1 L`Europe a-t-elle une âme... européenne ? Questions sur l

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L’Europe a-t-elle une âme... européenne ?
Questions sur l’existence ou non d’une culture européenne commune.
Définitions
Âme : Identité, caractère, esprit (nous ne parlons pas ici de l’âme de la religion, mais de la
personnalité profonde). Cette identité nous la considérons comme une unité qui dépasse ses composants
(unité supra nationale). Une unité dans le temps, possédant une qualité commune à toutes les nations
européennes, qualité facilement reconnaissable et profonde.
L’Europe : S’agit-il d’un Continent ? Un continent est un espace géographique, et un espace n’a
pas d’âme. De l'ensemble constitué des pays de l’U.E., alors ? Oui, mais il y a des pays qui ne font pas
partie de l’Union européenne, comme la Russie, et qui partagent les mêmes valeurs et les mêmes
caractéristiques culturelles. Nous parlons, donc, ici d’une Europe plus large que l’U.E., probablement plus
large que le continent européen (incluant, sans doute, le Canada, les U.S.A., l'Argentine, le Chili et plus
de pays encore).
Culture et Civilisation : Ce sont des définitions qui se chevauchent, des notions qui ne sont pas
identiques. Si la civilisation est l’ensemble des connaissances techniques et pratiques d’un pays, (d’une
nation, d’un peuple), la culture constitue l’ensemble des principes, des valeurs et des idéaux d'un peuple
(Max Weber). L’esprit européen se définit à travers une conception unique de l’homme, de la liberté, de
l’individualisme. L’Humanisme, les Lumières, le Contrat social, le progrès de l’Humanité sont justement
les découvertes de cet esprit européen.
Eurosceptiques (les) : Ils affirment qu’il n’y a pas de nation européenne, pas de langue européenne
non plus. Ils sont sceptiques sur l’existence même d’un sentiment d’appartenance à une hyper-nation
européenne, sentiment qui, selon eux, n'est pas partagé non plus par les peuples du Continent.
Réponses (possibles) : Nous pouvons tout de même affirmer qu’il y a une philosophie européenne,
qui consiste à regarder le Monde de l’extérieur tout en mettant l’homme au centre de ce Monde. Il y a,
également, un art européen qui se définit par l’abandon de la réalité, de ce que l'on sent pour la réalité que
l'on joue (ou l’art du théâtre européen, dans lequel l’illusion du bonheur est gommée par le bonheur de
l’illusion). Il y a, enfin, une modernité européenne avec son relativisme politique et philosophique, dans
lequel nous nous définissons différents parce que nous sommes uniques. Mais nous pouvons tout de
même vivre ensemble, grâce à la conception (ancienne) de la Cité, où la coexistence pacifique de
différentes personnes, d'idées et de valeurs, est garantie par la Démocratie (notion purement et
simplement européenne) dans le lieu neutre que représente l’Etat européen. Dans cette perspective, l’U.E.
se présente comme une démocratie européenne supra nationale.
Qui appartient à l’Europe, à qui appartient l’Europe ? À tous ceux qui partagent les valeurs
européennes de tolérance, de liberté et d’égalité entre tous : entre hommes et femmes, entre citoyens des
différents pays européens, entre nous-mêmes et les autres. À tous ceux qui comprennent et acceptent
l’esprit de représentation et parlent couramment la langue théâtrale, langue européenne par excellence,
que se soit dans le domaine de l'art, de la philosophie ou celui de la politique (notons qu’on parle en
Europe de scène politique, de Lisbonne à Moscou et d’Oslo à Rome et à Athènes).
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La recherche
Quoi ? Répondre à cette question (l’Europe a-t-elle une âme... européenne ?) c’est voir clair dans
l’avenir, se mettre à l’évidence historique et culturelle, défendre la vérité : par le oui ou par le non.
Pourquoi ? Comprendre la (et répondre à la) question, cela signifie aussi construire un corpus
théorique à partir duquel peuvent se poser des questions politiques, sociales et économiques et essayer de
trouver des réponses. C’est, également, comprendre notre monde et notre place dans ce monde en période
de crises. Comprendre, et surtout justifier, la position de l’Europe dans le monde contemporain, voire
même ses relations internationales et son apport possible de stabilité et de pacification dans les conflits
internationaux.
Comment ? La méthode consiste à étudier et à comparer les cultures et les pratiques des différents
pays européens. Le chercheur doit trouver et étudier les lieux communs possibles. Il/Elle doit aussi
procéder à une définition des valeurs fondamentales de chaque pays, définition qui nous permettra
d’approfondir nos connaissances sur la nature de cette culture européenne commune.
Dans ce but précis nous proposons une étude comparée de l’art, de la philosophie et de la politique
en Europe, afin de trouver ces éventuels lieux communs.
