- d'un côté, le sujet est celui qui est soumis à un pouvoir, tel le "sujet du roi" (sujétion) ou à une
action, tel le "sujet d'un traitement médical" (assujettissement), le terme évoque alors une passivité,
et paraît pouvoir s'échanger assez facilement avec "objet", comme nous venons de le remarquer
- mais, d'un autre côté, il paraît aussi apte à désigner, non plus celui qui subit une action mais, celui
qui soutient activement un processus. Le vocabulaire de la grammaire ne dit-il pas que dans
l'expression "je chante", "je" est le sujet du verbe, donc de l'action "chanter" ?
Pour des raisons sur lesquelles nous reviendrons ultérieurement, c'est ce dernier sens, le moins
exposé à l'ambiguïté, qui a prévalu à l'intérieur du discours philosophique. C'est donc à lui que, sans
totalement ignorer les autres, nous nous attacherons plus particulièrement.
Nous pouvons désormais revenir à notre question en notant ceci : il existe dans la pensée de
l'éducation un courant issu des mouvements qui dès le début du XXe siècle se sont réclamés d'un
projet d'Education Nouvelle, courant qui milite pour une pédagogie active et plus généralement met
en avant l'importance de la "pédagogie", or l'idée que l'enfant est sujet et doit être traité comme tel
est centrale pour ce courant. En réalité, cette même idée paraît largement partagée au sein des
sociétés contemporaines qui se caractérisent par leur reconnaissance de l'importance de l'enfant et
de son statut de "personne".
Il est certes vrai que le courant que je viens d'évoquer ne fait pas l'unanimité et vous avez sans
doute déjà lu des articles dans les journaux qui s'en prenaient au "pédagogisme". Mon intention
n'est pas de prendre position dans ce débat. Je remarque seulement qu'à ma connaissance, les
critiques adressées au pédagogisme au nom de la "défense du Savoir et de l'Ecole Républicaine" ne
paraissent pas (ou seulement rarement) aller jusqu'à une mise en cause directe du principe évoqué
plus haut, comme s'il s'agissait davantage de censurer le mauvais usage d'un tel principe et comme
si ce principe en lui-même était devenu décidément incontournable à l'intérieur de notre culture.
Pause : Lisez les journaux et/ou tentez de repérer dans les lectures que vous avez déjà faites ce qui
peut relever de ce débat.
Platon disait de la philosophie qu'elle commençait avec l'étonnement. Et je crois que cet
étonnement doit être compris comme portant non pas sur ce qui est étonnant d'emblée mais sur ce
qui, précisément, ne paraît guère étonnant mais semble plutôt aller de soi. Si, comme je viens de
l'indiquer, il nous semble si clair que l'enfant soit "sujet", alors cette évidence-même devrait nous
interroger. Les éléments de réflexion que je vous propose n'ont d'autre but que de rendre un peu
plus problématique cette "évidence".