La Légion Etrangère La plus importante des sonneries règlementaires à la Légion Etrangère, s’appelle « au caïd ». Elle est jouée par la musique lorsque le Chef de Corps se présente sur le front des troupes. Le caïd c’est le chef et il joue un rôle primordial à la Légion. Les quatre premiers vers d’un chant très souvent repris par les légionnaires ne sont-ils pas : « C’est une chose d’importance, Que la discipline à la Légion, L’amour du chef, l’obéissance, Sont nos plus pures traditions. » Le 9 mars 1831, le roi Louis Philippe signe l’ordonnance créant la Légion Etrangère : « Nous Louis Philippe 1er, Roi des Français, à tous présents et à venir salut ! Il sera constitué une Légion composée d’étrangers. Cette Légion prendra la dénomination de Légion Etrangère. » En signant cette ordonnance, Louis Philippe savait pourquoi il la signait : il avait besoin de troupes fraîches et fiables pour la conquête de l’Algérie, il existait en France une très ancienne tradition de troupes étrangères au service du Roi, garde écossaise, garde suisse, le dernier en date étant le Régiment de Hohenlohe. Au moment de la Restauration, tous ces régiments étrangers, très nombreux dans la Grande Armée sont dissous. Sous l’impulsion du Maréchal SOULT la Légion Etrangère est crée. Plus tard, le Maréchal FRANCHET D’ESPEREY pourra dire : « C’est le rôle historique de notre pays que d’ouvrir les bras à tous ceux qui viennent lui demander asile pour assurer leur liberté et sauvegarder leur conscience ! ». Paroles fortes, la réalité est parfois conforme à celles-ci mais souvent un peu différente : - en 1831, l’Europe est partout troublée par des soulèvements provoquant l’exode de nombreux proscrits, la Légion Etrangère leur offre un refuge. Ces révolutionnaires en rupture de barricades qui n’avaient pas voulu servir une cause qui leur paraissait injuste vinrent rejoindre les soldats de métier et les ouvriers sans travail qui composèrent les premiers éléments de la Légion Etrangère. - en juillet 1870, des rapports du type suivant arrivaient jusqu’à l’Empereur : « il se présente chaque jour à nos frontières un nombre considérable d’étrangers demandant à servir sous le drapeau de la France pendant la guerre actuelle ». Evidemment ces volontaires étaient les bienvenus car pendant que le maréchal LEBOEUF, ministre de la guerre étirait péniblement sur nos frontières les 240000 hommes des troupes de campagne disponibles, le maréchal-comte Helmuth Von Moltke organisait l’impeccable Page 1/14 concentration en masses profondes de ses 3 armées, c'est-à-dire 518000 hommes, 3 béliers en face de la ligne française étirée. - en 1914, même constatation, les volontaires étrangers affluent en masse, bien souvent résidants et travaillant en France depuis de nombreuses années, ils souhaitent témoigner leur reconnaissance au pays qui les a accueillis, ils constituent alors le 3ème Régiment de Marche de la Légion Etrangère. Mais ces volontaires, commerçants, artisans, artistes, universitaires sous les ordres d’un colonel de gendarmerie vont être envoyés non au feu mais à la boue dès l’hiver 1914 sur le front de la Somme. La plupart auront droit à la croix de bois et seront remplacés au sein du 4ème Régiment de marche de la Légion Etrangère par « les Garibaldiens » durement éprouvés en Argonne (429 tués ou disparus en 3 mois de campagne). - en 1939, si les mobilisés anciens légionnaires, recevaient leur feuille de route sans se réjouir, d’autres enthousiastes, originaires de près de 50 nationalités affluaient au camp de Barcarès dans les Pyrénées Orientales. Anciens républicains espagnols, juifs de toutes nationalités qui s’engageaient parce que l’ennemi était l’Allemagne hitlérienne. Le commandement les organisa sous l’appellation de 21ème, 22ème et 23ème régiments de marche de Volontaires Etrangers. On voit bien cette caractéristique de la Légion Etrangère qui a toujours attiré au service de la France des hommes qui avaient souvent perdu toute espérance et qui venaient dans ses rangs reconquérir un peu de dignité humaine. Mon exposé pourrait être ordonné chronologiquement, je n’en ferais rien, balayant 4 continents : Afrique, Europe, Amérique et Asie, je montrerais l’universalité de l’action de la Légion Etrangère. Je voudrais d’abord faire litière d’une