guétary,
André Claveau... La chanson d’amour évoque l’attente et du retour. Ce thème, fortement d’actualité dès la
déclaration de guerre, continuera à l'être, compte tenu du million de prisonniers qui demeurent captifs en
Allemagne...
JE SUIS SEULE CE SOIR
(1939) Léo Marjane
La chanson « Seule ce soir » écrite en 1939, restera le succès emblématique de l’attente sous
l’occupation. Ce sera d’ailleurs une des premières chansons à être publiée en version bilingue, francoallemande, sur les « petits-formats ». A la Libération, Léo Marjane se verra reprocher un trop grand
succès et une activité d’artiste trop débordante sous l’Occupation...
Je suis seule ce soir
Notre chambre où meurt le passé
Avec mes rêves
Avec mes rêves
Je suis seule ce soir
Je suis seule ce soir
Je suis seule ce soir
Sans ton amour
Avec mes rêves
Sans ton amour
Le jour tombe, ma joie s´achève
Je suis seule ce soir
Le jour tombe, ma joie s´achève
Tout se brise dans mon cœur lourd
Sans ton amour.
Tout se brise dans mon cœur lourd
Je suis seule ce soir
Le jour tombe, ma joie s´achève
Je suis seule ce soir
Avec ma peine
Tout se brise dans mon cœur lourd
Avec ma peine
J´ai perdu l´espoir
Je suis seule ce soir
J´ai perdu l´espoir
De ton retour
Avec ma peine
De ton retour
Et pourtant je t´aime encore et
J´ai perdu l´espoir
Et pourtant je t´aime encor´ et pour
pour
De ton retour,
toujours
Et pourtant je t´aime encore et
Ne me laisse pas seul sans ton
pour toujours
amour
Ne me laisse pas seule sans ton
Je viens de fermer ma fenêtre,
amour
Le brouillard qui tombe est glacé
Jusque dans ma chambre il
pénètre
Je suis seule ce soir
« ...et chanson réaliste ! »
La chanson d’amour « occupée » s’entrecroise aussi avec la chanson réaliste, continuant, là aussi une
tradition d’avant-guerre qui jouit toujours d’un énorme succès ! Ce sont donc les plus grands noms de la
chanson réaliste qui continueront de chanter les drames de la vie quotidienne. Damia, Fréhel, Marie
Dubas, Suzy Solidor, Édith Piaf..., elles chanteront cette fatalité du destin et cet amour, unique moyen de
salut qui, souvent, tourne malheureusement au tragique...
L’ACCORDEONISTE
(1943) Édith Piaf
Cette chanson d’Édith Piaf sera soumise à une interdiction ! En effet, la mort de l’homme aimé, du soldat,
transgresse ce qui est, à l’époque, idéologiquement tolérable. Mais peut-être aussi, et surtout, parce
qu’elle a été écrite par le juif Michel Emer, ami d’Édith.
Les positions d’Édith Piaf, sous l’Occupation, sont particulières. C’est certain, elle n’aime pas les
boches et elle le prouve ! En octobre 1942, lors de sa rentrée à Paris, elle chante sous un éclairage bleublanc-rouge ; au printemps 43 elle est interdite temporairement au Casino de Paris parce qu’elle a
entonné « L’accordéoniste » ! Elle aura d’autres impertinences musicales... Elle ne renie pas et aide aussi
ses amis juifs à se cacher, cela comptera plus tard comme acte de résistance.
Elle passera cependant au travers des sanctions des tribunaux de la Résistance à la Libération, grâce au témoignage de sa secrétaire,
membre de la Résistance, qui, d’abord à son insu, l’implique dans des actions qui compteront aussi comme faits de résistance ; comble de
sa réputation de « résistante » l’affaire des photos prises lors de sa tournée dans les camps de prisonniers en Allemagne qui permettront de
faire des faux passeports avec lesquels des évasions seront possibles)...
Édith Piaf résistante, donc ? Oui et non ! A la demande de l’Occupant, elle accepte néanmoins d’aller
chanter avec d’autres artistes en Allemagne en 1943 et en 1944. N’a-t-elle pas déclaré en 1940 : « Mon
vrai boulot c’est de chanter. De chanter quoi qu’il arrive ! » Il semblerait surtout qu’il y ait chez Édith Piaf
une haine instinctive de l’Allemand et aussi une absence presque totale de gêne par l’Occupation...
La fille de joie est belle
Au coin de la rue Là-bas
Elle a une clientèle
Qui lui remplit son bas
Quand son boulot s'achève
Elle s'en va à son tour
Chercher un peu de rêve
Dans un bal du faubourg
Son homme est un artiste
C'est un drôle de petit gars
Un accordéoniste
Qui sait jouer la java
La fille de joie est triste
Au coin de la rue Là-bas
Son accordéoniste
Il est parti soldat
Quand y reviendra de la guerre
Ils prendront une maison
Elle sera la caissière
Et lui, sera le patron
Que la vie sera belle
Ils seront de vrais pachas
Et tous les soirs pour elle
Il jouera la java
La fille de joie est seule
Au coin de la rue Là-bas
Les filles qui font la gueule
Les hommes n'en veulent pas
Et tant pis si elle crève
Son homme ne reviendra plus
Adieux tous les beaux rêves
Sa vie, elle est foutue
Pourtant ses jambes tristes
L'emmènent au boui-boui
Où y a un autre artiste
Qui joue toute la nuit
Elle écoute la java
Mais elle ne la danse pas
Elle ne regarde même pas la piste
Et ses yeux amoureux
Suivent le jeu nerveux
Et les doigts secs et longs de
l'artiste
Ça lui rentre dans la peau
Par le bas, par le haut
Elle a envie de chanter
C'est physique
Tout son être est tendu
Son souffle est suspendu
C'est une vraie tordue de la
musique
Elle écoute la java
Qu'elle fredonne tout bas
Elle revoit son accordéoniste
Et ses yeux amoureux
Suivent le jeu nerveux
Et les doigts secs et longs de
l'artiste
Ça lui rentre dans la peau
Par le bas, par le haut
Elle a envie de chanter
C'est physique
Tout son être est tendu
Son souffle est suspendu
C'est une vraie tordue de la
musique
Elle écoute la java
Elle entend la java
Elle a fermé les yeux
Et les doigts secs et nerveux
Ça lui rentre dans la peau
Par le bas, par le haut
Elle a envie de gueuler
C'est physique
Alors pour oublier
Elle s'est mise à danser, à tourner
Au son de la musique
Arrêtez
Arrêtez la musique
« L’évasion... Paris à la province... »
La chanson de l’Occupation chante deux lieux de prédilection : Paris et le village idyllique de la France
agricole !
