Premier Colloque National de Bioéthique

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SPECIFICITES DES COMITES D’ETHIQUE
PROPRES AUX PAYS EMERGEANTS :
EXEMPLE DE LA TUNISIE
Premier Colloque National de Bioéthique
Casablanca, le 30 juin 2001
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Pr B. HAMZA
Président du Comité National d’Ethique Médicale – Tunisie
Comme vous le savez, des domaines de la médecine posent
aujourd’hui des problèmes de bioéthique et demandent davantage de
questionnement et de réflexions et mettent notre conscience et la réponse
qui s’ensuit, à la rude épreuve du respect des principes fondamentaux de
l’éthique.
La science a en effet démontré que la révolution thérapeutique,
la révolution biologique et le développement de la génétique qui lui ont
succédé pouvaient donner à l’homme le bien-être, des espoirs, mais aussi
des angoisses.
En effet, l’application des connaissances peut avoir des
incidences éthiques et morales lorsqu’elle est confrontée à des dérives
dévoiements, ou des applications irrationnelles en l’absence d’éléments
de régulation.
Le médecin, est en effet confronté aujourd’hui à des dilemmes.
Même si le pouvoir lui appartient, ce dernier a des limites et le praticien
doit répondre au questionnement qui se pose à lui, faire face aux desseins,
engager un dialogue avec sa conscience et sa responsabilité pour tenter de
dégager une conduite qui respecte au mieux la dignité humaine.
Aussi la bioéthique, après avoir occupé pendant longtemps
l’espace philosophique, s’est-elle introduite progressivement dans le
langage médical, juridique et social pour faire valoir les repères des
valeurs, l’équilibre de la société ainsi que son matériel biologique.
Comme vous le savez, nous assistons aujourd’hui à une
aventure biologique, objet de grands bouleversements qui nous amènent à
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repenser les rapports entre l’homme et l’évolution de plus en plus rapide
des connaissances, avec les risques de dérives, en particulier, le risque de
nuire à la dignité de l’homme, son inviolabilité, sa sécurité, sa manière de
naître, de se développer, de vieillir et mourir.
Aussi, pour parer aux applications irrationnelles des
connaissances, les communautés internationales, régionales et nationales
se sont-elles dotées d’instruments de régulation.
Parmi les instruments nationaux de régulation, l’on peut citer les
comités nationaux d’éthique médicale que l’on définit comme des
organismes pluridisciplinaires, à compétence consultative pour les
sciences de la vie, tournée vers le développement des sciences
biomédicales. Ce sont des principes directeurs, qui émanent de la mission
qui leur a été confiée, mission essentiellement de pouvoir moral et
éthique, dans le but de constituer des réponses aux problèmes de santé,
dont ils peuvent être saisis.
Les comités d’éthique contribuent ainsi à explorer les limites du
droit à la santé et à proposer la mise en œuvre des nouvelles
connaissances biologiques, des nouvelles technologies, des nouvelles
investigations, des nouvelles thérapeutiques, tout en respectant des règles
éthiques fondamentales.
C’est dans ce sens que les comités d’éthique sont consultatifs.
Ces comités n’ont pas pour mission de légiférer ou réglementer, tâches
qui appartiennent au pouvoir législatif ou aux autorités compétentes.
Néanmoins, de part leur qualité nationale, de part la qualité et le
savoir des corps professionnels médicaux, philosophiques, sociaux et
culturels qui y sont représentés, ils constituent une référence, à la fois à la
détermination d’une politique de santé dont ils sont saisis, ses
implications éthiques et au respect des connaissances que l’on sait
bénéfiques pour l’homme. C’est pour parer aux applications
irrationnelles, à d’éventuelles dérives que plusieurs pays, dont la Tunisie
se sont dotées de comité d’éthique médicale.
La spécificité du comité de Tunisie est, comme le précise
l’article 8 de la loi 29-7-91 relative à l’organisation sanitaire « un
organisme consultatif de la santé publique » au même titre que :
 Le Conseil Supérieur de la Santé Publique ;
 Le Conseil Supérieur de la Population ;
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 Le Conseil National du Médicament ;
 Le Conseil National des Equipements Médico-techniques ;
 Les Conseils Régionaux de la Santé Publique ;
 Le Conseil National des Etablissements Sanitaires privés.
Les attributions, la composition et les modalités de
fonctionnement des organismes consultatifs de la santé publique sont
fixés par décret.
Le Comité National d’Ethique Médicale de Tunisie est donc un
organisme consultatif de la santé publique, régi par décret d’application
de juillet 1994 avec pour mission de donner un avis sur les problèmes
moraux et éthiques qui sont soulevés par la recherche dans les domaines
de la biologie, de la médecine et de la santé. Il est donc sous la tutelle du
ministère de la santé publique et régi par le décret d’application du 19
septembre 1994.