légende qui tendrait à démontrer que, à la Légion, le racisme aurait trouvé un terreau pour se développer. Il n’en est bien entendu rien. Actuellement près de 140 nationalités sont représentées à la Légion. Par essence la composition de la Légion exclus le phénomène de racisme. Une caractéristique que je voudrais aussi souligner : l’origine des légionnaires est très liée aux conflits qui se déroulent dans le monde, c’est ainsi que la fin des deux guerres mondiales a vu nombre de soldats d’origine germanique rejoindre ses rangs, au moment de la révolution russe, nombre de russes blancs se sont engagés sous son drapeau, l’effondrement du mur de Berlin et la chute du communisme ont entraîné l’intégration de nombreux volontaires issus des pays de l’Est. La légende est tenace qui consiste à dire que de très nombreux repris de justice garnissent ses rangs. C’est ignorer le travail des personnels du recrutement de la Légion Etrangère qui disposent depuis sa création du fichier d’Interpol des personnes recherchées. Certes peuvent être incorporés des délinquants ou petits repris de justice, à la condition que les officiers recruteurs les estiment amendables. La Légion est un creuset qui façonne les hommes sans nom, mais pour être façonné, encore faut-il y entrer et la sélection est aussi et surtout physique. Page 2/14 L’AFRIQUE La première Légion : organisée en bataillons nationaux. Dès la fin 1831, cinq bataillons de Légion sont envoyés à Alger, Oran et Bône. Ses débuts ne sont pas exceptionnels mais comment s’en étonner ; une telle masse d’homme ne parlant pas ou très mal le français. Très vite, cependant, les vieilles troupes (sous-officiers) qui les encadraient sous les ordres d’un vieil officier suisse qui avait combattu en Espagne sous l’Empire, le colonel STOFFEL, vont donner à la Légion une très belle allure. L’Algérie est le berceau de la Légion, elle y établira son foyer : Sidi-bel-Abbès. C’est alors que sa belle tâche civilisatrice se dessine déjà : construction de routes, de postes, de canaux d’irrigation, assèchement de marais, plantations, travaux divers, certes dans son intérêt mais aussi au bénéfice des populations autochtones. Parallèlement à cette œuvre pacifique, la Légion combat : avril 1832 près de Maison Carrée, 11 novembre 1832 combat de Sidi-Chabal contre un jeune rebelle Abd-El-Kader, prise d’Arzew, occupation et défense de Mostaganem. En juin 1832, le colonel BERNELLE prend le commandement et apporte avec lui le 1er drapeau de la Légion Etrangère. Pendant cette période, le bataillon espagnol se montre particulièrement apte à la forme de guerre qu’apprennent en Afrique nos officiers et nos soldats. C’est prémonitoire puisque en juillet 1835 la Légion Etrangère est prêtée à la Reine Isabelle d’Espagne. Terrible campagne au cours de laquelle la Légion illustre déjà la devise qui sera inscrite plus tard sur ses drapeaux : « HONNEUR ET FIDELITE ». Le colonel BERNELLE lui donne alors son organisation définitive en organisant la mixité nationale des bataillons. De 1835 à 1838, l’Arlaban, Tirapegui, Zubiri, Huesca, Barbastro, la Légion malgré l’oubli du paiement des soldes reste fidèle à ses chefs dont le colonel CONRAD. La Nouvelle Légion : en décembre 1835 ; face au besoin de troupes en Algérie, une ordonnance royale prescrit la formation d’une nouvelle Légion dont le dépôt alimentera aussi les unités combattants en Espagne. L’assaut de Constantine, Djidjelli, Médéa , Miliana sont jusqu’en 1840 les combats où s’illustrent la Légion. De 1840 à 1883 c’est la conquête de l’Algérie. Le Général BUGEAUD nommé gouverneur Général de l’Algérie donne un aspect totalement nouveau à la lutte : moins de postes, mais ceux qui subsistent sont renforcés, multiplication des colonnes ; le commandement se rend compte de la solidité des 1er et 2ème régiments Etrangers : Zaatcha, Ischeriden en 1857 confirment la valeur des « grandes capotes ». Pour la Légion, la conquête s’achève par le sanglant combat de Chott Tigri en 1882 au cours duquel l’unité de Page 3/14 Légion engagée perdit tous ses chefs, le commandement sera assuré jusqu’à l’arrivée de la colonne de secours du Général de Négrier par un simple légionnaire. Celui-ci tué, on trouva sur son cadavre une relique, dans une « autre vie » il avait reçu la croix de la Légion d’Honneur. LA CAMPAGNE DE CRIMEE (1854-1856) Cette campagne d’Orient prend un caractère particulier puisqu’il s’agit d’un nouvel épisode de la question d’Orient depuis l’arrivée des turcs en Europe dès la seconde moitié du XVème siècle. 