F. Galichet

publicité
Inter Académiques Léry -Poses
jeudi 18 octobre 2007
Inter Académiques Val de Seine
Léry-Poses
jeudi 18 octobre 2007
LE DEBAT A VISEE PHILOSOPHIQUE
intervention de Monsieur Galichet
professeur de philosophie
SOMMAIRE
Introduction
1 - Historique de la pratique de la philosophie à l’école
2 - Les Justifications : en quoi est-ce intéressant de développer cette pratique en classe ?
3 - Ce qui différencie le débat philosophique des autres types de débat
4 - Définition des objectifs : que vise-t-on ?
5 - Quelques démarches possibles de pratique de débat philosophique
6 - Analyse de quelques pratiques
Introduction rapide pour rappeler qu’on ne part pas de 0, que cette pratique est maintenant
répandue en France après être apparue aux Etats-Unis.
1. HISTORIQUE DE LA PRATIQUE DE LA PHILOSOPHIE A L’ECOLE
 1er temps
Cette pratique est née dans les années 70 grâce à Monsieur M.LIPMAN, universitaire, professeur
de philosophie dans le New Jersey, qui a mis au point un programme d’enseignement global de la
maternelle à la terminale. C’est donc un cursus qui accompagne l’enfant depuis qu’il sait parler
jusqu’à l’âge adulte.
Il a fondé en 1975 un « institut pour l’avancement de la philosophie pour enfant » (le terme
« enfant » est considéré comme plus large que le terme « élève » qui se limite à l’école)
Sa démarche est la suivante :
- Il n’est pas possible d’aborder d’emblée des sujets philosophiques avec les enfants.
- Il considère qu’il faut partir de textes littéraires
- Il a écrit une série de romans pour chaque tranche d’âge. Par exemple :
o « Elfie » pour les 4/6 ans : développe des histoires sur les questions du rapport avec
autrui, les premières formes du développement intérieur
o « Kio et Augustin » : pour les 7/8 ans : ce roman aborde le développement logique
mais aussi les concepts de temps, d’espace, etc
Ces romans ne sont pas édités en France ; on peut les trouver à la librairie canadienne, rue
Soufflot, Paris
Leur inconvénient est qu’ils correspondent à la culture nord-américaine alors qu’il existe en France
de nombreux textes dont il serait dommage de ne pas profiter.
Page 1 sur 7
Inter Académiques Léry -Poses
jeudi 18 octobre 2007
Descriptif de la méthode Lipman :
1. Lecture à haute voix des romans par le maître ou les enfants en âge de lire
2. Une première discussion s’ouvre pour relever les points saillants et les questions que les
élèves se posent sur le texte. L’enseignant doit alors distinguer les questions portant sur la
compréhension, d’interprétation du texte de celles portant réellement sur la philosophie, les
questions fondamentales que l’histoire suscite mais auxquelles elle ne donne aucun
élément de réponse ou des réponses propres à être discutées
3. On les note au tableau et un vote a lieu pour retenir une question en particulier
4. A lieu alors le débat philosophique proprement dit. On se centre sur la question et non plus
sur l’histoire et ce, en respectant 2 règles :
- toutes les opinions doivent pourvoir être entendues et explorées, pas de censure
- toutes les opinions doivent être étayées par des arguments
Ces pratiques ont été inspirées du philosophe John Deway.
La vérité n’est pas inscrite dans une raison supérieure à l’homme. Elle se construit ; elle est donc
indissociable d’un échange, d’une confrontation, d’un dialogue. (// avec les sciences)
La Démocratie n’est pas uniquement une notion politique ; elle concerne le Vivre Ensemble, c’està-dire nos manières de vivre, d’échanger avec les autres. On fait progresser la Démocratie avec
autre chose que l’éducation civique.
 2ème temps
Puis, l’enseignement de la philosophie se développe au nord et au sud des Etats-Unis :
- au Canada, dès la années 80 grâce à Michel Sasseville, professeur de philosophie et
Marie-France Daniel autour de la question : quelles compétences acquiert-on grâce au
débat philosophique ?
- en Amérique du Sud, au Brésil et en Argentine. A la fin des dictatures, les enseignants ont
cherché comment faire pour éviter des dérives totalitaires promouvoir un enseignement
philosophique pour que chaque enfant devienne un citoyen responsable
 3ème temps
Puis l’enseignement de la philosophie s’étend en Europe, principalement en Belgique et en
Suisse, pays où un enseignement religieux facultatif est proposé sur le temps scolaire ; les élèves
ne bénéficiant pas de cet enseignement ont un enseignement moral. Leurs enseignants se sont
alors demandé comment enseigner la morale de manière « attractive », concrète mais critique.
