Dossier Climat Par Alain Vandevoorde des Amis de la Terre Le 5 Janvier 2015 2014, année la plus chaude depuis 1880 ? Accord de réduction Chine – Etats Unis, un air de pipeau Bilan de la COP 20 à Lima Analyse et commentaires 2014, année la plus chaude depuis 1880 ? Selon l’OMM – Organisation Météorologique Mondiale, rattachée à l’ONU –, l’année 2014 pourrait être la plus chaude que nous ayions jamais eu sur terre depuis 1880, et il convient de savoir que les 14 plus chaudes sur 15 se sont produites depuis l’an 2000. Et pourtant nous n’avons pas eu de phénomène El Nino qui agit tel un réchaud puissant. Selon Michel Jarraud, son secrétaire général, ce que nous avons vu en 2014 est cohérent avec ce que nous attendons d'un climat en train de changer. Les émissions ne diminuant pas, elles engagent la planète vers un futur plus incertain et inhospitalier S’agissant de l’Europe, il a été mesuré une température supérieure de 1,2° à la moyenne. Cela est à relier à une température particulièrement élevée des océans1, notamment en hémisphère Nord, et dont l’influence est considérable sur le climat. S’agissant de notre pays, Météo France constate une hausse significative du réchauffement depuis l’an 2000, avec cette année d’importantes perturbations : tempêtes à répétition en février sur le Nord-Ouest, une sécheresse record dans le Nord-Est d'avril à juin, ainsi qu’un nombre record d'épisodes pluvieux intenses accompagnés d'inondations sur les régions méditerranéennes Accord de réduction Chine – Etats Unis, un air de pipeau Courant Novembre, les Etats-Unis ont annoncé la volonté de réduire leurs émissions de CO2 de 26 à 28 % d’ici 2025 par rapport à 2005. Quand aux Chinois, ils s’engagent à ce que leur pic d’émissions maximales soit atteint vers 2030, et que d’ici là la part de leurs énergies renouvelables atteigne 20% Il convient de remarquer que ces deux pays pèsent désormais 40% des émissions mondiales. En retenant 2005, l’année où ils ont eu leurs émissions maximales, les USA entendent encore et toujours refuser de se conformer au cadre des négociations climatiques qui ont adopté 1990 comme année de référence des émissions. Selon l’étude d’un chercheur Britannique, cet accord nous place sur la trajectoire d’un réchauffement de 3,8° C d’ici à la fin du siècle au lieu des 2°C visés. Et comme le déclare Le Monde, cet accord salué dans le monde entier n’est qu’un air de pipeau. Pire, il est la promesse d’un désastre. Voir article du Monde Concernant les USA, il convient de savoir que le nouveau congrès souhaite revenir sur les décisions prises par Obama, et que ce pays est le plus gros exploiteur actuel de gaz de schistes. S’agissant du charbon, les montagnes Appalaches ont été arasées en maints endroits afin de pouvoir l’exploiter à ciel ouvert, et cela afin de fournir les énormes et énergivores data centers (Google, Apple, Facebook ... ) situés près de là. Bilan de la COP 20 à Lima (Décembre 2014) Rappelons l’objet de cette conférence : Les négociations climatiques passées ayant échoué à la conclusion d’un accord mondial de réduction des GES fin 2012 (date de fin du protocole de Kyoto), une feuille de route avait été établie en vue d’établir un tel accord au sommet de Paris (COP 21) qui se tiendra en 2015. Cette conférence de Lima devait donc arrêter les grands principes et la nature de l’accord de Paris, qui engageraient l’ensemble de la communauté internationale et entreraient en applica tion en 2020.. Rappel des avis et exigences du GIEC Lors de son 5è rapport publié en 2013 / 2014, et dont la synthèse finale vient tout juste de sortir, le GIEC insiste de manière forte sur l’urgence de prendre des engagement significatifs de réduction des GES, afin d’arriver à zéro émission en 2050, et cela même avant 2020, sous peine d’aller vers une hausse supérieure à 2° d’ici 21002. Il rappelle également que faute de tels engagements les impacts seront graves, étendus et irréversibles. Pour planter le décor, je citerai deux éléments révélateurs de la tonalité de cette conférence. 