1853, le tsar Nicolas 1er décide la prise de Constantinople, la Turquie attaquée appelle à son aide la France et l’Angleterre. 1854 : Napoléon III se décide à la guerre. Mais ni la France et encore moins l’Angleterre ne sont prêtes. Néanmoins, les troupes alliées débarquent dans les Balkans et se heurtent pour toute résistance à une terrible épidémie de choléra. Sous commandement britannique, le corps expéditionnaire finit par débarquer en Crimée, il est rejoint par le 1 er Régiment Etranger et des éléments du 2ème Régiment Etranger. Victoires de l’Alma puis d’Ischeriden imposent la valeur des légionnaires surnommés par les russes les « ventres de cuir » en raison de la forme particulière de leur cartouchière. C’est alors le siège de Sébastopol avec la prise de l’ouvrage de Malakoff par une centaine de volontaires du 1er Régiment Etranger. Ceux-ci prenant pied sur le bastion central permettent au Général de Mac Mahon d’avoir cette phrase « historique » : il répondra à un officier anglais qui lui demandait ses intentions : « allez dire à votre général que j’y suis et que j’y reste ». MAGENTA ET SOLFERINO 1859 Deux mois de campagne. Le congrès de Paris qui fait suite à la guerre de Crimée, porte en germe l’intervention de la France en faveur de l’unité italienne, car l’Italie a rejoint les Alliés en Crimée. L’armée française mal préparée, notamment pour ce qui concerne les services de santé et l’Intendance entre en campagne sous le commandement de généraux mal préparés à ce type de combat. Les deux régiments de Légion sont intégrés au 2ème Corps du Général de Mac Mahon. Les légionnaires vont avoir très vite à se servir du nouveau fusil à canon Page 4/14 rayé qu’ils ont perçu au début de la campagne. C’est le combat de Montebello le 20 mai 1859. Le 4 juin le 2ème Corps se porte sur Magenta, la brigade Etrangère est engagée 1er Etranger et 2ème Etranger sous les ordres du Colonel de Chabrière qui est tué au début de la charge. Lorsque Mac Mahon apprend que la Légion est dans Magenta, il a cette formule : « La Légion est à Magenta, l’affaire est dans le sac. ». En résumé Magenta et Solférino, combats de hasard, de rencontres ont été des boucheries au cours desquelles la Légion a payé un lourd tribu : 14 officiers dont le colonel de Chabrière, et 300 sous officiers et légionnaires tués. Le 7 juin, le 2ème corps, dont la Légion, fait son entrée triomphale dans Milan. L’Italie pouvait fêter alors son indépendance. Les récits des anciens sur cet épisode milanais sont éloquents, ces hommes, sans feu ni lieu autre que leur régiment, s’avançaient sous les acclamations sans fin, les ovations, sous une pluie de roses. Les Milanaises se jetaient sur eux pour les couronner de fleurs et la fin du défilé n’épuisa nullement cette ardeur ; La nuit, les jardins embaumaient……..Je cite un ancien : « Elles étaient folles mon gars. Et nous aussi on était comme fous. » Le 19 août, le 2ème Etranger embarquait à Toulon pour Mers El Kébir. Auparavant le commandement avait cru possible de recruter à Milan. C’était sans compter sur la réaction des Milanais de sexe mâle qui n’avaient qu’une hâte, voir s’éloigner les libérateurs, pas un ne s’engagea. L’AVENTURE MEXICAINE CAMERONE 1863-1867 Il n’est évidemment pas question d’évoquer dans le détail les motifs de l’intervention au Mexique, pour mémoire il s’agissait pour Napoléon III de réaliser l’union des sudaméricains contre l’expansion des Etats-Unis. Pour cela un premier contingent de troupes françaises débarque à la Vera-Cruz en 1862 pour imposer l’Archiduc Maximilien frère de l’Empereur d’Autriche comme souverain du Mexique. La conséquence c’est que pendant 4 ans il faudra faire face à une guérilla qui va exploser partout dans le pays. Rébellion dirigée par JUAREZ et soutenue dès 1865 (fin de la guerre de Sécession) par les Etats-Unis. Page 5/14 L’engagement de la Légion Etrangère : Il n’avait pas été prévu dans le corps expéditionnaire français. Une pétition des officiers subalternes auprès de l’Empereur est couronnée de succès, les plus