Les chansons sur la «France agricole » restent souvent synonymes de la France de Vichy ! Elles sont
imprégnées de l’idéologie de la Révolution Nationale : l’amour de la patrie, une France douce et belle, la
nature, la terre, le travail et la famille.
Et Paris, alors ? « Que Paris redevienne Paris et la province suivra... » titrait le journal "le Matin" au
lendemain de la défaite !
Le ton est donné et l’Occupant en jouera. Il veut que Paris reste Paris, pour se montrer respectueux des
libertés aux yeux du monde et pour y distraire ses troupes entre deux conquêtes !
Les Français profiteront de cette opportunité... Ces Français là, on ne leur reprochera peut-être pas de
s’être amusés un peu.. Par contre, l’amuseur, le professionnel aura des comptes à rendre à la Libération !
DOUCE FRANCE
(1943) Charles Trenet
Il revient à ma mémoire
Des souvenirs familiers
Je revois ma blouse noire
Lorsque j´étais écolier
Sur le chemin de l´école
Je chantais à pleine voix
Des romances sans paroles
Vieilles chansons d´autrefois
Douce France
Cher pays de mon enfance
Bercée de tendre insouciance
Je t´ai gardée dans mon cœur!
Mon village au clocher aux
maisons sages
Où les enfants de mon âge
Ont partagé mon bonheur
Oui je t´aime
Et je te donne ce poème
Oui je t´aime
Dans la joie ou la douleur
Douce France
Cher pays de mon enfance
Bercée de tendre insouciance
Je t´ai gardée dans mon cœur
Douce France
Cher pays de mon enfance
Bercée de tendre insouciance
Je t´ai gardée dans mon cœur
Mon village au clocher aux
maisons sages
Où les enfants de mon âge
Ont partagé mon bonheur
Oui je t´aime
Et je te donne ce poème
Oui je t´aime
Dans la joie ou la douleur
Douce France
Cher pays de mon enfance
Bercée de tendre insouciance
Je t´ai gardée dans mon cœur
« L’évasion... Paris à la province... »
LA ROMANCE DE PARIS
(1941) Charles Trenet
Après sa démobilisation, comme d’autres chanteurs, Charles Trenet chante un temps en zone sud avant
de regagner Paris en 1941 où il reprend ses galas... En 1943, il acceptera, lui aussi, d’aller chanter en
Allemagne. Comme pour beaucoup d’autres chanteurs (Tino Rossi, Mistinguett, Maurice Chevalier, Édith
Piaf...), ce retour dans la capitale lui sera reproché et le rendra suspect à la Libération... Circonstance
atténuante, Charles Trenet sera victime en 1941 et 1942 d’une violente campagne antisémite. On lui
reproche une « judaïsation » de la chanson française sous prétexte que Trenet ne serait pas son vrai
nom, mais l’anagramme de Netter, nom d’origine judaïque.
Ils s´aimaient depuis deux jours à Ce doux refrain de nos faubourgs
Au coin des rues, elle fleurit
peine
Parle si gentiment d´amour
Ça met au cœur des amoureux
Y a parfois du bonheur dans la
Que tout le monde en est épris
Un peu de rêve et de ciel bleu
peine
C´est la romance de Paris
Ce doux refrain de nos faubourgs
Mais depuis qu´ils étaient
Parle si gentiment d´amour
amoureux
La banlieue était leur vrai domaine Que tout le monde en est épris
Leur destin n´était plus malheureux Ils partaient à la fin de la semaine
C´est la romance de Paris
Ils vivaient avec un rêve étrange
Dans les bois pour cueillir le
Et ce rêve était bleu comme les
muguet
anges
Ou sur un bateau pour naviguer
C´est la romance de Paris
Leur amour était un vrai printemps
Ils buvaient aussi dans les
Au coin des rues, elle fleurit
oui
guinguettes
Ça met au cœur des amoureux
Aussi pur que leurs tendres vingt Du vin blanc qui fait tourner la tête Un peu de rêve et de ciel bleu
ans
Et quand ils se donnaient un baiser, Ce doux refrain de nos faubourgs
oui
Parle si gentiment d´amour
C´est la romance de Paris
Tous les couples en dansant se
Que tout le monde en est épris
Au coin des rues, elle fleurit
disaient
C´est la romance de Paris
Ça met au cœur des amoureux
C´est la romance de Paris
Un peu de rêve et de ciel bleu
LE BAL DEFENDU
« On chante, on chante...! Et si l’on dansait maintenant ! »
Et bien non... nous ne danserons pas, puisque les bals publics sont interdits ! Plus de bal du 14 juillet
dans les quartiers où sur les places de village, plus de dancings non plus, de bals musette et de
guinguettes ! Si on veut danser, il faudra se rabattre sur la fête privée entre amis – la surprise-partie – ou
avoir recours au subterfuge de s’inscrire dans un des nombreux cours de danses qui fleurissent un peu
partout en ville ! Ce sera ainsi, un moyen déguisé de continuer à maintenir l’activité du bal sans trop attirer
l’attention. Il s’organisera aussi de vrais bals clandestins dont le lieu sera tenu secret jusqu’au dernier
moment !
