Seuils d’invasion spatiale : de la théorie à la mise en pratique dans les systèmes
de production de plants.
V. Deytieux (1), W. Otten (2) A. Bates (3), C.A. Gilligan (3), D. J. Bailey (4)
(1) INRA - Domaine Expérimental d'Epoisses, 21 110 Breteniere, France
(2) University of Abertay, SIMBIOS, Dundee, DD1 1HG, UK
(3) Department of Plant Sciences, University of Cambridge, Downing Street, Cambridge, CB2
3EA, UK
(4) INRA - Agrocampus Rennes, UMR BiO3P BP 35327 F - 35653 Le Rheu Cedex, France.
La production de légumes de plein champ est un secteur majeur de l’industrie horticole ; elle couvre
246156 ha en France. L’importance de cette production est soulignée par la nouvelle initiative
PicLeg (Production intégrée des cultures légumières). En Angleterre, ce secteur représente
actuellement £690 millions et couvre une surface de 130 000 ha. La production de légumes de plein
champ nécessite habituellement la production de jeunes plants dans des plateaux composés de
cellules dont la taille dépend essentiellement de l’espèce cultivée et de la saison à laquelle les jeunes
plants doivent être transplantés en plein champ. Parmi les problèmes phytosanitaires rencontrés
dans ces systèmes, on note (i) la diffusion invasive des pathogènes du sol et (ii) l’infestation
masquée sans symptôme visibles de maladie. La densité de semis dans les plateaux de production
de plants est une caractéristique importante pour l’épidémiologie de ces maladies telluriques. En
effet, la théorie de la percolation, introduite récemment en épidémiologie pour expliquer la
diffusion des maladies du sol, démontre clairement l’existence d’un lien mécaniste entre la
croissance d’un champignon à partir d’un individu hôte, la densité des hôtes et la capacité de l’agent
pathogène à envahir la population. L’application de cette théorie aux systèmes de production de
plants prédit l’existence d’un seuil de densité en-deçà duquel la diffusion de l’agent pathogène reste
restreinte et au-delà duquel la diffusion est invasive. Ce travail examine la validité de cette théorie
dans le cas de la « fonte des semis » causée par R. solani. Deux expérimentations ont été conduites
afin d’étudier l’effet de la densité de semis sur la diffusion de la maladie (symptômes) et le risque
d’infestation de plantes apparemment saines (test ELISA ou transplantation et incubation des
plantes). Le comportement épidémiologique de R. solani a montré une similitude remarquable avec
les prédictions de la théorie de la percolation. En particulier, un effet seuil a été démontré en
réponse aux changements de densité de semis. Dans le cas des plus grandes densités de semis, la
maladie s’est développée de manière invasive dans toutes les répétitions. Pour les densités
intermédiaires, seuls certains patchs de maladies ont été invasifs tandis que pour les densités les
plus faibles, aucun patch de maladie invasif n’a été observé. Un front d’infestation a été détecté; il
s’étend à une ou deux plantes au-delà du front de maladie, indépendament de la nature invasive ou
non du patch de maladie. Après transplantation des plants en parcelle agricole, ces infestations
masquées auront d’importantes conséquences sur le développement de la maladie et la
contamination du sol. La théorie de la percolation peut donc être adaptée et utilisée pour l’analyse
du risque et la gestion des maladies telluriques dans les systèmes de production de plants.