Il est pluridisciplinaire, composé de 23 membres dont 11
membres proposés par leurs départements respectifs : le conseil
constitutionnel, le conseil supérieur islamique, le comité supérieur pour
les droits de l’homme et des libertés fondamentales, la cour de cassation,
le tribunal administratif, un professeur de philosophie, sociologie et droit
proposés par le Ministre de l’éducation et des sciences, un représentant du
Secrétaire d’Etat à la Recherche Scientifique, une personnalité du secteur
social proposé par le Ministre des Affaires Sociales, trois personnalités
appartenant au domaine de la santé désignées par le Ministre de la Santé
Publique.
12 membres sont de droit et es-qualité : les doyens des facultés
et les présidents des conseils nationaux des ordres des médecins, des
médecins-dentistes, des médecins vétérinaires et des pharmaciens.
Les membres du Comité et le Président sont nommés par arrêté
du Ministre de la Santé Publique pour une période de 3 ans renouvelable.
En vertu de l’article 5 qui régit le comité, celui-ci est habilité à
être saisi pour avis consultatifs qui émaneraient du Président de la
chambre des députés, du Président du conseil constitutionnel, du
Président du Conseil économique et social, d’un membre du
gouvernement, ainsi que d’un établissement d’enseignement supérieur, de
recherche scientifique, ou d’une association des sciences de la santé.
Les demandes de saisine, émanant de ces différents
départements ou associations sont transmises au Ministre de la Santé
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Publique, qui les soumet au Comité pour avis. En vertu de l’article 10 du
décret qui régit le Comité l’avis est transmis par le Ministre de la Santé
Publique à l’instance qui l’a demandé.
Tels sont résumés, les textes législatifs qui régissent le Comité
Tunisien d’Ethique Médicale.
Quel a été le bilan du Comité d’Ethique Médicale de Tunisie
dans la période de 1995 à 2000. Ce bilan a été l’objet d’un document « les
activités : 1995-2000 ». L’on peut considérer les activités du comité à
travers :
1.
2.
3.
4.
5.
6.
Les Avis qu’il a émis.
Les conférences annuelles.
Les manifestations scientifiques locales et régionales.
La Rencontre Internationale.
La Rencontre Maghrébine.
La formation à la bioéthique et documentation.
LES AVIS
Ils ont tous été émis sur saisine du Ministre de la Santé
Publique :
1. La procréation médicalement assistée (décembre 1996).
2. La création de Comités d’éthique locaux intrahospitaliers (avril 1997).
3. Le clonage reproductif (mai 1997).
4. Ethique : progrès technologique et coût de la santé
(février 1999).
5. Références médicales et protocoles thérapeutiques (mai
2000)
6. Examen d’un projet de recherche sur l’envenimation
scorpionique.
Les quatre premiers avis ont fait l’objet de publication et de
distribution. Les deux derniers sont en cours d’étude par des commissions
ad hoc et la section technique du comité prévue par l’article 7 du décret
d’application.
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CONFERENCES ANNUELLES
En vertu de l’article 2 du décret qui le régit, le Comité National
d’Ethique Médicale a la charge d’organiser des Conférences annuelles
au cours desquelles des questions importantes liées à l’éthique médicale
sont abordées publiquement. Les thèmes qui ont été abordés sont les
suivants :
1. La formation en bioéthique (25-4-96).
2. La création de comités d’éthique locaux intrahospitaliers (22-10-97).
3. Le progrès médical : coût et éthique (22-4-98).
4. Ethique et communication de la santé (11-11-99).
5. La relation soignant-soigné : considérations juridiques et
éthiques (16-11-2000).
Toutes ces conférences ont été l’objet de publication et de large
distribution aux participants, certains départements et associations
scientifiques.
LES MANIFESTATIONS
REGIONALES
SCIENTIFIQUES
LOCALES
ET
L’intervention du Comité a été sollicitée lors de manifestations
scientifiques locales et régionales et est intervenu sur les thèmes
suivants : la PMA, la transplantation d’organes, l’éthique médicale, la
médecine prédictive, le diagnostic anténatal, l’acharnement thérapeutique,
islam et progrès médical dans les sciences de la vie, etc.
LA RENCONTRE INTERNATIONALE DE BIOETHIQUE
Une Rencontre Internationale de Bioéthique, a été organisée en
collaboration avec le Secrétariat d’Etat à la Recherche Scientifique et à la
Technologie à laquelle des interventions du comité ont été présentées.
Elles ont concerné les sujets suivants : Problématisation de l’universalité
de l’éthique. Valeurs de la vie et éthique de la responsabilité.