Il s’agit d’aborder des grandes questions morales, éducatives et critiques.
 4ème temps
Enfin, en France, dans les années 1995/996, la philosophie a pris son essor sous l’impulsion de
Michel Tozzi, professeur à Montpellier.
5. LES JUSTIFICATIONS
En quoi est-ce intéressant de développer cette pratique en classe ?
4 raisons
 raison politique
Il existe un lien très ancien entre philosophie et démocratie. (Cf Socrate, la philosophie ne
conteste la citoyenneté qu’en considérant l’existence d’une citoyenneté supérieure)
Une société juste doit respecter ses principes de démocratie.
La réflexion philosophique est indissociable de l’esprit critique qui est lui-même indissociable de la
citoyenneté.
Citoyenneté et démocratie doivent être synonymes
 raison épistémologique (pédagogique)
En prenant comme référence les programmes de 2002 qui viennent en rupture des programmes
précédents en :
- prenant en compte le dire/lire/écrire/compter mais aussi la culture
Page 2 sur 7
Inter Académiques Léry -Poses
jeudi 18 octobre 2007
- considérant que l’enfant doit entrer en contact avec la culture
En effet, dans les programmes précédents, on considérait qu’un savoir de base suffisait pour
former le « peuple », pour travailler. La culture étant réservée à ceux qui ont le temps, c’est-à-dire
l’élite.
L’école avait le rôle d’apprendre le dire lire écrire et le collège avait davantage à insérer l’art et la
culture.
Les Programmes de 2002 sont résolument culturels. Or, dès que l’on parle de culture, on parle de
philosophie.
La culture, c’est la réponse des hommes aux questions fondamentales qu’ils se posent, à leurs
inquiétudes. Les mythes en sont le premier exemple car ils sont une réponse aux origines de
l’Homme. Ensuite, la littérature a pris le relais et la philosophie aussi.
La culture fait entrer de fait la philosophie. L’entrée dans la culture fait immédiatement entrer dans
la philosophie ou le philosophique. La culture c’est le questionnement.
2 exemples :
- général : le vivant et les origines de la vie « de l’œuf et de la poule »
- vécu : une leçon de grammaire sur le sujet et le verbe « Un enfant mange un gâteau/ Des
enfants mangent un gâteau ». A la leçon, le sujet commande le verbe, l’élève dit que le sujet ne
peut pas commander le verbe, c’est le gâteau qui commande parce que l’enfant ne peut
s’empêcher de le manger.
 raison morale ou éthique ou civique
Toute morale repose sur l’égalité entre les hommes. Qu’est ce qui fonde cette égalité ?
Pour Kant et Condorcet, c’est le savoir qui est le fondement de l’égalité. Nous vivons sur ce
principe depuis deux siècles.
Mais le savoir est-il réellement le fondement de toute égalité ? Ne peut-il être justement le
fondement d’inégalités ? (exemple : la Shoah et les officiers nazis, très cultivés, qui ont commis les
pires atrocités)
Alors, qu’est ce qui nous rend égaux ? … C’est peut-être justement notre ignorance sur les
grandes questions métaphysiques (où allons-nous après la mort ?, quelle est l’origine de
l’homme ?). Einstein ne peut pas (plus) davantage répondre à certaines questions métaphysiques
qu’un analphabète.
Sauf en répondant par la foi. Mais, la foi n’est pas un savoir.
Comment découvrons-nous notre ignorance ? Précisément par la réflexion en commun, en posant
des questions. De ce point de vue là, la réflexion philosophique révèle notre égalité par notre
ignorance.
En ce qui concerne la liberté de conscience, on peut se baser sur le livre d’Hanna Arendt « La
banalité du mal » qui rapporte le procès d’Eichmann. Sa conclusion est que l’intelligence et la
raison sont deux choses différentes.
Dans un autre ouvrage, « Considérations morales » (éditions rivages, poche), Hanna Arendt
montre que la morale ce n’est pas un savoir appris, ce n’est pas l’apprentissage de normes. Elle
surgit quand on se dédouble (en anglais, « conscienceness ». par exemple, Macbeth, Hamlet…)
La conscience morale, c’est le dialogue intérieur (exemple : Socrate qui dialogue avec son démon,
son autre lui-même) qui ne peut être indissociée d’un dialogue avec les autres. Dialoguer avec les
autres permet d’apprendre à dialoguer avec soi-même comme un être double. (exemple vécu : un
élève qui ne participe pas physiquement au débat mais qui reste en pensée dans le contexte du
débat durant la récréation)
Pour éclairer ce dédoublement impossible pour certains, Francis Imbert parle des enfants
« bolides », des enfants qui sont dans l’immédiat, sans réflexion, qui ne prennent pas de distance,
qui sont dans l’impulsion.
 raison psychologique
Jacques Lévine, psychanalyste, qui parle du débat psychologique (du débat philosophique,
préalable de la pensée) comme une construction identitaire du sujet.
