
À l’inverse, l’Allemagne, et la plupart des pays à industrialisation tardive, sont dominés
par les grands groupes
Alexander Gerschenkron, dans Economic Backwardness in Historical Perspective, met en
évidence l’importance des grandes entreprises dans le décollage des pays « retardataires » ;
ainsi, le décollage russe, postérieur à 1890, repose sur les grandes entreprises à forte intensité
capitalistique : 50% des ouvriers russes travaillent dans des firmes de plus 1000 salariés !
De même, en Allemagne, on constate un formidable essor de la concentration, sous toutes ses
formes, parallèlement au démarrage des années 1830-1880, essor facilité par les mesures
engagées par le gouvernement, comme la loi de 1904. Celle-ci donne la possibilité aux
entreprises juridiquement indépendantes de rallier des communautés d’intérêt : les
« Interessengemeinschaft », instituant de ce fait des relations synergiques entre cartels
industriels, banques, laboratoires de recherche, milieux politiques…, d’où le développement
d’un capitalisme oligopolistique, que Perroux désigne par « capitalisme de grandes unités »,
que Chandler nomme « Capitalisme gestionnaire ».
2. Cette cartellisation a certes des avantages…
Avantages économiques
La cartellisation allemande présente de nombreux avantages, au niveau économique :
- Elle est à l’origine d’économies d’échelle, c’est-à-dire d’une répartition des coûts fixes
sur une quantité plus importante de production. Cet étalement des coûts fixes, résultat
de la concentration technique, a des incidences sur le profit des unités de production, à
deux égards. D’une part, il induit des économies d’échelle « statiques », lesquelles
offrent les avantages d’une production en grand, d’autre part, il est à l’origine
d’économies d’échelle « dynamiques », dans la mesure où il contribue à diminuer le
coût unitaire de production.
- Les baisses de coût de production permettent d’augmenter les parts de marché et de
résister à la concurrence imposée par les marchés extérieurs
- Elle favorise l’essor de « champions nationaux », capables de s’affirmer sur la scène
internationale : volonté d’acquérir une position dominante
- Elle permet la mise au point de stratégies de prix lorsque les marchés
sont oligopolistiques ou monopolistiques, ce qui contribue à accroître le profit des
entreprises, lequel peut être répercuté sur les salaires, la consommation…( attention :
dépend des priorités des entreprises !) : ententes sur les prix
- Elle permet d’atteindre la « taille critique », d’amortissement des coûts et favorise
l’essor du progrès technique
- Elle conduit à une diminution du coût marginal de production, par les effets
d’apprentissage
- Elle réduit le coût de transaction
- Réponse des producteurs face à la présence de surcapacités de production, dans des
domaines comme le charbon, l’acier : on s’organise pour les optimiser (exemple :
Ruhr : quasi-totalité de la production de charbon allemande )
Avantages socio-historiques
Outre les effets positifs exercés sur la sphère économique, le phénomène de cartellisation est
motivé par des raisons d’ordre idéologique, mis en évidence par Rosier et Dockès :
- La division du travail que permet la cartellisation a pour effet de déposséder les
travailleurs de leur travail et de les « isoler » dans leur tâche respective, ce qui laisse
les chefs libres (Stephen Marglin : « diviser pour mieux régner » )
- Remet en cause la concurrence, souvent considérée comme la source des inégalités
entre les pays du « Early Start » et les autres
Ces avantages, nous le voyons, concernent principalement les employeurs !!!