Rencontre Internationale Saint-Laurent-sur-Sèvre 2004
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« DE RICHE QU’IL ETAIT, DIEU SEST FAIT PAUVRE »
Enseignement du Frère Jean Bulteau, fsg.
Introduction
Trois remarques :
1. Les organisateurs de cette rencontre internationale montfortaine m’ont demandé de
développer un thème auquel ils ont eux-mêmes donné le titre suivant : « De riche qu’il
était, Dieu s’est fait pauvre ». Ce titre fait référence à un passage de la Parole de Dieu,
dans la deuxième Lettre de saint Paul aux Corinthiens. Au chapitre 8 de cette lettre, Paul
parle d’une collecte en faveur de l’Eglise de Jérusalem appauvrie par la famine. Cette
collecte, les chrétiens de Corinthe en ont eu eux-mêmes l’initiative… pour les
autres Eglises. Les Eglises de Macédoine y ont déjà répondu en contribuant avec une très
grande générosité, au delà des espérances de Paul (v.5), malgré leur pauvreté extrême (v. 2).
Paul demande donc aux Corinthiens de participer eux aussi à cette collecte et, pour cela,
il leur envoie Tite son compagnon. Voici ce qu’il leur écrit : « Puisque vous avez de tout
en abondance, foi, éloquence, science et toute sorte de zèle et d’amour que vous avez reçu
de nous, ayez aussi en abondance de la générosité en cette occasion. Je ne le dis pas
comme un ordre ; mais en vous citant le le des autres (le zèle des Eglises de
Macédoine), je vous permets de prouver l’authenticité de votre charité. Vous connaissez
en effet la générosité de notre Seigneur Jésus Christ qui, pour vous, de riche qu’il était,
s’est fait pauvre, pour vous enrichir de sa pauvreté » (v. 7-9).
2. Puisqu’on me demande d’exposer ou de commenter un extrait de la Parole de Dieu, je
vous propose de faire de ce temps passé ensemble un temps de méditation ou de
contemplation. Et nous prenons d’abord quelques instants pour demander à l’Esprit Saint
(et à Marie) de nous éclairer.
3. La pauvreté prend bien des visages. Permettez-moi d’en évoquer quelques-uns tout en
vous renvoyant à ceux auxquels vous-mêmes pensez plus spontanément.
Dans son livre ‘Vivre et combattre la pauvreté’ (1), le Père Antonin-Marcel HENRY o.p.
commence par distinguer ‘la pauvreté, involontaire, de ceux que nous appelons « les
pauvres », et celle, volontaire, des Apôtres, et de leurs imitateurs, qui « ont tout quitté
pour suivre Jésus »’. Concernant la pauvreté involontaire, considérée comme un manque,
une frustration, il note qu’elle est souvent affaire de comparaison (on est toujours pauvre,
ou riche, par rapport à quelqu’un, ou à quelque autre groupe, ou à une autre époque). Puis
il essaie de dresser une échelle des pauvretés dans laquelle il distingue encore : les
pauvretés qui atteignent l’homme dans ses avoirs (manque de pain, de vêtements, de
logement, etc.) et celles qui le touchent dans son être même (il ne peut plus travailler,
produire, se lier aux autres pour œuvrer ensemble, il perd sa valeur d’homme !). Pauvretés
d’avoir et pauvreté d’être ont naturellement des répercussions l’une sur l’autre.