LE BAL DEFENDU
(1944) Roberte Marna
Contrairement à une opinion fort répandue, ce ne sont ni le régime de Vichy, ni les autorités allemandes
qui ont interdit les bals publics, mais la Troisième République, aussitôt la déclaration de la guerre, le 9
septembre 1939. Cette interdiction sera momentanément levée et, à partir du mois de décembre, on peut
à nouveau danser. Mais le 20 mai 1940, au début de l’offensive allemande, Georges Mandel, ministre de
l’Intérieur, ordonne par décret la fermeture des dancings parisiens, mesure étendue quelques jours plus
tard à l’ensemble du territoire. Dans l’affolement de la débâcle, ce décret ne sera jamais publié au Journal
Officiel, mais cette interdiction sera maintenue par le régime de Vichy après l’armistice du 22 juin 1940.
Il est à noter que les autorités issues de la Résistance ne tiendront pas un autre langage. Contrairement à
une imagerie tenace qui associe Libération et bals populaires, ceux-ci resteront encore interdits pendant
de longs mois. Tant que des Français souffrent et meurent, l’autorisation des bals publics serait
hautement inopportune !
Dans un quartier très sombre
Il est un vieux bistrot
Dés que vient la pénombre
Il s'allume aussitôt
Debout devant sa boutique
Le patron tranquillement
Fait baisser la musique
Lorsque passe un agent
Et c'est là qu'un soir très doux
Il m'a donné rendez-vous
Dans une salle cachée
Derrière le comptoir
Tournant dans la fumée
Mon cœur battit un soir
Serrée sur sa poitrine
J'écoutais les mots fous
Que d'une voix câline
Il disait dans mon cou
Moi je ne répondais rien
Mais mon cœur était si bien
Mais je suis revenue
Le lendemain au soir
Avec un inconnu
Il dansait sans me voir
Il riait avec elle
D'un air tout réjoui
Trahie par l'infidèle
J'ai fui le cœur meurtri
Et je me souviens encor
De ce si troublant décor
C'est un bal défendu
Dans un p'tit coin perdu
Du quartier Montparnasse
Y a pas d'accordéon
Pas même un violon
Un phono les remplace
Les clients ont vingt ans
Par couples tendrement
La valse les enlace
C'est un bal défendu
Dans un p'tit coin perdu
Du quartier Montparnasse
C'est un bal défendu
Dans un p'tit coin perdu
Du quartier Montparnasse
Y a pas d'accordéon
Pas même un violon
Un phono les remplace
Les clients ont vingt ans
Par couples tendrement
La valse les enlace
C'est un bal défendu
Dans un p'tit coin perdu
Du quartier Montparnasse
C'est un bal défendu
Dans un p'tit coin perdu
Du quartier Montparnasse
Y a pas d'accordéon
Pas même un violon
Un phono les remplace
Les clients ont vingt ans
Par couples tendrement
La valse les enlace
C'est un bal défendu
Dans un p'tit coin perdu
Du quartier Montparnasse
RESTRICTIONS
« Restrictions, restrictions ! »
La chanson de l’Occupation suit timidement les événements de l’époque.
La préoccupation majeure des Français est celle liée à la problématique des restrictions et du
ravitaillement, compte tenu d’une réglementation rigoureuse en matière de répartition ! Les restrictions
vont devenir en moins d’un an un véritable phénomène de société ! Puisqu’il va falloir aussi se débrouiller
pour trouver tout ce qui manque ou fait défaut, il restera aux débrouillards et aux plus fortunés le système
D et le marché noir. Voilà autant de thèmes qui inspireront les chansonniers. Les chansonniers ironiseront
avec humour sur cette problématique avec plusieurs dizaines de chansons écrites de 1940 à 1945 !
ELLE AVAIT DES SEMELLES DE BOIS
(1941) Alibert
L'autre jour près de Longchamp
Gentiment je lui souris
Afin de la décider
Je me promenais tranquillement
Puis aussitôt je la suivis
A venir chez moi prendre le thé
Lorsque tout à coup j'entendis
Pendant une heure sans répit
Très sérieusement je lui jurai
Derrière moi un drôle de bruit
Mais quand le tour du bois fut fini
Que personne ne la verrait
Je pensais naturellement
Elle le fit encore trois fois
Mais elle fit dans l'escalier
Ça c'est encore tout simplement En faisant claquer ses semelles en Tant de bruit avec ses souliers
Un canasson qui va son train
bois
Qu'immédiatement à chaque palier
Tout en tirant son vieux sapin
Moi je ne faisais rien claquer
Des gens sortirent pour nous
C'était une méprise
Mais je vous le jure, j'étais claqué !
regarder
Jugez de ma surprise
Comme je criais grâce
Et la pipelette
Quand je vis en me retournant
Elle dit avec grâce
Toujours très discrète
S'avancer une blonde enfant
Faisons un tour de plus...
Alla sans hésiter
Et je repartis n'en pouvant plus.
Ameuter le quartier tout entier
Elle avait des semelles en bois
Qui faisaient clic clac clic clac
Et chaque fois
Que j'entendais ce petit bruit
charmeur
Ça faisait clic clac clic clac
Au fond de mon cœur
Clic clac clic clac
Mes amis
clic clac clic clac
Quel doux bruit
Elle m'avait mis tout en émoi
Avec ses semelles, semelles,
semelles en bois
Elle avait des semelles en bois
Qui faisaient clic clac clic clac
Et chaque fois
Que j'entendais ce petit bruit
charmeur
Ça faisait clic clac clic clac
Au fond de mon cœur
Clic clac clic clac
Mes amis
clic clac clic clac
Quel doux bruit
Elle m'avait mis tout en émoi
Avec ses semelles, semelles,
semelles en bois
Elle avait des semelles en bois
Qui faisaient clic clac clic clac
Et chaque fois
Que j'entendais ce petit bruit
charmeur
Ça faisait clic clac clic clac
Au fond de mon cœur
Clic clac clic clac
Mes amis
clic clac clic clac
Quel doux bruit
Elle m'avait mis tout en émoi
Avec ses semelles, semelles,
semelles en bois
RESTRICTIONS – RESTRICTIONS !