anciens de chaque grade sont punis, mais le 19 janvier 1863, le colonel JEANNINGROS commandant le Régiment Etranger reçoit l’ordre de partir avec 2 bataillons. JEANNINGROS est soldat depuis l’âge de 14 ans car Enfant de Troupe. C’est un homme d’action 7 fois blessé et qui reçoit la mission ingrate d’assurer la circulation entre Vera-Cruz et Puebla. Mission de sécurité dans les Terres Chaudes qui va donner à la Légion l’occasion de son plus brillant fait-d’armes. Le sacrifice suprême à Camerone : Récit du combat de Camerone tel qu’il est lu tous les 30 avril sur le front des troupes L’armée française assiégeait Puebla. La Légion avait pour mission d’assurer , sur cent vingt kilomètres, la circulation et la sécurité des convois. Le colonel Jeanningros, qui commandait, apprend, le 29 avril 1863, qu’un gros convoi emportant trois millions en numéraire, du matériel de siège et des munitions était en route pour Puebla. Le capitaine Danjou, son adjudant-major, le décide à envoyer au devant du convoi une compagnie. La 3ème compagnie du Régiment étranger fut désignée mais elle n’avait pas d’officier disponible. Le capitaine Danjou en prend lui-même le commandement et les sous-lieutenants Maudet, porte-drapeau, et Vilain, payeur, se joignent à lui volontairement. Le 30 avril, à 1 heure du matin, la 3ème compagnie, forte de trois officiers et soixante-deux hommes, se met en route. Elle avait parcouru environ vingt kilomètres, quand, à 7 heures du matin, elle s’arrête à Palo Verde pour faire le café. A ce moment, l’ennemi se dévoile et le combat s’engage aussitôt. Le capitaine Danjou fait former le carré et, tout en battant en retraite, repousse victorieusement plusieurs charges de cavalerie, en infligeant à l’ennemi des premières pertes sévères. Arrivé à la hauteur de l’auberge de Camerone, vaste bâtisse comportant une cour entourée d’un mur de trois mètres de haut, il décide de s’y retrancher pour fixer l’ennemi et retarder ainsi le plus possible le moment où celui-ci pourra attaquer le convoi. Pendant que les hommes organisent à la hâte la défense de cette auberge, un officier mexicain, faisant valoir sa grosse supériorité du nombre, somme le capitaine Danjou de se rendre. Celui-ci fait Page 6/14 répondre : « Nous avons des cartouches et ne nous rendrons pas ». Puis, levant la main, il jura de se défendre jusqu’à la mort et fit prêter à ses hommes le même serment. Il était 10 heures. Jusqu’à 6 heures du soir, ces soixante hommes, qui n’avaient pas mangé ni bu depuis la veille, malgré l’extrême chaleur, la faim, la soif, résistent à deux mille Mexicains : huit cents cavaliers, mille deux cents fantassins. A midi, le capitaine Danjou est tué d’une balle en pleine poitrine. A 2 heures, le sous-lieutenant Vilain tombe, frappé d’une balle au front. A ce moment, le colonel mexicain réussit à mettre le feu à l’auberge. Malgré la chaleur et la fumée qui viennent augmenter leurs souffrances, les légionnaires tiennent bon, mais beaucoup d’entre eux sont frappés. A 5 heures, autour du sous-lieutenant Maudet, ne restent que douze hommes en état de combattre. A ce moment, le colonel mexicain rassemble ses hommes et leur dit de quelle honte ils vont se couvrir s’ils n’arrivent pas à abattre cette poignée de braves (un légionnaire qui comprend l’espagnol traduit au fur et à mesure ses paroles). Les Mexicains vont donner l’assaut général par les brèches qu’ils ont réussi à ouvrir, mais auparavant, le colonel Milan adresse encore une sommation au sous-lieutenant Maudet ; celui-ci la repousse avec mépris. L’assaut final est donné. Bientôt il ne reste autour de Maudet que cinq hommes : le caporal Maine, les légionnaires Catteau, Wensel, Constantin, Léonhard. Chacun garde encore une cartouche ; ils ont la baïonnette au canon et, réfugiés dans un coin de la cour, le dos au mur, ils font face ; à un signal, ils déchargent leurs fusils à bout portant sur l’ennemi et se précipitent sur lui à la baïonnette. Le sous-lieutenant Maudet et deux légionnaires tombent, frappés à mort. Maine et ses deux camarades vont être massacrés quand un officier mexicain se précipite sur eux et les sauve ; il leur crie : « Rendez-vous ! » – « Nous nous rendrons si vous nous promettez de relever et de soigner nos blessés et si vous nous laissez nos armes ». Leurs baïonnettes restent menaçantes. « On ne refuse rien à des hommes comme vous ! » répond l’officier. Les soixante hommes du capitaine Danjou ont tenu jusqu’au bout leur serment ; pendant 11 heures, ils ont résisté à deux mille Page 7/14 ennemis, en ont tué trois cents et blessé autant. Ils ont, par leur sacrifice, en sauvant le convoi, rempli la mission qui leur avait été confiée. L’empereur Napoléon III décida que le nom de Camerone serait inscrit sur le drapeau du Régiment étranger et que, de plus, les noms de Danjou, Vilain et Maudet seraient gravés en lettres d’or sur les murs des Invalides à Paris. En outre, un monument fut élevé en 1892 sur l’emplacement du combat. Il porte l’inscription : ILS FURENT ICI MOINS DE SOIXANTE OPPOSÉS À TOUTE UNE ARMÉE SA MASSE LES ÉCRASA LA VIE PLUTÔT QUE LE COURAGE ABANDONNA CES SOLDATS FRANÇAIS LE 30 AVRIL 1863 À LEUR MÉMOIRE LA PATRIE ÉLEVA CE MONUMENT Depuis, lorsque les troupes mexicaines passent devant le monument, elles présentent les armes. » Plus prosaïquement quelques chiffres sont à citer. A 60 cartouches par homme, les légionnaires disposaient de 3720 cartouches, toutes ont été tirées, or au moins 300 mexicains ont été tués ou blessés soit un ennemi atteint pour 12 cartouches tirées. Même avec des armes modernes, aucun corps de troupe n’a atteint ce résultat au cours de la 2ème guerre mondiale. Du capitaine DANJOU, on ne retrouva sur le lieu du combat que sa main de bois, relique présentée sur le front des troupes le 30 avril, jour anniversaire du combat. LE TONKIN Des pavillons noirs au coup de force japonais 1883-1945 Les troupes françaises sont engagées au Tonkin à la demande du royaume d’Annam pour lutter contre les Pavillons Noirs issus de Chine après la révolte des Taïping. La Légion débarque le 8 novembre 1883 dans le port d’Haïphong, elle restera présente au Tonkin tant que nos couleurs y flotteront. Elle y est envoyée à la demande du Général Page 8/14 de Négrier qui a eu cette formule : « vous autres légionnaires, vous êtes soldats pour mourir, je vous envoie où l’on meurt ». Et c’est d’abord la conquête : Tuyen-Quang, Lang Son vers la frontière de Chine puis la pacification qui durera jusqu’en 1934. En 1896, le 1er bataillon de la Légion occupe la région de Cao-Bang, le 2ème bataillon occupe la région de That-Khé, le 3ème bataillon occupe Tuyen-Quang et Ha-Giang, le 4ème bataillon occupe Lao-Kay et Yen-Bay. Fin 1907, le Tonkin paraît totalement pacifié. Après 1918 et l’attaque de Lang Son par un millier de chinois, 3 bataillons supplémentaires de la Légion sont envoyés au Tonkin. L’ensemble de ces 7 bataillons constitue le 5ème Régiment Etranger d’Infanterie surnommé : Régiment du Tonkin Je passerais rapidement sur les expéditions au Dahomey contre le roi Béhanzin surnommé Bec en Zinc par les légionnaires et à Madagascar , curieuse expédition pour la Légion, les chiffres suivants laissent rêveur : Corps expéditionnaire : 21600 hommes, tués au combat :7, morts des suites de leurs blessures 13, morts autrement 5736 (épidémies, construction de la route Majunga-Tananarive). Le rôle de la Légion fut là encore essentiel notamment dans la construction de la route. Intervenant à Madagascar en juillet 1896, le Général Galliéni pouvait dire : « je demande l’autorisation d’emmener avec moi à Madagascar six cents hommes de la Légion Etrangère afin de pouvoir, le cas échéant, mourir convenablement ». C’est dire le degré de notoriété atteint par la Légion Etrangère. LES PAGES HEROÏQUES DE 1914-1918 Navarin, Belloy en Santerre, Aubérive, Cumières, le bois du Hangard, Dommiers, Laffaux. 1914, c’est d’abord l’afflux des étrangers au service de la France (plus de 50 nationalités), ils sont incorporés dans 4 Régiments de Marche de Volontaires Etrangers. A partir de novembre 1915, un seul subsistera, le Régiment de Marche de La Légion Etrangère, le glorieux RMLE. Artois, mai-juin 1915 , attaque des ouvrages blancs : la préparation d’artillerie n’ayant pas produit ses effets, le RMLE intégré à la division marocaine subit en une journée des pertes terrifiantes : 50 officiers morts ou blessés, 1889 légionnaires manquent à l’appel. Le 16 juin, le régiment recomplété remonte à l’assaut pour un bilan là aussi dramatique 21 officiers et 624 hommes tués ou blessés sans que