Dans son échelle des pauvretés, il cite 9 groupes :
1. les démunis (manque de nourriture, de toit, d’argent, etc.) ;
2. les malchanceux et les accidentés (pauvreté imprévisible des personnes
calomniées, atteintes dans leur liberté, leur honneur, leur capacité de
produire et d’être utiles ; situation des ‘nouveaux pauvres’) ;
3. les isolés (absence ou rupture de relations, manque d’amis, etc. ) ;
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4. les pauvres ‘d’avenir’ et de liberté (précarité de l’emploi, sans papiers, sans
protection sociale, demandeurs d’asile, etc. ) ;
5. les mal-portants et les infirmes (personnes atteintes dans leur corps :
malades, paralysés, handicapés physiques, sensoriels, mentaux, etc. ) ;
6. les ignorants, les incompétents, les inexperts (pauvreté de culture, de
connaissance, d’instruction, d’éducation, de formation, manque de
compétences reconnues socialement, etc. ) ;
7. les mal-aimés (frustration d’affection chez les enfants ou les étrangers, etc. );
8. ceux qui se cachent et se détestent (pauvreté de la honte, du mépris de soi-
même, de l’avilissement, pauvreté de ceux qui se sentent ou se croient
marginalisés, exclus, etc. ) ;
9. la pauvreté de volonté et d’amour (absence de vouloir, de goût, de
dynamismes, de capacité de décision, face à l’alcool, la drogue,
l’homosexualité, etc. ). Le P. Henry ajoute, en citant le P. Joseph Wrésinski,
fondateur d’ATD-Quart Monde, que ‘la grande cause de l’infirmité du
vouloir, qui est responsable des plus grandes pauvretés, c’est le refus des
nantis de communiquer avec les pauvres : c’est une maladie de la
communication sociale. Le bien pourvu, le connaissant, le compétent,
entouré de nombreuses relations, exile le pauvre et lui interdit de participer à
ses valeurs, à sa recherche du « plus avoir » et du « mieux être »…’ (2).
A chacun de nous de préciser, pour lui-même, ce qu’il met sous le mot ‘pauvre’.
En admettant que celui qui ne souffre pas de l’une ou l’autre des pauvretés que nous venons
d’énumérer peut être considéré comme relativement ‘riche’, venons-en à Dieu qui de riche
qu’il était s’est fait pauvre. J’essaierai d’abord de dire comment ou en quoi, Dieu s’est fait
pauvre, puis pourquoi il l’a fait.
I. Comment ou en quoi Dieu s’est fait pauvre ?
« Vous connaissez en effet la générosité de notre Seigneur Jésus Christ qui, pour vous, de
riche qu’il était, s’est fait pauvre, pour vous enrichir de sa pauvreté ». (2 Co 8, 9)
C’est en regardant le comportement de Dieu, en Jésus Christ que nous pouvons entrevoir
(seulement entrevoir, car c’est un mystère) comment Dieu s’est fait pauvre. Je vous propose
pour cela de contempler Jésus dans les diverses étapes de sa vie.
1. L’Incarnation. Quand nous proclamons « Dieu s’est fait homme », sommes-nous
conscients de ce que nous affirmons ? Dieu, l’Incréé, le Créateur du ciel et de la terre,
s’unit à une nature humaine créée. Celui que l’univers ne peut contenir s’ ‘enferme’ durant
neuf mois dans le sein d’une femme, Marie. Dieu, l’Eternel, le Tout-Puissant, prend la
forme d’un embryon humain, d’un fœtus (c’est le réalisme de l’Incarnation de Dieu),
avant de se manifester au monde sous le visage d’un nouveau-né. « Lui, de condition
divine, ne retint pas jalousement le rang qui l’égalait à Dieu. Mais il s’anéantit lui-même,
prenant condition d’esclave, et devenant semblable aux hommes, et par son aspect, il était
reconnu comme un homme » (Ph 2, 6-7). Le mot grec traduit par ‘il s’anéantit lui-même’
signifie littéralement ‘il se vida lui-même’ (ekenosen). Ce vide est à la fois insondable
humilité et incroyable pauvreté. Mystère de Dieu se faisant homme ! C’est le mystère
central de la spiritualité de saint Louis Marie de Montfort.
2. Jésus voit le jour au cours d’un voyage, de Nazareth à Bethléem, à plus de 110 km de chez
lui. A Bethléem, pas de place pour ses parents chez l’habitant : Marie, après avoir
accouché, emmaillote elle-même son enfant nouveau-né et le couche dans une mangeoire
d’animaux. Dieu sur la paille !
