FROM LES ENCLAVES
BARON MICHEL DE BRAWNEY
GRAND PRIX ACADEMIE DE PROVENCE
2002 Chapitre 33
Aux éternels intellectuels ou présumés tels
Qui régentent la pensée et courtisent le bel
L'ACADEMICIEN
Bien que liquéfié par ses ans culés
1
, l’académicien
savait passion garder. Sa seule déraison ? Il vouait au
preux chevalier que fut le fougueux Bertrand un culte
immodéré.
Toussotant, crachotant, fumant tel Gainsbourg, il
déclama hommage peu gourd aux guerriers sages :
Estoc d’honneur et arbre de vaillance,
Cœur de lion épris de hardement,
La fleur des Preux et la gloire de la France.
Puis il retraça l'existence d'extrême vaillance, après
une enfance emportée, du fier chevalier. Vie d'honneur et
légende qui le fit surnommer “ l’aigle de Brocéliande “ :
" à La Motte Broons, près Dinan entre 1315 et
1320 Mort à Châteauneuf de Randon en 1380.
Chevalier adoubé en 1357. Connétable de France
et d’Espagne (1370). Roi de Grenade, duc de Molina et de
Soria. Lieutenant Général de Normandie. Comte de
Longueville.
Enterré à Saint Denis. Probablement admis au
paradis où la vie est amène. Amen."
1
Culés : passés, en arrière. Terme de marine.
L’Académicien
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Ce résumé lapidaire lui permit de faire taire la
pneumonie qui préparait ses glaires pour l'étouffer sans
bruit. En un éclair, il descendit la fiasque d'eau de vie
discrètement transvasée dans une bouteille de lait. S'en
trouvant tout ragaillardi, quoiqu'une larme étourdi, il reprit
avant que l'assistance ne sombre en somnolence :
" Dès l’âge de 17 ans, Du Guesclin présente un
aspect formidable. Jambes courtes et noueuses. Torse
puissant. Epaules incroyables de largeur. Bras musclés
interminables. Visage d’une laideur à faire peur. Jeunesse
turbulente. Souvent enfermé en soupentes du château
paternel. Médiocre scolarité et perpétuelles bagarres avec
camarades et valets. S'échappa de la geôle en enjôlant la
servante venue lui porter son dîner. Se réfugia chez son
oncle de Rennes. Alla au tournoi Allah était roi.
Emprunta un harnais anonyme. Triompha des plus
valeureux chevaliers. Pour sa dernière joute, connut le
doute. Reconnut in extremis l'écu de son père en lice.
Noblement inspiré, jeta sa lance à terre en hommage et
soumission
2
".
Ce style télégraphique, à faire fantasmer une rodée
préposée érodée au clavier, eut le mérite unique de faire
sursauter sans discontinuer les auditeurs à chaque envolée
du phraseur. Et cette gymnastique impromptue leur fut
viscéral début d’un indu transit intestinal. D'où il appert
que tout grand-père s'avère meilleur docteur que les
apothicaires prospères.
Et le thérapeute improvisé d'enchaîner entre deux
hoquets parfumés aux quetsches macérées :
" Il courut sus à l'Anglois, à la mort de Jean III,
duc de Bretagne. Lequel ne prévint personne qu'il lâchait
sa couronne, en l'an mil trois cent quarante et un, pour
2
Source Atlas, Inexpliqué.
L’Académicien
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sucrer, à Dieu ne plaise, les fraises. On imagine aisément
la jolie pagaille qui s'ensuivit. Car le décédé sans succès
était sans successeur sur son duché de valeur.
L’interminable guerre de succession anima la
Saison.
Jean de Montfort et les Anglais ferraillèrent contre
Charles de Blois et ses Français. Du Guesclin, avec ses
bandes, en la forêt sacrée de Brocéliande, rejoua Robin
des Bois, multiplia les embuscades, pimenta comme
muscade les futurs cuiseurs infâmes de la bergère Jeanne.
Lesquels inventèrent le bain-marie : la Pucelle, attendrie
par la sueur de ses aisselles, fit vapeur en son armure-
faisselle.
Bertrand infligea moult cuisantes défaites aux
anglaises assiettes, investit le château de Fougeray avec
ses compagnons déguisés en bûcherons
3
, défit en 1350
maux Bemborough, délivra Rennes des frasques du duc de
Lancastre, écrasa les Navarrais rebelles à Cocherel.
