Dentelles
Un moment d’émerveillement avec les Ritournelles d’Alice Pilastre, détournement
poétique du principe de boîtes à musique. Au lieu des papiers perforés, l’artiste
utilise des rouleaux de textiles, tissus, dentelles, PVC, qui semblent découpés à
même des parures humaines, des vestiges de vêtements.
Cela évoque les bouts de tissu qui se chargent de substitution, deviennent des
doudous entre les doigts des enfants qui les usent machinalement, autant que
méticuleusement, va et vient obsessionnel et apaisant, frottement qui les enveloppe
d’une musique rassurante, ritournelle mécanique.
C’est ce genre de musiques incertaines, répétitives, qui s’ébauchent au passage de
ces tissus dans les petits mécanismes (à remonter le temps).
On pense aussi aux refrains vagues mais entêtants, ritournelles évasives qu’éveillent
les caresses de vêtement avec lesquels nous avons fait particulièrement corps, qui
nous semblent incarner l’enveloppe dans laquelle nous nous sommes sentis bien
dans notre peau. Ces vieux pulls, T-Shirts ou pantalon que l’on use jusqu’à la fibre,
jusqu’à ce qu’apparaissent les perforations qui permettraient d’une extraire la petite
musique textile.
Nostalgique.
Pensons aussi au fétichiste qui aime investir les habits de l’être convoité ou perdu,
écharpe symbolique ou dentelles intimes, combien il aimerait les découper en rubans
réguliers, les enfiler dans les petites machines à manivelle pour les entendre
murmurer, chantonner, libérer l’âme de la personne qui les a portés…
Se construire une chambre musicale personnelle, secrète où entretenir son désir
fétichiste en s’oubliant dans de longs micro récitals, mystérieux, cryptés, s’échappant
des restes d’ADN prisonniers des fibres textiles. Compte tenu de la délicate
complexité de ce qui est enfoui dans ces linges fétiches, le dispositif peut avoir aussi
quelque ressemblance avec une salle de torture, avec ses dispositifs à extraction
barbare des microfibres mélodiques. PH. (Bloggeur inconnu et inspiré).