2 jugée comme seuil de dangerosité à ne pas dépasser, or Rappelons que plus de 90% du réchauffement supplémentaire arrivant sur terre suite au réchauffement climatique, se retrouve nous sommes sur une trajectoire d’environ 4°. dans les océans, Dossier climat Décembre2014 -1 1 - Les lobbyistes du secteur des énergies fossiles ont droit de cité à cette conférence. Ils ne se sont pas privés de faire pression pour que les accords soient les moins contraires possibles à leurs ambitions. - Comme cela devient hélas habituel, et compte tenu de l’étendue des désaccords, des prolongations de 36h ont eu lieu afin d’arracher un simulacre d’accord, qui ne trompe personne. Point des principales discussions Réduction des émissions : La conférence s’est fixée comme objectif de réduire les émissions mondiales de 40 à 70% d’ici 2050. Faute d’arriver à des engagements fermes et contraignants des pays riches par le passé, l’ONU a proposé que les contributions des états « qui le peuvent »3 seraient volontaires et définies par eux mêmes. Leur annonce prévue d’ici Mars 2015 a été repoussée jusqu’au 31 Octobre, soit 2 mois avant l’ouverture du sommet de Paris, et aucune procédure d’évaluation ou révision n’est prévue. Affrontements sur l’adaptation Les Pays riches souhaitaient limiter leur action à la réduction de leurs propres émissions, et ne pas participer à l’adaptation4, ni au financement de transferts de technologie vers les pays émergents qui leur permettraient de moderniser leurs outils de production et moins émettre de GES. Ce refus par les pays riches de reconnaître leur dette climatique à l’égard du monde (60% des émissions émises depuis l’ère industrielle) est constant et permanent. Aussi, il a fallu un bras de fer important pour que les Pays riches (de l’OCDE) acceptent le principe de « responsabilités communes mais différenciées », et qu’en conséquence l’adaptation ne soit pas un sujet d’importance secondaire. Le fonds vert, cet argent que les pays riches ont du mal à sortir Le fonds vert est l’instrument financier permettant l’adaptation des pays en développement. Son principe a été adopté en 2009 à Copenhague et son objectif est d’arriver progressivement à lever 100 Milliards $ par an d’ici 2020, et dont les 1ères aides pourraient se réaliser mi 2015. Alors que les pays émergents demandaient 20 Milliards en 2014, la conférence de Varsovie de 2013 avait rabaissé la barre à 10 Milliards. Ce n’est que dans les 15 derniers jours avant Lima qu’ont été réunies ces sommes promises, et s’agissant de la France l’ONG Oxfam a demandé qu’elle clarifie sa dotation de 1 Milliard : S’agit-il de dons ou de prêts ? 3 Plus grave, aucune disposition n’a été arrêtée précisant comment arriver à 100 Milliards en 2020 Efforts de réduction d’ici 2020 : Alors que le principe d’un effort de réduction avait été décidé lors de la conférence de Doha en 2012, et malgré l’alerte du GIEC aucune mesure concrète n’a été prise. Il convient de savoir à ce sujet que cet automne l’Union Européenne a décidé de ne pas augmenter son effort d’ici 2020 ( - 20% d’émissions) et de le porter à moins 40% de 2020 à 2030, ce qui est très insuffisant pour rester en dessous des 2°. Analyse et commentaires Le cynisme et les reculs atteignent des sommets Cette conférence de Lima se situe dans la droite ligne des précédentes, et on assiste même à des postures encore plus ignobles et insupportables. Ainsi le fait de dire « pour ceux qui le peuvent » en parlant des pays riches, sous entendant qu’ils n’ont pas les moyens, alors que selon Oxfam le 1% des plus riches de la planète détient 50% des richesses, et que la seule fraude fiscale Européenne est estimée à 1.000 Milliards € par an. S’agissant des engagements, ils ne cessent de reculer. Ainsi l’accord mondial devant succéder au protocole de Kyoto (finissant en 2012) toujours pas conclu. Du coup le maximum d’émissions mondiales souhaité pour 2015 ne se produira au mieux qu’en 2030. Des politiques sous influence des lobbies Alors