L’acharnement thérapeutique. Les aspects religieux, culturels et éthiques
de la transplantation d’organes. La bioéthique : enjeux pour la protection
de la personne et de la société, etc.
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LE COLLOQUE MAGHREBIN DE BIOETHIQUE
Un Colloque Maghrébin de Bioéthique a été organisé à Tunis en
novembre 1999 autour du thème « Douleur et soins palliatifs » : L’on a
traité Perception culturelle et sociale de la douleur et de la mort dans les
sociétés du Maghreb. Ethique de la prise en charge de la douleur : de la
compassion à la solidarité. Douleur et médecine dans le contexte arabomusulman. L’écoute, une question d’éthique. Prise en charge de la
douleur et soins palliatifs au Maroc. Douleurs et psychisme. De la
douleur aux soins palliatifs. Douleur et éthique. Le traitement juridique de
la douleur : l’état du droit français. Le droit face à la douleur. Pour une
charte de la prise en charge de la douleur. Soins palliatifs et politique de
santé en Europe. Les soins palliatifs une nécessité qui s’impose. Soins
palliatifs et pensées religieuses.
Toutes ces manifestations ont fait l’objet de publications
distribuées aux participants et institutions scientifiques et sociales.
LE COMITE A PARTICIPE A DES MANIFESTATIONS
SCIENTIFIQUES INTERNATIONALES ET REGIONALES
4991 ‫ أفريل‬41-41 ‫ الجزائر‬- ‫ المؤتمر التاسع والعشرون لإلتحاد األطباء العرب‬
.‫ تساؤالت واختيارات‬: ‫األخالقيات الطبية‬

Participation à la 4ème Session du Comité International de Bioéthique
Paris, du 1er au 4 octobre 1996.
Accès aux soins, expérimentations sur des sujets humains et éthique dans le
contexte tunisien.

XXII International Congress of Pediatrics. First International Congress on
Pediatric Nursing. « Ethical problems for pediatricians in the world. Is there
any difference in pediatric practices according various cultural philosophic
or religious background ». Amsterdam, 9-14 August 1998.
Tradition arabo-musulmane. Problèmes éthiques pour le Pédiatre.


21ème Congrès Maghrébin de Pédiatrie - Agadir, 28-30 mai 1999.
La pédiatrie au Maghreb et les enjeux bioéthiques. Vers l’élaboration d’un
mécanisme commun de régulation.
Office de Concertation d’Actions Locales - Assises Internationales du Bébé
- Marseille, juin 1999.
Diagnostic anténatal. Aspects clinique, juridique et éthique.
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
1er Colloque International de Bioéthique – Oran du 2 au 4 mai 2000.
Le Comité National d’Ethique Médicale.
‫ المؤؤؤتمر الؤؤ ولث ال ؤؤااد جتحؤؤاد طمعيؤؤات أطبؤؤاء األطلؤؤام العؤؤرب والمؤؤؤتمر الؤؤ ولث ال الؤؤ‬
3222 ‫ نوفمبر‬32 ‫ إلى‬32 ‫ بيروت اد‬,‫للجمعية اللبنانية لطب األطلام‬
‫ الرهانات البيولوجية األخالقية‬.‫طب األطفال بين األمس واليوم والغد‬
LES PUBLICATIONS
Faculté de Droit et des Sciences Politiques de Tunis. Collection Forum des
Juristes Volume 5. Actes du colloque international « Qu’est-ce que la
Bioéthique », tenu les 12 et 13 janvier 1996. Imp. Officielle de la
République Tunisienne, 1997, p. 17-26.
Ethique, progrès et technique médicale.

Comité International de Bioéthique de l’UNESCO (CIB). Actes de la
quatrième session. Octobre 1996. Volume I. (Imprimé en France),1998.
Accès aux soins, expérimentations sur des sujets humains et éthique dans
le contexte tunisien.
.32-11 : ‫) ص‬4991 - 34 ‫ سنة‬4 ‫ اله اية (ع د‬
‫ أفريل‬32 ‫احاضرة ألقت بمناسبة الن وة السنوية األولى لألخالقيات الطبية تونس‬
4991
.‫ بحــــــــوث وتطبيقـــــــات‬: ‫األخــــــــالقيــــــات األحيـــــــائيـــــــة‬
.12-21 : ‫) ص‬4993 - 34 ‫ سنة‬1 ‫ اله اية (ع د‬
- ‫ قرنا على تأسيس الزيتونة‬41 ‫احاضرة ألقت بمناسبة اجحتلام الوطنث بذكرى ارور‬
.4993 ‫ نوفمبر‬39 ‫ إلى‬32 ‫تونس اد‬
‫اجســـــالم والمستجــــ ات الطبيـــــة فث علــــم األحيـــــاء‬
 Revue Tunisienne de la Santé Militaire n° 1 volume 2, mars 2000, p. 1-13.
