auteurs proposaient déjà une démarche pour intégrer la sécheresse récurrente qui caractérise le climat tunisien
comme élément à prendre en compte dans la politique agricole et dans la planification.
L'impact des changements climatiques est réel
Près de 30 ans plus tard et alors que depuis le début des années 1990, les Conventions et les réunions des
Nations Unis ainsi que les rapports des experts ont reconnu le changement climatique (CC) comme un
phénomène inéluctable, la Tunisie reste toujours sans une stratégie claire de lutte ou plutôt d'adaptation à la
sécheresse. Ceci alors qu'un consensus s'est dégagé pour reconnaître que des pays comme la Tunisie
connaissent déjà les signes avant coureurs de l'impact du CC, avec une aridification du milieu et une
aggravation des phénomènes extrêmes, notamment une augmentation de la fréquence de la sécheresse.
Dans les faits, face à un phénomène comme la sécheresse, il est illusoire de lutter, mais il faut au contraire
s'adapter et mettre en place des stratégies qui améliorent la résilience des systèmes de production agricole au
lieu de s'évertuer à une lutte qui ne fait que fragiliser les producteurs et leurs exploitations et réduire leur
capacité de résilience.
En effet, l'aridité du milieu et les épisodes de sécheresse sont une caractéristique du climat tunisiens et les
agriculteurs ont développé depuis la nuit des temps des stratégies d'adaptation qui leur permettent de passer
sans trop de dégâts les années de sécheresse, sans pour autant, il faut le reconnaître, que cela ne soit sans
conséquence sur les populations les plus vulnérables.
Ces stratégies, dont nous avons recensé un certain nombre dans un article paru en 2005, ont montré leur
efficacité et surtout leur adaptation aux conditions naturelles et au contexte économique du pays. Elles passent
principalement par la diversification des productions (association entre olivier, élevage ovin, céréaliculture,
techniques de collecte des eaux de ruissellement, etc.), par le choix d'espèces et de variétés rustiques et par la
mobilité du cheptel et la pluriactivité des chefs d'exploitation.
Des stratégies de lutte... dans les tiroirs
Les pouvoirs publics, ont depuis le début des années1980, et chaque fois qu'une sécheresse sévère sévit dans le
pays, mis en place de «stratégies de lutte» contre la sécheresse avec notamment la mise en place d'actions
ciblant les éleveurs par la distribution d'aliment de bétail (orge notamment) et par l'incitation à l'irrigation de
complément sur les céréales et de sauvegarde pour les plantations oléicoles.
Ces stratégies se sont traduites pour le cheptel par le gonflement de la taille de ce dernier et par l'aggravation
de sa dépendance par rapport aux aliments achetés sur le marché. Ainsi la taille du cheptel ovin et caprin
tunisien n'a cessé depuis le milieu des années 1980 de croître pour atteindre environ 6 millions de têtes contre
seulement 4 millions en début de période, entraînant dans son sillage l'accroissement des importations
d'aliment de bétail et notamment de l'orge dont la facture grève la balance alimentaire du pays.
En ce qui concerne l'arboriculture et notamment l'olivier cela a encouragé le développement des plantations
dans des milieux peu favorables à cette culture, notamment dans le sud tunisien en dehors des aménagements
traditionnels de jessours et tabias qui permettent une adaptation remarquable aux conditions sévères de ces
régions et témoignent d'un savoir faire ancestral d'adaptation.
Ces actions restent donc dominées par le caractère conjoncturel des réponses apportées à la situation de crise
qui résultent de la sécheresse, sans pour autant se donner les moyens d'instaurer un cadre permanent de suivi,
d'alerte et de réaction à la sécheresse. Bien au contraire, dès que la sécheresse est passée, les anciennes
pratiques reprennent, jusqu'à la sécheresse suivante face à laquelle on se retrouve de nouveau démuni d'une
vraie stratégie d'adaptation.