qui débarquent au compte-gouttes et les vaines promesses de gains futurs des partenariats signés avec les
gouvernements étrangers. Mais que ne ferait-on pas pour conserver son poste à la tête d'un secteur qui n'a pas
cessé d'afficher une croissance continue, florissante même et qui se retrouve brutalement exposé au risque des
attentats et de l'insécurité. Alors le peu d'industriels du tourisme qui résistent nagent péniblement avant d'être à
leur tour attirés par le fond.
Qui pourrait motiver ces 10.000 visiteurs inattendus et apparemment peu exigeants à venir en Tunisie «à l'insu
de leur plein gré»? On sait tous que les principales raisons pour lesquelles les Chinois voyagent c'est pour
essentiellement pour visiter les pays d'Occident qui leur furent longtemps fermés en se procurant au passage
des produits de luxe réputés pour leur qualité et leur authenticité. Il est même question de «folie du shopping»
des Chinois en Europe, aux Etats-Unis et au Japon: vêtements, sacs, cosmétiques, montres, alcools, ont
beaucoup de valeur à leurs yeux et permettent aux plus jeunes d'entre eux d'affirmer leur statut social et leur
succès.
Chercher les touristes jusqu'en Chine
Chaque pays visité est également réputé pour ses paysages, ses terroirs, son raffinement, sa gastronomie, ses
musées et sa culture. En revanche on trouve plus grand-chose en Tunisie. L'univers de la création artisanale, du
savoir-faire local, de l'éthique professionnelle et de la qualité n'y sont plus des critères importants et ont
quasiment disparu. C'est plutôt des produits de contrefaçon fabriqués en Chine, et qui inondent notre marché,
que le visiteur chinois risque de se voir proposer.
On voit donc difficilement ce qui pourrait les inciter à venir et s'enthousiasmer à l'idée de visiter un pays qui
vit l'état d'urgence permanent, et dans lequel des attentats terroristes ont coûté, cette année, la vie à plus d'une
cinquantaine de touristes étrangers.
Ces visiteurs Chinois mandatés par leur Etat craignent-ils moins la mort que les Européens? Possèdent-ils la
faculté de résister à tout? Sont-ils si indifférents au malheur? C'est que dans leur culture on n'a pas à se réjouir
de la vie, comme on n'a pas à se sentir contrarié par la mort. Celle-ci n'est qu'un processus naturel régi par une
loi objective qui fait que personne ne peut fuir la mort quels que soient les efforts qu'il puisse déployer.
Des «commandos» de touristes iraniens
Quant à l'Iran, qui s'est engagé à son tour par un accord dûment signé et paraphé à nous livrer des volontaires
qui viendront en touristes alors que leurs concitoyens meurent en Syrie, ils seraient à leur tour insoucieux des
vicissitudes de l'avenir et rempliront nos hôtels en pensant à autre chose qu'à la mort, comme celle qui a fait
464 victimes parmi les pèlerins iraniens lors de la bousculade de la Mecque. Mais quelle que soit
l'appréhension qu'ils aient envers la manière dont on meurt, le fait de la mort reste pour eux un fait certain. Car
lorsqu'on arrive d'un pays où les distractions sont rares, la mixité impitoyablement réglementée, l'existence des
merveilles dans un monde qui leur reste interdit et qu'on aspire avidement à une liberté qui leur est déniée,
risquer sa vie en voyageant devient alors tout à fait relatif.
Laissons de côté les effets du terrorisme sur cette activité et passons aux atouts qu'un pays de tourisme est
appelé à offrir aux visiteurs étrangers. Jusque-là notre marché était essentiellement composé d'une clientèle à
dominante européenne, accessoirement algérienne, sans oublier les Tunisiens de l'étranger. Sauf que toute
culture vit d'échanges, c'est-à-dire de différences. Et plus les ressources échangées sont homogénéisées, moins
les curieux se pressent au portail. La planétarisation des techniques et des marchés, qui a véhiculé des
rationalités à prétention universelle, a aussi produit une uniformisation des modes de vie. Alors les vraies
destinations se doivent d'exprimer la nostalgie de paysages perdus, de l'ailleurs, de nouveaux espaces
d'échanges et l'aspiration à des formes de vie qui ne soient pas laminées par l'uniformité du marché.