Ce qui va caractériser le quotidien des Français sous l’Occupation, au delà de l’omniprésence des soldats
allemands, ce sont les restrictions !
Les restrictions vont devenir en moins d’un an un véritable phénomène de société !
Au regard de la présence du thème des « restrictions » dans tous les domaines, on peut facilement se
faire une idée du traumatisme qu’ont pu éveiller ces privations dans la conscience collective de cette
époque !
Le thème des restrictions inspirera ainsi aussi bien les publicitaires, les chansonniers, les inventeurs et
autre débrouillards. On retrouvera ce thème dans tout un tas d’articles de magazines, de journaux ou
d’ouvrages complets sur la problématique et sur la façon de la résoudre : recettes et manuels de cuisine,
astuces de récupération, jusqu’aux manuels de « savoir vivre » qui s’adapteront aux circonstances !
Pourquoi ces restrictions ?
Toute nation en temps de guerre se trouve contrainte, à un moment où à un autre, de faire face au
problème du ravitaillement, à la fois pour ses troupes, mais aussi pour les populations civiles !
En septembre 1939, avec la mobilisation de tous les hommes de 20 à 48 ans, alors que la main d’œuvre
à cette époque reste majoritairement masculine, toute l’économie nationale va se trouver en difficulté.
Dès le mois d’octobre, le gouvernement va mettre en place un « secrétariat du Ravitaillement Général »,
et au mois de mars 1940 paraissent plusieurs décrets réglementant la vente des denrées primordiales :
Le pain, la farine, la viande, mais aussi le vin, l’alcool et le chocolat. L’essence également sera rationnée !
En juillet 1940 le gouvernement de Vichy crée le Ministère du Ravitaillement.
Avec l’armistice les problèmes de ravitaillement vont aller en s’accentuant :
Après la démobilisation, avec plus ou moins 80 000 tués et 1 000 000 prisonniers la main d’œuvre
française ne sera pas complètement rétablie.
Le manque de main d’œuvre allié aux pénuries de fertilisants et manque de moyens matériels réduira la
production alimentaire de 30% !
L’Allemagne, avec 5 000 000 d’hommes mobilisés, (pour une population de 70 000 000 à 80 000 000
d’habitants) a besoin de compenser sa perte de main d’œuvre et pour faire face aux problèmes de
ravitaillement de son armée et de sa population civile, l’armée d’occupation considère tous les dépôts de
vivres comme prises de guerre.
Pendant tout le temps de l’Occupation et de la guerre, l’Allemagne ponctionnera allégrement dans la
production des pays qu’elle occupe et les restrictions alimentaires qu’elle impose à la France sont
particulièrement dures !
15% des produits alimentaires de la France sont fournis par les produits d’importation (sucre, fruits et
surtout les légumes secs et les huiles) provenant de son empire colonial. L’isolement de la France
diminuera ses importations en approvisionnement de 50 % (vins, céréales, fruits et oléagineux) à 100 %
(riz, graisses végétales, cacao, café, thé, poivre, coton, caoutchouc…)
L’énorme pagaille et anarchie qui règnent dans les services du Ravitaillement Général aggravent la
situation !
Malgré ses 18 000 fonctionnaires employés dans ses services, le Ravitaillement Général n’arrive même
pas à répartir convenablement la moitié de la production disponible, ni a approvisionner comme il se doit
le marché officiel !
De plus, le gâchis est fréquent à cause du manque d’infrastructures pour stocker et acheminer les
denrées (troupeaux de bœufs « oubliés » dans les parcs d’où ils sortent à l’état de squelettes pour
l’abattoir, stocks de beurre se périmant, pommes de terres gelant et pourrissant dans les gares…).
Cartes d'Alimentation, coupons et tickets de ravitaillement...
Dès le mois de mars 1940, toutes les personnes qui résident en France sont désormais tenues de
déposer une déclaration en mairie afin de se faire attribuer une carte d'alimentation nominative.
Cette carte sera exigée lors de l'achat de tout produit faisant l'objet de restrictions.
Selon l'âge ou le travail de la personne, chaque consommateur sera classé selon une catégorie qui
donnera droit à une quantité de denrées contingentées plus ou moins importante définie en fonction des
critères spécifiés (supplément de lait pour les enfants en bas âge ; quantité de viande, vin et pain plus
importante pour les travailleurs de force et les ouvriers agricoles...).
Les différentes catégories de consommateur :
Cat. E :
Cat. J1 :
Cat. J2 :
Cat. J3 :
Cat. A :
Cat. T :
Cat. C :
Cat. V :
Enfants des deux sexes âgés de moins de 3 ans.
Enfants des deux sexes âgés de 3 à 6 ans révolus.
Enfants des deux sexes âgés de 6 à 13 ans révolus.
Enfants des deux sexes âgés de 13 à 21 ans révolus.
Consommateurs âgés de 21 à 70 ans ne se livrant pas à des
travaux de force.
Consommateurs âgés de 21 à 70 ans révolus se livrant à des
travaux de force.
Consommateurs de plus de 21 ans et sans limite d'âge se
livrant à des travaux agricoles.
Consommateurs de plus de 70 ans, autres que ceux classés en
catégorie C.
La carte d'alimentation permet de recevoir en mairie, des feuillets de coupons
destinés à recevoir les denrées à approvisionnement mensuel (pâtes, riz,
sucre, café...), des feuillets de tickets pour les denrées à approvisionnement
journalier (pain, viande, fromage, matières grasses...) et la carte de lait.
LA MUSIQUE DE JAZZ SOUS L'OCCUPATION
« L’évasion par le Jazz »
Si il y a aussi un genre musical qui va permettre l’évasion, c’est bien la musique de jazz !
