Le sanctuaire

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Le sanctuaire
Sources: Jean BAYET
DANIELOU
Stella KRAMRICH
Geo WIDENGREN
Pour l’homo religiosus, l’espace n’est pas homogène. Il y a des espaces qui ont
été séparés du reste de l’espace, consacrés par des hiéro- ou des théophanies.
Un lieu sacré n’est jamais choisi par l’homme, il est simplement découvert par
lui. Un espace sacré est un espace qui a été un jour consacré par une
théophanie. Ceci a deux implications.
C’est l’extraordinaire continuité à travers l’histoire des espaces consacrés. En
Europe, les rochers, les sources, les grottes, les bois vénérés au cours de la
protohistoire continuent d’être tenus pour sacrés par les populations chrétiennes
d’aujourd’hui, même si c’est quelquefois seulement au niveau de la religion
populaire. Une fois qu’il y a eu théophanie, la fonction d’un sanctuaire est de
perpétuer la hiérophanie par sa répétition rituelle, de rendre présent par la
liturgie le dieu qui s’est manifesté un jour spontanément
Le sacré qui s 'est manifesté un jour et dont la manifestation se répète
maintenant cultuellement est une chose dangereuse, pour qui entre en contact
avec lui sans y être préparé, sans être passé par les mouvements d’approche
que requiert n’importe quel acte religieux. De là, les innombrables rites et
prescriptions relatifs à l’entrée dans le sanctuaire et la participation aux rites, en
particulier les rites de purification. Dans l’islam, les ablutions mineures consistent
à se laver trois fois les bras, les pieds, la tête (cf. Bukhârî, Sahîh 4.21.1). Dans
l’hindouisme on se rince notamment la bouche (âcamana, cf. Baudh 1.5.8.11 ss)
Le caractère potentiellement dangereux du sacré explique probablement qu’on
s’est mis très tôt à clôturer l’espace sacré. Le cercle de pierres ou le mur de
pierres qui enserre l’espace sacré sont les plus anciennes structures
architectoniques connues du sanctuaire. Notons aussi qu’il y a tendance à
clôturer la parole sacrée (pour la distinguer de la parole profane). C’est dans
l’hindouisme la fonction de la syllabe om qui encadre, au début et à la fin, toute
action cultuelle, dans beaucoup de religions (hindouisme, christianisme, islam) la
fonction de la psalmodie des textes sacrés.
Les différentes sortes de lieux sacrés
a. Les sanctuaires les plus archaïques sont les espaces naturels
ouverts
- les bois et les forêts, chez les Grecs, les Romains et les
peuples germaniques. C’est le lucus.
- les sources et les montagnes.
b) Les espaces naturels fermés : les grottes et les cavernes. Les
grottes étaient très certainement les lieux de culte des hommes
préhistoriques. Le culte de Mithra était célébré dans des grottes
naturelles ou artificielles (spelaeum, antrum). Mohammed a eu sa
première révélation dans la grotte du mont Hirâ. Selon la tradition
chrétienne (Protévangile de Jacques), Jésus est né dans une
grotte.
c. Le premier sanctuaire, c’est la maison, bien avant le temple. Toute
maison était à l’origine un sanctuaire. Les appartements dans lesquels
nous " vivons " sont parfaitement désacralisés. On a peine à s’imaginer
que dans les temps anciens la maison était une unité organique où se
passait la totalité de la vie : unité de production, espace culturel et cultuel
et non seulement unité de consommation. La maison était le lieu du culte
domestique très développé dans certaines religions, notamment dans la
Rome ancienne et en Inde.
* A Rome, le foyer était l’endroit le plus sacré de la maison
romaine, celui ou brûle le feu sacré, jour après jour ; enfermé avec
la cendre le soir, le feu s’y réveille tous les matins. Dans chaque
maison, chaque jour, le repas s’interrompait, pour q’une partie des
aliments fût, en offrandes aux Pénates, posé sur le foyer ou jeté
dans le feu. Le silence était alors prescrit, jusqu’à ce que fut
annoncé par le chef de famille-officiant que " les dieux étaient
propices ". Si sacrée était la nourriture qu’une bouchée qui tombait
devait être recueillie, et non nettoyée, brûlée en expiation.
* En Inde : le feu (agni) brûle nuit et jour dans chaque foyer des
trois classes supérieures. L’oblation aux dieux (un des cinq grands
sacrifices quotidiens) y est jeté avant chaque repas (donc matin et
soir).
On ne construit pas une maison n'importe où: comme pour les
temples, l'espace devait être consacré, c-à-d soustrait à l'espace
profane, chaotique.
En Inde, rites de fondation des maisons, des villages et des
temples se recoupent largement. On dessine sur le sol un
diagramme en forme de damier, le mandala, qui est la
représentation symbolique du cosmos. Tout temple, comme toute maison,
est un analogue du cosmos.
Le temple hindou: image du monde
Après purification du sol, on dessine le vastu-purusha-mandala (cf
image ci-dessus), diagramme en forme de damier, le carré étant
signe de ce qui est stable et parfait.
Le centre du carré est occupé par le Dieu unique (quel que soit son
nom: Vichnou, Shiva, Brahmâ), en tant que manifestation du
Brahman, l'Absolu au-delà duquel il n'y a plus rien. Cette case
centrale correspond dans le temple réel à la cella, le saint des
saints où se trouve la représentation figurée ou symbolique de la
divinité unique.
Autour de la case du Dieu unique se trouvent les cases des 8
régents des planètes, tandis que les 32 cases externes du damier
représentent les 28 mansions lunaires + 4 directions de l'espace.
Le contour extérieur du damier représente l'écliptique.
Les 32 carreaux + le carreau central, soit 33 carreaux,
correspondent aux 33 divinités des hymnes Âpri dans le Rig-Veda.