Page 3 sur 7
Inter Académiques Léry -Poses
jeudi 18 octobre 2007
Il y a un préalable de la pensée : s’affirmer comme sujet susceptible d’apprendre en s’affirmant sur
des questions fondamentales par rapport aux autres et à soi-même.
Prendre la parole en public sur des sujets fondamentaux, c’est donc devenir auteur de sa parole :
« Je dis ce que je pense », j’ai une réponse qui est ma propre réponse.
On ne peut pas apprendre si on ne s’est pas affirmé comme sujet susceptible d’apprendre.
3. CE QUI DIFFERENCIE LE DEBAT PHILOSOPHIQUE D’AUTRES TYPES DE DEBATS
Les différents débats dans la société :
 débat médiatique
C’est la caricature du débat conditionné par les attentes du public. Il n’y a pas d’arguments,
seulement des éléments de séduction.
 débat judiciaire
Il porte sur des personnes concrètes et pas sur des idées, contrairement au débat philosophique
 débat démocratique, de décision
L’exemple en classe est la Conseil, mis en place en pédagogique Freinet. C’est un débat
pragmatique, au cours duquel se prennent des décisions concrètes. Ce conseil donne lieu à un
vote (contrairement au débat philosophique) et apporte donc, de fait, un positionnement, une
réponse.
 débat de régulation
Il vise à gérer les conflits. Il est presque de type judiciaire. Il porte sur des personnes et des faits
 débat scientifique
Il s’appuie sur une thèse. C’est une expérience qui permet de trancher. Même s’il se rapproche du
débat philosophique, le débat philosophique ne débouche pas sur une décision, il ne peut pas être
expérimenté, tranché.
 débat d’interprétation
Il porte sur le sens profond d’une histoire. Il va au fond des choses, il pourrait se placer dans
l’antichambre du débat philosophique
 débat argumentatif
Il se pose en « Pour ou Contre » (par exemple : la télé dans la chambre, le téléphone portable…)
Il s’agit d’un débat où il y a des adversaires. Un échange d’argumentaires a lieu. Il y a un gagnant
et des perdants. Il s’agit de l’emporter sur les autres en proposant des arguments. Ce type de
débat fait émerger un esprit de compétition.
 débat philosophique
Les sujets ne sont pas des débats qui commencent par « Qu’est ce que … » (exemple Qu’est ce
que le bonheur ?)
On n’est pas dans une attitude de compétition mais dans une attitude de coopération. Coopération
pour réfléchir à une réponse possible, débat où chacun apporte sa pierre à l’édifice plutôt que de
chercher à écraser l’autre.
Les types de questions à privilégier sont celles qui démarrent par « Pourquoi … » (exemple :
pourquoi a-t-on peur de la mort ? Pourquoi les hommes sont-ils égaux ?). Des oppositions peuvent
exister mais uniquement pour aller vers un consensus provisoire.
4. DEFINITION DES OBJECTIFS QUE RECHERCHE LA PRATIQUE DU DEBAT
PHILOSOPHIQUE
Plutôt que le terme « débat philosophique », M.Galichet préfère « la philosophie à l’école »
Il s’agit d’objectifs à long terme qui « devraient » être visés plutôt que « doivent » être visés.
Michel Tozzi, professeur de philosophie à Montpellier, voit 3 objectifs, non ordonnés, qui
s’entremêlent (1, 2 et 4). M.Galichet en ajoute un quatrième (3) :
1. Conceptualiser
Un débat philosophique doit amener à clarifier le sens d’une notion, à définir le sens d’un mot
(« bonheur »)
Page 4 sur 7
Inter Académiques Léry -Poses
jeudi 18 octobre 2007
2. Problématiser
C’est
poser
un
problème,
faire
émerger
une
question
fondamentale.
