Le renouveau éthique
Société postmoraliste signifie société ayant renoncé à inscrire en lettres
d’or les devoirs suprêmes de l’homme et du citoyen, à déclamer la grandeur du
renoncement à soi-même. Ce n’est nullement dire que les intentions morales
aient dépéri: au vrai, alors même que l’apostolat du devoir est caduc, nous
sommes partout témoins d’une réactualisation du souci éthique, d’une
reviviscence des problématiques et “thérapeutiques” morales. Les grandes
proclamations moralistes s’effacent, l’éthique rebondit, la religion de l’obligation
s’est vidée de sa substance mais plus que jamais, le supplément d’âme est à
l’ordre du jour: “Le XXIe siècle sera éthique ou ne sera pas.”
La sphère traditionnelle de la charité n’est pas seule à bénéficier d’un
regain de vitalité, ce sont maintenant les sphères de l’environnement, des
sciences biomédicales, des media, de l’entreprise qui sont dominées par le
discours et la demande éthiques; partout, le discours des valeurs monte en
première ligne corrélativement à l’épuisement des grands projets politiques et à
la recrudescence des angoisses suscitées par le déchaînement des techniques,
des images et des intérêts. A la limite, plus aucune question n’est traitée en
dehors du référentiel éthique: l’extrême droite marque des points, réactivons les
principes des droits de l’homme; le tiers monde meurt de faim, organisons des
charity-shows et des secours d’urgence; la planète est en danger, déifions la
nature; l’humanité de l’homme est menacée par la techno-science, dotons-nous
d’instances gardiennes de l’éthique; les media pervertissent la démocratie,
revitalisons la déontologie
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du journalisme; le capitalisme développe la
corruption, moralisons le leadership et la pratique des affaires. Moins il y a
d’adhésion à l’esprit du devoir, plus nous aspirons aux régulations
déontologiques; plus l’ego est valorisé, plus s’impose le respect de
l’environnement; plus la “volonté de volonté” technicienne organise le monde,
plus deviennent légitimes les comités de sages, les codes éthiques, les appels
à la responsabilité individuelle. L’époque révolutionnaire est achevée, celle de
la «perestroïka» éthique a pris la relève; les injonctions solennelles au devoir
sont périmées, voici l’heure des hymnes à la responsabilté sans frontière,
écologique, bioéthique, humanitaire, économique, médiatique.
Le principe de responsabilité apparaît comme l’âme même de la culture
postmoraliste. Si les appels à la responsabilité ne peuvent être séparés de la
valorisation de l’idée d’obligation morale, ils ont ceci de caractéristique qu’ils ne
prêchent plus nulle part l’abdication de soi sur l’autel des idéaux supérieurs:
notre éthique de la responsabilité est une éthique “raisonnable”, animée non
par l’impératif d’arrachement à ses fins propres, mais par un effort de
conciliation entre les valeurs et les intérêts, entre le principe des droits de
l’individu et les contraintes de la vie sociale, économique et scientifique. La
visée n’est autre que de contrebalancer l’expansion de la logique individualiste
en légitimant de nouveiles obligations coilectives, en trouvant de justes
compromis entre aujourd’hui et demain, bien-être et sauvegarde de
l’environnement, progrès scientifique et humanisme, droit de la recherche et
droits de l’homme, impératif scientifique et droit de l’animal, liberté de la presse
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Ensemble des règles et des devoirs.
et respect du droit des personnes, efficacité et justice. Ii n’y a nulle part
reconduction de la culture héroïque de l’oubli de soi, la responsabilité
postmoraliste c’est le devoir délesté de la notion de sacrifice. L’éthique de la
responsabilité ne tourne pas le dos aux valeurs individualistes, elle exprime
l’exténuation de la culture du “tout est permis” et simultanément l’exigence de
fixer des limites et des seuils, d’organíser socialement le procès de libre
possession de soi-même qui, livré à lui seul constitue une menace pour la
sécurité, la liberté, la compétitivité de nos sociétés.
En ce sens, c’est à une recomposition de la culture individualiste que
nous assistons: l’idéal d’autonomie individuelle est plus que jamais légitime,
mais en même temps s’imposent la nécessité de contrecarrer la pente
individualiste à s’émanciper de toute obligation collective, la nécessité de
réinscrire l’attention au futur dans des démocraties livrées aux passions et
intérêts du présent pur. Misère du tiers monde, marasme des économies
occidentales et pertes de parts de marché, menaces écologiques, risques des
biotechnologies, surpouvoir du quatrième pouvoir: dans tous les cas, le geste
éthique est ce qui réagit contre les excès du “lachez tout” individualiste,
technologique, capitaliste, médiatique en vue de renforcer l’esprit de
responsabilité, seul capable d’être à la hauteur des défis de l’avenir, qu’ils
soient planétaires, démocratiques ou économiques.
Nous ne croyons plus à aucune utopie historique, à aucune solution
globale, à aucune loi déterministe du progrès, nous avons cessé de lier le
bonheur de l’humanité au développement des sciences et des techniques et le
perfectionnement moral au progrès du savoir. L’éthique de la responsabilité
vient en réponse à la ruine des croyances dans les lois mécanistes ou
dialectiques du devenir historique, elle illustre le retour de “l' acteur humain”
dans la vision du changement collectif, la nouvelle importance accordée à
l’initiative et à l’implication personnelle, la prise de conscience du caractère
indéterminé, créé, ouvert de l’avenir.
LIPOVETSKY, Gilles. Le crépuscule du devoir. Paris: Gallimard, 1992.
Responda às questões abaixo a partir da leitura do texto “Le
renouveau éthique”.
1- O autor do texto, Gilles Lipovetsky, apresenta duas posturas diversas
em relação ao entendimento dos valores da vida em sociedade.
Sintetize essas duas posturas.
2- Qual das duas posições prevalece nas sociedades contemporâneas e
de que forma ganha espaço em diferentes dimensões no mundo
atual?
3- Qual o sentido da responsabilidade no contexto apresentado por
Lipovetsky?
4- Explique o que vem a ser e como ocorre a “recomposition de la
culture individualiste”, segundo os termos do autor, dentro da nova
perspectiva ética.
5- A que pressupostos ou crenças históricas a ética da responsabilidade
vem apresentar resposta?
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