La musique jazz et le swing restent un phénomène musical sans précédent dans cette France occupée !
C’est en automne 1940, qu’est organisé le premier festival de Jazz à la Salle Gaveau, par Charles
Delaunay, animateur du Hot Club de France (créé en 1932) ! C’est un succès sans précédent! Pendant toute
l’Occupation, le jazz français sera plus productif qu’avant la guerre (surtout entre 1940 et 1943), pas seulement à
Paris, en province aussi !
Contrairement à une idée préconçue, le jazz n’a jamais subi en France une quelconque interdiction de la
part des autorités allemandes, comme ce fut le cas en Allemagne et dans les autres pays conquis (Il sera
néanmoins interdit en Alsace – Lorraine, régions "annexées" par l’Allemagne). Au contraire, le rythme jazz devient si
populaire que toutes les radios, même Radio-Paris, se voient contraintes de diffuser du swing, en théorie
banni des ondes (la propagande nazie serait plus digeste si elle était enrobée d’émissions divertissantes...) !
Il est incontestable que le jazz est, pour les autorités allemandes, une musique « décadente, nègre... juive
de surcroît » et contraire à l’éthique du Reich (d’ailleurs elle interdit formellement la diffusion des morceaux créés par des
compositeurs juifs) !
Ce n’est qu’à partir de l’entrée en guerre des États-Unis en 1941, que les autorités allemandes prendront
quelques mesures à l’encontre du jazz en interdisant la diffusion des titres américains. La parade pour les
artistes français sera de les interpréter sous un titre francisé. C’est aussi grâce à cette mesure, que le jazz
français va s’émanciper puisqu’il n’a plus à craindre la concurrence américaine.
ELLE ETAIT SWING
(1941) Jacques Pills
Par un beau matin d' printemps
Évidemment, évidemment
J' l'ai rencontrée simplement
Évidemment, évidemment
Elle n'était pas belle, belle, belle
Elle zozotait légèrement
Elle n'avait qu'une chose pour elle
Quelque chose de très étonnant
Par un beau jour de printemps
Évidemment, évidemment
Elle m'a présenté Armand
Évidemment, évidemment
Il n'était pas beau, beau, beau
Il ne portait pas d' chapeau
Il n'avait qu'une chose pour lui
Quelque chose de très inédit
Elle était swing, swing, swing
Il était swing, swing, swing
Oh, terriblement swing, swing, swing Oh, terriblement swing, swing, swing
Je la trouvais divine
Il la trouva divine
Je devins son amant
Il devint son amant
En deux temps, trois mouvements
En deux temps, trois mouvements
Hop ! Elle était swing, swing, swing
Il était swing, swing, swing
Oh, terriblement swing, swing, swing Oh, terriblement swing, swing, swing
Et sa lèvre mutine
Il l'appelait "Cousine"
Me plaisait follement
Je trouvais ça charmant
Sans savoir ni pourquoi ni comment Sans savoir ni pourquoi ni comment
Par un beau soir de printemps
Évidemment, évidemment
Ils sont partis simplement
Évidemment, évidemment
Je fuyais mais en province
On me présenta bientôt
Une jeune fille blonde et mince
Aux allures très comme il faut
Pas du tout swing, swing, swing
Oh, mais pas du tout swing, swing,
swing
De par ses origines
Arrière-petite-enfant
Des bons rois fainéants
Pas du tout swing, swing, swing
Oh, mais pas du tout swing, swing,
swing
Je la trouvais divine
J' lui ai dit tendrement
En sachant et pourquoi et comment
Elle était un peu bizarre
Il avait une riche nature
Pendant le jour, elle dormait
Mais jamais un sou d' monnaie
Mais quel bruit, quel tintamarre
Alors, toutes ses p'tites factures
Le soir de nos épousailles
Dès que la nuit arrivait
C'était moi qui les payais
J'allais chanter ma chanson
Elle était swing, swing, swing
Il était swing, swing, swing
J'avais peur qu'elle ne défaille
Oh, terriblement swing, swing, swing Oh, terriblement swing, swing, swing
À ma grande stupéfaction
Je courais à la ruine
Je faisais la cuisine
Elle était swing, swing, swing
Pendant qu'elle me chantait
Pendant qu'il lui chantait
Oh, terriblement swing, swing, swing
Un p'tit air bien rythmé
Un p'tit air bien rythmé
Alors, on le devine
Qui m' plaisait
Qui m' plaisait
Nous eûmes beaucoup d'enfants
Et qui dansent et qui chantent tout le
temps
Contrairement à une idée préconçue, le jazz n’a jamais subi en France, une quelconque interdiction de la
part des autorités allemandes, comme il en fut en Allemagne et dans les autres pays conquis (Il sera
néanmoins interdit en Alsace – Lorraine, régions "annexées" par l’Allemagne). Tout au long de la guerre, le jazz
n'est pas absent de la scène parisienne, bien au contraire. Après quelques jours de perturbations dues à
l'entrée du soldat allemand dans la capitale, l'activité dans lieux de spectacles reprend de plus belle,
attirant bien vite une clientèle abondante et hétéroclite, composée de représentants des forces
d'occupation mais aussi de Français peu gênés par cette promiscuité… Et dans ces salles de spectacles
le jazz est très souvent présent.
Il est a noter que beaucoup de musiciens de jazz ont la possibilité d'exercer leur métier, bénéficiant d’une
certaine bienveillance de la part de l’occupant, même pour des artistes comme le « manouche » Django
Reinhardt !
« Jazz » et « swing » ne sont pas non plus des mots tabous, loin s’en faut... Au début de l’année 1941,
l’orchestre du « Jazz de Paris » se produit dans plusieurs cabarets. Le compositeur et chef d’orchestre
Robert BERGMANN fonde et dirige l'Orchestre Symphonique de Jazz … Au théâtre du Gymnase, en
mars 1941, on ressort également la pièce de Marcel Pagnol « Jazz » datant des « années folles ». En
février 1942, un « festival swing » a lieu à la salle PLEYEL au profit des musiciens prisonniers et de leurs
familles et du « Secours National - Entr'aide d'Hiver du Maréchal ». Toutes les vedettes du jazz français,
annoncées comme telles, y seront rassemblées !
