
Les organisations internationales, comme l’ONU, l’OMC ou la Banque Mondiale, ont
compris tout le regain de légitimité qu’elles pouvaient tirer des ONG. La théorie de la
gouvernance qui règne au sein des organisations internationales publiques, s’appuie sur la
société civile pour remplacer ou renforcer l’État. Mais, comme le fait remarquer John
Brown, la société civile “est précisément cet ensemble de relations dans lequel les individus
ne sont pas des citoyens, mais de simples vecteurs d’intérêts particuliers. On est citoyen
qu’en tant que membre du peuple souverain" (Brown 6: 2001). L’ONU, L’OMC ou l’UE
par exemple, disent tenir compte des avis de la société civile surtout depuis le sommet de
Seattle en 1999. Or, lorsqu’ils tiennent des discours sur cette dernière, ils pensent surtout
aux organisations représentant les intérêts des entreprises privées (les BINGOS) et aux
associations qui les représentent. Pour le sommet de l’OMC de Doha en 2001, les ONG et
les syndicats ne s’élevaient pas à plus du tiers, parmi des représentants de la société civile,
tandis que les autres associations représentaient les intérêts des ETN.
On observe en effet une lutte idéologique, autour du concept de société civile, visant
notamment à gagner “la bataille” pour une nouvelle forme de direction politique
démocratique mondiale. Actuellement pour le sens commun, la société civile englobe
l’ensemble du champ social et économique. Y sont présents aussi bien les ONG, les
syndicats et les associations (culturelles, sportives...) que les acteurs économiques (salariés,
chefs d’entreprise...). Mais les organisations internationales de l’ONU ou de l’OMC
intègrent les représentants des entreprises dans le concept de société civile.
“La société civile, dans cette conception, signifie prendre en compte prioritairement le
monde de l’entreprise sur celui des associations citoyennes” selon Houtard (1998: 14).
Le terme de société civile nuit à une lecture claire des enjeux politiques, dans la mesure
où il recouvre des classes différentes et en conflit. Au sein de la société civile au sens de
Gramsci luttent donc différents acteurs afin de conquérir l’hégémonie idéologique et
politique et pour la défense des plus défavorisés. Nous les qualifierons pour notre part
d’associations civiques (ONG notamment), d’associations de travailleurs et de mouvements
sociaux.
Le partenariat avec la société civile se substitue à la souveraineté populaire
D’un point de vue lexical, théorique et politique on relèvera que la notion de société
civile se substitue souvent à celle de peuple et celle de souveraineté à partenariat (Gobin,
2002 : 157-169). Le Global Compact a été crée par l’ONU en 2001. C’est un partenariat
avec les entreprises dans lequel elle s’engage à faire respecter les normes fondamentales de
l’environnement, les droits de l’homme et du travail (droit syndical, interdiction du travail
des enfant...). Ce n’est plus les seuls représentants du peuple qui décident des lois, mais les
entreprises en partenariat avec l’ONU. De plus l’ONU dispose de la capacité d’exercer une
régulation contraignante, mais elle choisit de ne pas en user et préfère se limiter à
l’incitation fondée sur un engagement moral.
Même si elles n’appliquent pas le Global Compact, les entreprises disposent du droit de
placer le logo de l’ONU, sur leurs documents publicitaires. De plus, soutenir ainsi certaines
ETN, peut se révéler nuisible pour l’image, la crédibilité et même la légitimité de l’ONU.
Les Nations Unies ont autorisé les ETN Nike et Shell à se joindre aux entreprises adhérant
au Global Compact. Or leurs exactions (non respect de la limite du temps de travail, travail
des enfants...) dans ces domaines ont été observées à plusieurs reprises notamment par la
CCC européenne (1998).