Forces et faiblesses de la cartellisation en Allemagne

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Forces et faiblesses de la cartellisation en Allemagne
Cartellisation : Processus par lequel un bureau central se substitue aux entreprises pour
certaines fonctions, par exemple la commercialisation, la répartition des commandes, la
recherche… Celles-ci sont en fait gérées par des « gestionnaires », des « managers », non par
les propriétaires des moyens de production ; ce processus donne naissance à des Cartels,
ententes d’entreprises sur une même branche industrielle, chacune d’elles conservant son
identité juridique. Les Cartels sont à distinguer des Trusts, lesquels désignent le regroupement
de toute une filière de production sous une direction commune, à l’image des Konzerns
allemands (une identité juridique commune).
Le processus de cartellisation s’inscrit dans le phénomène de concentration, processus par
lequel la taille des unités de production s’accroît, renforçant de ce fait le poids relatif des plus
grosses unités.
Forces : Avantages, effets positifs, envisagés à la fois pour les entreprises « cartellisées », que
ce soit du point de vue financier, économique ou technique, mais également pour les salariés,
les consommateurs, et plus généralement pour le système capitaliste.
Faiblesses : Inconvénients, effets négatifs, tant du point de vue de la croissance que de la
concurrence ou encore des rapports humains…
En Allemagne : Economie allemande fortement influencée par le processus de concentration
en général, par le phénomène de cartellisation en particulier : économie « cyclique »,
dépendante des différentes « phases » de cartellisation.
Pour Asselain, l’Allemagne est « le premier pays d’Europe à avoir connu la formation de
véritables empires industriels ».
Quels ont été les effets de la cartellisation en Allemagne ?
1. La cartellisation allemande a lieu dans un contexte international
relativement hostile aux concentrations, considérées comme la
négation des principes de concurrence mis en évidence par le modèle
de concurrence pure et parfaite ; il s’agit de ce fait d’une
« originalité ».
Un contexte général hostile aux concentrations de tout genre
Dans les pays du « Early Start », ayant connu une industrialisation précoce ( fin 18ème et début
19ème), le mode dominant de régulation est fondé sur le système concurrentiel, c’est-à-dire
reposant sur un nombre foisonnant de petites entreprises, et ce, dans le respect des principes
de la concurrence. A ce titre, les gouvernements anglo-saxons prennent des mesures, dans le
but de casser les trusts et les cartels (pools), comme en témoignent les différentes lois votées
au cours des 19ème et 20ème siècle : en Grande-Bretagne, en 1873, les « Railway Commission »
veillent à ce que les compagnies ferroviaires ne maintiennent pas des prix démesurément
élevés, mais respectent les règles de la concurrence ; aux USA, en 1890 et 1914 sont
respectivement votées le « Sherman Act » et le « Clayton Act », visant à réduire les
concentrations ; par ailleurs, en 1911, la Cour suprême, sous Taft, successeur de Roosevelt,
prononce trois arrêts dissolvant la « Standard Oil »,l’ « American Tobacco Cy » et « Du Pont
de Nemours ».
À l’inverse, l’Allemagne, et la plupart des pays à industrialisation tardive, sont dominés
par les grands groupes
Alexander Gerschenkron, dans Economic Backwardness in Historical Perspective, met en
évidence l’importance des grandes entreprises dans le décollage des pays « retardataires » ;
ainsi, le décollage russe, postérieur à 1890, repose sur les grandes entreprises à forte intensité
capitalistique : 50% des ouvriers russes travaillent dans des firmes de plus 1000 salariés !
De même, en Allemagne, on constate un formidable essor de la concentration, sous toutes ses
formes, parallèlement au démarrage des années 1830-1880, essor facilité par les mesures
engagées par le gouvernement, comme la loi de 1904. Celle-ci donne la possibilité aux
entreprises juridiquement indépendantes de rallier des communautés d’intérêt : les
« Interessengemeinschaft », instituant de ce fait des relations synergiques entre cartels
industriels, banques, laboratoires de recherche, milieux politiques…, d’où le développement
d’un capitalisme oligopolistique, que Perroux désigne par « capitalisme de grandes unités »,
que Chandler nomme « Capitalisme gestionnaire ».