Au milieu du damier, il y a aussi 12 autres cases, qui représentent
12 autres divinités, les Âdityas.
La structure du temple hindou symbolise une démarche
initiatique: plus on se rapproche de la cella, plus on se rapproche de la cellule-mère
dont est issu le monde (garbhagriha), on passe ainsi du multiple (les 33 divinités) à
l'Unique (la cella), alors que le processus de la création du monde (et de l'homme !) est
exactement inverse, c'est un passage de l'Un (une cellule-mère) au multiple.
Les sanctuaires du Proche-Orient ancien
La symbolique cosmique
En Mésopotamie, le temple se composait d'un ensemble de
bâtiments et d'une tour élevé appelée ziggurat.
Le temple le plus célèbre de la Mésopotamie se trouvait à
Babylone et d'appelait ESAGILA. Il comportait une ziggurat
nommée E-TEMEN-AN-KI, qui signifie en sumérien "La maison qui
est le fondement du ciel et de la terre. Cette ziggurat comportait 7
étages et avait une forme cubique de 90m x 90m x 90m.
La ziggurat de Borsippa s'appelait E-UR-IMIN-AN-KI "la maison
des 7 guides du ciel et de la terre. Ces guides ce sont les 7
planètes, si bien que chaque étage de la ziggurat symbolisait une
sphère planétaire. En montant les 7 étages de la ziggurat, le prêtre
franchissait donc symboliquement les 7 sphères planétaires,
jusqu'au point le plus élevé du firmament. Le temple conduit donc
du monde des hommes au monde des dieux. D'ailleurs, Babel
vient de l'akkadien bab-ili "porte de Dieu". Cette conception trouve
également clairement son expression dans l'un des temples de
Nippur, DUR-AN-KI "lien entre terre et ciel".
Au sommet de la ziggurat se trouvait la chambre nuptiale de
Marduk (ou Tammuz) où celui-ci fêtait chaque année ses noces
avec Ishtar.
Symbolisme cosmique du temple de Jérusalem
Tout comme Babel, Jérusalem est le centre du monde: Ez. 38.12
appelle Jérusalem tabbûr "nombril".
De même que dans les temples mésopotamiens l'océan d'eau
douce primordial était représenté cultuellement, de même il est
représenté dans le temple de Salomon par un bassin nommé yam
"la mer" (1 R 7.23.26)
Le debîr (saint des saints) du temple de Jérusalem (1 R 6.20) avait
une dorme cubique: 20 coudées sur 20 sur 20.
L'autel était formé de 3 surfaces carrées:
en bas: 16 x 16 coudées,
au milieu: 14 x 14
en haut: 12 x 12.
Selon 2 Chr 6.12-13, la tribune sur laquelle se tint Salomon lors de
la consécration du temple avait également une forme carrée: 5
coudées x 5.
Le symbolisme de la fécondité
On le trouve dans le nom de Babel: en sumérien Babel se dit TINTIR-RA, c-à-d "jardin de vie.
L' arbre de vie d'Eridu unit un symbolisme cosmique et un
symbolisme de fécondité.
a. Dans le sud de la Mésopotamie, sur le Golfe Persique, se
trouve la ville d'Eridu. Là se trouve le temple du dieu Ea.
Son temple à Eridu s'appelle "Eâpsu" c-à-d "maison de
l'océan d'eau douce, "é" = maison, en sumérien).
b. Or à Eridu se trouvait un arbre que l'on appelait l'"arbre de
vie"; cet arbre poussait sur Âpsu, l'océan d'eau douce. Cet
arbre de vie se trouve au confluent des deux fleuves, mà où
selon la mythologie sumérienne se trouvait le Paradis
c. Selon les données mythologiques, Gilgamesh se rendit làbas pour gagner l'immortalité. Là, dans le Paradis, au
confluent des deux fleuves, il reçoit une plante mystérieuse
qui porte un nom symbolique "jeune deviendra l'homme
quand il sera vieux". Cette plante a donc le pouvoir de
renouveler la vie; c'est la plante de vie.
Cette plante de vie ou arbre de vie sont décrits de telle façon qu'il
en ressort qu'il ne s'agit pas d'un arbre réel, mais d'un symbole
cultuel. Il s'agissait probablement d'une colonne décorée de
bandes métalliques.
Chaque temple avait son jardin. L'arbre de vie avait donc sa place
dans le jardin du domaine du temple. L'océan d'eau était figuré par
un grand bassin. Autrement dit: l'arbre de vie, le Paradis et l'océan
du mythe étaient figurés cultuellement par la colonne décorée, le
jardin du temple et le bassin.
Or, dans la mythologie babylonienne, le Paradis comporte non
seulement l'arbre de vie qui pousse sur l'océan primordial, mais
aussi une hutte de bambou où la déesse Ishtar fêtait ses noces
avec le gardien du Paradis, Tammuz.
De même que l'arbre de vie et l'océan du mythe étaient
représentés cultuellement, de même la hutte était représentée
cultuellement.
Les liturgies sumériennes ou bilingues (sumérien-akkadien)
mentionnent un lieu mystérieux du temple, le gi-pur (sumérien) ou
giparru (akkadien), ce qui signifie "chambre sombre". Cette
chambre sombre était l'endroit du temple où était célébré le hieros
gamos entre le roi (figurant le dieu gardien du Paradis, Tammouz)
et une prêtresse figurant Ishtar. Le gipparu porte en sumérien un
autre nom: ga-nun à akk. Ganûnu --> arabe janna "Paradis".
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Bibliographie
Définition Mircea Eliade Le sacré Théophanies Le Ciel Le Sanctuaire Personnes
sacrées Le Mythe
Hindouisme Judaïsme Bouddhisme Christianisme Islam Histoire des Religions
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