le front ne bouge d’un iota. Page 9/14 La butte de Souain et la ferme de Navarin : Transporté en Champagne, le RMLE attaque le 25 septembre sous une pluie diluvienne, il constitue l’élément central du dispositif dont l’objectif est la ferme de Navarin. Les pertes sont telles que le régiment est dissous puis reconstitué à partir des éléments de 2ème de marche du 1er Etranger, parmi les blessés on trouve le légionnaire suisse Blaise Cendrars qui eut un bras arraché . Belloy en Santerre : Juillet 1916, le RMLE est engagé dans la Somme. Le 4 juillet un objectif lui est désigné : la prise du village de Belloy en Santerre. Il s’agit tout simplement de franchir un glacis de près d’un kilomètre, absolument plat, glissant car il pleut et battu par les mitrailleuses allemandes brefs l’objectif idéal. « En avant la Légion » après plusieurs vagues d’assaut infructueuses, on entend le clairon qui sonne la charge dans Belloy. La Légion ramène 750 prisonniers dont 15 officiers mais elle a subi des pertes terribles et perdu près d’un tiers de son effectif (25 officiers et 844 légionnaires hors de combat. A Belloy est tombé le poète Alan Seeger. Ramené en Champagne c’est à Mourmelon que le lieutenant colonel Rollet prend le commandement du RMLE. Désormais l’histoire du 1er légionnaire de France que l’on surnommera le père Légion va se confondre avec l’histoire du RMLE. Le 14 juillet 1917, le Président Poincaré accroche à son drapeau la fourragère aux couleurs de la médaille militaire. Verdun : Evidemment la légion est engagée à Verdun, le 20 août 1917 elle a pour mission d’enlever le village de Cumières et le boyau des Forges. C’est un succès éclatant pour le RMLE qui derrière son chef enlève tous ses objectifs et les dépasse. Les prises sont considérables 680 prisonniers dont 20 officiers, 10 canons de 77, 4 canons de 105, 1 canon de 380 et une quantité de mitrailleuses et de munitions de tous calibres. Pour autant, les pertes sont relativement peu élevées : 53 tués dont un officier et 271 blessés dont 20 officiers. Le colonel Rollet ayant reçu un éclat d’obus au bras refusa d’être évacué. La ruée allemande, Hangard en Santerre : Le 21 mars 1918 l’ultime attaque allemande se déclenche et déboule vers Amiens. Il s’agit de lui barrer la route. La mission du RMLE est de s’emparer et de tenir le bois du Hangard position clé sur la route d’Amiens. Au prix de 18 officiers et 833 hommes hors de combat, le sacrifice du régiment barre la route d’Amiens à l’ennemi. La brèche dans la ligne Hindenburg. Du 2 au 14 septembre 1918 le RMLE est à nouveau jeté dans la bataille sur un secteur où les américains ne sont pas parvenus à percer. La Légion atteint tous les objectifs qui lui étaient fixés au prix de pertes sévères puisque la moitié de l’effectif est hors de combat. Page 10/14 LES CAÏDS DE LYAUTEY Du Guir saharien aux montagnes du Grand Atlas. « La Légion a été dans tout mon commandement oranais et marocain, ma troupe, ma plus chère troupe » Maréchal LYAUTEY A partir de 1907, en moins de 30 ans, le Maroc subit une transformation complète sous l’impulsion d’un véritable proconsul, le général LYAUTEY. Conservant au Maroc son caractère naturel tout en réduisant peu à peu les rebelles, LYAUTEY dota ce pays d’une infrastructure moderne en s’appuyant sur le sultan. La part principale dans cette œuvre de pacification et de développement appartient à la Légion Etrangère. Plus de 30 noms de postes ou de combats dont El Moungar, Bou Gafer et bien d’autres. Sur toute l’étendue du Maroc des stèles rappellent les sacrifices consentis par les Régiments Etrangers. C’est en fait la protection de notre frontière algérienne qui nous amènera au Maroc. Dans la réussite de la Légion au Maroc, il faut noter l’inlassable ronde des compagnies montées. Initiées par LYAUTEY, le principe en était simple : un mulet pour deux hommes, le mulet (le brêle) transportant alternativement l’un puis l’autre et le barda des deux hommes. 