Quelle médecine pour le 21ème siècle ?
FORMATION ET DOCUMENTAITON
Une documentation relative à l’enseignement de l’éthique a été
fournie aux intéressés. A cet effet, le Comité s’est doté d’une importante
documentation sur la bioéthique (ouvrages, revues, thèse, mémoires, etc.)
qui est consultée, non seulement par le corps médical, mais également par
d’autres corps (juristes, sociologues, philosophes, chercheurs, cliniciens,
biologistes).
Telles sont résumées les activités du Comité National d’Ethique
Médicale à l’échelle nationale.
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Quel a été l’impact du Comité ?
1°/ Sur les professionnels de la santé
L’on peut considérer que l’impact des journées annuelles, des
manifestations scientifiques et régionales, de la documentation fournie a
été positif au niveau des institutions de l’enseignement, et des
professionnels de la santé et d’autres disciplines. Des associations
médicales, sociales et juridiques ont sollicité l’intervention du Comité
lors de leurs manifestations scientifiques (ex. droit, médecine scolaire et
préscolaire, office national de la famille et de la population, vétérinaires,
dentistes, biologistes, …
2°/ Les médias
Les médias ont assisté chaque fois à nos conférences annuelles
et des interviews leur a été accordé. Par ailleurs, nous avons fait participer
à une de nos conférences annuelles des journalistes et le représentant de
l’Organisation Nationale des Consommateurs.
3°/ La société
L’impact sur la société, c’est avec modestie que l’on pourrait le
quantifier. Au niveau de notre société, il y a une confusion entre morale,
déontologie et éthique et il est probable que les normes éthiques
proposées par le Comité suscitent réflexions et interrogations si elles ne
débouchent pas à la consolidation par le droit.
A la lumière de l’expérience menée depuis 6 ans, le Comité a
fait 2 propositions de modification du décret aux décideurs
1°/ Les représentations au sein du Comité
A propos des corps constitués, dont les membres sont nommés
es-qualité :
- Les ordres médicaux et juxta-médicaux :
. médecine ;
. médecine dentaire ;
. pharmaciens ;
. vétérinaires.
- Facultés de :
. médecine ;
. pharmacie ;
. médecine dentaire ;
- L’Ecole National des Médecins Vétérinaires
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Ces personnalités ont des charges importantes dans leur
domaine et nous avons proposé qu’ils ne soient pas es-qualité, mais
représentés par une personnalité permanente, sensibilisée aux problèmes
de bioéthique. Nous avons proposé que soit augmenté le nombre des
médecins de façon à introduire des sciences cliniques et certaines
spécialités (réanimation, génétique, médecine préventive, obstétritique et
autres).
2°/ Les saisines
Le Comité a été saisi à 5 reprises par le Ministre de la Santé
Publique. Pourtant d’autres départements auraient pu nous saisir
(éducation, jeunesses, affaires sociales, familles, …).
D’où la nécessité de donner le pouvoir au Comité de s’autosaisir sur des problèmes importants qui touchent aux sciences de la vie. A
cet effet, un projet de modification de l’article 5 est prévue qui introduit
« La saisine d’office par le comité des questions relevant de son
activité ».
CONCLUSION
En conclusion, l’on peut dire que depuis sa création, le Comité
National d’Ethique Médicale de Tunisie s’est attaché à édicter de grands
principes qui permettent de concilier les progrès technologiques avec les
normes éthiques, les valeurs humaines et les réalités sociales dans des
domaines où il lui a été demandé avis.
Je salue l’initiative qui a été prise de créer un Comité National
d’Ethique Marocain.
Nombreux sont encore les sujets à débattre, et l’on peut
imaginer un réseau ou un moyen de communication qui nous est propre.
Ce sera alors, le point de départ d’un mécanisme intégrateur qui
permettrait de coordonner nos efforts de jouer un rôle catalyseur, de
donner cohérence, d’agir comme instrument de soutien à la concertation,
de faire des choix, d’informer le public, de faire valoir notre spécificité
civilisationnelle au sein des organisations internationales où des
problèmes essentiels des sciences de la vie sont discutés, qui ne peuvent
nous laisser indifférents, car l’indifférence n’appartient à aucun ordre
éthique et il est de notre devoir de discuter de nos propres choix à faire,
des nouvelles responsabilités à exercer en recherchant un équilibre entre
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le pouvoir de la science et notre attachement à notre société dans un esprit
d’humanisme, de générosité et de solidarité.
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