Art
L’art européen a une particularité. L’artiste refait le monde et réclame sa création (Nicolas Poussin,
Garofalo, Le Caravage, Dali, Picasso, pour ne citer que des peintres, français, italiens, espagnols).
L’artiste européen ne reste pas un simple observateur du Monde et de la vie, mais il oppose sa propre
vision à celle généralement adoptée, créant ainsi le paradoxe (παρά την δόξαν) artistique, contre l’opinion
généralement et globalement acceptée. Le paradoxe est un élément central dans la culture européenne,
depuis l’antiquité (gréco-romaine) et jusqu’à nos jours. On le trouve dans la musique (la notion de la
dissonance, de J.S.Bach à Schoenberg et Webern), dans la peinture (l’idée d’une abstraction non
figurative, de Kandinsky à Malevich, Klee et Klein), dans la littérature (la conception d’un théâtre dans le
théâtre, depuis Sophocle, Euripide, Aristophane et jusqu'à Shakespeare, Marlowe, Molière et Beckett). On
peut aussi citer la découverte d’une mémoire involontaire et la transgression du temps linéaire (comme
chez Marcel Proust, dans À la Recherche du Temps Perdu, pour qui la réalité n'a de sens qu'à travers la
perception, réelle ou imaginaire, qu'en a le sujet).
Philosophie
Depuis Socrate (le Grec) et jusqu’à Derrida (le Français), en passant par Guillaume d’Ockham,
Descartes, Spinoza, Leibniz, Nietzsche et bien d’autres, le philosophe européen se remet en question et
cultive le doute. Méthodique, nihiliste, déiste ou athée, le philosophe se pose la question de la relation
profonde entre le monde, que lui-même examine, et sa propre langue, considérée comme un outil de
perception et de compréhension. Outil qui pourrait, éventuellement, créer ce qu’elle examine, en
renversant ainsi l’ordre entre l’objet (le Monde) et le sujet (le Philosophe). En d’autres mots, celui qui
observe et explique devient lui-même l’objet observé et expliqué, le langage définissant les limites de
cette investigation passionnante et passionnée (les limites de notre monde sont celles de notre langue,
nous dit Wittgenstein). Par ailleurs, le divorce définitif entre théologie et philosophie libère le philosophe
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européen de la sacra doctrina médiévale et de tout dogmatisme métaphysique. La déconstruction (comme
méthode d’investigation philosophique, selon Derrida) est également une anti-doctrine européenne, pour
révéler les décalages et confusions de sens qu'ils font apparaître par une lecture centrée sur les postulats
sous-entendus et les omissions dévoilés par le texte lui-même. Complexité gratuite ?... européenne, sans
doute...
Politique
L’absence de dogme philosophique ouvre la porte à la relativité politique. L’Etat (européen) se
présente comme le lieu neutre à l’intérieur duquel se définissent les services (et le bien) publics. L’état
européen (l’objet impensable, selon Bourdieu) et la démocratie moderne sont les deux inventions
(européennes, bien sûr) qui donnent la parole à tous ceux qui l’exigent, dans des règles préétablies. L’état
démocratique devient ainsi le point de vue des points de vue dans le monde européen constitué de tous les
pays de l’Europe, spécialement ceux de l’Union. Cette conception ne s’arrête pas au seul Continent, mais
elle embrasse le monde occidental (des U.S.A. et du Canada à l’Australie, la Nouvelle-Zélande et même
au-delà, à l’Amérique du Sud et au Japon). Mais cette conception reste toujours une invention purement
européenne, le langage politique compris par tous les pays et les citoyens de l'Europe, la véritable langue
commune (et profonde) de la nation européenne, depuis l'antiquité grecque jusqu'à nos jours.
Points d'appui
Nous proposerons l’écoute d’œuvres musicales clés, comme la Missa Fortuna Desperata de Jacob
Obrecht (l’artiste révolté), des extraits du Clavier Bien Tempéré de J.S.Bach (les nombres de la Musique,
la musique des Nombres) et la Fuga Ricercata (de Bach) dans la version orchestrée par Anton Webern
(l’œuvre à l’intérieur de l’œuvre, ou la transgression du temps et de l’espace).
Des tableaux de Poussin, Garofalo, Le Caravage, Munch seront également présentés et discutés.
Certains textes de littérature, de poésie et de théâtre, seront discutés afin de mieux définir la particularité
de l’art européen, notamment celle de réinventer ad infinitum le Monde.
Des questions sur l'attitude et sur la compréhension philosophique de l’Homme (sujet) face au
Monde (objet) et la place que tient la pensée philosophique dans la politique européenne depuis les
Lumières seront éventuellement abordées.
Université de Strasbourg
Janvier 30, 2013.
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