LES ZAZOUS
Depuis la fin des années 30, une bonne partie de la jeunesse parisienne, se presse dans les concerts jazz
de la capitale, scandant du pied les rythmes effrénés des grands orchestres swing de l’époque...
Les « swing »
D’abord appelés simplement les « swing » ou « petits swing », ces jeunes seront rapidement nommés
« zazous » ! La provenance du mot viendrait de l’onomatopée « zazou – zé » utilisée dans le « scat »,
forme de jazz vocal où l’onomatopée remplace les paroles. « Zazou » est utilisé la première fois en
France dans la chanson de Johnny Hess « Je suis swing » enregistrée en 1938 et dont le refrain chante :
« Je suis swing, je suis swing... Zazou, zazou, zazou zazou zé... » (Il est probable que l’onomatopée vienne,
à l’origine, du morceau de jazz « Zaz Zuh Zaz » enregistré en 1933 par Cab Calloway).
Conflit des générations
Le mouvement Zazou, sans être un « réseau » de résistance, reste
néanmoins animé d’un sentiment politique de contestation et de révolte par
l’inertie. Mais peut-être plus simplement, c’est la manifestation exacerbée de
l’éternel conflit des générations !
Leur revendication se traduit essentiellement par une allure vestimentaire
provocatrice.
« Jeunesse », un magazine militant pour une jeunesse digne de la Révolution
Nationale, décrit ainsi nos zazous : "Voici le spécimen de l'ultra swing 1941 :
Cheveux dans le cou entretenus dans un savant désordre, petite moustache à
la Clark Gable, veste de tricot sans revers, pantalons rayés, chaussures à
semelles trop épaisses, démarche syncopée..."
Les zazous sont de grands amateurs de motifs à carreaux. Les garçons portent des pantalons étroits et
courts qui s’arrêtent à la cheville. Leurs pieds sont chaussés de souliers à semelle compensée. Leur cou
est serré dans un col de chemise relevé et retenu par une épingle et orné d’une cravate étroite. Surtout, le
zazou porte une veste longue, large ou cintrée qui lui tombe sur les cuisses, provocation évidente alors
que les vêtements et les articles textiles sont rationnés à partir de 1941. Leurs cheveux brillantinés
descendent sur la nuque et sont longs et remontés en frisottant sur le devant : encore un pied de nez à un
décret de 1942 obligeant la récupération des cheveux dans les salons de coiffure pour en faire des
pantoufles ! Les filles, elles, portent souvent des cheveux qui tombent en boucles sur les épaules. La
couleur blonde est de mise. Elles se fardent avec un rouge à lèvres très rouge et se cachent les yeux
derrière de grosses lunettes noires. Ces demoiselles portent des vestes aux épaules carrées sur une jupe
courte et plissée qui s’arrête au-dessus du genou ! Leurs bas sont rayés ou à résille et leurs chaussures
sont à semelle de bois colorée et épaisse. Pour le garçon, comme pour la fille, le parapluie est de rigueur.
Mais qu’il pleuve ou non, il reste obstinément fermé !
C’est ainsi parés, qu’on retrouve nos zazous à la terrasse du Pam-Pam sur les Champs-Elysées ou à
celle des cafés du Boulevard Saint Michel. Ces jeunes gens passent leur temps à refaire le monde en
critiquant la politique du moment, par provocation... Ils organisent parfois des monômes (le monôme est
une manifestation étudiante française qui peut être aussi bien festive que démonstrative en fonction des
établissements et des occasions). Ils déambulent à quelques uns en se tenant par les épaules, en file
indienne et en chantant des « comptines » provocatrices. Vite, ils se retrouvent une centaine ! Au premier
agent de police, au premier uniforme vert de gris, c’est la débandade... Gare à celui qui se fait prendre et
qui n’a pas ses papiers en règle ! Certains manifestent sur les Champs-Élysées, une canne à pêche dans
chaque main : deux gaules ! D’autres, aussi inconscients que téméraires, n’hésitent pas à porter l’étoile
jaune avec marqué dessus « zazou » ou « swing » : cette provocation en amène plus d’un à Drancy (d’où
ils sont rapidement relâchés) avec pour chef d’accusation : « amis des juifs ».
Depuis juin 1940, pour réagir au désastre de la débâcle et à la demande d’armistice qui en a suivi, le
gouvernement de Philippe Pétain entreprend une campagne de nouvelles réformes dans le cadre de sa
« Révolution Nationale ». Dès 1940, Vichy crée un « Ministère de la Jeunesse ». Ce ministère se montre
très préoccupé par l’éducation de la jeunesse française. Elle exhorte à la morale et à la productivité –
Travail-Famille-Patrie – et le nouvel Etat voit en ces zazous une influence rivale et dangereuse pour sa
jeunesse.
Si le jazz reste toléré par les autorités d’Occupation et par la politique vichyste, Il n’en sera pas de même
pour nos zazous !
A longueur d’articles, les journaux de Vichy déplorent la décadence qui affecte la morale française et ils
considèrent les zazous comme un ramassis de tire-au-flanc égoïstes. Entre 1940 et 1943, la presse
publie plus de 100 articles contre le phénomène zazou.
En 1942, le régime de Vichy se rend bien compte que la renaissance nationale qu’il espérait voir se
réaliser par les jeunes est sérieusement affectée par un rejet généralisé du patriotisme et de l’éthique du
travail.
Pour le zazou, jouer l'esprit de contradiction reste primordial et il s'arrange
pour le faire savoir ! C’est ce qui constitue l’élément essentiel de sa
philosophie. Cette prise de position et cette attitude « j’ m'en foutiste » leur
amènera beaucoup de problèmes dès 1942.