12 à 15 heures de marche par jour changement toutes les heures. A ce rythme, de 1914 à 1918, la présence française s’étend et se consolide au Maroc. Réduite à deux régiments de marche et à deux compagnies montées la Légion a été de toutes les affaires, combats et travaux. L’élément tactique fondamental était alors le bataillon : chaque chef de bataillon était un caïd, un petit sultan qui imprimait son style à son unité, on parlait alors du bataillon Nicolas, du bataillon de Tscharner, du bataillon Kratzert, du bataillon Naegelin…… Certains de ces officiers vont devenir des légendes ainsi le Prince Aage de Danemark, géant blond à la figure rougeaude, des yeux bleus froids, le képi très incliné vers l’avant, la visière relevée à la légionnaire, adoré par ses hommes. Un soir de beuverie, un jeune sous-préfet s’étonne que des militaires puissent faire autant de bruit en sa présence, le commandant Aage se lève , s’approche du sous préfet et lui dit « Monsieur, permettez moi de me présenter, je suis le commandant Aage, prince de Danemark, fils, petit-fils et arrière petit-fils de roi et chef de bataillon à la Légion Etrangère et je n’en fais pas tout un plat » Légionnaires bâtisseurs, routes ponts et tunnels sont à leur actif, il existe au centre du Maroc sur la route qui conduit au Tafilalet le tunnel du légionnaire, creusé au pic et à la barre à mine. Une plaque porte cette inscription : « la montagne leur barrait la route, l’ordre fut donné de passer quand même, la Légion l’exécuta ». Page 11/14 Puis c’est la guerre du Rif et la réduction de la tache de TAZA avec les 2 ème, 3ème et 4ème étrangers, leurs compagnies montées et un nouveau venu le 1er Régiment Etranger de Cavalerie dénommé par ses hommes le Royal Etranger, Régiment à forte personnalité qui a compté dans ses rangs le sous lieutenant Kreschatisky, général de brigade de l’armée impériale russe. Et pendant ce temps la Légion se bat aussi au proche Orient contre les Druses, ce sont le combats de Mousseifré et Rachaïa en 1925 où s’illustrent entre autres des éléments du 1er REC qui en ramènera son chant de marche intitulé « la colonne ». LES HEURES DOULOUREUSES La légion ne pouvait être absente de l’entrée dans la deuxième guerre mondiale. Outre les 11ème et 12ème Etrangers constitués à partir d’anciens légionnaires mobilisés , on l’a vu un afflux de volontaires sans précédent a conduit à la constitution des 21 ème, 22ème et 23ème Régiments de Marche de Volontaires Etrangers. Tous ces régiments engagés pendant la bataille de France en 1940, verront leurs effectifs décimés ou prisonniers. Parmi ceux-ci la plupart s’évaderont et on les retrouvera quelques années plus tard dans les régiments de Légion de la 1ère Armée Française. Bien entendu la cavalerie Légion n’était pas en reste, le GRD 97 est constitué à partir du 2ème escadron du REC et de l’escadron d’instruction du dépôt commun des Régiments Etrangers de Bel Abbès ; le 2ème REC fournissait quand à lui cadres, officiers et sous-officiers. Le GRD reçoit une mission de sacrifice au sud de Péronne, il subit de front l’assaut des blindés allemands auxquels il ne peut opposer qu’un armement léger. L’EPOPEE DE LA 13ème DEMI-BRIGADE DE LA LEGION ETRANGERE (1940-1945) « Nous étrangers, n’avons qu’une seule façon de prouver à la France notre gratitude pour l’accueil qu’elle nous a réservé : nous faire tuer pour elle. » Colonel Amilakvari mort au champ d’honneur à El-Himeimat en 1942. Page 12/14 La « 13 » pour reprendre le jargon légionnaire a été constituée en février 1940 de deux bataillons de type « montagne ». Le lieutenant-colonel MAGRIN-VERNEREY en prend le commandement et lui donne comme devise « more majorum » (à la manière de nos anciens). Combats en Norvège à Narvik puis rapatriement en Angleterre où les légionnaires ont à choisir : rester et rejoindre ce qui va devenir les FFL ou rentrer en France. Ceux qui à l’appel de Magrin-Vernerey (Monclar) choisissent de continuer la lutte sont envoyés en Erythrée, puis c’est la douloureuse campagne de Syrie où des éléments du 6ème Etranger aux ordres du gouvernement de Vichy sont confrontés à la 13ème DBLE. Dès l’armistice de Saint-Jean d’Acre l’apport d’éléments transfuges du 6ème Etranger permet à la « 13 » de se porter à 3 bataillons. Le 31 août 1940, le colonel AMILAKVARI (prince géorgien) prend le commandement de la 13. Et c’est Bir Hakeim, 1er combat des Français Libres contre l’ennemi. Bir Hakeim sous les ordres du général KOENIG, joue pleinement son rôle et tient tête successivement à la division italienne Ariete et à l’Afrika Corps de Rommel, ce qui permet au général de Gaulle