Sur La Tempête de Shakespeare
« Tu menti »
Ronan Mancec
N'aie pas peur, l'île est pleine de bruits.
De sons, de doux airs, qui donnent du plaisir et ne font pas de mal. Quelquefois mille
instruments vibrants
Bourdonnent à mes oreilles ; et quelquefois des voix
Qui si je me réveille après un long sommeil,
Me font à nouveau dormir, et alors dans mes rêves
Je crois voir les nuages s'ouvrir et dévoiler des richesses
Prêtes à tomber sur moi, si bien qu'en m'éveillant
Je pleure du désir de rêver encore.
William Shakespeare, La Tempête, trad. Jean-Michel Déprats.
On a longtemps considéré La Tempête, jouée pour la première fois en 1611, comme
la dernière pièce de William Shakespeare : et de fait elle a été lue pendant des
siècles comme le testament du dramaturge. Même si le canon shakespearien a été
élargi, les artistes qui s'en emparent aujourd'hui restent attachés à cette lecture de
La Tempête. Dominique Pitoiset a mis en scène la pièce à plusieurs reprises au
cours des dernières années : en 2001, en 2003, en 2006 ; quand il s'en est saisi en
arrivant en Italie en 2001, il a dit qu'elle était la clef de ses questionnements
individuels et de son parcours de metteur en scène expatrié
. La pièce lui parlait à
travers son histoire personnelle, d'homme venu travailler à l'étranger.
L'exil
La Tempête est une pièce où l'on cohabite. Sur une île magique et mystérieuse de
Méditerranée vivent un vieillard, Prospero, et sa fille qui est à peine sortie de
l'enfance, Miranda. Les serviteurs du mage Prospero sont deux êtres à la fois
gémellaires et opposés : Ariel est un esprit de l'air, harmonieux mais invisible aux
mortels, Caliban un être difforme en rébellion contre les mauvais traitements que lui
fait subir son maître. Si Prospero se retrouve ainsi exilé, c'est parce que son frère
Antonio lui a dérobé son duché de Milan par le passé. À l'ouverture de la pièce, la
'In Dominique PITOISET, « Fragments d'une autobiographie théâtrale », entretien avec Andrea
PORCHEDDU, Carnet, n° 1, Théâtre national de Bordeaux en Aquitaine, janvier 2006, p. 9.