Les zazous deviennent « l’ennemi numéro un » de l’organisation de la
jeunesse nationaliste des Jeunesses Populaires Françaises. « Scalpez les
zazous ! » est devenu leur mot d’ordre. Des escouades de la JPF, armées
de tondeuses et de ciseaux attaquent les zazous ! Des rafles commencent à
avoir lieu dans les bars et les zazous se font tabasser dans les rues.
Beaucoup sont arrêtés et ceux en âge d’être mobilisés pour les chantiers de
jeunesse, seront envoyés à la campagne pour travailler aux champs.
À ce stade, le déclin des zazous est annoncé. Les zazous entrent dans la clandestinité, se terrant dans
leurs salles de danse tandis que la résistance officielle les soupçonne d’adopter une attitude apathique,
voire désinvolte, envers la guerre en général.
LA JEUNESSE
Les chantiers de jeunesse
Les chantiers de jeunesse française (CJF) ont été créés le 30 juillet 1940 afin de remplacer le service
militaire obligatoire supprimé après l'armistice du 22 juin 1940.
Tous les jeunes hommes de la Zone Libre et de l'Afrique
Française du Nord âgés de 20 ans y sont incorporés pour un
stage de six mois.
Ils vivent en camps près de la nature,
À la manière du scoutisme, mais avec le volontariat en moins,
ils sont regroupés dans des camps où ils accomplissent des
travaux d'intérêt général, notamment forestiers, dans une
ambiance para-militaire. Ils sont encadrés par des
officiers d'active et de réserve démobilisés, ainsi que par
des aspirants formés pendant la guerre de 1939-1940. À partir
de 1941 l'obligation des chantiers de jeunesse est étendue à
une durée de 8 mois.
Dirigés par le général Joseph de La Porte du Theil, les
chantiers de jeunesse française sont une institution ambiguë.
Dans ces camps, il s'agit d'inculquer à la jeunesse française
les valeurs de la Révolution Nationale, prônées par le Régime
de Vichy. Les Chantiers, initialement ouverts aux chefs et aux
jeunes juifs français, leur sont d'abord interdits en Afrique du
Nord, à la demande du colonel Van Hecke, commissaire
régional, soutenu par le général de La Porte du Theil.
Puis le deuxième semestre 1942, le général obtient que cette
exclusion soit étendue aussi à la métropole. Le culte de la
hiérarchie et de la discipline passe notamment par
l'importance donnée à tous niveaux au Chef. La vénération du Maréchal Pétain imprègne profondément les
cadres. Alors que le régime exaltait le retour à la terre et le provincialisme, la vie en groupements dans les
bois peut aussi se lire comme une réaction contre la ville industrielle et corruptrice, foyer de
l'individualisme et de la lutte des classes. Par ailleurs, aucune "politique" n'est tolérée dans les chantiers.
Ce qui signifie l'interdiction de la propagande des partis collaborationnistes et bien sûr des organisations
de Résistance, mais aussi l'absence de radios, de débats et autres moyens de communication qui, même
censurés, peuvent permettre aux jeunes de suivre l'évolution de la guerre et de la politique du régime, et de
se faire une opinion personnelle.
Dans le cadre de la "mission Chantier en Allemagne", les Chantiers envoient 16 000 jeunes au Service du
Travail Obligatoire (STO) en Allemagne.
Lors de l'invasion de la Zone Libre, les Allemands suppriment l'Armée d'Armistice mais, maintiennent
néanmoins les Chantiers.
Toutefois, ils modifient profondément leur implantation à partir de mars 1943. Les groupements de
Provence, des Pyrénées, et des Alpes sont respectivement délocalisés dans le Massif Central, dans le
département de la Dordogne et dans les Landes. L'occupant craint en effet leur concours à un
débarquement allié par la Méditerranée, le concours ou la participation à des évasions par l'Espagne et
l'aide aux maquis.
Plusieurs anciens des chantiers rejoignent la Résistance, certains passent en Afrique du Nord. Les stocks
de vivres et de vêtements des Chantiers deviennent une proie classique pour les maquis en manque de
tout. De multiples coups de main, bénéficiant parfois de complicités dans la place, permettent
aux maquisards de faire main-basse sur ces dépôts. Cela explique que sur nombre de photos, des
maquisards soient habillés en uniformes des chantiers, certes non prévus au départ pour leur servir !
C'est à partir de septembre 1943 que le général La Porte du Theil, devant de nouvelles exigences
allemandes qui menacent à l'envoi en Allemagne de la quasi-totalité des effectifs restant des Chantiers,
refuse catégoriquement toute mise à disposition supplémentaire au bénéfice de l'occupant. Mais il décline
également les invitations de la Résistance à passer à la dissidence et à gagner Alger.
Averti d'une arrestation imminente à la fin de décembre 1943, il refuse également de s'enfuir. Destitué, et
arrêté le 4 janvier 1944, il est assigné à résidence en Allemagne jusqu'à la fin de la guerre.
Le général La Porte du Theil obtient un non-lieu en Haute Cour de Justice en 1947.
CHANSONS DE VOYOUS
« Folklore parisien adapté aux circonstances »
Pendant la période de l'entre-deux guerres, les chansons sur le Milieu parisien sont très en vogue (elles le resteront
d'ailleurs jusque dans les années cinquante) et font partie du folklore populaire de la chanson de variété parisienne.
Fréhel, Edith Piaf, Andrex, Maurice Chevalier seront quelques-uns de ses ambassadeurs et ils mettront en scène
dans leurs chansons des proxénètes, des filles de joie, des escrocs et autres cambrioleurs...
Dans la réalité, avec l'Occupation, la pègre va devoir composer avec cette situation.
Dans le 16ème arrondissement au 93 de la rue Lauriston se trouve le quartier général de la Gestapo française
tenue d'une main de fer par Henri Lafont, ancien truand passé du côté de l’Occupant et son lieutenant Pierre
Bonny, ancien commissaire véreux renvoyé de la police avant la guerre. Lafont va d'ailleurs s'entourer uniquement
d'hommes de main recrutés dans les prisons.