d’envoyer le message suivant à KOENIG : « Général KOENIG, dîtes à vos hommes que toute la France vous regarde et que vous êtes son orgueil. » Mort du colonel AMILAKVARI à EL-HIMEIMAT. Monclar qui fut le chef d’AMILAKVARI a porté sur lui ce jugement : « AMILAKVARI, c’est la Légion. Sa vie militaire, son enthousiasme, ses faits et gestes se confondent avec elle. Chez lui , tout était grand : sa stature, le comportement dans la paix et au feu, l’idéal et cette tension constante, voire un peu douloureuse vers l’héroïsme, qui voulait que toujours il songeât, chose difficile, à se surpasser lui-même. Vers la Victoire de la Lybie à l’Alsace en passant par Radicofani, la 13 incorporée à la ère 1 Armée Française vole de combats victorieux en combats victorieux illustrant cette vocation du mouvement qui semble la caractériser. D’ORAN A L’ARLBERG (1943-1945) L’épopée du Régiment de Marche de la Légion Etrangère et du 1er Régiment Etranger de Cavalerie Débarqués en Provence libérée, les unités foncent jusqu’en Alsace où ils participent sous les ordres du Général de Lattre, à la libération des Vosges et de la Haute Alsace. C’est enfin la libération de l’Alsace et la campagne d’Allemagne-Autriche. La Légion, à la veille de la capitulation de l’Allemagne atteint le Danube. Page 13/14 INDOCHINE 1946-1954 LA LUTTE CONTRE LE VIET-MINH Jamais autant d’unités légionnaires n’avaient été engagées depuis 1831. 4 régiments d’infanterie, 1 régiment de Cavalerie Blindée et ses groupements amphibies, 2 bataillons de parachutistes, des compagnies spécialisées du génie, de transports, d’entretien et de réparation, de bateaux blindés et d’engins fluviaux, de ravitaillement par air. Il est vrai que si l’Algérie était le Foyer de la Légion, l’Indochine était un peu sa patrie d’adoption. Ce n’était évidemment pas la raison de cette profusion d’unités Légion, mais plus subtilement le souci de ne pas envoyer le contingent en Indochine. Les 2ème REI, 13ème DBLE, 3ème REI, 5ème REI, 1er REC, 1er BEP, 2ème BEP se sont couverts de gloire dans un combat sans issue. Deux chefs de corps de la 13 sont morts au combat en Indochine : le lieutenant-colonel Brunet de Sairigné sur la RC4 et le Lieutenant Colonel Gaucher à Dien Bien Phu. Les anecdotes héroïques fourmillent, la Légion a construit et occupé des postes qui étaient des ilots submergés l’un après l’autre par les Viets (Mattéi). L’épisode du train blindé (la Rafale) est parfaitement évocateur des conditions du combat en Indochine. Très vite, la situation impose à la Légion la création d’unités parachutistes : c’est le er 1 BEP crée par le chef de bataillon Segrétain. Celui-ci sera tué dans les calcaires de CocXa près de la frontière chinoise lors de l’évacuation de Cao-Bang. Ces lieux tragiques ont été surnommés le tombeau du 1er BEP. Très vite les légionnaires parachutistes vont devenir indispensables et seront de tous les combats. Le 2ème REP participera au raid sur Lang Son. 1953, l’issue est proche, un vaste camp retranché est crée à Dien Bien Phu, 12 bataillons, des chars , de l’artillerie, un matériel considérable sont amenés depuis Hanoï par avion. La légion est présente en force : elle occupe des points d’appui qui portent des noms de femmes : Isabelle, Claudine, Béatrice, Huguette. Le 1er BEP reformé est en réserve opérationnelle. Mais Dien Bien Phu n’en reste pas moins une cuvette et la fin prévisible est atteinte le 7 mai 1954 : DIEN BIEN PHU EST TOMBE tels sont les gros titres de la presse en France laquelle a assisté indifférente sinon hostile à ce qui se passait en Indochine (train de blessés, munitions). Cruel adieu, il reste alors l’Algérie, il y a trop à dire, je passerais donc très vite car pour la Légion c’est la fin d’un monde. La Légion a vaincu militairement mais !........... Elle quitte son Foyer, son berceau. Avant de quitter Bel Abbès on brûle les drapeaux pris aux Pavillons Noirs , on déménage les tombes sacrées dont celles du Général Rollet et du Prince Aage de Danemark, on démonte le Monument aux morts avec son globe et ses statues en bronze. On traverse la Méditerranée pour s’installer en Métropole. Mais la Légion n’est pas morte, d’autres horizons et d’autres combats vont s’ouvrir pour elle, lui donnant l’occasion de servir avec Honneur et Fidélité. Page 14/14