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Les premiers témoins de ce Dieu qui s’est fait pauvre sont eux-mêmes des pauvres :
quelques bergers, des gens mal vus en Israël car ils vivaient en marge de la communauté
pratiquante. Pauvreté de Dieu dans une étable causée par un événement : le recensement
décidé par l’empereur de Rome, César Auguste…. Dénuement passager, mais combien
significatif !.
3. Puis, c’est la fuite en Egypte de Joseph et de Marie. Emigrés, demandeurs d’asile pour
sauver la vie de leur enfant. Sans savoir pour combien de temps, ni comment ils vont
survivre… Pauvreté d’exclus, précarité, incertitude face à l’avenir.
4. De retour à Nazareth, Jésus continue de grandir : enfant, adolescent, puis, apprenti
charpentier avec son père Joseph, puis lui-même ouvrier. Famille modeste qui gagne
honnêtement sa vie et partage (sans aucun doute) avec plus pauvres qu’eux. Jusqu’à trente
ans, Jésus mène une vie laborieuse et cachée. Personne, à Nazareth et dans toute la
Galilée, ne peut imaginer que Dieu est là, dans cette famille, dans cette maison, dans cet
atelier. Pauvreté d’incarnation, pauvreté d’anonymat, pauvreté de Dieu.
5. Au début de sa vie publique, Jésus, poussé par l’Esprit, choisit de passer 40 jours au
désert. « Il ne mangea rien durant ces jours-là et, lorsque ce temps fut écoulé, il eut faim »
(Lc 4, 2).
Jésus a voulu connaître cette forme de pauvreté qu’est le manque de nourriture, résistant à
la tentation de se procurer facilement du pain, par un miracle, comme il aurait pu le faire
et comme le diable le lui suggérait. On peut y joindre la vie sans toit et la solitude, même
si Jésus vit dans l’intimité de son Père. Pauvreté de dénuement et d’isolement. Par choix.
6. Quand Jésus appelle ses apôtres, ceux à qui il confiera l’avenir de son œuvre, l’Eglise,
après sa mort, il ne choisit pas des gens brillants, instruits, riches ou influents… Parmi
eux, quatre marins-pêcheurs, un métier peu à l’honneur dans les milieux religieux juifs, un
collecteur d’impôts pour les Romains et pour Hérode Antipas, une profession exécrée par
la population et par les autorités religieuses (3). Des autres apôtres nous ne savons
pratiquement rien.
A ces hommes qu’il a choisis, il demande de tout quitter. Ils leur offre ‘une vie d’errance,
aussi précaire que celle des bêtes sauvages. La nuit, il faut coucher à la belle étoile.
Dépendre de la générosité des gens pour se nourrir’ (4).
Jésus supportera la lenteur des Douze à comprendre son Message et à croire en lui ; leur
rivalité pour les premières places ; leur sommeil pendant son agonie ; puis surtout
l’abandon de tous (sauf Jean), le reniement de Pierre et la trahison de Judas. Et cela
aussitôt après la Cène, dans les heures qui suivent leur première communion, leur
ordination sacerdotale (ou épiscopale…), au terme de trois années de vie ensemble, trois
années de formation sans grand succès. Pauvreté de l’échec apparent…
Jésus sait qu’il faut attendre que l’Esprit Saint leur soit donné la Pentecôte). Il ne doit
rien brusquer, mais patienter et persévérer. Pauvreté du Serviteur. Pauvreté d’effacement.
7. Face aux autorités religieuses et civiles, face aux Scribes et aux pharisiens, Jésus proclame
certes la vérité avec force et sans compromission : il cherche à persuader. Mais jamais en
s’imposant par la force. Il respecte la liberté de chacun et le pouvoir confié à quelques-
uns. Il se soumet aux obligations de tout membre du Peuple Juif, et il paie l’impôt à César.
Comme tout le monde. Il n’est ni ambitieux, ni envieux, ni querelleur : il a envers tous un
cœur de pauvre.
