L’Académicien
Ce résumé lapidaire lui permit de faire taire la
pneumonie qui préparait ses glaires pour l'étouffer sans
bruit. En un éclair, il descendit la fiasque d'eau de vie
discrètement transvasée dans une bouteille de lait. S'en
trouvant tout ragaillardi, quoiqu'une larme étourdi, il reprit
avant que l'assistance ne sombre en somnolence :
" Dès l’âge de 17 ans, Du Guesclin présente un
aspect formidable. Jambes courtes et noueuses. Torse
puissant. Epaules incroyables de largeur. Bras musclés
interminables. Visage d’une laideur à faire peur. Jeunesse
turbulente. Souvent enfermé en soupentes du château
paternel. Médiocre scolarité et perpétuelles bagarres avec
camarades et valets. S'échappa de la geôle en enjôlant la
servante venue lui porter son dîner. Se réfugia chez son
oncle de Rennes. Alla au tournoi où Allah était roi.
Emprunta un harnais anonyme. Triompha des plus
valeureux chevaliers. Pour sa dernière joute, connut le
doute. Reconnut in extremis l'écu de son père en lice.
Noblement inspiré, jeta sa lance à terre en hommage et
soumission
".
Ce style télégraphique, à faire fantasmer une rodée
préposée érodée au clavier, eut le mérite unique de faire
sursauter sans discontinuer les auditeurs à chaque envolée
du phraseur. Et cette gymnastique impromptue leur fut
viscéral début d’un indu transit intestinal. D'où il appert
que tout grand-père s'avère meilleur docteur que les
apothicaires prospères.
Et le thérapeute improvisé d'enchaîner entre deux
hoquets parfumés aux quetsches macérées :
" Il courut sus à l'Anglois, à la mort de Jean III,
duc de Bretagne. Lequel ne prévint personne qu'il lâchait
sa couronne, en l'an mil trois cent quarante et un, pour
Source Atlas, Inexpliqué.