C’est apprendre qu’on ne peut pas mettre au même niveau « aimer sa maman » et « aimer les
frites »
3. Affirmer des thèses
C’est répondre aux questions
4. Argumenter
C’est apporter des raisons à sa thèse mais aussi apporter des objections à celle des autres
5. DEMARCHES POSSIBLES DE PRATIQUE DE DEBAT PHILOSOPHIQUE à partir
d’observations de vidéos
 1er visionnement
Un album (ou un texte littéraire) pour ébaucher une réflexion en commun, dans une bibliothèque
au Canada, avec des enfants de 5 à 8 ans
Album de « Ernest et Célestine, un caprice de Clémentine »
A partir du débat d’interprétation, deux questions sont apparues : la notion d’esclave et la notion
du rapport maître/esclave
On a pu observer :
 l’influence de l’animateur alors qu’il devrait être en retrait
 l’habitude du propos
 les objectifs
 conceptualiser : qu’est-ce qu’un esclave ? qu’est-ce qu’un maître ?
 problématiser : 3 problèmes abordés successivement
o Est-ce qu’Ernest est un esclave ou non ?
o Quelqu’un de grand et vieux peut-il obéir à quelqu’un de jeune et petit ?
o A l’école, est-on esclave ?
D’où la question, « est-ce qu’obéir c’est être esclave ? » et la distinction entre « pouvoir » et
« autorité » (à quelle condition l’autorité est-elle légitime ?)
 2ème visionnement
Débat lancé à partir d’un sujet, d’une question « Qu’est ce que le changement ? »
On a pu observer :
- la disposition spatiale des élèves qui n’est pas judicieuse
- les élèves introduisent des notions intéressantes
o il existe deux changements : le changement impersonnel passif et le changement
humain
o comment peut-on à la fois changer et ne pas changer ?  problème de l’identité
personnelle
Des questions se posent :
- le débat est-il « plaqué » ou correspond-il à la vie de classe ?
- doit-on avoir une trace écrite ?
Quelques éléments de réponse :
- Il est possible de donner le sujet quelques jours auparavant afin que les élèves prennent le
temps éventuellement d’y réfléchir.
- Il peut y avoir un lien entre l’écrit et l’oral :
- la question est posée et les élèves ont 20 min pour donner leur(s) idée(s) : ils écrivent
quelques lignes sur le sujet proposé
- temps de débat
- faire écrire sur le même sujet, éclairé du temps de débat. Un comparatif des deux écrits est
tout à fait intéressant.
En débat philosophique, une synthèse écrite finale peut être écrite à la fin des échanges.
 3ème visionnement
Page 5 sur 7
Inter Académiques Léry -Poses
jeudi 18 octobre 2007
Débat animé par un enfant, entre enfants sur le sujet « l’homme est il un animal ? », OCCE
« Paroles à l’école »
6. ANALYSE, EXAMEN DE QUELQUES PRATIQUES
 1er pôle
Démarche d’Oscar Brénifier
Démarche socratique ultra directive. Le garant de la discussion apporte des contradictions pour
faire avancer le débat ; celui-ci tient alors plus du débat argumentaire que du débat
philosophique
 2ème pôle
Démarche de Jacques Lévine, démarche réflexive
1er temps : une question est posée. Les enfants ont ¼ d’heure pour s’emparer librement de
cette question et le maître n’intervient pas. La parole est enregistrée.
2ème temps : on écoute l’enregistrement. Tout le monde, y compris le maître, peut lever la main
pour intervenir (on arrête alors la bande/son). Les enfants prennent alors de la distance.
Entre ces 2 pôles, tout est possible
BIBLIOGRAPHIE/SITOGRAPHIE
http://www.crdpmontpellier.fr/ressources/agora/accueil.aspx
Rédacteur en chef : Michel Tozzi, professeur à
l'université Montpellier III.
Directeurs de publication : Oscar Brénifier (éd. Alcofribas
Nasier), Jean-Marie Puslecki (directeur du CRDP de
l'académie de Montpellier).
Les incertitudes, affectives, épistémologiques, éthiques,
écologiques, politiques engendrées par la (post- ou
l’hyper-) modernité, et le trouble existentiel qui en résulte,
se traduisent par une demande sociétale croissante de
philosophie. Celle-ci, qui reflète une quête angoissée de
sens, est nettement perceptible dans l’écho rencontré par
la philosophie dans l’édition et les médias, mais aussi
dans l’efflorescence de nouvelles pratiques sociales et
scolaires : dans la cité (en France, cafés philosophiques
depuis 1992, nouvelles Universités populaires depuis
2002, etc.), et à l’école (notamment dans l’enseignement
primaire et avec les adolescents, ou les élèves en
difficulté).
« Les goûters philo », éditions Milan
À partir de 8 ans
Prix : 6 €
Le bien et le mal
La beauté et la laideur
Libre ou pas libre
Bonheur et malheur…
Page 6 sur 7
Inter Académiques Léry -Poses
jeudi 18 octobre 2007
Page 7 sur 7
Téléchargement