Sa position collaborationniste va permettre à Lafont d'évincer toute la concurrence et les caïds du Milieu qui ne se
rallieront pas à la Gestapo, auront tout intérêt à se faire oublier !
Il restera néanmoins, pour les petits truands, toute latitude dans le trafic en tous genres : fausses cartes
d'alimentation, faux tickets de ravitaillement, faux papiers, marché noir..., et cela, pas dans une volonté de
résistance à l'Occupant.
LA JAVA 43
(1943) Andrex
Quand sur le Sébastopol,
Faut voir comme il est nippé
Pour les ch’mises
On voit le grand Popol,
Le plus chic du quartier
C’est pas marrant,
Un des vieux à la r’ dresse
Au temps des bals musettes.
Y’ a un inconvénient,
Un d’ ces durs de chez Bouscat
Son pantalon fait des plis,
Les cols s’usent trop vite.
Qu’était taillé comme ça
J’ crois bien qu’ son ventre aussi, Mais sa femme, c’est son rayon,
Et qu’on voit c’ qu’il en reste
Et il est sans chaussette.
La liquette, allez donc,
Ça vous turbine le citron
Il n’a plus ses p’tits vernis,
Elle a trouvé toute suite.
Car toutes ces restrictions
Mais des godasses qui,
Elle lui en taille dans les pans
Quoi qu’on dise ou qu’on fasse, Toutes seules, font des claquettes.
Et il reste élégant
Ça nous met tout nos costauds,
Ces épaules de chez Alba
Du moins faut l’ dire bien vite.
A leur tour, sur l’ carreau
Dégringolent sur les bras,
S’ il a un joli plastron,
Et c’est pas rigolo.
Il est pas fier comme ça.
Dans cette combinaison
Y’ a plus rien dans l’ caleçon.
C’est la java 43 celle qu’on ne
danse pas
Mais qu’on siffle en cadence
Les nénettes et les nanas
S’ ballade en s’melles de bois
Mais gardent leur élégance
Les Prosper et les Julots
Le soir au p’tit bistrot
S’ disputent avec violence
Leur dernier paquet d’ tabac.
C’est la java 43.
C’est la java 43 celle qu’on ne
danse pas
Mais qu’on siffle en cadence
Les nénettes et les nanas
S’ balladent en s’melles de bois
Mais gardent leur élégance
Les Prosper et les Julots
Le soir au p’tit bistrot
S’ disputent avec violence
Leur dernier paquet d’ tabac.
C’est la java 43.
C’est la java 43 celle qu’on ne
danse pas
Mais qu’on siffle en cadence.
Puisque des bals y’ en a pas
Pensez si les frotteurs
Y sont tous en souffrance.
Que ce soit à la Bastille,
A Pigalle, à Belleville
Et même dans toute la France,
Tout le monde se souviendra
De la java 43.
1944 « LA LIBERTE RETROUVEE ! »
Dès l'année 1943, avec les défaites de l'armée allemande sur le front de l'Est et en Afrique du Nord,
l’espoir renaît et commence à se manifester dans le répertoire, jusqu’à la libération en 44 , où de nouveau,
les chansons patriotiques mais aussi les chants partisans restés jusqu’alors clandestins, ressurgissent et
côtoient les sonorités outre-Atlantique au rythme jazz, apportées par les G.I !
Avec la débarquement en Normandie, viennent le temps de l’espoir et celui de la liberté retrouvée !
Enfin, on peut chanter la joie !
C’est là que nos chanteurs vont devoir, comme beaucoup d’autres rendre des comptes...
Les tribunaux de la Libération seront quelque peu indulgents avec eux, quand aux peines infligées. S’ils
avaient du appliquer les peines encourues normalement, avec le nombre de chanteurs ayant travaillé
pour radio-Paris, c’est toute la vie musicale française qui était paralysée pour un long moment ! La
chanson de variété touche le plus grand nombre. Il ne faudrait pas priver la majeure partie de la
population d'une distraction populaire ! Les tribunaux ne seront pas aussi cléments avec les écrivains... La
littérature touche moins de monde !
Maintenant on chante et on danse pour fêter les libérateurs et les beaux jours qui sont de retour...
Enfin... bientôt de retour ! Car n’oublions pas que la guerre ne se terminera qu'en mai 1945 et qu'il faudra
encore quelques années pour que le pays soigne ses plaies et retrouve une situation économique et
politique stable.
(Notamment, en matière de restrictions, celles-ci ne prendront définitivement fin qu’en 1949 !)
FLEUR DE PARIS
(1944) Jacques Hélian – Maurice Chevalier
Mon épicier l´avait gardée dans
son comptoir
Le percepteur la conservait dans
son tiroir
La fleur si belle de notre espoir
Le pharmacien la dorlotait dans un
bocal
L´ex-caporal en parlait à l´exgénéral
Car c´était elle, notre idéal
C´est une fleur de Paris
Du vieux Paris qui sourit
Car c´est la fleur du retour
Du retour des beaux jours
Pendant quatre ans dans nos
cœurs
Elle a gardé ses couleurs
Bleu, blanc, rouge, avec l´espoir
elle a fleuri,
Fleur de Paris
Le paysan la voyait fleurir dans ses
champs
Le vieux curé l´adorait dans un ciel
tout blanc
Fleur d´espérance
Fleur de bonheur
Tout ceux qui se sont battus pour
nos libertés
Au petit jour devant leurs yeux l'ont
vu briller
La fleur de France
Aux trois couleurs
C´est une fleur de chez nous
Elle a fleuri de partout
Car c´est la fleur du retour
Du retour des beaux jours
Pendant quatre ans dans nos
cœurs
Elle a gardé ses couleurs
Bleu, blanc, rouge, elle était
vraiment avant tout
Fleur de chez nous
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