8. Jésus prend cependant le parti des petits et des pauvres et les proclame bienheureux ! Il
loue la pauvre veuve qui met seulement deux petites pièces dans le tronc du Temple (Lc 21,
2). Il a pitié des foules affamées, il guérit les malades, délivre des démons, il va au devant
de ceux qui sont dans le besoin : besoin du corps, du cœur ou de l’âme (exemples : la
Samaritaine, Marthe et Marie pleurant leur frère décédé, le Centurion dont le fils est
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malade, etc. ). Pauvreté compatissante de Jésus, l’Homme Dieu doux et humble de cœur,
attentif et disponible à tous, venu pour servir et non pour être servi.
9. Pauvreté du serviteur encore quand il lave les pieds de ses apôtres : « Comprenez-vous ce
que je vous ai fait (leur dit-il ) ? Vous m’appelez ‘le Maître et le Seigneur’ et vous dites
bien, car je le suis. Dès lors, si je vous ai lavé les pieds, moi le Seigneur et le Maître, vous
devez vous aussi vous laver les pieds les uns aux autres ; car c’est un exemple que je vous
ai donné. » (Jn 13, 12-15). Humilité et pauvreté de Dieu en face de l’homme. Humilité et
pauvreté sont inséparables.
10. Le dépouillement de Dieu de riche qu’il était !… trouve son point culminant dans la
passion de Jésus. Nous le voyons calomnié, trahi, livré, condamné, humilié, abandonné,
crucifié.
« Lui, de condition divine, ne retint pas jalousement le rang qui l’égalait à Dieu. Mais il
s’anéantit lui-même, prenant condition d’esclave ! »
La foule qui l’acclamait quelques jours plus tôt le rejette à l’instigation des grands
prêtres : « A mort ! à mort ! Crucifie-le ! ». Pauvreté du calomnié, de l’exclus, du
condamné.
Les soldats lui tressent une couronne d’épines, la lui mettent sur la tête, et se moquent de
ce roi de théâtre livré entre leurs mains. Pauvreté de la dérision, de l’homme blessé dans
sa dignité.
Dépouillé de ses vêtements - que les soldats se partagent -, il n’a vraiment plus rien à lui.
Pauvreté de dénuement.
Il lui reste sa Mère… Il la donne à Jean, présent près d’elle au pied de la croix. Et à travers
Jean c’est à nous qu’il la donne. Pauvreté et détachement total du cœur.
Enfin, suprême vide de lui-même, Jésus éprouve l’abandon du Père, la séparation d’avec
lui ; et il s’écrie : « Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné ? » Peut-il y avoir
pour lui plus grande perte, plus grande pauvreté ? Il a voulu expérimenter ce qui constitue
pour l’homme la pire des pauvretés : l’absence et la séparation de Dieu.
C’est alors qu’il remet définitivement sa vie entre les mains du Père : « Tout est achevé,
note saint Jean, et inclinant la tête il remit l’esprit » (Jn 19, 30). Et le Père Lyonnet, exégète,
commente : « En utilisant cette expression tout à fait inhabituelle pour indiquer la mort de
Jésus, Jean a voulu nous dire que cette mort a eu comme effet de donner l’Esprit à la
communauté », à l’Eglise naissante.
Pauvre au point de vraiment tout donner, de se dépouiller complètement, en donnant sa
vie, en se livrant lui-même !… Voilà le visage de Pauvre de notre Dieu, manifesté en
Jésus, dans sa passion et sa mort.
11. Et depuis que le Fils a été glorifié dans sa Résurrection, depuis que « Dieu l’a
souverainement élevé et lui a conféré le Nom qui est au-dessus de tout nom » (comme
l’affirme saint Paul aussitôt après avoir parlé de son dépouillement et de son abaissement
(Ph 2, 9), Dieu serait-il redevenu riche ? Ou bien continue-t-il à se faire pauvre ?
Tant qu’il y aura des hommes sur terre, Dieu continuera à se faire pauvre, en eux et pour
eux.
