qu’il est essentiellement question à travers lui des catégories qui « posent problème », et
spécifiquement des immigrés ou des personnes issues de l’immigration, c’est donc une
catégorie « ethnique »101de division du monde, même sous une apparence neutre. A ce titre,
l’émergence dans l’orbite de la notion de mixité sociale, de la notion parallèle de « politique
de peuplement », qui est elle-même issue de l’histoire de la colonisation algérienne et de la
guerre d’Algérie en dit long. En effet dans ce cadre l’état Français à travers une telle politique
chercherait déjà à définir et à contrôler le relogement des populations, par leur dispersion, sur
des critères d’ethnies à des fins de pacification du territoire, exprimant ainsi une volonté
fantasmée imposant aux populations où elles devaient vivre.
266L’implicite le plus important et le plus central de la notion c’est qu’il permet un « critère
légitime » de traitement spécifique, et donc quelque part un mécanisme de discrimination
légale, légitime et « respectable », au nom du quel il est possible, quand bien même un dossier
de demande répondrait à tous les critères de possibilité d’attribution d’un logement de refuser
cette attribution au nom de ce « principe ». Elle est d’autant plus respectable qu’elle se fait au
nom d’un combat contre le communautarisme et/ou le ghetto, sous des couverts humanistes et
progressistes. En effet on peut constater que dans certaines situations les politiques de mixité
sociale, constitue les éléments de justification des décisions de refus d’accéder à des
demandes de logements, même si par ailleurs toutes les conditions de recevabilité peuvent
être réunies dans les dossiers correspondant. Dès lors la catégorie reproduit cette posture
commune à gauche sous la IIIe République de l’homme politique de bien qui cherche à
émanciper les pauvres pour faire leur bonheur, y compris éventuellement malgré eux.
267De façon articulé à l’aspect précédent, c’est également un discours qui légitime un
« droit » qui est donc un « passe-droit » des institutions à choisir à la place des principaux
intéressés là où ils doivent vivre et habiter. Alors que dans le même temps ce discours
n’explicite jamais au nom de quoi on choisirait pour certains (les pauvres, les ouvriers, les
femmes seules ou les immigrés) et pas pour d’autres (c'est-à-dire pour les riches, les Blancs,
etc.). Ainsi comparativement la mixité sociale ne pose jamais comme un objet légitime
d’action publique les ségrégations auto-construites des populations les plus aisées et leur
replis sur soi dans des quartiers séparés (à l’image des « gated-areas » ou « gated
communities » américains qui éclosent de plus en plus dans l’espace social français).
268Au-delà les politiques de mixité sociale, contribuent paradoxalement à la « gentrification »
des quartiers, en parallèle des effets de la restructuration et de la rénovation de la ville
auxquelles on contribue aujourd’hui, et qu’elles accompagnent. En effet au nom de la mixité
sociale, il s’agit de détruire les espaces et les logements les plus dégradés dans les quartiers
populaires, qui ne seraient pas adaptés à accueillir les classes moyennes, et donc construire
des logements plus attractifs pour celles-ci, mais ce faisant on produit l’effet inverse en
écartant les classes populaires (qui n’ont pas les moyens de vivre dans des espaces résidentiels
dont les loyers augmentent et donc on repousse toujours plus loin des centres villes ou de
certains quartiers résidentiels, les classes populaires, renforçant d’autant plus la ségrégation
mais dans une forme « à la française »102. C’est ce que constate par exemple ATD-Quart
monde de la mixité sociale qui : « est utilisée par les communes détruisant des logements
sociaux et lançant des programmes urbanistiques destinés à séduire les catégories
aisées »103.
269La mixité sociale est ainsi une fausse réponse (une réponse-diversion) aux réels problèmes
socio-économiques de notre société, d’abord causés par les difficultés d’accès à l’emploi
stable d’un nombre toujours plus important de catégories de personnes, et en matière d’emploi