que les changements climatiques se manifestent dans tous les pays, et s’amplifient au point que les assureurs s’arrachent les cheveux devant l’étendue des dégâts – dont une partie importante de la population mondiale n’est pas couverte-, nos responsables politiques acoquinés avec les lobbies restent plus que jamais sourds et aveugles. S’agissant de l’UE, Miguel Canete nouveau commissaire à l’énergie et au climat, est un « baron » de l’industrie pétrolière Espagnole. Il n’a pas manqué de dire à Lima que les contributions nationales doivent se limiter aux efforts de réduction des émissions, et donc exclure l’adaptation. Du bla bla continuel et insupportable Avant cette conférence de Lima, les médias et spécialistes en communication nous passaient une petite musique guillerette On nous disait que les chefs d’état réunis par l’ONU à New York le 23 Septembre déclaraient avoir été impressionnés par la 1ère marche mondiale pour le climat tenue 2 jours auparavant, et avoir entendu le message : « Fini de faire semblant, on veut de vrais engagements ». Idem, concernant l’accord Sino Américain de réduction des émissions de GES, qualifié d’historique. Et pourtant une analyse critique du déroulement des négociations climatiques Onusiennes, notamment depuis Propos tenus et écrits lors de cette conférence L’adaptation, terme précis, désigne le financement des mesures prises contre les conséquences des changements climatiques Dossier climat Décembre2014 -2 4 l’échec retentissant deCopenhague en 2009, nous montre clairement que nous sommes dans un monde de dupes et d’imposture. D’un côté, on nous endort en parlant de développement durable et de transition énergétique. Et dans le même temps l’inaction dans ces domaines est perpétuelle. Pire, le pied reste appuyé sur l’accélérateur, le toujours plus de croissance et consommation (notamment énergétique) restent le credo. On continue de subventionner les énergies fossiles, et alors que nous ne pouvons plus consommer que le ¼ des réserves fossiles connues aujourd’hui, des pays développent les gaz de schistes et s’apprêtent à exploiter les gisement arctiques – Merci la fonte des glaces. Le refus de discuter des enjeux majeurs. L’urgence de réduire notre empreinte globale sur les écosystèmes, de développer massivement les énergies renouvelables (afin de sortir des énergies fossiles) de sortir de l’agriculture intensive, chimique et industrielle ne sont mêmes pas évoqués. Basta ! Notre mode de vie n’est pas négociable ! En l’absence de mobilisation sociale forte et étendue, le Sommet de Paris sera un échec . Des organisations se battent pour la justice climatique, Une 1ère marche mondiale pour le climat a eu lieu, initiée par Avaaz et 3505, organisation très dynamique qui a mobilisé 400.000 personnes à New York le 21 Septembre. Un mouvement de jeûne pour le climat pratiqué dans 22 Pays se déroule le 1er de chaque mois, qui regroupe des associations environnementales – mais aucune Française-, et religieuses. Allons nous rester les grands absents de ce combat ? N’attendons pas que tout vienne d’en haut, il nous faut construire un mouvement partant du bas, dont les petits ruisseaux feront des fleuves puissants. Parce que nous sommes 1.000 fois plus nombreux que ceux qui décident et nous manipulent, nous avons ce pouvoir d’agir et d’obtenir des résultats, pas immédiats, mais en nous inscrivant dans la durée. Les Amis de la Terre Dunkerquois s’y emploient en tenant mensuellement depuis plus de 2 ans un cercle de bruit que nous souhaitons essaimer. Notre avenir sur terre à tous dépend de notre action, et malheureusement le temps nous est compté, ensuite il sera trop tard. Nous n’avons pas le droit de baisser les bras, nos enfants ne le pardonneront pas. Alain Vandevoorde 350 est une ONG Internationale d’origine Américaine, qui reprenant l’avis de James Hansen, climatologue renommé, estime que nous ne pouvons pas dépasser le seuil de dangerosité fixé à 350 ppm de CO2. Or nous sommes à 400. Dossier climat Décembre2014 -3 5