2. Cette cartellisation a certes des avantages…
Avantages économiques
La cartellisation allemande présente de nombreux avantages, au niveau économique :
- Elle est à l’origine d’économies d’échelle, c’est-à-dire d’une répartition des coûts fixes
sur une quantité plus importante de production. Cet étalement des coûts fixes, résultat
de la concentration technique, a des incidences sur le profit des unités de production, à
deux égards. D’une part, il induit des économies d’échelle « statiques », lesquelles
offrent les avantages d’une production en grand, d’autre part, il est à l’origine
d’économies d’échelle « dynamiques », dans la mesure où il contribue à diminuer le
coût unitaire de production.
- Les baisses de coût de production permettent d’augmenter les parts de marché et de
résister à la concurrence imposée par les marchés extérieurs
- Elle favorise l’essor de « champions nationaux », capables de s’affirmer sur la scène
internationale : volonté d’acquérir une position dominante
- Elle permet la mise au point de stratégies de prix lorsque les marchés
sont oligopolistiques ou monopolistiques, ce qui contribue à accroître le profit des
entreprises, lequel peut être répercuté sur les salaires, la consommation…( attention :
dépend des priorités des entreprises !) : ententes sur les prix
- Elle permet d’atteindre la « taille critique », d’amortissement des coûts et favorise
l’essor du progrès technique
- Elle conduit à une diminution du coût marginal de production, par les effets
d’apprentissage
- Elle réduit le coût de transaction
- Réponse des producteurs face à la présence de surcapacités de production, dans des
domaines comme le charbon, l’acier : on s’organise pour les optimiser (exemple :
Ruhr : quasi-totalité de la production de charbon allemande )
Avantages socio-historiques
Outre les effets positifs exercés sur la sphère économique, le phénomène de cartellisation est
motivé par des raisons d’ordre idéologique, mis en évidence par Rosier et Dockès :
- La division du travail que permet la cartellisation a pour effet de déposséder les
travailleurs de leur travail et de les « isoler » dans leur tâche respective, ce qui laisse
les chefs libres (Stephen Marglin : « diviser pour mieux régner » )
- Remet en cause la concurrence, souvent considérée comme la source des inégalités
entre les pays du « Early Start » et les autres
Ces avantages, nous le voyons, concernent principalement les employeurs !!!
3. Ses nombreuses limites conduisent à remettre en cause le mode de
régulation dominé par les oligopoles et monopoles et à instituer un
contrôle étroit des processus de concentration en général.
Inconvénients « réels »
Plusieurs faits témoignent de la relative « faiblesse » de la cartellisation en Allemagne
(faiblesse dans le sens d’aspect négatif, pas dans celui d’événement mineur : fin XIX° :
cartellisation prédominante !!!)
- Le prix d’acquisition des entreprises est mal apprécié, en général surévalué, dans la
mesure où les entreprises rachetées ou associées mettent en valeur leurs atouts plutôt
que leurs défauts, ce qui conduit à quelques « désillusions », source de
dysfonctionnements
- Le pouvoir est concentré aux mains des gestionnaires et non des actionnaires,
propriétaires des moyens de production, d’où une certaine « ingérence », à l’origine de
conflits
- La concurrence est démesurément bafouée
Soucis idéologiques
La cartellisation se développe dans des périodes de dépression (phase B des cycles de
Kondratiev), en particulier lors de la « Grande Dépression » des années 1873-1896 ; ainsi, les
cartels (pools) sont vus comme les « enfants des mauvais jours » : le nombre de concentration
est passé de 90 en 1885 à 345 en 1897 !
Par ailleurs, les théories de l’économie sociale de marché se développent en réaction contre la
cartellisation « forcée » du IIIème Reich.
En fait, le phénomène de cartellisation s’étant développé parallèlement à l’avènement du
Reich hitlérien, il s’en est suivi une vague de contestation à l’égard de ce processus, assimilé à
« l’ère hitlérienne ».
Dès 1945, les Alliés condamnent les Cartels, qu’ils considèrent comme la négation des
principes démocratiques
1957 : Loi contre les limitations de la concurrence, votées sous l’impulsion de Ludwig
Erhard, et création de l’Office des Cartels, chargé de leur application ( en fait, chargé de les
surveiller, de les contrôler ).
Conclusion
Le phénomène de cartellisation, en Allemagne, dans une certaine mesure opposé à la tendance
générale, comporte des avantages liés à la répartition des tâches et à la spécialisation que cette
répartition facilite ; cependant, elle présente des limites, de nature économique, mais surtout,
idéologique.
Phénomène à replacer dans son contexte
-effet positif pour rattrapage
-effet négatif pour concurrence
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