N'ayant plus ni Anglais ni sangliers à se mettre
sous la dent, il courut sus à l'espagnol ardent. Envopar
Charles V pour réduire Pierre le Cruel de Castille et
investir Henri de Trastamare à Séville, il en profita pour
débarrasser la France des assassines Compagnies qui
ravageaient le pays. D’abord prisonnier à Navarette
4
, il
remporta à Montiel une victoire complète.
Plus chargé d'honneurs qu'un congolais empereur
auto-proclamé, il s'attacha à libérer la France : la situation
se détériorait. Sa guerre acharnée fut ponctuée de superbes
victoires : Maine, Poitou, Guyenne, Saintonge.
5
3
Cf Francesco Malizia Grimaldi à Monaco( 8/01/1297).
4
1367.
5
Maine : 1370. Poitou : 1372-1373. Saintonge : 1374.
L’Académicien
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Mais les Parques jalouses et cruelles guettent les
héros éternels : Bertrand fut pris de fièvres au siège de
Châteauneuf-de-Randon
6
. Il s’alita, trépassa le temps d'un
Ave Maria.
On cessa les combats pour honorer ce preux pris là.
Le royaume pleura abondamment ce vaillant sage.
Ses ennemis lui rendirent hommage en déposant en gage
leurs clefs de cité sur son linceul de preux guerrier. Il
repose à Saint-Denis près de sa Monarchie. Son inégalé
charisme annonçait déjà une héroïne sublime : dans trois
décennies brûlerait l’immortelle Pucelle de Domrémy. "
Après l'apologie de ce héros sacré, l'académicien,
ragaillardi par une nouvelle tétée de brandy sertie en
biscuit au cherry, évoqua un sujet ignoré par nos iniques
républiques, les monarchies spontanées. Il cita deux cas
frappants qui retinrent son attention lors d'un séminaire à
Eton, Angleterre : l'Empire Aztèque et la Principauté de
Hutt River.
Si vous vous promenez en Andorre, principauté
gouvernée par la France et l’Espagne
7
, vous apercevrez
sur un bel immeuble une plaque armoriée qui indique
Chancellerie de la Couronne Aztèque “
8
Allons bon, le serpent à plumes est de retour.
Comme vous n’êtes pas herpétologue, mais simplement
curieux, voici l’histoire extraordinaire de l’héritier de
l’Empire Aztèque.
6
1380.
7
Les co--princes sont l’évêque d’Urgel et le président de la
République Française.
8
Pierre Sourbes, l’héritier de l’empire aztèque. et histoires pour
tous”, Rouff.
L’Académicien
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Le 30 juin 1520, le conquistador Hernan Cortes a
soumis l’empire aztèque.
à Medellin en Estramadure dans l'année 1485,
il est âgé de trente cinq ans lorsqu’il capture l’empereur
Moctézuma II. La retraite de Tenochtitlan et la décisive
bataille de nuit qui demeura dans l’histoire de l’empire
sous le vocable de “ Noche Triste “
9
ont scellé le destin de
cette civilisation.
Cortès affirme dans son rapport qu’il emmena avec
lui le fils et les deux filles de Moctézuma. A leur mort, la
dynastie semble éteinte, mais simplement dort. Car les
Empereurs de l'Anahuac ont plusieurs épouses,
l’Impératrice, la Reine, et des concubines par douze.
Chacune lui donne de beaux enfants qui suivent l’ordre de
préséance pour une succession immense. La lignée
décimée ne disparaît avec les enfants impériaux car les
héritiers royaux demeurent. Les dynasties européennes ont
amplement prouvé au fil des siècles que la monarchie ne
sombre pas sans héritiers directs. Preuve est fournie par la
française qui connut Mérovingiens, Capétiens, Bourbons,
Valois et Orléans...
Dix ans plus tard, les conquérants du Mexique
rentrent en royaume ibérique. Un jeune noble nommé
Pedro de Grau, seigneur de Val de Gallego, voisin de la
vallée d’Andorre assure son sort. Il avait réussi à infiltrer
l’expédition purement castillane de Cortès alors qu’il était
sujet de confesse et de religion du roi d’Aragon.
S'étant brillamment comporté en campagne, il
rencontra sa compagne et épousa la princesse Telicuatzin,
fille cadette de Moctézuma II. Tous deux rallient le manoir
familial de Toloriu, accompagnés par l’aînée des
9
450 espagnols en fuite et 4000 indiens périrent dont les enfants
supposés de Moctézuma.
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