Dieu continue à se faire pauvre dans l’Eglise, confiée à la responsabilité d’hommes
ordonnés, agissant au nom du Christ, mais toujours pécheurs…
Il continue à se faire pauvre dans sa Parole. Cette Parole devenue texte écrit, qui est
toujours à notre disposition, mais qui jamais ne s’impose à nous. Nous pouvons la laisser
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dans un placard ou sur une étagère, sans la lire. Quand elle est proclamée dans l’assemblée
chrétienne, nous pouvons l’écouter distraitement, puis… ne pas la mettre en pratique…
Il continue à se faire pauvre dans le pain eucharistique, sacrement de sa présence réelle
parmi nous. Il se fait nourriture pour nous donner sa vie, nous ‘christifier’, nous
diviniser… C’est son ‘Corps livré pour nous’, son ‘Sang versé pour nous’. Toujours
disponible !
Il continue à se faire pauvre dans son comportement avec nous. Jamais il ne s’impose à
nous. Il invite, il suggère, il attend notre réponse. « Voici, je me tiens à la porte et je
frappe. Si quelqu’un entend ma voix et ouvre la porte ; j’entrerai chez lui et je prendrai le
repas avec lui et lui avec moi » (Ap. 3, 20). Si nous n’ouvrons pas, Dieu n’entre pas. Dieu
n’entre jamais chez l’homme par effraction !
Il continue de sa faire pauvre en nous, dont il fait son temple : « Si quelqu’un m’aime, il
observera ma parole et mon Père l’aimera ; nous viendrons à lui et nous établirons chez lui
notre demeure. » (Jn 14, 23) Nous pouvons ne pas prêter attention à cette présence, il
n’en est pas moins là. Il en est de même pour sa présence au milieu de nous : « Là où deux
ou trois se trouvent réunis en mon nom, je suis au milieu d’eux » (Mt 18,20).
Il continue à se faire pauvre en s’identifiant à toute personne qui souffre. Rappelons-nous
le texte du jugement dernier : « J’ai eu faim et vous m’avez donné à manger ; j’ai eu soif
et vous m’avez donné à boire ; j’étais un étranger, nu,… malade, en prison… En
vérité, je vous le déclare, chaque fois que vous l’avez fait à l’un de ces plus petits qui sont
mes frères, c’est à moi que vous l’avez fait » (cf. Mt 25, 34-46). Ou bien l’expérience de Paul
sur la route de Damas où il se rendait pour ramener enchaînés à Jérusalem les disciples de
Jésus qu’il y rencontrerait : « Saul, Saul, pourquoi me persécuter ? » (Ac 9, 4) Dieu pauvre
identifié à tous les ‘pauvres’ du monde... et à toutes les personnes persécutées en raison de
leurs convictions morales et religieuses. Dieu, en fait, identifié à toute personne humaine.
En terminant ce premier point, je voudrais vous lire une page du P. Antonin-Marcel
HENRY le dominicain que j’ai déjà cité en commençant mon exposé racontant l’histoire
d’un de ses amis missionnaire en Inde. Ce missionnaire venait d’être changé de poste et ne
connaissait pas encore son nouvel environnement. Il rentrait un des premiers soirs dans son
presbytère en traversant un petit coin de forêt. A l’orée du bois, il sentit une odeur fétide…
Intrigué, il s’approcha. C’était un lépreux, nu, assez défiguré, ses pieds transformés en
moignons purulents, horribles à voir. Son village païen, proche de l’endroit, las de le
supporter, l’avait charrié dans une brouette que l’on venait de verser dans ces taillis. Mon ami
s’approcha de lui. Leurs yeux se rencontrèrent. Et il lui dit : ‘Tu me fais penser à mon Dieu’.
Si nombreux sont les avatars de la divinité en Inde que l’homme qui gisait dans le plus
extrême abandon ne comprit pas de qui il s’agissait et demeura interloqué. « Quel est donc
ton Dieu ? » Et le père de le lui présenter à travers la prophétie d’Isaïe :
‘Il était sans beauté ni éclat pour attirer nos regards.
Et sans apparence qui nous eut séduits.
Objet de mépris, abandonné des hommes,
Homme de douleurs, familier de la souffrance,
Comme quelqu’un devant qui on se voile la face ;
Méprisé, nous n’en faisions aucun cas.
Or ce sont nos souffrances qu’il portait
Et nos douleurs dont il était chargé.
Et nous, nous le considérions comme puni,
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