LA CHANSON DE VARIÉTÉ SOUS L'OCCUPATION
Il semble certain que « la chanson de la Résistance » ou « la chanson de l’Occupation » n’existe
pas en tant que telle . On a chanté aussi bien à Vichy et dans les milieux de la collaboration, en
zone occupée et en zone libre, à Paris et en province, à Londres, dans les maquis... et même dans
les stalags. On a chanté dans les cabarets, les boites de nuit, les music-halls..., au théâtre lyrique,
à la radio, au cinéma...
L’ambiguïté qui caractérise les positionnements des Français sous l'Occupation ne permet pas de se
rendre compte de toutes les motivations. Résistance et collaboration, indifférence même, sont un jeu de
nuances, de l'action consciente aux hasards de la vie, qui peuvent entraîner vers de nouvelles rives !
Haine de l'Allemand avec accommodation à la présence de l'Occupant est une attitude non des moins
fréquentes ni des moins équivoques.
Dans une telle situation, tout acte et non-acte, toute parole ou tout silence prend une signification nouvelle.
Ainsi, en temps de guerre, la chanson prend une résonance particulière. Ce qui, en temps normal, peut
être considéré comme anodin ou insipide, se charge alors d'un pouvoir symbolique. Ceci est valable
autant pour les paroles que pour les thématiques et pour les musiques ! Si en temps de paix, « l'évasion »
sous ses multiples facettes paraît même constitutive du genre, elle devient moralement contestable dans
une situation d'oppression.
Cela explique pourquoi on aurait tant aimé que toute chanson de variété sous l'Occupation soit un
« Chant des partisans »...
Au lendemain de la capitulation, la France n’a pas le cœur à quelque réjouissance soit-elle, sauf peut-être
celle de se dire que la guerre est finie !
Il faut garder à l'esprit une singularité dont la France vaincue bénéficie par rapport aux autres pays
occupés et annexés par l'Allemagne. La France garde un semblant d'autonomie en conservant un
« État » propre, avec un gouvernement, une police et une armée (limitée en nombre d'hommes, sans
aviation ni blindés ni armes lourdes, bien entendu).
Très vite, les traumatismes de la défaite passés, chacun va donc essayer de retrouver une vie normale,
en se disant, peut-être pour se rassurer, qu’après tout l’occupant n’est pas si terrible que ça !
Mais bien vite, la cohabitation forcée va prendra une autre saveur, avec un Occupant omniprésent et
prétentieux, méprisant, contraignant le citoyen français à des privations de plus en plus insupportables !
Dans cette atmosphère singulière, les Français vont essayer, malgré tout, de garder le sourire, de
s’amuser et de chanter quand même !
Pas tous, bien entendu... et pas tous les jours non plus !
Alors ? Fallait-il, ou ne fallait-il pas chanter ?
Non ! Ont dit certains : Il faut conserver un minimum de dignité, au regard des autres pays occupés qui
ont fermé leurs restaurants et leurs salles de spectacles !
Oui ! Ont dit les autres : Et qui oserait leur reprocher de le faire ! Cela sous le seul point de vue moral
s’appuyant sur l’idée que la nation doit s’arrêter de vivre et faire vœu de silence après la défaite de juin
1940 ?
Alors ceux-là ont continué, malgré ou à cause de cette défaite, de l’Occupation, des privations et des
peurs, de chanter et de s’amuser, de (se) donner et prendre du bon temps – innocents ou suspects
suivant le cas – sans se douter qu’un jour, cette volonté de (sur)vivre leur serait reprochée !